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Récit de la sociabilité et récit de soi : les Mémoires de Mademoiselle de Montpensier

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18 (2017) 80–99
Author: 
Agnès Cousson
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Les Mémoires d’Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpen­sier, dite Mademoiselle[1], sont aux carrefours de la vie aristocratique et mondaine du Grand Siècle. On y retrouve les hauts lieux de la sociabilité du XVIIe siècle, les Tuileries, où elle grandit(« le plus agréable logement du monde et que j’aimais fort, comme un lieu où j’avais demeuré depuis l’âge de huit jours », Mémoires, II, 193–194), le Palais-Royal, Le Louvre, le palais du Luxembourg, Versailles, et, en Province, Blois ou Fontaine­bleau. On compte aussi des lieux à la sociabilité restreinte, Forges, en Seine-Maritime, où Mademoiselle prend les eaux, et ses demeures person­nelles, le château de Saint-Fargeau, dans l’Yonne, où elle se réfugie durant son premier exil (fin 1652–1657), punition du pouvoir pour sa participa­tion à la Fronde, le château d’Eu, en Normandie, et celui de Choisy, dans le Val-de-Marne. Cette pluralité de lieux implique des voyages nombreux, auxquels s’ajoutent des déplacements officiels avec la Cour, en France ou en Europe. Le rang de cette petite-fille d’Henri IV appelle une sociabilité de prestige, faite de personnages royaux et des plus grands noms de l’aristocratie française et étrangère. Citons Mme de Longueville, sa cou­sine germaine, les princes de Condé et de Conti, les favorites du roi Soleil, dont Mme de Montespan, des monarques étrangers (la reine de Suède) des hommes et des femmes familiers des salons Précieux[2]. Les Mémoires met­tent en avant la geste publique, objet des Mémoires aristocratiques contemporains. L’auteur affirme écrire pour elle-même, par plaisir. Elle relate les faits dont elle a été témoin ou dans lesquels elle a été impliquée, suivant un ordre chronologique, dans le refus de concurrencer l’Histoire et de faire œuvre d’écrivain[3]. Les motivations du récit de la vie sociale excè­dent la volonté manifeste de l’auteur de consigner des souvenirs par loisir. Elles induisent le récit intime et l’expression personnelle, favorisée par l’écriture rétrospective des Mémoires, qui invite à la réflexivité, à une époque où la vie privée et l’expression du for intérieur ne sont pas jugées dignes d’intérêt (Lesne, 395). Le moi crée une sociabilité qui l’amène à affirmer son identité propre, à révéler son évolution intérieure, dans un mouvement d’échange fécond. Dans cette vie de cour, où l’étiquette en­traîne une représentation permanente de soi, qui plus est pour un personnage du rang de Mademoiselle, le récit de la sociabilité apparaît aussi comme une stratégie d’écriture, mise à profit par l’auteur pour faire valoir ses valeurs et ses droits. Une distinction entre le moi public et le moi privé semble alors aléatoire dans ce contexte où chacun joue le rôle qu’on attend de lui et qui lui permettra peut-être d’assouvir ses ambitions propres. L’interaction des deux moi sur la scène sociale et dans l’écriture mémorielle est constante. Que retire Mademoiselle du récit de sa sociabi­lité ? Celle-ci influence-t-elle sa personnalité ? Ce sont ces liens entre la narration de la vie publique, souvent confondue avec la vie privée de l’héroïne, l’affirmation de l’identité de l’auteur, et l’épanchement d’un genre vers l’intime, que nous voudrions examiner.

La naissance de Mademoiselle, petite-fille de France légitime sa pré­sence aux plus grandes assemblées : « Je suis propre aux cérémonies : ma personne tient aussi bien sa place en ces occasions [ici le mariage de Louis XIV] que mon nom dans le cérémonial » (Mémoires, III, 479). Elle refuse à ce titre d’aller clandestinement au sacre du roi à Reims, en 1654, alors qu’elle est en exil :

Les personnes comme moi jouent un mauvais person­nage quand, au lieu où elles sont nées et où leur rang est aussi considérable que le mien est à la cour, elles sont en masque ; cela n’est bon qu’au carnaval (Mémoires, II, 320).

Elle accepte de vivre à la cour à la condition d’y être reconnue pour ce qu’elle est, et d’y tenir le rang qui lui appartient. Dans le cas contraire, « L’on se passe aisément de la Cour, quand on connaît n’y être pas selon sa qualité et avec l’éclat que l’on y doit être » (Mémoires, I,174). La vie de Mademoiselle s’organise autour du divertissement, un motif d’écriture des Mémoires, également une voie de formation d’un goût et de la cons­cience princière de celle qui a reçu une éducation relativement sommaire (Garapon, La culture d’une princesse, 17–57). Dès l’enfance, la fille de Gaston d’Orléans goûte aux fêtes de la cour. Son premier ballet, une « danse de pygmées », dit le Ballet des oiseaux, ravit l’assemblée, par la « magnifique parure et l’ajustement de chacun des danseurs », et par l’incident qui survient : un oiseau vole dans la coiffe d’une nièce de Ri­chelieu, provoquant le rire de l’assemblée. Le ballet du roi, commente Mademoiselle, « ne donna pas tant de divertissement » (Mémoires, I, 11). Le ton est lancé, celui de la légèreté. D’emblée, s’affiche la propension de l’héroïne à s’amuser. Autres traits qui se dessinent dès l’enfance, le goût du chant, de la promenade, de l’architecture, sensible dans la description admirative des châteaux, Chambord, par exemple, dont elle apprécie le degré, parce que ce type d’escalier est propice au jeu, permettant à deux personnes de se croiser sans se voir. La prédilection pour l’exercice phy­sique est présente, avouée dans le plaisir à jouer au volant. Le goût de Mademoiselle pour la conversation est également en germe. La fillette quitte volontiers ses jeux pour s’entretenir avec des adultes, quand elle les juge « raisonnables ». On note déjà le plaisir de la comédie et de la chasse. L’adolescencerévèle un caractère rebelle, qu’on retrouvera durant la Fronde. Enfin, le récit des conflits en Europe montre un intérêt précoce pour ce qui touche à la guerre. Les campagnes de Louis XIV seront un sujet de prédilection entre les deux cousins, et Mademoiselle, la destina­taire favorite du roi Soleil pour ce genre de discussion[4]. Adulte, Anne-Marie-Louise d’Orléans goûte tous les loisirs de la cour :théâtre, chasse, danse, ballet, jeux de loterie, foire, bals masqués ou travestis, opéra. Peu de détails pourtant dans les descriptions répétitives des fêtes et des pa­rures. 

Forges et Saint-Fargeau voient naître une sociabilité nouvelle, plus spontanée. Lieu de cure, Forges offre une « vie douce », « différente » de la vie ordinaire, ponctuée par le rythme de prise des eaux : « On se lève à six heures au plus tard ; on va à la fontaine […]. On se promène en les prenant ; il y a beaucoup de monde ; on se parle aux uns, aux autres » (Mémoires, II, 448). Le poids de l’étiquette est moins lourd, facilitant les échanges entre curistes : « C’est le lieu du monde où l’on fait le plus aisé­ment connaissance. […] Il y a toutes sortes de gens […] de tous pays et professions : cette diversité est assez divertissante » (Mémoires, II, 448–449). Cette remarque confirme la facilité d’adaptation de Mademoiselle au milieu qui l’entoure et sa facilité à se distraire[5]. Des détails suggèrent la force de résistance de la protagoniste, qui se promène quatre heures du­rant, quand les autres curistes, fatigués par les eaux, ont besoin de s’asseoir et se relaient pour l’accompagner. La vie retirée dans la cam­pagne deSaint-Fargeau conserve les divertissements du jeu, volant ou billard, et du théâtre. Mademoiselle fait venir des comédiens d’Orléans dans celui qu’elle a fait aménager au château : « J’écoutais la comédie avec plus de plaisir que je n’avais jamais fait. Le théâtre était bien éclairé et bien décoré ; la compagnie à la vérité n’était pas grande, mais il y avait des femmes assez bien faites » (Mémoires II, 250). Le plaisir est plus fort car inventé par Mademoiselle, rendu original par l’exil, quand à la cour, elle ne fait qu’assister aux spectacles. La campagne assouvit son goût pour la chasse, à laquelle elle s’adonne trois fois par semaine, en compagnie de chevaux et de chiens anglais « qui pour l’ordinaire vont trop vite pour des femmes ». Mais, ajoute-t-elle, « Comme le pays est couvert [boisé] cela faisait que je les suivais partout » (Mémoires, II, 297). La chasse, comme les autres divertissements, relève des stratégies de mise en scène de soi. Le détail donné sur les chiens souligne la singularité du personnage, maintes fois rappelée dans les Mémoires. Mademoiselle se distingue ici des autres femmes par son endurance, ailleurs par son élégance ou par son courage.

Saint-Fargeau est la découverte de la possibilité d’une vie heureuse à la campagne, constat rétrospectif amorcé dès le début des Mémoires. Avant cette expérience, il semblait à l’auteur, « que d’être hors de la cour, c’était aux Grands être en pleine solitude (Mémoires, I, 2) ». C’est à Saint-Fargeau que Mademoiselle entame ses Mémoires, interrompus et repris à trois reprises[6]. La découverte du plaisir de l’écriture se double de celui de la lecture et de la généalogie. L’exil n’est pas synonyme de vie sédentaire. Sauf Paris, destination interdite, Mademoiselle voyage, à Blois, à Orléans, à Tours, ou encore à Amboise. Elle se constitue à Saint-Fargeau une cour de renom, composées de personnes qui répondent aux valeurs qu’elle ap­précie chez autrui : art de la conversation, culture, politesse, esprit, et goût du jeu[7]. Citons M. de Matha, de nombreuses Précieuses, parmi lesquelles Mme de Maure, Mlle de Vandy, Mme de Montglat, Mme de Sévigné : « Tout cela faisait une cour fort agréable » : « Nous allions nous promener dans les plus jolies maisons des environs de Saint-Fargeau, où l’on me donnait des collations ; j’en donnais dans de beaux endroits des bois avec mes violons ; enfin on tâchait à se divertir » (Mémoires, II, 357). Le di­vertissement, naturel à la cour, est ici organisé pour maintenir un train de vie princier et pallier le risque de l’ennui suggéré par le verbe « tâcher ». La description de la vie à Saint-Fargeau contribue à démontrer que Ma­demoiselle conserve la vie d’une femme de son rang. La cour de campagne est une reproduction à une échelle réduite des grandes cours parisiennes, dont elle suit les modes, celle du bal masqué par exemple, adopté à Saint-Fargeau en 1656. Le second exil de Mademoiselle, sur ordre de Louis XIV cette fois, en 1662, suite à son refus d’épouser le roi du Portugal, donne lieu à une sociabilité plus solitaire, moins festive, au château d’Eu, où elle conserve une cour importante[8]. Son goût du théâtre diminue au profit du plaisir d’écrire et de diriger les chantiers de rénova­tion de sa maison : « Il vint des comédiens s’offrir ; mais je n’étais plus d’humeur à cela ; je commençais à m’en rebuter. Je lisais ; je travaillais ; les jours d’écrire emportaient du temps ; toutes ces choses le font passer insensiblement » (Mémoires, III, 576). Elle se consacre davantage aux exercices religieux et œuvre à la construction d’un hôpital pour les enfants pauvres du comté. Là encore, les détails de ses activités profitent à l’image donnée de soi, celle d’une princesse heureuse en exil, active et charitable, exempte de tout sentiment de rancune.

Quel que soit le lieu, la sociabilité est essentiellement houleuse, mar­quée à la cour par des querelles liées à l’étiquette, et, dans la vie familiale de Mademoiselle, par des conflits financiers publics répétés avec son père, dès 1655. À Saint-Fargeau, l’animosité des comtesses de Fiesque et de Frontenac à son égard, au profit de Gaston d’Orléans, influe sur la relation de Mademoiselle au divertissement, et sur le sens donné à celui-ci. En 1656, Mademoiselle perd le goût de la comédie et accepte des comédiens médiocres, en guise de réponse à ses détracteurs. La dimension stratégique de la sociabilité et de son récit est clairement exprimée dans les lignes suivantes : « Je crus que quand je témoignerais ne me soucier de rien, cela ferait dépit à ceux qui étaient bien aises de m’inquiéter » (Mémoires, II, 380). Palais des plaisirs, Versailles est aussi celui du chagrin, en 1670, après l’échec du projet du mariage de Mademoiselle avec Lauzun, mésal­liance qui fait l’objet de fortes moqueries[9]. Isolée, abandonnée par ses amis, celle qui aime briller en public préfère la solitude aux fêtes, où elle doit se contraindre pour masquer sa peine, et où elle se rend seulement sur ordre du roi. La fierté d’être regardée cède la place au désir de se cacher, au nom de sa dignité, pour échapper au regard de la cour : « Je demeurai dans une fenêtre, n’étant pas bien aise de donner la comédie à bien des gens qui étaient ravis de me voir en cet état » (Mémoires, IV, 246). Ma­demoiselle goûte alors l’obscurité de la salle de l’opéra, où elle peut pleurer dans le noir sans être vue, apprécie une lumière tournée vers la scène, et qui lui permet d’observer Lauzun sans être remarquée. Si Made­moiselle cherche à s’effacer de la scène publique à ce moment, il n’en va pas de même dans l’écriture. Montrer sa souffrance sert l’image glorieuse de l’héroïne tissée au fil des Mémoires, une intention qui confirme la fonction apologétique allouée au texte et un rapport à l’écriture qui excède la fonction qui lui est assignée, d’écrire seulement pour soi.

Placere, docere, movere,les Mémoires répondent aux enjeux de la rhétorique classique par les modalités langagières et pragmatiques choisies dans le récit de la sociabilité et la représentation de soi[10]. Mademoiselle décrit ses réactions, son chagrin, la maîtrise de soi dont elle fait preuve, son absence de colère ou de rancune, de manière à susciter la compassion du lecteur et le blâme envers ses détracteurs, responsables de la détresse décrite. La description de soi varie ainsi selon les intentions d’auteur dans les divers épisodes racontés. Les détails physiques participent à la mise en scène apologétique de soi. Ils sont un moyen d’exprimer la souffrance et d’influer sur le jugement du lecteur. L’évocation des yeux rougis de larmes de Mademoiselle, après son mariage manqué, ou de son visage défait suite aux injustices de son père, en 1657, contredisent l’affirmation faite ailleurs d’avoir un « visage égal » dans la joie ou la peine. Le diver­tissement, heureux ou imposé, conserve le rôle stratégique qui lui est attribué : servir l’image du moi, répondre à ses détracteurs. Chaque geste est étudié, comme le montre l’indifférence affichée par Mademoiselle à une fête à Vincennes, où elle se rend contre son gré, sur ordre de Louis XIV. Elle craint qu’on n’interprète sa présence comme la marque d’une légèreté de caractère, et qu’on n’assimile son amour à une passade. « L’on se moquerait de moi d’aller du blanc au noir et [l’on] aurait raison de dire qu’en trois jours les choses me passent de la tête ». Elle détruit par antici­pation cette critique potentielle par la manifestation de son détachement : « Je ne prenais plaisir à rien » (IV, 252)[11].La vue, motif essentiel des Mé­moires dans une cour à l’affût du moindre geste et de la moindre parole, confirme la dimension stratégique de la représentation du moi, d’abord en actes, puis dans le récit. Après l’interdiction de son mariage, Mademoi­selle va aux fêtes « par bienséance », pour plaire à Louis XIV. Elle l’accompagne dans ses voyages pour la même raison. Chaque fois, elle lui manifeste sa douleur pour fléchir sa décision : « Ma présence a fait sou­venir de M. de Lauzun. C’est pourquoi je voudrais être toujours devant ses yeux [du roi] » (Mémoires, IV, 367–368). En 1674, elle reste à la cour pour faire libérer Lauzun, qu’on vient d’emprisonner, et elle revendique son absence de plaisir à participer aux fêtes. Durant cette période, se mon­trer en public ne vise plus à montrer un rang dont elle affirme la supériorité avec une fierté autorisée par son nom, mais à témoigner d’un amour dont on se moque, à afficher une constance présentée comme un trait de caractère et une valeur morale. Ces exemples révèlent le sens poli­tique donné au récit de la sociabilité. Les Mémoires offrent une redéfinition de l’exil, non pas subi comme une épreuve, mais transformé en expérience heureuse et enrichissante. Ils sont en ce sens un acte poli­tique. Mademoiselle trouve dans l’écriture mémorielle un moyen de démontrer qu’elle conserve un rang menacé d’oubli par l’éloignement de la cour. Elle insiste à ce titre sur l’accueil prestigieux qu’on lui réserve au cours de ses visites, et sur ses arrivées saluées parfois à coups de canon. Prouver qu’on ne la traite pas « comme une demoiselle exilée », et que l’exil n’a pas entamé son éducation princière ni nui à sa santé morale ou physique, telles sont les intentions démonstratives du discours sur soi. Cette seconde intention est sensible dans les compliments rapportés d’Anne d’Autriche, en 1657, quand Mademoiselle est autorisée à rentrer en cour. La reine ne la trouve « point du tout changée » en six ans, même « mieux », « plus grasse et le teint plus beau » (Mémoires, III, 112–113). Elle reconnaît plus loin que Mademoiselle « dans[e] bien, qu’[elle a] bonne mine », en un mot, résume l’auteur : « que je sentais bien ce que j’étais ». Le lecteur conclut que l’exil n’a en rien entamé l’art de vivre en cour du personnage (Mémoires, III, 124). Par ces menues précisions, Ma­demoiselle affiche publiquement sa victoire contre ceux qui l’ont exilée, et, indirectement, sa force de caractère dans les épreuves. « Montrer qu’on ne s’enn[uie] point hors de Paris »(Mémoires, II, 312), « mander » pour cela la beauté des fêtes organisées en exil, tel est l’objectif des descrip­tions de la vie à Saint-Fargeau, démenti implicite à ceux qui sous-entendent le contraire, réponse indirecte au pouvoir royal, confirmée ora­lement par Mademoiselle à Louis XIV : « On est bien attrapé à la cour, si l’on croit me mortifier ; car je ne m’ennuie pas un moment ». L’écriture poursuit les nouvelles que Mademoiselle fait porter d’elle. L’auteur prend sa revanche face à ses détracteurs, non sans ironie. « Séjourner aux envi­rons de Paris, et [y] être visitée de toute la terre, quand on est exilée, cela est assez agréable ; mais je ne sais si cela l’est autant pour les gens qui nous exilent » (Mémoires, II, 439). Elle note sur le même ton le succès de son retour en cour, en 1664, soulignant l’hypocrisie des rapports curiaux (-« On a tant d’amis quand on revient ») et la faveur dont elle jouit, après des mois d’éloignement. Elle attire la « foule » quand les salons de la reine sont désertés : « Tout venait à moi ». Le sens politique imparti au récit de la sociabilité vaut également pour les conflits financiers qui opposent Ma­demoiselle à son père. LesMémoires tiennent lieu de recueil de pièces de procès par les lettres et autres documents juridiques qu’ils contiennent. En 1657, la fête organisée par Mademoiselle en guise de célébration officielle de son accommodation avec Gaston d’Orléans, est une réponse publique aux médisances des comtesses de Fiesque et de Frontenac :

La seule pensée [qu’elles] en seraient fâchées me ré­jouissait. Pour en donner des marques publiques, j’envoyai quérir des violons et des comédiens à Paris ; je retins force dames à souper avec moi, et nous dansâmes. Ce sont de ces choses à quoi il ne faut pas manquer et qui sont politiques (Mémoires, III, 46).

Les fonctions apologétiques du récit de sociabilité s’accompagnent d’une fonction compensatoire, sensible dans ces lignes écrites à propos des quarante-deux lettres rédigées pour défendre ses droits face à son père : « J’écris ceci avec quelque complaisance pour moi-même, voulant que ceux qui liront les maux que l’on m’a faits et que j’ai soufferts en aient de la compassion » (Mémoires, III, 25). Mademoiselle clame sa « bonté naturelle », récompensée par des trahisons. Les vertus affichées par l’héroïne (droiture, refus de la médisance, sens de l’honneur) s’opposent aux travers moraux d’adversaires dont elle donne à lire les ma­nigances et les trahisons, celles de Mazarin notamment, aux manquements d’un père qui refuse de la marier dignement. Le point de vue personnel est cautionné par le cercle de l’auteur, qui s’interdit la plainte directe, au nom du code moral de sa naissance. Des voix célèbres, Mme de Longueville et Mme de Maure, condamnent l’action de Gaston d’Orléans contre « une aussi grande princesse que Mademoiselle », « la petite-fille de Henri le Grand », périphrases qui soulignent l’intensité de l’affront par le rappel du rang de la protagoniste. L’autre a aussi la charge des compliments relatifs à la morale ou à l’honneur, que la narratrice ne peut s’adresser, quand elle vante sans honte ce qui relève des faits, la beauté de ses parures et l’admiration que sa vue suscite. Les conversations rapportées procèdent à l’apologie directe de soi défendue par la bienséance, au profit d’une mise en avant de la singularité de la personnalité de Mademoiselle[12]. La reine de Suède, qui assiste à un ballet en sa compagnie, loue son indifférence à la fête. L’éloge indique sur le mode de l’implicite que l’exil n’a occa­sionné aucun manque, tandis que l’admiration de la reine appelle celle du lecteur : « Quoi ! [dit la reine] Après avoir été si longtemps sans en voir, vous vous en souciez si peu ! Cela m’étonne bien » (Mémoires, II, 459). Mademoiselle prend à parti le lecteur de son endurance en 1649, après qu’elle a passé une nuit dans une chambre sans fenêtre, à peine chauffée, avec, en guise de lit, un matelas à terre, et, pour compagnie, sa sœur qui l’a empêchée de dormir. « Jugez si j’étais agréablement pour une personne qui avait peu dormi l’autre nuit, et qui avait été malade tout l’hiver de maux de gorge et d’un rhume violent » (Mémoires, I, 199). L’héroïne n’a ni vêtement de rechange ni femme pour la coiffer et l’habiller. La conclu­sion suivante, inattendue, force un étonnement admiratif. La narratrice laisse habilement Gaston d’Orléans (dont elle précise qu’il fait mauvaise chère lors de leur repas commun !) faire son propre éloge : « Je ne laissais pas pour cela d’être gaie, et Monsieur admirait que je ne me plaignais de rien » (ibid.). La précision ajoutée, « Cette fatigue me guérit », renforce l’effet de surprise et corrobore l’image de femme d’exception édifiée par les Mémoires. Le contraste entre la réaction de Mademoiselle et celle de Madame, mécontente de la même situation, confirme le caractère hors du commun de la première, qui ne manque pas de faire valoir sa différence : « Aussi suis-je une créature qui ne m’incommode de rien, et fort au-dessus des bagatelles » (Mémoires, I, 200[13]).

Le récit de la sociabilité participe à l’édification de l’image héroïque du personnage, essentiellement illustrée par le récit de la Fronde, et con­firme, sous un autre aspect, que Mademoiselle est une personne « extraordinaire ». Les Mémoires trouvent leur cohérence interne dans cette mise en scène glorieuse du moi, placé sous le signe de la grandeur morale, présentée comme un trait de « race ». Mademoiselle se distingue par exemple des pratiques de sociabilité habituelles, lors du deuil de Gas­ton d’Orléans, par le choix d’un ameublement gris, contre le noir de rigueur :

C’est le premier  qui ait été fait pour une fille ; car jusqu’alors il n’y avait eu que les femmes qui en eussent eu pour le deuil de leurs maris ; mais comme je voulais porter le deuil le plus régulier et le plus grand qui eût jamais été, je m’avisai de cela. […] Rien n’était si beau, que la pre­mière fois que l’on marcha, de voir tout ce grand équipage de deuil. Cela avait un air fort magnifique et d’une vraie grandeur. On dit que je l’ai assez à toute chose » (Mé­moires, III, 422).

L’épisode suggère une absence de rancune qui profite à l’image du per­sonnage : Mademoiselle répond à l’ingratitude de son père par un comportement exemplaire après sa mort. Le récit des fêtes conduit aussi à un éloge de la famille Bourbon. Parmi les qualités reconnues, l’audace, que Mademoiselle partage avec Monsieur, son cousin Philippe d’Orléans. Elle fait ce commentaire à propos d’un bal masqué où ils se rendent en compagnie, habillés comme des bohémiens : « D’autres que nous n’auraient osé aller si mal vêtus » (Mémoires, III, 335). Autre qualité, soulignée à l’occasion d’un bal chez ce même cousin, la « bonne mine », trait distinctif qui vaut cette fois seulement pour Mademoiselle, et qu’elle reconnaît ailleurs à Louis XIV. Tous sont parés à ce bal, sauf elle : «  J’ai tant de confiance en ma bonne mine, que je crois qu’elle me pare plus que tous les diamants de mille créatures qui ne sont pas faites comme moi » (Mémoires, III, 355). Le double sang des Bourbon qui coule dans ses veines lui confère cette parure naturelle qui rend les autres superflues, malgré le plaisir affiché à porter des bijoux.

La description des châteaux de Mademoiselle participe à la portée po­litique du récit de la sociabilité. Saint-Fargeau, Choisy, Eu, sont, comme les Mémoires, un ouvrage du moi et le lieu de son expression[14], en raison des choix de décoration et des rénovations architecturales dont ils font l’objet sous la direction de leur propriétaire. Jardins, fontaines, canaux, allées d’arbres, potager, degrés et meubles majestueux plaisent à Made­moiselle. Saint-Fargeau est la demeure la plus révélatrice de sa personnalité et de son rang. Le château, en ruines à l’arrivée de l’exilée et d’un abord effrayant, devient « un palais enchanté ». L’appartement de Mademoiselle, espace mi-intime mi-public, composé d’une chambre, d’une garde-robe et d’un petit cabinet orné de tableaux et de miroirs, est une « œuvre » personnelle :

J’étais ravie et croyais avoir fait la plus belle chose du monde. Je montrais mon appartement à tous ceux qui me venaient voir avec autant de complaisance pour mon œuvre qu’aurait pu le faire la reine, ma grand-mère [Marie de Mé­dicis], lorsqu’elle montrait son Luxembourg (Mémoires, II, 284).

L’expression « Mon Saint-Fargeau » témoigne du sentiment d’appropriation progressive de l’habitation opéré par la recréation du lieu. Le château rénové est un reflet du moi, et comme lui, il est destiné à être vu. L’œuvre architecturale partage la fonction démonstrative du récit de la sociabilité de l’exil. Elle est une réponse politique à la punition royale. Il s’agit encore une fois pour Mademoiselle de rappeler qui elle est : « Ce bâtiment [Saint-Fargeau, à la réfection duquel participe Le Vau] m’a donné beaucoup de divertissement, et ceux qui le verront le trouveront assez magnifique et digne de moi » (Mémoires, II, 308). La décoration est à la fois la recréation d’une intimité domestique propre, par le choix des tableaux, et une mise en scène visuelle chargée de revendiquer la presti­gieuse identité de celle qui y vit. Mademoiselle, sur le modèle du château du comte de Béthune, installe dans une antichambre de Saint-Fargeau des portraits qui témoignent de la noblesse de sa lignée et de ses amitiés, fran­çaises ou européennes. Les tableaux prolongent « la culture d’imprégnation » (Garapon, op. cit. 25)[15] dans laquelle Mademoiselle a grandi et, à leur tour, par le rappel de sa position sociale, pallient la me­nace de l’oubli inhérente à l’exil. M. d’Hosier confirme à leur seule vue que la maîtresse des lieux est « de la plus grande et de la plus illustre mai­son du monde » (Mémoires, II, 310). Leur présence a aussi valeur de consolation pour l’exilée, qui se réapproprie par leur intermédiaire un rang bafoué par l’exil et une place dans une famille dont on l’a éloignée. « Pe­tite », la maison de Choisy conserve l’« air de grandeur » qui plaît à sa propriétaire. Des tableaux semblables aux précédents corroborent l’attache de Mademoiselle aux siens (notamment à son grand-père) et à la monar­chie, constitutive de l’identité du moi. Aimer la monarchie, dit-elle, « c’est m’aimer moi-même, puisque celle de France a son origine avec celle de ma maison ; ce qui n’est pas dans toutes les autres » (Mémoires, III, 439). La présence de Louis XIV, devenu roi de France, s’affirme dans le décor, soutenant l’admiration et l’affection que sa cousine lui porte et qu’elle déclare sans ambages : « Le portrait du roi est partout, comme le plus bel ornement qui puisse être en lieu du monde, mais le plus honorable et le plus cher pour moi »(Mémoires, IV, 430). Mademoiselle occupe une place centrale dans la pièce, grâce au tableau qui orne la cheminée, et qui la montre le portrait de son père à la main. La description de cet ensemble donne lieu à une réflexion sur les Guise et les Bourbon, au profit des se­conds, qui « ont un fond de bonté qui leur doit toujours attirer la bénédiction de Dieu » (Mémoires, IV, 433). Modalité d’expression et de défense de soi, le plaisir de la généalogie procuré par les tableaux est aussi un moyen de tromper l’ennui de l’exil. Ce sentiment, que les divertisse­ments pourraient faire oublier, fait l’objet de cet aveu furtif : « Sans tout ce qui m’est venu dans l’esprit de dire sur les tableaux, on se serait fort ennuyé à Choisy et on en aurait trouvé le séjour bien long », reconnaît Mademoiselle (Mémoires, IV, 437).

Placée sous le signe de l’échange, la sociabilité appelle également le moi intime à se dire, au gré des lieux et des rencontres, à affirmer ses va­leurs, souvent identiques à celles du moi public dans cette vie princière, sauf à de brefs moments, comme dans l’exemple précédent[16]. Là encore, les confidences choisies dans le récit servent l’image d’une héroïne placée sous le signe de la grandeur morale et sociale. En même temps, leur pré­sence renforce le rapport personnel entretenu avec l’écriture. La vie « douce et exempte d’ennui » deSaint-Fargeau entraîne ce commentaire sur soi : « Je suis la personne qui m’ennuie le moins, m’occupant toujours, et me divertissant même à rêver. Je ne m’ennuie que quand je suis avec des gens qui ne me plaisent pas, ou que je suis contrainte » (Mémoires, II, 248). Le droit de manger avec la reine, rite de l’étiquette que Mademoi­selle néglige, conduit à l’expression de son esprit d’indépendance et de son intransigeance morale :

J’ai toute ma vie eu de la jalousie de toutes les choses de grandeur et qui distinguent des autres, et avec cela je les ai négligées par un certain esprit de liberté, de hauteur de sentiment, qui me faisait demeurer chez moi sans me sou­cier de rien, voyant que je n’avais besoin de personne (Mémoires, III, 450).

Revendication d’un esprit profondément libre et parole de défi à tous ses détracteurs, ce retour à soi est indissociable des sentiments engendrés par les épreuves et de l’ambition politique qui sous-tend les Mémoires. Le caractère de l’auteur se dévoile, entre libre expression et désir de justifica­tion. En 1661, les compliments du roi et de la reine d’Espagne sur son bon goût entraînent cet aveu spontané du plaisir d’être considérée, plus fort que tout : « La considération en tout temps que l’on a fait de moi a tou­jours prévalu sur le plaisir » (Mémoires, III, 465). Ces propos expliquent le soin avec lequel Mademoiselle recrée sa propre cour durant ses exils et son insistance à en décrire la renommée. La postérité, véritable destina­taire des Mémoires, doit retenir que la petite-fille de Henri IV reste en vue, quels que soient ses lieux de résidence et ses relations avec la cour de France, et qu’elle s’inscrit dans la tradition des femmes fortes, de la my­thologie ou de l’Histoire. Le récit de la sociabilité donne vie au rêve intime qui traverse les Mémoires, celui d’être reine. L’écriture offre ce que la réalité interdit. La fête au Palais-Royal par exemple, en 1646, « une magnifique comédie italienne à machines et en musique, avec un bal », à l’occasion de laquelle on accommode la parure de Mademoiselle pendant trois jours entiers. La description de la salle de bal, amphithéâtre dis­posé en perspective, aboutit à une mise en scène de soi en reine. Après la danse, Mademoiselle s’assoit sur un trône relevé de trois marches, placé au centre de la pièce, dans le fond, entouré de bancs, une disposition spa­tiale qui place le personnage au centre de tous les regards. Mademoiselle siège seule, le roi et le prince de Galles ayant préféré se mettre à ses pieds, posture symbolique qui confirme le statut de reine de celle qui siège. Le moi narrateur exprime sa sérénité, et par là, le sentiment de sa légitimité à régner :

Je ne me sentis point gênée en cette place […]. Tout le monde ne manqua pas de me dire que je n’avais jamais paru moins contrainte que sur ce trône ; et que, comme j’étais de race à l’occuper, lorsque je serais en possession d’un, où j’aurais à demeurer plus longtemps qu’au bal, j’y serais encore avec plus de liberté qu’en celui-là (Mémoires, I, 139).

La parole des autres est une nouvelle fois convoquée, ici en guise d’approbation de la légitimité du désir du moi. Reine plutôt qu’épouse d’un roi (si ce n’est celle du roi Soleil ?), telle est l’ambition suggérée par cette scène. Sans doute lit-on ici une des raisons profondes des refus suc­cessifs de Mademoiselle de se marier, au-delà des motifs officiels allégués (mésalliance, stupidité ou laideur du prétendant, inaptitude à exercer le métier de roi, etc). Reine d’un soir à Paris, Mademoiselle l’est aussi ponctuellement en Province en 1658, dans sa principauté de Dombes :

Je dînai en public pour me montrer à mes sujets. Je re­çus force harangues de toutes les villes et les présents de celle de Trévoux, qui étaient des citrons doux, au lieu de confitures (cela est moins commun et plus agréable) [re­marque qui met une nouvelle fois en avant la singularité du personnage à travers celle des présents qu’on lui offre] et du vin muscat. […] Après mon dîner, le parlement vint me haranguer en robes rouges ; car je n’avais pas voulu qu’ils y vinssent à Lyon de cette sorte, de peur qu’il ne s’y trouvât quelqu’un de la cour chez moi, et que l’on ne me fit la guerre que j’étais bien aise de me voir haranguée comme la reine et que l’on mît un genou en terre devant moi. (Mémoires, III, 340–341).

Si les Mémoires donnent une existence littéraire au rêve, ils en démontrent aussi la légitimité par la mise en avant de la lignée exceptionnelle du per­sonnage, des qualités morales et physiques qui correspondent aux vertus classiques attendues d’un roi (courage, sens de l’honneur, autorité, amour de la justice, piété, capacité de décider en conscience après consultation de conseillers, aptitude à gérer des biens — rare chez une femme à l’époque) et par la convocation de témoins qui font autorité. Citons encore la reine de Suède, qui blâme la conduite de Gaston d’Orléans envers Mademoi­selle au profit d’un éloge appuyé de celle-ci et d’une démonstration de son droit à régner et des avantages que la France en tirerait :

Elle trouva que j’avais grande raison, et lui beaucoup de tort ; […] que je n’étais pas faite pour demeurer à la cam­pagne ; que j’étais née pour être reine, qu’elle souhaitait avec passion que je le fusse de France ; que c’était le bien et l’avantage de l’État ; que j’étais la plus belle et la plus aimable, la plus riche et la plus grande princesse de l’Europe (Mémoires, II, 461).

Unepersonnalité complexe, voire contradictoire, se dessine dans le ré­cit de la sociabilité, corroborant l’affirmation de l’auteur : « Je ne suis point comme les autres personnes de ma condition » (Mémoires, II, 371). Mademoiselle aime les fêtes, marcher en bord de mer ou cavaler à brides abattues, jouer les femmes ordinaires le temps d’un repas où elle déguise son identité[17]. Elle goûte le luxe des palais et les nuits inconfortables dans les carrosses, qui satisfont son goût de l’aventure[18]. Celle qui aime voya­ger déclare aussi: « Je suis de ces gens qui, quand ils sont accoutumés en un lieu, n’en voudraient pas bouger » (Mémoires, II, 277, à propos de Saint-Fargeau). Sa capacité d’adaptation aux circonstances, aux lieux, sa facilité à s’amuser de tout, y compris du spectacle de la guerre, apparais­sent comme des traits constants de son caractère : « Les personnes de mon humeur se divertissent partout » (Mémoires, III, 353). Également son atta­chement indéfectible à la liberté, illustré par sa réponse à Turenne, dont elle rejette la proposition demariage avec le roi du Portugal, « sot et pa­ralytique » :

Il fait bon être Mademoiselle en France avec cinq cents mille livres de rente, faisant honneur à la cour, ne lui rien demander, honorée par ma personne comme par ma qualité. Quand l’on est ainsi, on y demeure. Si l’on s’ennuie à la cour, l’on ira à la campagne, à ses maisons, où l’on a une cour. On y fait bâtir ; on s’y divertit. Enfin quand l’on est maîtresse de ses volontés, l’on est  heureuse : car l’on fait ce que l’on veut » (Mémoires, III, 537).

Ces lignes, qui résument sa vie durant les années d’exil, sont aussi une parole de défi à ses détracteurs. Elles confirment le courage de l’héroïne de la Fronde et la portée politique des Mémoires.

Le récit de la sociabilité se définit comme un récit de représentation, en raison du rang de l’auteur, placée en permanence sous le regard d’autrui, dans une société où le masque règne[19], et aussi en raison de son statut de victime, qui la porte à prendre sa revanche face à celles et ceux qui l’ont trahie ou déçue. Il est un instrument de pouvoir en ce qu’il offre à Mademoiselle un moyen de défendre ses choix et ses valeurs, de contre­carrer les témoignages parfois peu flatteurs de ses contemporains (La Rochefoucauld et Mme de Sévigné évoquent une femme avare, dure, à l’humeur changeante) et d’opposer sa vérité aux lecteurs à venir. Les fonctions apologétiques qui se révèlent au fil des Mémoires relativisent la volonté première d’écrire pour soi, sans intention de « se faire louer. » Mademoiselle retient ce qui sert ses desseins. Illustrations de la vie de la haute aristocratie princière, les divertissements, les conversations rappor­tées et autres scènes publiques sont avant tout des occasions d’une célébration de soi implicite. Mademoiselle elle-même transforme son projet d’auteur à mesure que le temps passe. Elle assigne d’une manière classique un dessein moral à son texte quand elle le reprend, après une interruption de dix-sept ans. Elle écrit toujours pour « s’amuser », mais aussi pour se souvenir de sa jeunesse, « quand [elle] sera vieille ». Elle ajoute ceci :

Pour le parti que j’en veux tirer, c’est pour mépriser de plus en plus le monde et de connaître le peu de sûreté qu’il y a à ses grandeurs, puisqu’étant née avec toute celle que l’on peut avoir et avec tous les avantages que Dieu m’avait donnés, j’ai été si malheureuse toute ma vie et connaître par là qu’il n’y a de vrai repos que lorsque l’on cherche à le servir et que l’on le sert véritablement. Comme je ne le fais pas, je ne suis pas aussi encore heureuse ; je tâche à le de­venir et à prendre avec patience les soucis qu’il m’a donnés jusqu’ici (Mémoires, IV, 84).

On note un détachement des plaisirs mondains, sensible dans les mé­ditations morales avec Mme de Motteville face aux Pyrénées, en 1660[20], et dans les réflexions rétrospectives qui relativisent l’intérêt de la vie de cour au profit d’une existence retirée. L’intention morale existe, mais elle est brève, comme le montre la conclusion du passage : « Toutes ces choses étaient un grand champ pour moraliser, pour peu que l’on y voulût mêler un peu de christianisme » (Mémoires, III, 453).  L’absence de vocation, malgré un infléchissement vers la piété, empêche le retrait du monde au profit du couvent. Mademoiselle n’est pas Mme de Longueville, l’autre Frondeuse de la famille Bourbon, qui choisit de privilégier sa vie spiri­tuelle. L’honneur du monde, auquel Mademoiselle affirme son attachement en 1658, demeure une valeur primordiale : « Quand on n’aurait pas son salut en vue, l’honneur du monde est, à ma fantaisie, une si belle chose, que je ne comprends pas comme on peut le mépriser » (Mémoires, III, 228).

L’image qui l’emporte n’est pas celle de la femme éplorée par un amour impossible et décevant, conté sur un mode romanesque qui suggère que Mademoiselle a lu les romans de Mlle de Scudéry qu’elle critique. Le « moi glorieux » du personnage (Garapon, op. cit., 123), fier de sa lignée et de son pays, domine, œuvre à sa glorification sans effacer « le moi sen­sible », qui s’exprime brièvement, par exemple dans l’évocation de sa naissance, et dans les moment de souffrance. En 1670, Mademoiselle fait l’aveu de ne jamais avoir été heureuse en sa vie. Le mariage, tant de fois rejeté, se dessine comme une voie possible d’accès au bonheur, alors qu’elle est amoureuse pour la première fois, à l’âge de quarante ans : « Je ne sais ce que c’est que d’être heureuse. Si je croyais l’être en me mariant, je me marierais dès demain, tant je suis lasse de n’avoir jamais eu que du chagrin en ma vie » (Mémoires, IV, 104). Cet exemple témoigne de l’expression d’un moi intime dans les Mémoires. Sa présence et les quelques réflexions rétrospectives personnelles font glisser le témoignage vers l’autobiographie, même si le dessein premier du texte n’est pas en­core de raconter sa vie dans le dessein de mieux se connaître, caractéristique du genre qui s’affirmera au fil des siècles suivants. Le récit mémoriel apparaît comme un lieu de recherche et de consignation des va­leurs constitutives du moi, un espace créateur d’identité par la représentation de soi mise en œuvre, et même mise en scène dans l’écriture. L’intention dominante est de témoigner des événements en tant que personnage public (une princesse de sang), de consigner sa vérité pour la postérité. L’expression personnelle reste essentiellement liée au dessein apologétique des Mémoires. Même l’histoire d’amour ne donne pas lieu à l’effusion. Moquée dans le monde, elle profite à l’image de la protagoniste dans le récit[21]. La définition de soi la plus juste est sans doute la suivante, alors que Mademoiselle refuse le nom d’« héroïne » qu’on lui prête lors de la Fronde : « Je suis d’une naissance à ne jamais rien faire que de grandeur et de hauteur en tout ce que je me mêlerai de faire […] ; j’appelle cela suivre mon inclination et suivre mon chemin ; je suis née à n’en pas prendre d’autre » (Mémoires, II, 197). Les Mémoires en sont une brillante illustration.

Université de Bretagne Occidentale

 

 

Ouvrages cités ou consultés 

 

Barthélemy, Édouard (ed). La Galerie des portraits  de S.A.R. Mademoiselle. Recueil des portraits et éloges en vers et en prose des seigneurs et dames les plus illustres de la France, la plupart composés par eux-mêmes, dédiés à S.A.R. Mademoiselle. Paris: Librairie acadé­mique Didier et Ce, 1860.

Beasley, Faith E. Revising Memory. Women’s Fiction and Memoirs in Seventeenth-century France. Rutgers University Press:1990.

———. Salons, History, and the Creation of 17th-Century France. Bur­lington, VT: Ashgate, 2006.

Beugnot, Bernard. Loin du monde et du bruit. Le discours de la retraite au XVIIe siècle. Paris: Hermann, 2015.

Cherbuliez, Juliette. The Place of Exile. Leisure Literature and the Limits of Absolutism. Lewisburg, PA: Bucknell University Press, 2005.

Cousson, Agnès.  « L’Autobiographie au XVIIe siècle. » Dictionnaire de l’autobiographie. F. Simonet-Tenant et P. Lejeune, [dir.] Paris: Champion, 2017, 347-350.

Craveri, Benedetta. L’Âge de la conversation. Paris: NRF, Gallimard, 2001.

Dufour-Maître, Myriam. Les Précieuses, naissance des femmes de lettres en France au XVIIe siècle. Paris: Champion Classiques, 2008.

Fumaroli, Marc. « Les Mémoires du XVIIe siècle au carrefour des genres en prose », XVIIe siècle, n° 94–95, 1971.

 Garapon, Jean. La culture d’une princesse. Écriture et autoportrait dans l’œuvre de la Grande Mademoiselle. Paris: Champion, 2003.

———. « Mademoiselle et l’exil », Papers on French Seventeenth-Century Literature,  n° 41 (1994), 344–355.

La Rochefoucauld. Réflexions ou sentences et maximes morales et réflexions diverses. L. Plazenet (éd.). Paris: Champion Classiques, 2005.

Lesne-Jaffro, Emmanuèle. La Poétique des mémoires : 1650–1685. Paris: Champion, 1996.

 

 Lettres de Mademoiselle de Montpensier, de Mesdames de Motteville et de Montmorency, de Mademoiselle Du Pré et de Madame la marquise de Lambert, accompagnées de notices biographiques et de notes expli­catives.  Paris: L. Collin, 1806.

Lejeune, Philippe. Le Pacte autobiographique. Paris: Le Seuil, 1996.

Montpensier, Anne-Marie Louise d’Orléans. Mémoires de Mademoiselle de Montpensier, collationnés sur le manuscrit autographe, éd. A. Chéruel, Paris: Charpentier, 1858–1859, 4 vol.

———. Lettres de Mademoiselle à Mme de Longueville [1660], dans Mémoires de Mademoiselle de Montpensier. J. Wetstein et G. Smith, [éd.] Tome 7. Amsterdam: 1735.

———. Divers portraits. Imprimés à Caen en l’année M. DC. LIX.

Motteville, Madame de. Mémoires sur Anne d’Autriche et sa cour. Am­sterdam: F. Changnion, 1723. Riaux [éd.], 4 vols. Paris: Charpentier,  1911.

 d’Orléans, Marie, duchesse de Nemours. Mémoires. Paris: Le temps retrouvé. Mercure de France, 1990.

Sévigné, Marie du Rabutin-Chantal, Marquise de. Correspondance. R. Duchêne (éd.). Paris: La Pléiade, 1972.

Shapiro, Stephen A. « The Fall of the House of Montpensier and the Rise of Richelieu : Geographical Representation in Mademoiselle de Mont­pensier’s Mémoires. » Intersections: Actes du 35e congrès annuel de la North American Society for Seventeenth-Century French Literature, (éd.) Faith E. Baisley et Katharine Wine, 229–236. Tübingen: G. Narr, 2005.

 


[1]  Mademoiselle (1627–1693) est la fille aînée du premier mariage de Gaston d’Orléans avec Marie de Bourbon. Voir son autoportrait, dans la Galerie des portraits de S.A.R. Mademoiselle, qui confirme le portrait de soi donné dans les Mémoires.

[2]Mademoiselle fréquente de nombreuses Précieuses, mais elle se moque des manières affectées de certaines d’entre elles et affiche aussi un certain mépris envers celles qui sont issues de la petite aristocratie.

[3]Mademoiselle, selon Faith Beasley, « writes of herself and of historical events. As she never completely resolves the opposition between the two, Montpensier refuses absolute assimilation into either category, preferring her personally constructed space ». D’où le double destinataire des Mémoires : « This dual stance of autobiographer and historian accounts for the complex notion of a reading public inscribed in the Mémoires » : les contemporains et la postérité (Revising Memory, 86).

[4]La répétition du pronom « moi » met en avant la place privilégiée de Mademoiselle au cours de ces conversations. Le roi semble ne parler qu’à sa cousine, ignorant les autres femmes qui les accompagnent dans le carrosse (Mémoires, III, 378). 

[5]Des lieux lui conviennent moins, Blois notamment dont l’air nuit à sa santé robuste.

[6]Selon J. Garapon, les Mémoires sont composés en trois temps. La première partie (1627–1659) est écrite en deux fois, à partir de janvier 1653 à Saint-Fargeau, et pendant toute cette année. Elle couvre les événements jusqu’à l'affaire de juillet 1652 ; ensuite les événements de 1652 à 1659, écrits à Luxembourg vraisemblablement en 1659. La seconde partie, écrite à Eu surtout à partir d'août 1677, relate les années 1659–1676 et la troisième partie, rédigée à Eu, Choisy ou Luxembourg à partir de 1688–1689, porte sur les années 1676–1688.

[7]Mademoiselle apprécie M. d’Epernon, son accueil, sa politesse, la grandeur qui paraît dans sa personne et sa maison, « un air de grand seigneur que personne n’a plus » (Mémoires, III 382). On note la nostalgie d’une certaine forme de sociabilité en 1677, quand elle écrit ces lignes relatives à 1659, et qu’elle vit dans une cour qui se transforme sous le règne de Louis XIV. Mademoiselle avoue sa surprise de voir le roi manger avec ses hôtes, puis s’adapte à cette nouveauté (Mémoires, III, 199).

[8]Le château d’Eu est surtout décrit pour sa situation géographique, en bord de mer, qui autorise de grandes promenades à Mademoiselle.

[9]On  citera la célèbre lettre de Mme de Sévigné à M. de Coulanges, le 15 décembre 1670.

[10]Voir S. Shapiro, qui pose la question de la finalité des Mémoires : « Describe », « argue », « persuade » : « The Mémoires of Mademoiselle de Montpensier do indeed constitute a properly historical, argumentative, and analytic account », « The Fall of the House of Montpensier and the Rise of Richelieu : Geographical Representation in Mademoiselle de Montpensier’s Mémoires », 236.

[11]Le poids du regard public est sensible dans le reproche qu’elle fait à Lauzun, d’être venu au bal « tout crasseux ». Sa tenue laisse croire que Mademoiselle manque de goût et met son honneur en jeu (Mémoires, IV, 253).

[12]Par exemple la peur de Mademoiselle lors d’un spectacle de feux d’artifice sert à rappeler son courage durant la Fronde, par l’intermédiaire de la reine de Suède, surprise de cette réaction (Mémoires II, 460). Colbert est de son côté chargé de souligner l’ingratitude de Lauzun envers Mademoiselle (Mémoires,IV, 496).

[13]Le récit de la petite vérole qu’elle contracte est un autre moyen de se présenter sous un jour d’exception. Son absence d’inquiétude face à cette maladie force l’admiration de son entourage. De manière inattendue, la petite vérole profite à la beauté de Mademoiselle, faisant disparaître sa couperose naturelle. L’auteur ironise avec orgueil sur l’audace d’user d’un tel remède pour avoir le teint beau (Mémoires, I, 235).

[14]Voir l’étude de Juliette Cherbuliez sur les liens entre l’exil, la sociabilité et la production littéraire de Mademoiselle : « If banishment is meant to create a space of exile that is unnamed, unimaginable, uncharted territory, resistance to it is to be found in the act of naming, mapping, and giving social meaning to that space. »  « Through strategies of construction and diversion, Montpensier established a court in exile, for which architecture and writing became two analogous modes of creation », The Place of Exile, 45 et 51. Elle ajoute : « Building is a distractive diversion, a constructive amusement, and a means toward securing and defining territory. Saint-Fargeau is a literal construction of sovereignty. »

[15]Il distingue plusieurs voies de culture : les décors peints, le ballet de cour, les conversations des salons, dont l’hôtel de Rambouillet, qui joue un rôle majeur.

[16]Faith Beasley note ceci sur la portée autobiographique des Mémoires : « The autobiographical content possesses added significance when it is viewed within the general authorial strategy of the Mémoires. In her text, the duchess not only recounts her particular story, but she also subjectively constructs a utopian ‘Portrait de la princesse’ to rival the portrait of her cousin Louis XIV. She goes one step further and portrays herself as a monarch in her own right, thus reinforcing the usurpation she establishes through literary means by placing herself at the center of her history. In Montpensier’s textual translation of her past, she in fact transforms historical reality, and the result is a subversive form of political commentary », Revising Memory, 123–124.

[17]Voir le repas festif chez Mme Bouthillier, lors du départ en exil après la Fronde,Mémoires, II, 209.

[18]En 1674, à l’occasion d’un voyage avec le roi et la reine par exemple. Mademoiselle apprécie sa chambre en terre, dont le plafond est si bas qu’il faut enfoncer le lit dans le sol pour laisser un peu d’espace. L’anecdote vise une fois de plus à mettre en avant la capacité du personnage à s’amuser de tout, quand les autres femmes se plaignent. Mademoiselle affirme dormir là aussi bien qu’à Luxembourg (Mémoires, IV, 366).

[19]Le masque est omniprésent dans le texte. Au bal, il est un travestissement à la mode. Il devient un jeu lors du voyage en exil à Saint-Fargeau. Mademoiselle joue à cacher son identité à plusieurs reprises. Sa rencontre avec le jacobin donne lieu à un portrait de soi indirect par celui qui ne l’a pas reconnue, et dont il fait un vif éloge (Mémoires, II, 211–213).

[20]Les deux femmes relativisent le bonheur de la cour et discutent de « solitude » et de « désert ». Elles évoquent un lieu idyllique où l’amour n’aurait pas sa place (exclusion qui rappelle la conception platonique de l’amour de la préciosité) ni les intrigues de cour. Sur le bonheur de la vie retirée, voir la lettre de Mademoiselle à Mme de Motteville, à Saint-Jean-de-Luz, le 14 mai 1660, qui établit un lien entre le lieu de la conversation (le bord de la mer), la méditation et la rêverie. Selon Bernard Beugnot, on retrouve le goût de la pastorale qui caractérise Saint-Fargeau (Loin du monde et du bruit, 109–110). Le Recueil des portraits de Mademoiselle montre que le goût de la solitude intervient pour juger de la beauté d’une âme, et dans la Galerie des peintures… la rêverie est un signe d’élection de l’esprit (Beugnot, ibid.,175 et 193).

[21]Mademoiselle se distingue des Bourbon par son refus de la « bagatelle ». L’histoire d’amour avec Lauzun se réduit à un récit essentiellement factuel, en raison du refus de l’épanchement de l’auteur. L’influence des romans oriente la représentation de soi en femme amoureuse désespérée, mais on ne trouve pas d’allusion à la première rencontre, ni de scène de baiser ou d’échange d’objets de galanterie. Mademoiselle rapporte sans la commenter la rumeur de son mariage secret avec Lauzun.

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Aménager la distance : le service de plume de Louis de Cormis, seigneur de Beaurecueil

Article Citation: 
18 (2017) 59–79
Author: 
Anne-Sophie Fournier-Plamondon
Article Text: 

Fournier-Plamondon, Printable PDF

 

Le 22 juin 1637, dans une lettre adressée au cardinal de La Valette, Antoine Godeau (1605–1672) écrit ceci :

J’ay appris de mons[ieur] Arnault que vous me faisiez l’honneur de vous souvenir de moy, et d’en parler avec ces tesmoignages ordinaires d’affection, que vous m’avez fait paroistre en tant de rencontres, ce m’est un puissant subjet de me consoler en quittant la France […] (Godeau « Lettre au cardinal de La Valette » 190).

En juin 1636, Godeau, prêtre depuis à peine un mois, est nommé à la tête de l’évêché de Grasse par le cardinal de Richelieu, son protecteur. Lui qui était auteur depuis une dizaine d’années et dont l’esprit avait été remarqué par la marquise de Rambouillet, chez qui on le surnommait le « Nain de la Princesse Julie », vit alors une transformation de sa position sociale. Homme de lettres et homme du monde, il devient homme de Dieu. Ancré dans les milieux parisiens, il s’apprête à quitter la capitale pour aller pren­dre possession de son évêché et résider à la frontière méridionale du royaume de France, en Provence.

La date de son départ de Paris demeure inconnue ; une missive du 31 août 1637 témoigne de sa présence à Marseille (Godeau Lettres 31–35). Pour autant, il existe une trace très complète de l’entrée de Godeau dans son diocèse : une lettre du 1er octobre 1637 relate la fin de son voyage dans le Midi et son arrivée dans la ville de Grasse. L’auteur est Louis de Cormis, marquis de Brégançon, seigneur de Beaurecueil (1611–1699). Ce dernier est présent et mis en scène dans certains endroits de la lettre, mais celle-ci est entièrement consacrée au nouvel évêque de Grasse. On peut diviser le contenu du texte en trois parties distinctes. D’abord, Beaurecueil revient sur ce qu’il a déjà écrit, soit à Mlle Paulet, soit à Claude de Chau­debonne[1]. C’est l’occasion de répéter des faits remarquables accomplis par Godeau ou le bon accueil qu’il a reçu auparavant. Par la suite, la majeure partie de la lettre est consacrée à décrire le voyage du nouvel évêque et à faire la narration de ses actions. La présence des dates et des jours de la semaine montre que l’auteur se livre à un exercice méthodique, afin de transmettre avec précision les déplacements du prélat aux destinataires. Enfin, une dernière partie est consacrée à la description du pays où va vivre Godeau. C’est l’occasion pour Beaurecueil de porter un jugement tant sur la géographie physique qu’humaine. Il s’agit entre autres d’une action de localisation, de l’aménagement d’une distance entre l’individu et le centre — politique, géographique ou social — par l’écriture. Dans le cadre de cet article, il sera question de la façon dont une figure éminem­ment publique, un évêque, négocie ses rapports avec le centre, par la voix d’une tierce personne. Que produit la prise de plume de Beaurecueil sur l’éloignement de Godeau ? Que fait le scripteur dans cette lettre : travaille-t-il pour Godeau ou pour lui-même ? L’étude de cette lettre offre une voie d’accès tant pour appréhender la manière dont le prélat envisage la dis­tance qui le sépare de son milieu d’origine, que pour examiner les rapports de sociabilité dans les cercles littéraires.

I. Une relation de voyage

Issu d’une ancienne famille de la noblesse provençale, Beaurecueil est avocat au Parlement de Provence depuis le 15 juin 1635[2]. Il n’y a pas de documents qui indiquent si Godeau et lui ont cheminé ensemble depuis Paris — Beaurecueil ayant parfois affaire dans la capitale et côtoyant cer­tains milieux dans lesquels le nouvel évêque de Grasse est bien inséré — ou s’ils se sont rejoints plus tard. Du parlementaire provençal, il reste peu de traces. Le Dictionnaire de biographie française de Clésinger et Dal­lières lui attribue une Histoire generale des maisons nobles de Provence en collaboration avec Pierre Hozier (Clésinger et Dallière 662)[3] et il serait également l’auteur d’une Table des familles et personnages illustres de Provence. On retrouve aussi au cabinet des manuscrits de la Bibliothèque Nationale des documents de l’année 1650, encore liés aux affaires proven­çales[4]. La lettre du 1er octobre 1637 est adressée à Angélique Paulet. Fréquentant les cercles de Madame de Clermont et de la marquise de Rambouillet, elle joue un rôle non négligeable dans la publication des écrits et des actions de Godeau[5].

Selon la lettre, Paulet aurait commandé à Beaurecueil de lui faire part du voyage de Godeau jusqu’à son évêché[6]. Le but avoué de l’auteur est donc de rendre compte de l’arrivée du nouvel évêque de Grasse en Pro­vence et de son installation dans son diocèse. Plus loin, il souligne l’existence d’autres lettres — au moins une de sa main et probablement une de Godeau[7] — écrites auparavant. Il consacre quelques lignes à rappeler à Paulet ce que son dernier message contenait, ce qui met en lumière le rôle de Beaurecueil comme rapporteur des actions et du voyage de Godeau. Si Angélique Paulet est clairement identifiée comme destina­taire de la lettre, il importe de prendre en compte qu’elle a été copiée dans les recueils Conrart[8]. Selon Nicolas Schapira, ils forment un corpus desti­nés à satisfaire l’appétit textuel de leur créateur et celui de ses amis. Instruments d’action pour des opérations de publication, les manuscrits de Valentin Conrart ont pour fonction de conserver et de diffuser ; ils ont été utiles à la circulation des écrits de ses contemporains (Schapira Un profes­sionnel des lettres 428). La présence de la lettre de Beaurecueil dans les recueils Conrart livre des indices sur ses lecteurs potentiels, qui dépassent largement la destinataire officielle. De plus, il ne faut pas négliger l’importance d’une probable publication orale d’une partie ou de la totalité de la lettre par Paulet[9], que ce soit chez Mme de Clermont ou chez la mar­quise de Rambouillet, deux cercles dans lesquels elle est bien intégrée et où évolue le nouveau prélat.

S’il s’agit d’une commande, tel qu’énoncé dans les premières lignes, cette lettre est également une relation de voyage, pour reprendre les mots de Beaurecueil. Ce type d’écrits connaît une grande popularité au XVIIe siècle ; selon le dictionnaire de Richelet, il y aurait plus de 1100 relations de voyage publiées en français au cours du siècle[10]. La relation a pour sujet un voyage à l’étranger ou dans des régions françaises lointaines, avec des observations sur les pratiques et les croyances ; elle contient à la fois la narration du voyage et la description de ce qui est vu et entendu. Sous la plume de Beaurecueil, on découvre une Provence plutôt convenue. Ce dernier situe Godeau dans un lieu rempli d’antithèses, où l’effroi et le charme s’entremêlent :

je vous diray que ce Paÿs est le plus incommode, le plus beau du monde ; le plus agréable, et le plus insupportable ; on n’y peut faire deux pas sans trouver un rocher d’un côté, et un myrthe de l’autre, une pierre et un oranger, une des­cente ou une montée, un grenadier. Les forêts sont de myrthes, et d’une sorte d’arbre plus beau que le laurier, qui porte un fruit plus beau que la Fraise ; et cependant il n’y a rien de si laid. De la Galerie de la maison Épiscopale, la veuë vole d’un côté sur cent mille orangers et citronniers, et se va noyer à quatre lieuës de France dans la mer, dont on voit 30 lieuës d’étenduë ; et est choquée de l’autre à cent pas de la ville par un rocher inaccessible, qui n’a que des broüillas au sommet (Beaurecueil « Lettre du 1er octobre 1637 » 1075).

Des arbres fruitiers et des rochers infertiles, la mer et un horizon hérissé de montagnes infranchissables. L’évêque de Grasse est décrit dans un envi­ronnement peuplé de topoï sur la Provence, que lui-même va reprendre tout au long de sa vie lorsqu’il s’adresse à son réseau parisien[11]. Ces repré­sentations de Beaurecueil et de Godeau ne sont pas non plus éloignées de celles contenues dans d’autres productions textuelles de la même époque. Ainsi, dans l’Astrée, les paysages méditerranéens sont présents, parfois délectables, mais surtout épouvantables[12]. Bien que postérieure à la lettre de Beaurecueil, la plus célèbre description de la Provence est sans doute celle du Grand Cyrus de Madeleine de Scudéry, où le paysage évoqué s’apparente à celui de la lettre adressée à Paulet[13]. L’emploi par Beaure­cueil de stéréotypes et d’images convenues témoigne de son souci de décrire une Provence familière, telle que se la représentent les destina­taires de la lettre et des actions de Godeau. Il ne s’agit pas nécessairement de dépeindre avec exactitude le pays où le nouveau prélat habite, mais bien de le camper dans un décor que le public va reconnaître.

De la même manière, il traite des Grassois en termes péjoratifs, leurs discours livrant de grands assauts à sa stupidité[14] et leur conversation étant de piètre qualité[15]. Ces commentaires sur les Provençaux sont largement publiés par Godeau lui-même, dans les premières années de son éloigne­ment de Paris. On en retrouve des traces dans plusieurs lettres, où il parle à Richelieu de l’humeur fâcheuse des peuples[16] ou alors de la barbarie qui l’environne[17]. Ces passages semblent être le reflet des perceptions qu’avaient les élites parisiennes des Provençaux dans la première moitié du XVIIe siècle : des hommes et des femmes rustres, à l’écart de la civili­sation[18]. À cette époque, l’opposition entre Paris et les provinces s’accentue dans les discours, le provincial étant présenté comme un être inférieur, sans puissance et sans raffinement. On assiste à une rigidifica­tion de la dynamique Paris/Provinces, la capitale étant de plus en plus considérée comme le seul lieu légitime de l’exercice du pouvoir[19]. Toute­fois, comme le souligne Déborah Blocker, cette opposition entre le centre et ses marges ne doit pas être prise pour une réalité objective, mais plutôt comme une relation élaborée et diffusée par les acteurs sociaux. En com­prenant cette lettre qui dénigre les Provençaux depuis son lieu d’énonciation, soit Beaurecueil, un noble provençal qui prend la parole pour Godeau, un parisien nouvellement promu évêque provençal, on peut y voir l’adhésion de Beaurecueil et la permanence de l’adhésion de Go­deau au lieu de la centralité. Tous deux souhaitent être perçus comme participant à la culture du centre[20], et non comme des acteurs agissant dans la périphérie.

En inscrivant son texte dans la catégorie des relations de voyage, Beaurecueil effectue une opération particulière. D’une part, la relation de voyage implique un départ qui n’est pas définitif ; le voyageur part à la découverte de nouveaux pays, de nouvelles régions et revient à son lieu d’origine les raconter. Or, dans le cas de Godeau, il va s’établir en Pro­vence et doit, selon les canons du Concile de Trente, y résider, de manière permanente[21]. Il n’est donc pas, stricto sensu, en voyage. D’autre part, il s’agit d’une littérarisation d’un événement politico-religieux. En effet, la prise de possession d’un diocèse est un geste public, où l’évêque vient recevoir des pouvoirs spirituels et représenter l’Église, après avoir été nommé par le roi. Dans la lettre, ce geste perd de sa résonance politique et symbolique, pour faire place au pittoresque : les coutumes locales, le tem­pérament des habitants, la joie et la peur du peuple. De plus, la missive est copiée dans les recueils Conrart, ce qui peut être un signe d’une reconnais­sance de son caractère littéraire (Schapira « Le poète » 147). Ainsi, Beaurecueil déploie autour de Godeau un décor stéréotypé, répondant certainement à l’idée que les destinataires de sa lettre se font de la Pro­vence, et il littérarise un événement porteur d’enjeux de pouvoir, afin de séduire son public lettré et mondain. Cela a pour effet de réduire, en quelque sorte, la distance séparant désormais l’évêque de Grasse de son réseau parisien et de diffuser les attaches de Godeau avec le lieu du pou­voir central. Le choix de se représenter dans un espace local — un diocèse — pour un public du centre — les espaces de sociabilités mondains et littéraires parisiens —, témoigne de l’importance de ce centre, pour les acteurs en périphérie qui cherchent à y conserver leur puissance d’action.

II. L’entrée épiscopale

La lettre de Beaurecueil accorde une large place à la description du bon accueil qui est réservé à Godeau lors de son voyage en Provence ; en effet, dans chacun des lieux où il se rend, Godeau est invité, visité ou ac­clamé. Cet accueil est fait par trois groupes : les élites locales, les ecclésiastiques et le peuple. Beaurecueil est attentif à montrer comment les nobles provençaux et les édiles locaux témoignent du respect au nouveau prélat. Ainsi, il est visité par le comte et la comtesse de Carcès, il fait bonne chère chez le juge de Lorgues et le gouverneur de Provence — Nicolas de l’Hôpital, maréchal de Vitry — lui fait « des civilitez incroyables » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1071). Les consuls grassois viennent le chercher à Cannes, à son retour des îles Ste-Marguerite et St-Honorat. À Grasse même, le comman­deur Henri de Villeneuve-Thorenc, un noble de la région et le frère de Scipion de Villeneuve-Thorenc, le prédécesseur de Godeau, vient le voir[22]. Dans cette lettre, Godeau est présenté comme étant accepté par les élites politiques provençales, alors qu’il est un élément exogène, un évêque ori­ginaire des milieux parisiens imposé par le pouvoir central[23]. De plus, il n’est pas issu de la noblesse ; il provient d’une famille bourgeoise et il a été avocat avant de recevoir son ordination. À l’époque, on croit encore que l’évêque doit gouverner son diocèse, et que les fils de nobles sont plus aptes à le faire, par leur naissance (Bergin « The Counter-Reformation » 53). Les travaux de Bergin ont effectivement mis en évidence la diminu­tion du nombre d’évêques nobles, ainsi que les origines sociales plus diversifiées des prélats (Bergin « The Counter-Reformation » 56 ; Church, Society and Religious change 160). Il n’en demeure pas moins que Go­deau doit se faire accepter par les élites locales, en raison de ses origines géographiques et sociales.

L’accueil des ecclésiastiques provençaux est tout aussi positif selon Beaurecueil. Pierre de Camelin, originaire de Sainte-Maxime en Provence et évêque de Fréjus depuis quelques semaines, régale Godeau, qui de­meure tout le jour chez lui ; les principaux ecclésiastiques de son église viennent le rencontrer à Cannes pour l’accompagner à Grasse. C’est toute­fois l’abbaye de Saint-Honorat qui offre une hospitalité des plus chaleureuses à Godeau :

M. de Grasse dit sa messe en ce St lieu, et fut convié à déjeûner par l’Abbé[24], qui dans une chambre jonchée de roses d’Espagne, de Jasmin d’Espagne, et de fleurs d’Oranges, fit couvrir la table d’une vingtaine de sorte de poissons inconnus, ornez de fleurs d’Orange et nous fit bai­gner dans l’eau de fleur d’Orange (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1073)

Cette description n’est pas anodine, puisque les îles de Lérins font partie du diocèse de Grasse, mais l’abbaye ne dépend pas de l’autorité de l’évêque. Beaurecueil représente cet accueil des ecclésiastiques afin de publier la reconnaissance des qualités épiscopales de Godeau. En effet, Godeau a été nommé très rapidement après son ordination à la tête de l’évêché de Grasse. Certaines critiques ont pu être formulées quant à ses capacités à accomplir sa charge ; de plus, il est important de noter que les précédents évêques de Grasse étaient issus des grandes familles de la ré­gion. La publication de cette reconnaissance de son nouveau statut permet de diffuser une image de Godeau qui est immédiatement intégré par ses confrères du sud de la France, sa légitimité en tant qu’évêque en Pro­vence[25] n’étant pas remise en cause.

Enfin, Beaurecueil décrit à plusieurs reprises la joie des habitants à l’arrivée du nouveau prélat. À Cannes « le bruit des cris de joye fit cesser celuy des tambours d’onze compagnies qui y sont en garnison » (Beaure­cueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1071) et il est accueilli aux abords de la ville de Grasse par une armée d’enfants hurlant son nom ainsi que celui du roi[26]. Dans toute la région — et pas unique­ment dans son diocèse — Godeau est célébré[27]. De fait, il est également question des acclamations publiques qu’il a reçues à Aix[28]. Il semble que le nouvel évêque de Grasse a été attendu par les intellectuels locaux, comme en témoignent des lettres de Peiresc[29]. Pour ce qui est du peuple, s’il est effrayé par la métamorphose de Beaurecueil en magistrat[30], c’est surtout la joie que l’auteur veut montrer. Ainsi, il écrit que cela lui était une consolation sensible « de voir la joye peinte sur le visage des Habi­tans, qui estoyent entassez les uns sur les autres, pour voir leur Évêque, et qui estoyent douze mille, ou dans une ruë, ou dans l’Église. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1074). Dans une Pro­vence de convention, Beaurecueil a planté des habitants représentés comme une masse au visage peint, une masse spectatrice des événements ; le peuple immobile et entassé qui regarde son évêque prendre le pouvoir spirituel de son diocèse. Beaurecueil montre ici comment les diocésains acceptent Godeau comme évêque et reconnaissent sa puissance.

Pour montrer aux destinataires de la lettre, à Paris, le pouvoir de Go­deau en Provence et dans son diocèse, il fallait un public. Beaurecueil a choisi de mobiliser toutes les strates de la population — le peuple, les hommes d’Église, la noblesse de robe et la noblesse d’épée — qui recon­naissent les qualités épiscopales de Godeau, ainsi que son pouvoir. Il reproduit sur papier l’entrée solennelle de l’évêque de Grasse en Provence et dans sa cité épiscopale[31]. Ce geste codifié d’entrer dans un espace — une ville, une province — permet au prélat de tisser des liens avec la communauté et représente une prise de possession[32]. Beaurecueil a mis en scène la reconnaissance de l’autorité de Godeau en Provence pour un pu­blic parisien, participant aux milieux du pouvoir. Il affiche ainsi l’adhésion — la sienne et celle de Godeau — aux lieux de puissance centraux. Il ne s’agit pas de représenter l’effet désiré — la reconnaissance du pouvoir de Godeau — comme étant accompli pour favoriser cette reconnaissance chez les Provençaux, puisqu’ils ne sont pas les destinataires de cet écrit[33]. Il s’agit de faire croire à Paris que Godeau est reconnu et accepté comme évêque de Grasse. La construction de sa position épiscopale et provençale semble uniquement à l’usage de sa relation avec le pouvoir central pari­sien.

III. Bonus pastor

D’autres éléments de la lettre de Beaurecueil servent à la construction de la position épiscopale de Godeau. En effet, l’écrit s’ouvre sur le récit de la guérison miraculeuse d’une boiteuse par l’évêque de Grasse. Il s’agit d’un passage intéressant, car plusieurs mécanismes de publication sont présentés de manière assez limpide. Ainsi, Beaurecueil aurait déjà raconté cet événement à un membre de sa famille, Chaudebonne, mais il le raconte à nouveau à Paulet, car « La répétition de ces particularitez n’est jamais ennuyeuse » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1069). D’une part, on comprend que la destinatrice a déjà eu écho de ce miracle, puisqu’il insiste sur le fait que la guérison est réelle et non imaginaire. D’autre part, Beaurecueil prend la peine de la répéter, car l’histoire est plaisante — et non pas ennuyeuse — donnant ainsi l’exemple de ce que Paulet doit elle-même faire du récit : le répéter, le publier, car il est divertissant et véridique[34]. En effet, Beaurecueil appuie son récit sur deux éléments censés le rendre incontestable. D’abord, la confession de la femme, qui la diffuse partout, et Beaurecueil lui-même, qui est un publi­cateur actif de la guérison en transmettant ce qu’il a vu et entendu. Ensuite, sa guérison, visible par tous. Or cette guérison n’est pas visible pour ceux à qui il s’adresse ; il mobilise donc le peuple. Dans le cas pré­sent, le peuple, loin d’être une masse spectatrice et immobile au visage peint, est un acteur, un publicateur de la probité et de la piété de Godeau[35]. En effet, ce sont ces deux qualités que la vieille femme impotente a recon­nues dans le jeune prélat, deux qualités essentielles à un bon évêque, qui correspondent à l’idéal épiscopal. Quels échos ce miracle rencontre-t-il à Paris ? Une lettre de Jean Chapelain évoque l’événement en décembre 1637[36] et en août 1638[37], mais rien de plus.

Beaurecueil insère d’autres éléments dans sa lettre afin de renforcer la légitimité du nouvel évêque de Grasse, en faisant correspondre des dates marquantes de la vie de Godeau avec des moments importants de l’histoire immédiate de la Provence et de son évêché :

J’oubliois à vous dire qu’on a remarqué que le jour de l’entrée de M. de Grasse en son Évêché, fut celuy du départ de M. de Vitry de ce paÿs ; et il croit estre entré à Grasse un pareil jour qu’il nâquit (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1076).

En associant l’arrivée de Godeau dans son diocèse et le départ du gouver­neur de Provence, Nicolas de l’Hospital, maréchal de Vitry, Beaurecueil effectue un lien indirect entre les deux événements. Selon des témoignages de l’époque, Vitry n’était pas apprécié des Provençaux. Pitton décrit le gouverneur comme un homme qui ne respecte pas l’autorité du Parlement et qui fait montre d’injustice (Pitton 399)[38] ; dans ses mémoires, Charles de Grimaldi affirme qu’il est d’une humeur un peu violente (Grimaldi 30)[39] ; Sourdis le dépeint comme irascible et brutal (Sue 190) ; Dou­blet, quant à lui, souligne que Vitry est réputé très dur avec les Provençaux (Doublet 57). Même si la relation entre l’entrée et la sortie des deux hommes n’est pas expliquée, il n’en demeure pas moins que l’effet visé est de créer une légende autour du nouveau prélat[40]. L’ajout d’une autre date, celle de sa naissance, qui correspondrait avec celle de son entrée dans la ville de Grasse, est encore plus explicite[41]. En effet, même si Godeau est évêque depuis plus d’un an, son arrivée à Grasse signifie son entrée offi­cielle dans sa charge. La naissance physique de Godeau correspond en quelque sorte à sa naissance épiscopale, contribuant à légitimer sa position dans l’Église.

Enfin, l’adresse de Godeau est mise en lumière, soulignant encore une fois le bien-fondé de sa nomination comme évêque. Lors de sa rencontre avec le maréchal de Vitry, celui-ci commence à lui parler d’un conflit l’opposant à Henri d’Escoubleau Sourdis, l’archevêque de Bordeaux. De fait, Vitry est dans une situation critique, depuis qu’il s’en est pris physi­quement à l’archevêque de Bordeaux, dans les premiers jours de décembre 1636. Son geste a notamment retardé l’attaque contre les Espagnols pour la reprise des îles de Lérins. Selon Beaurecueil, Godeau a conservé l’honneur de la prélature sans choquer le gouverneur et en esquivant ha­bilement le sujet délicat[42]. Il a mobilisé un exemple illustre, tiré de l’histoire ecclésiastique, mais aussi de l’histoire d’un évêque modèle, saint Ambroise de Milan, qui montre la soumission du pouvoir temporel au pouvoir spirituel. Godeau est représenté comme un digne membre de son corps ecclésiastique, maîtrisant les codes de la bienséance tout en faisant respecter l’Église par un individu qui l’avait gravement offensée.

Ces trois éléments — la guérison miraculeuse, les dates phares et l’habileté — contribuent à créer et à publier une légende autour de l’évêque de Grasse, qui n’est pas sans rappeler les vies de saints. De fait, depuis le Moyen-Âge, il existe une littérature qui présente le bonus pastor, sous forme de traités ou par des biographies d’évêques exemplaires ; cette littérature connaît un élan renouvelé au XVIIe siècle (Bergin « The Counter-Reformation » 47 ; Forrestal 171–173)[43]. Beaurecueil construit par sa lettre une image de l’évêque de Grasse en tant que bon pasteur, con­forme à l’idéal épiscopal afin de publier qu’il n’a pas usurpé sa fonction ecclésiastique. En effet, Sylvie Robic a montré dans son travail comment Camus et Godeau ont dû faire face à des critiques du fait qu’ils étaient prêtres et courtisans et que leur formation religieuse aurait été hâtive et superficielle (Robic 23–26). Elle démontre également comment Godeau a cherché, dans son oraison funèbre de Camus en 1653, à défendre la sincé­rité de ses convictions, plaidant ainsi sa propre cause (supra 27). Le récit de Beaurecueil participe à une opération de légitimation de la position de Godeau auprès d’un public parisien, en diffusant la sincérité de sa voca­tion et en le produisant en modèle épiscopal.

La lecture de cette lettre de Louis de Beaurecueil à Angélique Paulet permet d’appréhender la manière dont Godeau aménage son éloignement de Paris. Si le retrait du monde du prélat n’est pas mentionné, contraire­ment à d’autres productions textuelles émanant de lui ou d’un tiers, elle participe néanmoins à la construction d’une position d’homme retiré du monde. Le retrait est ici géographique, car elle établit la position épisco­pale et provençale de Godeau. La construction de sa position épiscopale passe par une opération de légitimation, afin de montrer que le nouvel évêque n’a pas usurpé sa charge ecclésiastique, qu’il a les compétences et les qualités nécessaires pour gouverner un diocèse. Enfin, la lettre campe le Nain de Julie dans son nouvel environnement, le diocèse de Grasse et la Provence.

IV. Double action

Il est nécessaire de noter d’où vient le récit : il n’est pas de la main de Godeau, c’est un tiers qui prend la parole à sa place. L’écrit en lui-même ne livre pas d’indices sur ses conditions de production ; ce n’est pas possible de savoir avec certitude quelle part l’acteur principal — Godeau — a prise dans la création du texte. On peut toutefois supposer qu’il a dû à tout le moins relire et approuver la lettre avant son envoi, considérant l’importance de son contenu pour sa réputation. Est-ce que prendre lui-même la plume aurait pu nuire à son action ? Est-ce que le fait qu’un autre rapporte ses actions donne du crédit au récit et à la mise en scène ? Puisqu’il s’agit d’une opération de légitimation de la position de Godeau, il est possible que l’évêque de Grasse ait préféré qu’un autre écrive à sa place, afin que le récit ne soit pas mis en doute. Il ne s’agit pas de la seule opération qu’un tiers va mener pour Godeau au début de son épiscopat. Ainsi, en 1637–1638, le Père Hercule écrit de nombreuses lettres à Conrart où le prélat est mis en scène dans ses nouvelles fonctions. Il s’agit d’une pratique courante, de mettre à profit son réseau pour obtenir une faveur ou pour publier une position. En diffusant la représentation de Godeau intégré et accepté par les Provençaux, Beaurecueil expose les effets désirés comme étant accomplis. Toutefois, c’est à Paris que l’on veut représenter Godeau comme accepté et intégré, cette lettre ne connaissant pas de cir­culation — connue — en Provence. Il s’agit d’abord et avant tout d’une mise en scène destinée à un public parisien : ce retrait du monde représenté sert à aménager la distance réelle qui se forme entre lui et les lieux de pouvoir centraux et à diffuser la permanence de son adhésion à ces milieux. Godeau souhaite publier son nouveau statut épiscopal et pro­vençal et maintenir son statut d’homme de lettres parisien.

Faire écrire ou laisser écrire sur soi pour conforter sa position dans les milieux parisiens, soit. Pour autant, on peut aussi considérer cette lettre comme une tentative d’insertion de Beaurecueil dans les milieux lettrés où évolue Godeau. Il s’agirait alors d’un service de plume. Comme il a été mentionné précédemment, cette lettre a été envisagée comme un écrit litté­raire, de par sa position dans les recueils Conrart, mais aussi par sa destinataire. De fait, Angélique Paulet est une figure marquante des mi­lieux lettrés parisiens, même si elle n’écrit pas elle-même, car elle est célébrée par plusieurs auteurs. On peut légitimement poser la question de l’action de la lettre de Beaurecueil : à qui rapporte cet écrit ? En effet, Go­deau n’est pas représenté dans cette lettre comme un homme d’action. L’évêque de Grasse n’a pas de chair, pas de texture ; c’est un personnage désincarné, en surplomb, qui ne parle pas ou alors très peu. De plus, Beau­recueil doit demeurer avec lui pour l’aider dans son installation, notamment dans un procès avec le prévôt de son chapitre. Le lieu où Go­deau s’établit n’est pas non plus présenté sous un angle valorisant, c’est un désert en ce qui a trait à la vie intellectuelle, les gens sont rustres et incivils.

Le magistrat provençal, en prenant la plume, expose à la fois ses com­pétences lettrées et sa capacité d’action politique devant le réseau parisien de Godeau. En mettant par écrit l’arrivée du prélat dans son diocèse, il devient son publicateur. Ce faisant, il accomplit une action qui pourrait lui permettre de s’insérer dans un réseau, le milieu lettré, qui ouvre sur d’autres lieux de pouvoir. En se conformant à ses pratiques, il démontre sa capacité à y tenir sa place[44]. De fait, ce réseau repose principalement sur la compétence de ses membres dans les belles-lettres ; l’épistolier chercherait par la production d’un écrit soigneusement travaillé sur un acteur de ce milieu et par l’utilisation de ses codes, à faire valoir ses aptitudes à mettre sa plume au service des autres agents du réseau. Il semble que cette action d’insertion ait été un échec, car on ne trouve pas de traces de Beaurecueil dans le réseau lettré dans lequel il souhaiterait s’inscrire, ni même de vé­ritables traces de lui à Paris. Toutefois, cet écrit demeure un témoin de l’importance qu’a Godeau dans les milieux lettrés parisiens, puisqu’on se sert potentiellement de lui comme d’un tremplin pour y accéder.

*

La lettre de Beaurecueil à Angélique Paulet met en valeur les compé­tences lettrées de son auteur à partir d’un objet, Godeau. Ce dernier est servi par l’écrit de Beaurecueil, puisqu’il est représenté, mis en scène ; il est au centre de pratiques scripturaires mondaines, ce qui témoigne de son rôle et de sa place dans ces milieux de pouvoir parisiens. Cette lettre ins­crit l’évêque de Grasse dans ses nouveaux univers, la Provence et l’épiscopat. Le portrait brossé par le magistrat est flatteur pour le nouveau prélat, qui incarne l’idéal épiscopal. De plus, il contribue à le retirer de l’espace géographique parisien, en maintenant son adhésion aux lieux de pouvoir de la centralité. Godeau a des intérêts dans cette mise en scène, car elle contribue à aménager l’espace — réel, physique — qui le sépare du réseau dans lequel il évolue à Paris. Ce faisant, Beaurecueil met égale­ment en évidence ses propres compétences d’écriture et ses capacités à participer pleinement au réseau lettré parisien de Godeau.

Le dévoilement des opérations mises en œuvre dans le cas de Godeau conduit à révéler un usage des lettres dans les rapports de pouvoir, soit la littérarisation du politique.Ce qui est marquant, c’est moins l’efficacité du discours que le choix effectué : l’adoption d’un discours littéraire dans des actions politiques et la transformation d’un événement politique en dis­cours littéraire. Pour un individu ayant commencé sa carrière grâce à ses compétences lettrées, celles-ci peuvent être les seules armes dont il dis­pose, ce qui expliquerait cette stratégie. En effet, l’homme de lettres, dans le domaine des représentations, possède l’habileté de produire des écrits et des discours efficaces. Dans ce cas, l’auteur en question a également une charge ecclésiastique, et non la moindre puisqu’il est évêque. Il agit depuis sa position d’homme de lettres, et non épiscopale. Si l’écriture peut donner accès au pouvoir épiscopal, cette position n’est pas une finalité en soi ; les lettres constituent une voie pour se définir et s’affirmer socialement, pour agir, faire agir et faire croire, même en ayant atteint une charge publique très prestigieuse.

Université Laval

 

 

Ouvrages et fonds cités

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[1] Beaurecueil est l’époux de Marie Cadenet de Lamanon, issue elle aussi d’une noble famille provençale et nièce par sa mère de Claude d’Urre du Puy-Saint-Martin seigneur de Chaudebonne (?-1644). Selon Tallemant des Réaux, Chaudebonne serait proche de Vincent Voiture, qu’il aurait introduit chez la marquise de Rambouillet ; il est également au service de Gaston d’Orléans. Dans une lettre de Chapelain du 18 juin 1638, on voit que Chaudebonne a des intérêts pour les affaires de Godeau, puisqu’il fait partie d’un petit cercle qui le conseille : « Nous avons consulté meurement en sa présence [Catherine de Rambouillet], Mlle sa fille, Mr de Chaudebonne, Mr Conrart et moy y estant, s’il estoit à propos que vous vous laissassiés nommé pour cette espèce de député à la Cour dont vous nous parlés […] » (Chapelain 253). Chapelain et Conrart sont les deux personnes de confiance de Godeau, à qui il confie ses affaires ; Julie d’Angennes est également, avec sa mère, consultée, mais moins qu’Angélique Paulet ; toutefois, il s’agit de la seule trace que j’ai de l’action de Chaudebonne comme conseiller auprès de Godeau.

[2] Il sera président à mortier du Parlement de Provence entre 1650 et 1658 et conseiller d’État en mars 1655. Opposé au pouvoir royal en 1658, sa charge sera confisquée. Sur sa participation aux troubles en Provence, voir les mémoires de Charles de Grimaldi édités par Monique Cubells (58 ; 65 ; 76 ; 80 ; 94 ; 123 et 136).

[3] L’ouvrage en question est un amalgame entre imprimé et manuscrit. Attribué à Pierre Hozier, conseiller du roi en ses conseils, généalogiste de sa majesté et juge général des armes et blasons de France, ainsi qu’à son fils, Charles Hozier, il a été imprimé à Aix chez Charles David. La date de 1666 a été ajoutée à la main. L’avertissement est de la main de Charles Hozier, qui présente le projet de son père. À la fin, autour du cul-de-lampe, la page est couverte de notes manuscrites. Il y est écrit que le président de Cormis s’est chargé de le faire imprimer. On retrouve également une brochure de sept pages, publiée en 1666, contenant le même avertissement au lecteur que dans le volume, avec les tables des familles nobles de Provence, mais sans indications ou notes marginales.

[4] Clairambault 426, minutes diplomatiques mars-avril 1650.

[5] Voir la lettre de Chapelain du 29 septembre 1639 : Chapelain assure Godeau que seulement Conrart, Paulet et lui-même auront une copie d’une de ses lettres afin de la faire voir au plus grand nombre de personne (Chapelain 501–502).

[6] « Il est temps que j’obéïsse au commandement que vous m’avez fait de vous envoyer la relation du voyage de Monsieur de Grasse, et de son entrée en son Évéché ; […] » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1069).

[7]Beaurecueil parle du « même jour que nous écrivîmes nos lettres, que vous receûtes par le dernier Courrier […]  ». (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1070). Cela permet de croire d’une part, que Godeau aussi tient son réseau informé de son voyage et, d’autre part, qu’il ne s’agit pas de la première lettre de Beaurecueil à Angélique Paulet pour lui parler du trajet de Godeau en Provence. Je n’ai toutefois pas trouvé de traces de ces autres lettres.

[8] Dès 1624, Valentin Conrart, un cousin d’Antoine Godeau, a commencé à collecter et à copier des écrits de ses contemporains. Ces recueils manuscrits sont composés de 50 volumes de format in-folio et in-quarto. Des écrits divers y sont consignés, parfois sans indication de titre ou d’auteur, mais la copie est soignée et le document est destiné à être montré. On y trouve des lettres autographes et des copies de lettres sur les milieux littéraires au XVIIe siècle, mais aussi des textes sur l’histoire du protestantisme et l’histoire politique du XVIIe siècle (Schapira Un professionnel des lettres).

[9] Sur la lecture à haute voix, voir Roger Chartier, « Loisir et sociabilité : lire à haute voix dans l’Europe moderne », dans Littératures classiques, no12 (janvier 1990), p.127–147.

[10] « Rélation : Livre de voiage qui raconte les particularitez les plus remarquables d’un païs, les mœurs, et les coutumes de ses habitans avec l’histoire naturelle et géographique de la contrée [Il y a plus d’onze cens volumes de rélations, dont la plupart sont assez mal écrites en notre langue […] » (Richelet 287).

[11] Les exemples pourraient être multipliés, tant Godeau s’épanche dans ses écrits sur son environnement physique, qui est tantôt un locus terribilis, tantôt un locus amœnus. Dans une lettre à Jean-Jacques Bouchard du 5 décembre 1637, il écrit qu’il est « confiné parmi des rochers » (Godeau Lettres 19) ; dans une dédicace de 1640 à ses diocésains de Grasse, Godeau fait mention des rochers et des précipices de son évêché, (Godeau Paraphrase sur les épistres canoniques non-paginé) ; dans un poème publié en 1663, l’évêque de Vence dépeint une retraite plutôt agréable : « Nos champs sont échauffez par les tiedes soûpirs/ Que poussent dans leur sein les amoureux Zephirs,/ Et nos verds Orangers, par leurs haleines chaudes,/ Se parent de fruits d’or, de perles, d’émeraudes,/ Les roses tous les mois d’un éclat lumineux/ Couronnent richement leurs buissons épineux :/ Les oiseaux tous les jours sous les sombres feüillages,/ Font redire aux Echos leurs aimables ramages,/ Et nos petits ruisseaux roulant sur des cailloux./ Meslent leur sourd murmure à des concerts si doux » (Godeau « A son desert » 171).

[12] Hylas fait de la Camargue une île délectable et très fertile ; Alcidon décrit la Provence avec de grands et épouvantables rochers ; la mer est menaçante (Rossetto 121–136).

[13] « Cependant plus nous aprochions du rivage, plus le Païs où nous allions nous sembloit agreable : car parmy mille Arbres differens dont le Païsage est semé, on voit à la droite de greffes roches steriles, qui sont paroistre davantage la fertilité des autres endroits. On voit aussi de ce mesme costé, une Montage dont le bas est couvert de grands Pins, et sur le sommet qui est fort droit, est une Tour d’une Structure irreguliere, qui toute antique qu’elle est, donne beaucoup d’ornement à cet endroit du Païsage. De l’autre costé est un Païs plus uny, mais qui ne laisse pas d’estre entremeslé de Colines, de Valons, de Rochers, de Prairies, de Fontaines, et de Ruisseaux, et de faire cent agreables inesgalitez de scituations differentes, qui rendent les Maisons qu’on y a basties tout à fait charmantes. De plus, on y voit une si grande quantité d’Oliviers, de Grenadiers, de Mirthes, et de Lauriers ; et tous les Jardins y sont si pleins d’Orangers, de Jasmins, et de mille autres belles, et agreables choses, que je ne croy pas qu’il y ait un Païs plus aimable que celuy-là, ny où le Soleil donne de plus agreables Printemps ; de plus longs Estez ; de plus riches Automnes ; ny de plus courts Hyvers. Le Ciel y est tousjours si clair ; l’Air y est si pur ; les Fruits y sont si admirables ; […] dans tout cét agreable Terroir, dont la veué est bornée par des Montagnes assez esloignées ; sur le sommet desquelles on voit de la Neige, quoy qu’on n’en voye presques jamais tomber au lieu où nous abordasmes. » (Scudéry 387–388).

[14]« Les Consuls qui arrivèrent peu de temps aprês avec tout ce qu’il y avoit d’honnêtes gens en leur ville, leur imposèrent silence, pour nous faire ouÿr leurs harangues, qui livrèrent le plus fort assaut à ma stupidité, qu’elle eût soutenu jusques alors ; quelque grimace que je fisse, quelque peine que je misse à m’empêcher de rire, je n’en pus venir à bout. Il falut faire éclater le ris, et songer à quelque mauvais prétexte pour couvrir ma foiblesse ; vous verrez quelque jour la copie de ces actions célèbres. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1074). Je n’ai pas trouvé de traces de la copie des harangues que promettait Beaurecueil.

[15]« En fin, si l’on pouvoit voler en ce paŷs, et si l’on se pouvoit passer de conversation, ce seroit le plus beau sejour du Monde. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1075).

[16]À Richelieu, avant même d’avoir vu la Provence, il écrit qu’il « ne compte pour rien l’éloignement, le climat, les humeurs fâcheuses des peuples, la pauvreté » (Godeau Lettres 133). De plus, dans une lettre à Chapelain, Godeau raconte ce que son directeur de conscience lui a conseillé lorsqu’il voulait refuser l’évêché de Grasse. Il lui aurait entre autres parlé de la rudesse des gens avec qui il aurait à vivre (Godeau « Lettre à Jean Chapelain du 9 septembre 1639 » 465–472).

[17]« C’est beaucoup que mon stile ne se sente pas encore de la barbarie, dont je suis voisin ; et qu’ayant commencé une période en françois, je ne la finisse en provençal. » (Godeau Lettres 20) ; Lettre à Balzac du 25 octobre 1642 : « Je souhaitte tous les jours que Balzac fût dans nos plaines, où l’ombre des Orangers lui inspireroit des pensées plus précieuses que tout l’or de leur fruit. Mais ce souhait me regarde principalement puisque je pourrois joüir de vôtre conversation, et m’y sauver de la barbarie qui m’environne. » (supra 346).

[18]La civilisation étant ici entendue comme ce qui participe aux règles de la civilité, des honnêtes hommes — dont font partie Godeau et Beaurecueil. Ainsi, Chapelain n’hésite pas à se moquer des habitants de Provence et de leur ignorance : « Au reste nous avons ri icy de l’ignorance de vos libraires […] » (Chapelain « Lettre à Antoine Godeau du 7 janvier 1638 » 240). Ces traits ressemblent à ceux qui seront fixés par les ingénieurs-géographes de Louis XIV, dans leurs rapports sur les provinces. Ils organisent leurs discours autour de trois thèmes : la soumission à la religion, la politesse des mœurs et la fidélité au monarque. Ils fixent ainsi des stéréotypes déjà bien établis dans la société parisienne, à un moment où le pouvoir central intervient en Provence pour la domestiquer (Éboli 20).

[19]« La province comme lieu idéel où s’assemble et se morfond tout ce qui ne participe ni de la cour ni de la ville, apparaît, dès la première moitié du XVIIe siècle, dans d’innombrables mises en discours — comme si tous ceux qui circulaient (ou aspiraient à circuler) entre ces lieux de distinction et de pouvoir que sont la cour et la ville et leurs provinces respectives avaient éprouvé le besoin de dire leur(s) différence(s). » (Blocker en ligne). Sur la domination culturelle de la capitale sur les provinces, voir notamment Alain Corbin, « Paris-Province », Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, tome 2, Paris, Gallimard, 1997, p.2851–2888. Corbin définit entre autres la province comme une absence de Paris, ce qui la réduit inévitablement à une position marginale, culturellement oubliée.

[20]Le centre est ici entendu comme parisien, puisque c’est là que Godeau a débuté sa carrière. Il est certain que les lieux du centre, même Paris, ne sont pas immobiles. En effet, la cour demeure le lieu du centre, même en se déplaçant en périphérie. Ainsi, ce n’est pas au lieu géographique, mais plutôt symbolique qu’est Paris, que je fais référence.

[21]Durant la sixième session du concile de Trente, le premier décret de réformation concerne la résidence des évêques dans leurs Églises : « De la Résidence des Prélats dans leurs Eglises, sous les peines du Droit ancien, & autres ordonnées de nouveau.  » Décret de réformation, chapitre I, Session VI du Concile de Trente, tenue le 13 janvier 1547. Les évêques doivent donc s’éloigner des pouvoirs centraux, pour incarner à leur tour le pouvoir spirituel et temporel dans leur diocèse. Cette distance qui s’installe n’est pas choisie, elle est imposée par les canons et les devoirs associés à la charge épiscopale. Il y a donc un déplacement du centre — lieu d’où émane l’autorité — vers la périphérie — lieu où s’exerce l’autorité.

[22]« La noblesse du voisinage commence à le visiter, et M. le Commandeur de Thorine, frère du défunt Evêque, le vint voir hier avec beaucoup de franchise, et de civilité ; ses proches luy ont aussi fait compliment. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1076).

[23]Il est intéressant de souligner que la Provence est un lieu qui produit une grande quantité d’ecclésiastiques. Alors qu’un diocèse comme Reims doit aller chercher des clercs dans les diocèses environnants, les régions du Dauphiné, de l’Auvergne et de la Provence produisent un surplus de clercs (Bergin Church 68).

[24]Il s’agit d’Honoré Clary de Pontevès d’Ubraye, qui meurt au début de l’année 1638.

[25]Pourtant, rien ne laisse croire que dans son diocèse, il ait été attendu avec impatience. En effet, les assemblées du chapitre de Grasse ne font mention nulle part de Godeau, de sa nomination ou de son arrivée. Par exemple, le 17 octobre 1636, le clergé du diocèse de Grasse est convoqué par le cabiscol Claude Bernard (vicaire-général et official) à une assemblée au-dessus de la sacristie et on ne parle pas de la nomination de Godeau. Archives départementales des Alpes-Maritimes, G 115, fo 80 et 121. De plus, Doublet note que le 29 mai 1637, le clergé du diocèse de Grasse tient une assemblée où il n’est pas fait mention de Godeau (Doublet 96).

[26]« […] à demy lieuë de laquelle il fut rencontré par un Régiment de petis enfans armez, qui nous rompirent les oreilles de mille heurlades, et qui faisoyent retentir l’air de mille, Vive le Roy, et Monsieur de Grasse. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1074).

[27]Dans le cas de la ville de Cannes, Godeau est non seulement célébré, mais en même temps que le roi. Il y a donc une association entre lui et le centre des pouvoirs politiques, les deux participant au même espace.

[28]« Il me semble que ma dernière lettre nous avoit laissez à Notre Dame de Grasse, et que je vous ay fait savoir les publiques acclamations avec lesquelles on a receu notre bon Evesque à Aix. Les souhaits qu’on y a faits à son occasion, et comme la satisfaction qu’il y a receuë, a égalé nos désirs, et nos espérances. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1070).

[29]« Ce nous est bien de l’honneur que Mr Godeau ayt daigné accepter l’evesché de Grace ; je ne l’avoys pas creu, sçaichant le peu de revenu de la piece, mais le supplement de 2000 livres de pension sur Cahors a rendu l’affaire plus faisable et plus tollerable. », Lettre de Peiresc à Dupuy du 8 juillet 1636 (Peiresc 513). Voir aussi une lettre de Peiresc à Godeau du 28 octobre 1636, où il le remercie d’avoir accepté l’évêché de Grasse malgré son peu de revenus. Bibliothèque Inguimbertine, Carpentras, MS 1873, fo 510.

[30]« Les Officiers du Sénêchal suivoyent aprês le dais, et je me mis avec eux ; le Peuple fut effrayé de voir un Gendarme vétu de gris, métamorphosé en Magistrat, en un instant, et à la tête de leurs Officiers. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1074).

[31]Véronique Julerot a travaillé sur les origines médiévales de la première entrée de l’évêque dans la cité épiscopale, un geste performatif confirmant la possession du bénéfice par le prélat (Julerot 635–675).

[32]C’est une manifestation de l’union entre l’évêque et ses diocésains. Sur les rituels d’entrée, voir Michel De Waele, « "Paris est libre" Entries as Reconciliations : from Charles VII to Charles de Gaulle », French History, volume 23, no4 (2009), pp. 425–445 et Olivier Rouchon, « Rituels publics, souveraineté et identité citadine. Les cérémonies d’entrée en Avignon (XVIe-XVIIe siècles) », Cahiers de la Méditerranée [En ligne], no77 (2008), mis en ligne le 27 novembre 2009. URL : http://cdlm.revues.org/4362.

[33]Je n’ai pas trouvé d’indices permettant de croire que cette lettre ait connu une circulation dans le sud de la France.

[34]Même si quelques lignes plus loin, il proteste de leurs efforts conjugués par lui, Godeau et la comtesse de Bourbon, afin de ne pas ébruiter le miracle, ils n’ont rien pu faire contre la voix du peuple.

[35]En outre, la voix du peuple a porté très loin, à 400 km du lieu de l’événement, qui aurait eu lieu à Bourbon-l’Archambault selon Doublet, et qui se rend jusque dans Avignon et dans Aix (Doublet 92). Beaurecueil montre ainsi comment la renommée de Godeau s’étend tout au long de son chemin depuis Paris, grâce au peuple qui la diffuse.

[36]« J’ay frémi à ce que Mlle Paulet m’a dit du péril que vous aviés couru par l’indiscrétion de vostre mule, et je veux croire [que] de l’avoir eschappé, c’est le second des miracles que Dieu a résolu de faire par vous ou pour vous. » (Chapelain 179).

[37]« Néantmoins vous me dittes sur la fin qu’il faut un miracle pour repousser cette puissance ennemie et commencés là à estre de nostre opinion à bon escient. Mais, pour cela, je n’en désespère pas, puisqu’il n’est question que de faire un miracle, car ce ne seroit pas le premier que vous auriés fait […] » (Chapelain 282).

[38]Il s’agit d’un ouvrage composé à l’origine de deux parties : une histoire laïque, publiée, et une histoire ecclésiastique, demeurée inédite. Cet ouvrage a été publié aux frais de la communauté d’Aix ; Pitton a reçu en remerciement 50 pistoles (Billioud 94).

[39]Le manuscrit original est conservé à la cote mss 798 (RA73) à la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence. Grimaldi a écrit ses mémoires en 1665.

[40]Le terme de légende prenant ici le sens utilisé dans la religion catholique, soit celui de la vie d’un saint. Voir le premier dictionnaire de l’Académie française (1694).

[41]Godeau est entré dans la ville de Grasse le 28 septembre 1637. Selon Doublet, il est né le 24 septembre 1605 et les archives de l’Eure-et-Loire contiennent son acte de baptême, daté du 29 septembre 1605. Sans être tout à fait les mêmes, force est de constater que les dates sont effectivement quasiment identiques. Est-ce que Godeau aurait fait ce choix consciemment ? Cela s’avère impossible à affirmer. Si c’est le cas, cela participe à une stratégie de construction de son image très forte.

[42]« […] d’abord de Vitry luy parla de M. de Bordeaux, mais M. de Grasse se sauva avec tant d’addresse, que sans choquer l’humeur de cet homme, il conserva l’honneur de la Prélature, et luy dit, qu’il l’estimoit trop habile homme, et trop bon Chretien, pour mettre en doute qu’il n’honnorât les Évêques, […] Cela fit couper court le discours. » (Beaurecueil « Lettre à Angélique Paulet du 1er octobre 1637 » 1071).

[43]Avec le concile de Trente, on accorde une grande importance aux évêques, mais sans définir clairement ce qu’on attendait d’eux ; les évêques vont eux-mêmes définir des modèles à suivre, comme Charles Borromée et François de Sales (Bergin «The Counter-Reformation 46 ; Bergin « L’Europe des évêques » 511). Sur l’usage des vies exemplaires, voir Éric Suire, « Des usages des livres hagiographiques sous l’Ancien Régime », Revue française d’histoire du livre, no133 (2012), p.87–104.

[44]À ce propos, voir le cas du Père Hercule examiné par Nicolas Schapira (« Le poète »).

Site Sections (SE17): 

The Counterfeit Refusal: Models, Copies and Mme de Thémines’ Letter in La Princesse de Clèves

Article Citation: 
18 (2017) 45–58
Author: 
Diane Kelley
Article Text: 

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… et sa vie, qui fut assez courte,
laissa des exemples de vertu inimitables
.
Lafayette, La Princesse de Clèves

 

Inimitable.  The last word of Lafayette’s classic La Princesse de Clèves calls attention to her use of the literary rhetoric of imitation com­mon in seventeenth-century France. From Renaissance works based on the rhetoric of example, to the reproduction on the French stage of ancient Greek theater, to academies and prizes dedicated to emulation — the re­writing of another’s works, better — the hermeneutics of imitation animated early modern French literary creation.  Lafayette’s novel is no exception.  From its beginning, La Princesse de Clèves is riddled with words, actions and metaphors having to do with modeling, duplication, copying, repeti­tion, and mirroring. The text opens with a description of a litany of characters at the court of Henri II, each one a parangon of perfection as if its members are merely interchangable copies of one another: “Jamais cour n’a eu tant de belles personnes et d’hommes admirablement bien faits; et il semblait que la nature eût pris plaisir à placer ce qu’elle donne de plus beau dans les plus grandes princesses et dans les plus grands princes” (Lafayette 130).[1] At the court, selfhood is a reductive notion.  Yet, Lafayette distinguishes two characters from the crowd:  Nemours and Mlle de Chartres, the future Princesse de Clèves.  By the novel’s end, it is the Princesse alone who is labeled as “inimitable.”

The very use of this term calls into question the value of copying ver­sus originality in the novel. The tension evoked by the Princesse’s novelty became evident almost immediately upon publication of the work in 1678 when her unprecedented actions caused a virulent debate led by Valin­cour’s Lettres à la marquise de *** sur “La princesse de Clèves.” Valincour denounces incredible passages in the book such as, most nota­bly, her incomprehensible refusal of Nemours. For Valincour, the Princesse’s choices are incongruous since they do not follow any previous model.[2]   His consternation may in part be explained by John Lyons’ loca­tion of Lafayette’s novel at the end of a literary trajectory that values the role of exempla, or the replication of provided models:  “Over the century and a half from Machiavelli’s work to Lafayette’s, example declined as a source of knowledge and as a means of persuasion” (Exemplum 238).[3]  Contrarily, Joan DeJean labels Lafayette’s work as the first “modern” novel and the Princesse herself first on a spectrum of heroines who act on their own volition, underscoring the importance of individuality.[4]  La Prin­cesse de Clèves marks a crux in the evolution from imitation toward originality in French literary history.

Within Lafayette’s novel, however, models are indeed provided to the Princesse for her to follow. The four intercalated stories told to the Prin­cesse are meant to guide her actions. These stories, all told to her by other characters, are learning moments for her — exemplary texts of how to or not to act in society.[5]  And ultimately, she rejects three of the models of­fered (Diane de Poitiers, Anne de Boulen and Mme de Tournon), all of which demonstrate learned talents of deception, manipulation, deceit and adultery, in favor of an exaggerated virtue. 

I contend, however, that a closer reading of the last of the four inter­calated stories, that of Mme de Thémines’ letter, leads to a textual explanation of the Princesse’s final rejection of Nemours well within the accepted discourse of modeling and imitability. In fact, the rhetoric of imitation applied to the letter itself, its replication and the words included in it reveal multiple forms of narrative modeling for the Princesse’s ulti­mate decision. Surprisingly, this letter is “unexplored” by critics, as Hodgson points out, despite its structural prominence (56).[6]  The story of Mme de Thémines’ letter takes up approximately one third of the printed text; it is located at the very center of the book, straddling parts two and three of the four-part novel; it is the only letter of any import in the novel, and is given in full.[7] Mme de Thémines’ letter divides the novel in two and the development of the Princesse’s character in half.  At first the Prin­cesse functions passively as an object, unable to control her speech and movement at court.  In this regard, Mme de Thémines’ letter functions as a structural double of the Princesse.  Her entry into and departure from the court mirrors that of the letter.  But in the refusal, the Princesse replicates the content of Mme de Thémines’ letter, in words and in action.  The Prin­cesse has accepted Mme de Thémines as a palatable model, but ultimately, it is one that she is unable to emulate.  This article examines the porous boundaries between models and copies, between exempla and counterfeits, as it argues the importance of the only letter in Lafayette’s novel, a letter authored by Mme de Thémines and forged by the Princesse.

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At the very center of the novel, the actual text of the letter written by Mme de Thémines and sent to the vidame de Chartres is often printed in italics, as it was in the original edition.  Its jarring inclusion, both visually and narratively, is compounded by the length and complexity of its story.

At a dinner party following a tennis match, the vidame boasts of having inspired delicate and passionate emotions in a woman, and brags that he has the letter to prove it.  However, he discovers that it is no longer in his pocket.  This letter, which bears no addressee nor signature, had fallen out in the dressing room, was found, read aloud, and led to a debate about which of the four tennis players had lost it. Chastelart, who believes it fell out of Nemours’ pocket, brings it to the dauphine who had been amo­rously linked to Nemours.  Because she is in company, she gives it to the Princesse with instructions to see if she recognizes the handwriting and to return it to her that evening.  The Princesse, believing it to be addressed to Nemours, retreats and reads it many times, spending a bitter, tearful, jeal­ous night believing that Nemours loves someone other than her.

In the meantime, the vidame is in a panic.  The queen has demanded his fidelity and this letter is damning evidence of his unfaithfulness. The vidame wants Nemours to claim that the letter is his.  Knowing that Nemours has a love interest and might be loathe to risk his status with her if it is publicly assumed the letter is addressed to him, the vidame provides evidence of the identity of the author and recipient to Nemours: another letter from one Mme d’Amboise that asks for the return of Mme de Thémines’ letter to her.

Nemours guesses correctly that the dauphine would have spoken to the Princesse about the letter, so he goes to the Princesse’s house at a very early hour to assuage any suspicions that she might have that the letter belonged to him.  The Princesse’s husband introduces Nemours into her bedroom and leaves him there alone with her.  Nemours succeeds in con­vincing the Princesse that the letter is not his, and that together they need to help the vidame.  She returns the letter to Nemours, who takes it to the vidame, who gives it to Mme d’Amboise who returns it to Mme de Thémines.

Later that morning, when the dauphine asks the Princesse for the letter since the queen has requested to see it, the dauphine is aghast that the Princesse no longer has it.  The dauphine tells her to reproduce its content from memory.  The Princesse and Nemours then spend several guilty hours, in the presence of her husband, joyfully flirting and ultimately pro­ducing a very bad copy of the letter in the Princesse’s falsified handwriting.  This forgery is provided to the dauphine who gives it to the queen, who does not believe it is the original, and the vidame “fût ruiné auprès d’elle.” Additionally, the queen believes the dauphine is implicated and “elle la persécuta jusqu’à ce qu’elle l’eût fait sortir de France” (235).  

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The similiarities between the Princesse’s presence at court and the circulation of the letter written by Mme de Thémines make one a struc­tural double of the other. Both the Princesse and the letter share a sudden entry into an already existing narrative. The book begins with a long in­troduction of the major characters at the court of Henri II.  Then, suddenly, Mlle de Chartres enters the text and the court: “Il parut alors une beauté à la Cour…” (136). The letter, too, makes an unanticipated entry into an already existing narrative.  In the middle of the novel, the king is about to enter into a jousting match when “Chastelart s’approcha de la Reine Dau­phine et lui dit que le hazard lui venait de mettre entre les mains une lettre de galanterie” (206–07). Lacking perhaps the dramatic turn of phrase “[i]l parut alors” that marks the introduction of Mlle de Chartres, the letter makes an abrupt entry nonetheless. 

Mlle de Chartres and the missive written by Mme de Thémines also both originate from anonymous sources. The day after her arrival, Mlle de Chartres goes alone to a jeweler’s shop where M. de Clèves is shocked to see her, a young woman shopping unaccompanied and obviously of a high social status, but unknown to him: “il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu’il ne connaissait point” (my emphasis, 1388). He inquires and “il fut bien surpris quand il sut qu’onne la connaissait point” (my emphasis, 138). The next day, he goes to a gathering hosted by the king’s sister and describes “son aventure” but “Madame lui dit qu’il n’y avait point de personne comme celle qu’il dépeignait et que, s’il y en avait quelqu’une, elle serait connue de tout le monde” (my emphasis, 139). In the closed world of the court, identity is based on being known there, and despite her wealthy appearance the young woman’s name is unknown; she is anonymous. The letter, too, arrives at court from an unknown origin.  Even when it is read aloud by Chastelart, no mention is made of the author or addressee. Just as no one knows from whence Mlle de Chartres hails when she enters the court, no one knows who authored the letter that has suddenly appeared. 

The Princesse and the letter both pass from hand to hand before alto­gether leaving the external narratives into which they had been injected. Like an object such as the letter, the Princesse often does not have control over the movement of her own body. After her arrival at the court, her mother arranges a loveless marriage to the Prince de Clèves. At the ball to celebrate the marriage of the king’s sister and the duc de Lorraine, the king pushes her into the arms of the duc de Nemours: “le Roi lui cria de prendre celui qui arrivait” (153). M. de Clèves refuses his wife’s requests to leave the court, remain at their country estate and avoid courtly com­merce, most of which has to do with the interchangability of lovers. It is to avoid this objectification that the Princesse willfully returns to a life re­moved from the court. The letter, too, passes from hand to hand, before, as Masson demonstrates, it returns like a boomerang from whence it came -  the countryside (34). Mme de Thémines’ letter and the Princesse both enter a preexisting narrative and complete a circuit before being jettisoned away from court. The Princesse, then, rather than replicating the actions of a person like Diane de Poitiers, Anne de Boulen or Mme de Tournon, is at least initially the structural double of an inanimate object in the text, passive and unable to act on her own.

 The turning point in the text and the moment after which the Prin­cess works to take control of her actions occurs just after she has spent a woeful night reading and re-reading Mme de Thémines’ letter. She sud­denly experiences an epiphany: “elle revint comme d’un songe” and “elle ne se reconnaissait plus elle-même” (235–236).[8] She realizes that her jeal­ousy caused by Nemours’ presumed infidelity make her like all the other women at court. She has “tombée comme d’autres femmes,” just as her mother had feared.  She has become a mere copy. 

In addition to the emotion of jealousy, this “mal…insupportable” (213), that results from her passion for Nemours, the other emotion she has experienced that makes her common is that of extreme pleasure. She recognizes that in re-writing the letter with Nemours, she has acted in con­cert with him, and this act of reproduction has given her a “joie pure” (158) that closely resembles the sexual act.[9] A close reading of Lafa­yette’s text reveals suggestive vocabulary that invites this interpretation: 

Ils s’enfermèrent pour y travailler […]  Elle ne sentait que le plaisir de voir M. de Nemours, et elle en avait une joie pure et sans mélange qu’elle n’avait jamais sentie :  cette joie lui donnait une liberté et un enjouement dans l’esprit que M. de Nemours ne lui avait jamais vus et qui redoublaient son amour. Comme il n’avait point eu encore de si agréables moments, sa vivacité en était  augmen­tée ; et quand Mme de Clèves voulut commencer à se souvenir de la lettre et à l’écrire, ce prince, au lieu de lui aider sérieusement, ne faisait que l’interrompre et lui dire des choses plaisantes. Mme de Clèves entra dans le même esprit de gaieté […] M. de Nemours était bien aise de faire durer un temps qui lui était si agréable et oubliait les in­térêts de son ami. Mme de Clèves ne s’ennuyait pas et oubliait aussi les intérêts de son oncle. (Lafayette 158–9, my emphasis)

Muratore sees this experience as leading to the concretization of the Prin­cesse’s desire to maintain her originality: 

This intimate forgery (an act of aesthetic transgression), committed within the secured confines of the princess’s bedroom, constitutes the climax of what to this point is an innocent and gazed-based relationship. After the epistolary transgression, even the princess considers her behavior akin to marital infidelity. […] The move from aesthetic appreci­ation to active plagiarism, from harmless gaze to illicit forgery, articulates the novel’s most cogent and consistent metatextual point:  the explicit condemnation of the mi­metic enterprise. (254)

Thus far, when the Princesse acts she makes forays into the culture of du­plication, copying and replication that negate her extraordinary self-image. 

 The product of this metaphorical illicit love affair is a badly written forgery that does not resemble its original. The letter written in the Prin­cesse’s hand is a malformed progeny that reinforces the Princesse’s inability to conform to the code of court duplicity. She permits Nemours to help bastardize the letter’s content, and in so doing he removes the power of Mme de Thémines’ words of rejection, neutralizing them as he molds the Princesse into what he wants her to be — one of the many women “dont la gloire n’eût été flattée de le voir attaché à elle” (132).  Together they produce an unrecognizable offspring, a reject that is ex­cluded from circulation. Despite her failure to (re)produce Mme de Thémines’ words on paper, by rewriting the letter, the Princesse actively works to deceive and manipulate, but she fails. The Princesse herself has become a “bad copy” — a forgery like that of the letter — of typical duplic­itous court women, authored by herself and her own actions. 

The metaphorical reading of the trajectory of the letter as object and its reproduction reveals that neither the letter nor the Princesse fit in at court nor are convincing. Others assign meaning to their physical presence without regard for their actual content. While at court, the Princesse is a text to be interpreted; members of the court expect her to act a certain way, but she does not demonstrate the anticipated behavior — or “content” — expected of a woman there. As the dauphine states, her actions make her unique:  “il n’y a que vous de femme au monde qui fasse confidence à son mari de toutes les choses qu’elle sait” (157). Her husband fully ex­pects that she is having an affair with Nemours when he sends a gentleman to follow Nemours to Coulommiers. But when the gentleman returns to give his report of what he observed, Clèves does not want to hear it: “C’est assez, repliqua M. de Clèves, c’est assez, en lui faisant en­core signe de se retirer, je n’ai pas besoin d’un plus grand éclaircissement” (289). He has assigned meaning to his wife’s actions based on common behavior at court and not on what she has actually done.  Nemours, too, cannot believe that the Princesse would act so contrary to all other women. During the refusal, he struggles to understand what she is telling him: “quel fantôme de devoir opposez-vous à mon bonheur?” (240). The Prin­cesse has no voice, her “content” left unknown, she exits the court in a state much like that in which she entered it: an unread text.

Just as Mme de Clèves’ true content is “unread” by Nemours and oth­ers, the text of the letter at the heart of the novel is largely ignored, by critics as well as by the characters in the book. The content of the letter initially seems to have very little impact on the narrative. Catherine La­bio, for example, claims that the content of the letter is “not particularly memorable” and that “the text [of the letter] is of little consequence” (8, 9). One aspect of the letter that has gotten some critical attention is the fact that it, like the novel itself, is “published” anonymously as the name of both the author and the recipient are missing. The relationship between authorship and anonymity has been famously explored by DeJean, who maintains that women authors left their writings unsigned, lending authority to their texts. Unsigned works remove any implication that might come with the name — or gender — of the author and instead draw attention to the value of the content of what is written.[10] Mme de Thémines did not sign her letter, thereby, following DeJean’s logic, this should draw attention to the letter’s content. At first glance, however, just the opposite occurs.

 Different values are assigned to the letter by different characters: the dauphine, the queen, and the Princesse herself. The actual existence of the physical letter trumps its content, which perhaps explains why critics often refer to the letter as “the vidame’s lost letter” and not “Mme de Thémines' letter.” The dauphine and the Princesse think the letter is addressed to Nemours, revealing a love interest other than each of them; the queen sus­pects the dauphine wrote it and thus has a lover; Nemours only reads in the situation what the false attribution to him might do to his chances with Mme de Clèves (Masson 35–36).[11] That first night, the Princesse “lut cette lettre et la relut plusieurs fois, sans savoir néanmoins ce qu’elle avait lu” (212).  It seems that no character — not even the Princesse — shows in­terest in the actual content of the letter. 

Reading the words of the letter as given in the novel, another parallel between the letter and the Princesse emerges: the Princesse recognizes her experience in that of Mme de Thémines. The letter reveals a woman who has been wounded by her lover’s infidelity; the Princesse has experienced the pains of jealousy when she believes Nemours loves another. Mme de Thémines offers a model of how to act in such a situation. To get revenge, Mme de Thémines does not remain passive, but acts: she dissimulates her emotions and controls her actions so as to win her lover back, only to break with him voluntarily so that he, too, feels the pain of no longer being loved that she has already experienced. For the first time, the Princesse has a model with which she can identify. 

Even though when she wrote the forged letter the Princesse cannot re­produce Mme de Thémines’ words, in the refusal it seems that she has indeed retained much of that content. As Joyce Lowrie demonstrates, the Princesse repeats some of the “letter’s content, grammar, syntax and vocabulary” (49–54).[12]  In the refusal, the Princesse will cover many of the same themes: 

(1) as did Mme de Thémines, Mme de Clèves will tell the man she loves that she had and always would love him; (2) that her experience of jealousy was the worst thing she had ever known ; (3) that she had and would always remain virtuous, (4) that she would never see the man she loved again. (Lowrie 51) 

Lowrie also draws linguistic parallels between the words of the letter and the Princesse’s words in the refusal. For example, she writes that Mme de Thémines

concludes the letter with a resolve: ‘[Votre infidélité suffit] pour me laisser dans cette résolution que j’ai prise de ne vous voir jamais’. In the final dialogue between Nemours and Mme de Clèves, this very phrase, almost, is repeated. Mme de Clèves will say to Nemours: ‘il faut que je demeure dans l’état où je suis et dans les résolutions que j’ai prises de n’en sortir jamais.” That final and irrevoca­ble jamais is stated by both Mme de Thémines and Mme de Clèves. Mme de Clèves reflects, or repeats, Mme de Thémines’ experience as well as her diction. (52)

By the end of the novel, it becomes clear that Mme de Thémines is the only model given to her that the Princesse chooses to follow. 

 She does not, however, do so with great success; the Princesse’s ac­tions do not effectively duplicate those of the much more resolute Mme de Thémines. Mme de Thémines has manipulated and deceived her lover and, as she reveals in the letter, claims victory over him. She informs him in no uncertain terms that she has “joui de tout le plaisir que peut donner la vengeance” and is now “dans cette resolution […] de ne vous voir ja­mais” (210, 212). The Princesse is far less able to master her emotional reactions throughout the novel as well as at its conclusion. Notably, she loses control of her expression when Nemours falls from his horse: “Ce lui était une grande douleur de voir qu’elle n’était plus maîtresse de cacher ses sentiments” (209). Soon after, the Princesse reads in the letter of how Mme de Thémines successfully and tactically hid her emotions from the Vidame so that he would want to work to win her back. The narrator tells us that the  Princesse “enviait la force qu’elle [Mme de Thémines] avait eue de cacher ses sentiments” (213). In the refusal, the Princesse attempts this same mastery, but she falters. While speaking to Nemours frankly during the refusal, she tells him she will be able to control her passion:  “Cet aveu n’aura point de suite et je suivrai les règles austères que mon devoir m’impose” (303). But later in the conversation, she finds herself tempted to give in: “Pourquoi faut-il, s’écria-t-elle, que je vous puisse accuser de la mort de M. de Clèves? Que n’ai-je commencé à vous con­naître depuis que je suis libre, ou pourquoi ne vous ai-je pas connu devant que d’être  engagée ? […] Attendez ce que le temps pourra faire” (308).  Upon greater reflection, she recognizes her weakness:

Elle fût étonnée de ce qu’elle avait fait; elle s’en repen­tit; elle en eut de la joie: tous ses sentiments étaient pleins de trouble et de passion. Elle examina encore les raisons de son devoir qui s’opposaient à son bonheur ; elle sentit de la douleur de les trouver si fortes et elle se repentit de les avoir si bien montrées à M. de Nemours.  Quoique la pen­sée de l’épouser lui fût venue dans l’esprit sitôt qu’elle l’avait revue dans ce jardin, elle ne lui avait pas fait la même impression que venait de faire la conversation qu’elle avait eue avec lui ; et il y avait des moments où elle avait de la peine à comprendre qu’elle pût être malheureuse en l’épousant. La raison et son devoir […] l’emportaient rapidement à la résolution de ne se point remarier et ne de voir jamais M. de Nemours.  (310–311)

She hesitates again, realizing that “la bienséance lui donnait un temps con­sidérable à se déterminer” and then resolves to at least not see him for the time being, although “elle connaissait que ce dessein était difficile à exécuter; mais […] elle espérait d’en avoir la force” (311). The Princesse is afraid that she will not have the strength to resist her temptation, “[e]lle jugea que l’absence seule et l’éloignement pouvait lui donner quelque force; elle trouva qu’elle en avait besoin” (312). 

Mme de Thémines announces a categorical interdiction to never see her again directly in writing to the vidame, but Mme de Clèves’ final interdiction lacks such a firm injunction. It is not until he makes the jour­ney to her home in the Pyrenees that Nemours hears through the voice of a third party that she

le priait de ne pas trouver étrange si elle ne s’exposait point au péril de le voir et de détruire, par sa présence, des sentiments qu’elle devait conserver; qu’elle voulait bien qu’il sût, qu’ayant trouvé que son devoir et son repos s’opposaient au penchant qu’elle avait d’être à lui, les autres choses du monde lui avaient paru si indifférentes qu’elle y avait renoncé pour jamais. (314) 

Her final mediated refusal to see him is couched in fear, weakness and temptation, while Mme de Thémines’ proud, calculated, written words are sent directly to the vidame. Although the Princesse seeks to imitate Mme de Thémines, she falls short of emulating her. Mme de Thémines offers an exemplum, an idealized model to imitate, a model of perfection impos­sible to attain. 

 Of all the women offered to her as models in the other intercalated stories, the Princesse chooses to imitate Mme de Thémines, and does so only with great difficulty.  Shedding her role as passive object — a double of the letter — whose lack of resistance leads her down a path of  assimila­tion into the mass of court nobles, she acts to determine her difference, but cannot claim to be incomparable.  In repeating Mme de Thémines’ words and actions, she falls short of duplicating her purposeful intent to reject the man she loves permanently. Like the letter the Princesse forges, her re­fusal of Nemours is a poor copy of the strength of spirit and resolve originally authored by Mme de Thémines. If but for her self-control, it is Mme de Thémines, and not the Princesse, who offers an inimitable example. 

University of Puget Sound

 

WORKS CITED

Albanese Jr, Ralph.  “Aristocratic Ethos and Ideological Codes in La Princesse de Clèves.” An Inimitable Example:  The Case for the Prin­cesse de Clèves.  Ed. Patrick Henry.  Washington DC:  The Catholic University of America Press, 1992.  87–103.

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DeJean, Joan.  “Les Liaisons dangereuses:  Writing under the Other’s Name.”  Literary Fortifications:  Rousseau, Laclos, Sade.  Princeton:  Princeton UP, 1984.  191–262.

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Relyea, Suzanne.  “Elle se nomme: La représentation et la lettre dans La Princesse de Clèves.”  Onze nouvelles études sur l’image de la femme dans la littérature française du dix-septième siècle.  Ed. Wolfgang Leiner.  Tubingen : Gunter Narr Verlag, 1984.  109–119.

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[1] See Lotringer 499, Albanese 93.

[2]On Valincour’s critiques, see in particular Beasley, as well as Lyons’ chapter, “Marie de Lafayette:  From Image to Act” in Exemplum (196–236).

[3] Lyons’ definition of the term “exemplum” underscores the implied assimilation between the example and its imitation:  “the term exemplum denotes both the model to be copied and the copy or representation of that model, a sense that is maintained in the French noun exemplaire as copy (of a book, etc.)” (Exemplum 11).

[4]Among the critics who make use of the commonly accepted qualification of La Princesse de Clèves as “the first modern French novel” (Lowrie 41) are DeJean, Lyons, Judovitz, Desan, Todd, Gevrey etc. The Cambridge Introduction to French Literature even entitles its chapter on La Princesse de Clèves “Madame de Lafayette:  The Birth of the Modern Novel.” Nicholas Paige, however, in a fascinating counterculture article, refutes the claim that La Princesse de Clèves began the modern tradition of the novel (“Lafayette’s Impossible Princess”).  He maintains that Lafayette’s novel was an aberration rather than the first in a series. 

[5] On the importance of the intercalated stories, see Lyons Exemplum and “Narrative,” as well as Paige, “The Storyteller and the Book.”

[6] Hodgson offers a “brief analysis” of Mme de Thémines’ letter, maintaining that the letter offers a mise en abyme of the Princesse’s story:  “virtually all of the major recurrent stylistic structures of the novel and, more importantly, the themes to which they are related, are mirrored in this remarkable letter” (56).  In a footnote to her captivating Sightings:  Mirrors in Texts – Texts in Mirrors, Joyce Lowrie invites the further examination of this letter as a source:  “Mme de Thémines has been primarily ignored as a model for Mme de Clèves” (“Mirror” 44n14).  Lowrie also affirms Hodgson’s thesis that the letter is a mise en abyme of the whole work (49). 

[7] See Masson, Horowitz and Lowrie for interpretations of the central position of Mme de Thémines’ letter in the text.

[8] See Kelley “Epiphanies.”

[9] On this reading of the forging of the letter see Muratore 254 and Judovitz 1045.

[10] See DeJean, “Ellipses.”

[11] On the letter as signifier, see Masson’s enjoyable article, as well as Meltzer, Labio and Judovitz.

[12] See also Moye and Masson.

Site Sections (SE17): 

Elvire et le projet donjuanesque

Article Citation: 
18 (2017) 23–44
Author: 
Éric Turcat
Article Text: 

Turcat, Printable PDF

 

« L’homme est d’abord un projet qui se vit
subjectivement au lieu d’être une mousse,
une pourriture ou un chou-fleur. Rien n’existe
préalablement. Rien n’est au ciel intelligible, et
l’homme est d'abord ce q’il aura projeté d’être. »
(Sartre, L’Existentialisme est un humanisme[1])

 

[1] P. 30 dans l’édition du cinquantenaire (Paris, Gallimard, 1996).

Si le Don Juan de Molière n’a guère de mémoire, en ce qui concerne ses devoirs conjugaux, il aurait en revanche un « projet » — un seul, il faut bien le préciser — mais un projet tout de même[1]. Ce projet, rappelons-le, consiste à enlever une « jeune fiancée »  à son promis, le jour même de leurs noces, et pour ce faire, Don Juan a apparemment réquisitionné une « barque » et un équipage[2]. Or, le premier entracte de la pièce réserve au grand séducteur une mauvaise surprise, puisqu’une tempête survient en mer, et fait échouer son embarcation avant même qu’il puisse atteindre son objectif. Aussi bien au sens propre qu’au sens figuré, le seul et unique projet du protagoniste tombe donc à l’eau.

Certes, comme le disait si méchamment Pascal au sujet des Mémoires de Montaigne, tout projet empreint d’un tant soit peu d’amour-propre a plus facilement tendance à se traduire en sottise[3]. Et d’ici que la sottise se traduise elle-même en un projet qui capote, il n’y aurait alors qu’un pas ou, dans le cas de Don Juan, qu’une brève traversée. Cependant, réduire « l’épouseur du genre humain » à l’échec de son unique projet serait peut-être lire le texte de Molière de manière un peu trop littérale. Car, comme le rappelle un anthropologue contemporain, le terme de « projet », tel que nous l’entendons aujourd’hui, tarde à se faire accepter dans la langue fran­çaise[4]. Même à la fin du Grand Siècle, les deux grands dictionnaires de l’époque lui imposent encore, comme première acception, le synonyme de « dessein »[5]. Or, c’est précisément ce dessein qui, si l’on s’y penche de plus près, caractérise plus exactement le « grand seigneur méchant homme ». Avec onze emplois du vocable dans l’intégralité de la pièce, dont huit s’appliquant directement au protagoniste, et cinq dans le dernier acte, le Don Juan moliéresque reste de facto l’homme du « dessein ». Au­trement dit, quel que soit l’insuccès de son projet initial, l’aventurier des cœurs demeure jusqu’à la fin comme une figure de proue pour une huma­nité résolument tournée vers son avenir.

L’ironie du sort, bien entendu, veut que même cette ultime résurgence du projet donjuanesque ne finisse pas plus à dessein que le projet initial d’enlèvement. En effet, Dom Juan est la seule pièce de Molière qui, faut-il bien le rappeler, se termine explicitement par une mort de son protago­niste[6]. Ceci dit, cette ironie se dissout assez rapidement dans la plus grande ironie, tragique cette fois, de la condition humaine, et l’on en ou­blie alors trop facilement combien cette première ironie (du sort) en cachait une précédente, elle-même beaucoup plus discrète, de situation. Car il ne faudrait tout de même pas oublier que le dernier « dessein » de Don Juan, celui de se convertir en un autre Tartuffe, ne lui appartient pas plus que ne lui appartenait le « projet » de « conquête amoureuse », lui-même d’emblée calqué sur les visées impérialistes d’« Alexandre » le Grand[7]. Il appartient certes à Molière qui, en 1665,  souffre encore cruelle­ment de l’interdiction de son Tartuffe l’année précédente, et souhaiterait plus que jamais régler son compte à la Cabale des dévots. Mais il appar­tient davantage à la femme qui, par son tour de force aussi dramatique que rhétorique, lui a ouvert la voie de l’hypocrisie religieuse. Ce dernier projet donjuanesque, il appartient in fine à Elvire, puisque c’est en la « sœur » de Don Carlos qu’il reconnaît la similarité du « dessein »[8]. L’ironie situation­nelle de Don Juan serait donc de reconnaître combien même ses projets de domination les plus cyniques ne relèvent en rien d’une hyper-virilité con­quérante, mais qu’ils se résument en fait à un mimétisme de stratégies manipulatrices à l’origine foncièrement féminines[9]. Ainsi le projet mascu­lin serait-il avant tout un projet féminin.

Il reste alors à savoir comment Don Juan parvient à se laisser embar­quer, aussi littéralement que figurativement, dans des projets qui ne lui appartiennent apparemment pas. Comment, en particulier, la modalité du discours féminin parvient-elle à séduire le séducteur là même où les argu­ments du discours le laissent insensible ? Mais surtout, comment Don Juan réussit-il à résorber la différance discursive qui le sépare de l’énonciation féminine pour prétendre, en fin de compte, synchroniser son « dessein » avec celui de la femme[10] ?

 

 

 

Elvire courtisane (I, 3), ou le projet misanthrope de la virilité.

Jouvet a sans doute libéré Dom Juan[11], mais il a bel et bien cloîtré El­vire. Si son intuition concernant le rôle fondamental de la jeune femme nous paraît tout à fait justifiée en vue d’une « explication » de la pièce de Molière[12], son insistance, en revanche, sur l’Elvire devenue mystique de l’acte IV nous semble parfaitement exagérée[13]. Certes, Jouvet a besoin d’une telle interprétation du personnage pour mieux justifier sa mise-en-scène du Dom Juan comme « pièce religieuse »[14], mais ce faisant, il nous contraint alors à renverser la dynamique de la pièce et à relire le texte par la fin. Pour mieux comprendre Elvire, il nous faudrait d’abord accepter que celle-ci fût une Thérèse d’Avila en herbe[15]. Or, avant le retour en scène de cette « dame voilée » qui vient faire ses adieux au monde avant de s’en retourner vers Dieu (IV, 6), il ne faudrait pas non plus oublier qu’Elvire avait fait sa première entrée en « équipage de campagne » (I, 2). Avant d’investir son rôle de Madeleine éplorée, la belle avait fait sa pre­mière apparition en cavalière fougueuse[16].

Car Elvire, et cela trop peu de critiques le rappellent, c’est avant tout une « virago »[17], c’est-à-dire une femme avec toutes les « qualités viriles » que le sexisme de notre culture occidentale y attache encore[18]. Elvire, c’est certes la victime d’un séducteur sans scrupules, mais c’est surtout l’épouse courroucée qui vient elle-même exiger une explication, bien avant que les mâles de sa famille ne s’en mêlent[19]. Autrement dit, en ce début de pièce en tout cas, Elvire, c’est d’abord une femme qui a un projet très clair, et ce projet, avant de se transformer en la mission punitive qu’il deviendra explicitement à la fin de la scène[20], c’est, pour commencer, un projet de contrainte sinon physique du moins verbale. Don Juan l’ayant quittée sans lui fournir la moindre justification, l’épouse éconduite doit d’abord briser le silence, d’où le sarcasme phatique de sa question d’ouverture : « Me ferez-vous, Don Juan, la grâce de bien vouloir me re­connaître ? ». Pour contraindre son renégat de mari à rompre son mutisme, il faut d’emblée gifler le malotru dans son amour-propre, en insinuant par antiphrase que ce dernier ne serait plus capable de témoigner de la courtoisie la plus élémentaire.

Or, le plus ironique est que l’ironie d’Elvire ne produit aucun effet. Hormis quelques brèves réparties durant lesquelles le maître se cache der­rière son valet, Don Juan reste coi. Ce qui fait que, paradoxalement, le projet de faire parler le traître se transforme traitreusement en projet de s’écouter soi-même parler. La stratégie offensive devient une stratégie défensive, et le réquisitoire se transforme bientôt en plaidoyer.

Ainsi, dès sa première tirade, Elvire commence déjà bien en retrait par rapport à la position de force que lui conférait son irruption en scène, doublée de son sarcasme initial. Au lieu de s’engouffrer dans la brèche ouverte par la première réplique donjuanesque, et de lui refuser sur le champ l’euphémisme de sa « surpris[e] »[21], la jeune femme produit, contre toute attente, une phrase affirmative qui, bien loin d’engager le processus d’accusation contre le poltron, contribue plutôt à trahir une hésitation de principe : « Oui, je vois bien que vous ne m’y attendiez pas ; et vous êtes surpris, à la vérité, mais tout autrement que je l’espérais ; et la manière dont vous le paraissez me persuade pleinement ce que je refusais de croire ». Au lieu de mettre immédiatement Don Juan sur la défensive en l’accablant d’une fin de non-recevoir, qui lui aurait permis d’emblée de multiplier les chefs d’accusation par une accumulation pronominale des « vous », Elvire commence, au contraire, par équilibrer la répartition de la première et de la deuxième personne dans ses choix de sujets verbaux (trois « je » contre trois « vous »). Et même lorsque le seul verbe « per­suade[r] » échappe à la dichotomie du « je » et du « vous », comme pour déséquilibrer plus insidieusement la phrase à l’encontre du lâche (puisque le sujet n’en est autre que « la manière » de Don Juan), on remarque alors que l’énonciatrice se rejette elle-même aussitôt en position d’objet (« me »). Ainsi, malgré son effet de surprise initial, Elvire perd très rapi­dement l’avantage ; au lieu de persuader d’emblée son interlocuteur de s’exprimer, c’est de fait la locutrice elle-même qui se laisse persuader. Ce qui, par conséquent, transforme immédiatement son projet de confronta­tion en rhétorique de la confession où, dans les quatre phrases subséquentes de la tirade, pas une seule fois ne verrons-nous réapparaître le « vous » donjuanesque comme sujet grammatical[22]. Avant même d’entamer son réquisitoire, la partie civile se range déjà sur le banc des accusés, et passe sans plus attendre aux aveux.

Ceci dit, on objectera peut-être, et à juste titre, que l’adoption immé­diate de ce registre intimiste constitue en fait une forme de chantage sentimental de la part d’Elvire, et que c’est précisément grâce à ses propres aveux que la victime parvient à culpabiliser le séducteur. On ob­jectera peut-être également que la péroraison de la tirade rentre de surcroît parfaitement dans les normes d’un réquisitoire plus traditionnel, notam­ment avec sa fameuse injonction finale (« Parlez, Don Juan […] ») suivie de son défi narquois (« […] voyons de quel air vous saurez vous justi­fier ! »). Peut-être. Mais pas plus qu’une apodose ronflante ne rachètera une sentence sans conviction, pas plus un dernier regain de fierté n’effacera du discours d’Elvire le pathos beaucoup plus amplement déve­loppé de son aveu de faiblesse. Envers et contre ce dernier sursaut autoritaire, s’inscrit malheureusement le plus long développement de toute la tirade, avec pas moins de quatre phrases, faut-il bien le rappeler, toutes montées en un véritable crescendo de complainte amoureuse. Et comme si cette vague déferlante du sentiment ne suffisait pas à balayer tout semblant de projet chez Elvire, il fallait de surcroît qu’elle se heurtât à ce mur du silence que lui impose l’absence la plus totale de sentiment chez Don Juan. Peut-être, après tout, que Jouvet n’avait pas tout à fait tort d’insister sur la sensibilité de la jeune femme plutôt que sur son intelligence…

Cependant, cette intelligence à l’origine sarcastique de la virago ne tarde guère à refaire surface. Pas plutôt insultée par la vulgaire mascarade du maître se dérobant derrière son valet, Elvire se lance dans une deu­xième tirade, cette fois-ci d’un cynisme beaucoup plus mordant (« Ah ! que vous savez mal vous défendre pour un homme de cour […] »). Finis les grands sentiments, tout au moins en ce qui la concerne. L’ex-novice se remet à présent dans la peau de la courtisane, et ce pour mieux affirmer son projet de confrontation avec Don Juan, car cette fois-ci, c’est bien à l’hypocrite lui-même qu’elle prétend donner une leçon d’hypocrisie. Ici, en effet, les beaux sentiments restent certes à l’honneur, mais seulement comme mensonges sanctionnés, et tous martelés sur la rengaine d’un « Que » adverbial dont l’anaphore interronégative résonne comme autant de « Pourquoi pas ? » aussi accusateurs que condescendants :

Que ne vous armez-vous [Don Juan] le front d’une noble effronterie ? Que ne me jurez-vous [à moi, Elvire] que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi, que vous m’aimez toujours avec une ardeur égale, et que rien n’est capable de vous détacher de moi que la mort ? Que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m’en donner avis ; qu’il faut que, malgré vous, vous demeuriez ici quelque temps, et que je n’ai qu’à m’en retourner d’où je viens, assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu’il vous sera possible ; qu’il est certain que vous brûlez de me rejoindre, et qu’éloigné de moi, vous souffrez ce que souffre un corps séparé de son âme ?

De Don Juan le bourreau des cœurs, nous passons à Don Juan l’incapable, sinon l’impuissant, et d’Elvire la jeune femme timide, nous revenons à Elvire la cavalière superbe. Plus besoin donc de pirouette ver­bale, comme à la fin de la tirade précédente, pour rétablir un équilibre perdu. Ici, la deixis du « Voilà » suffit amplement à résumer le triomphe de tout un mouvement rhétorique que la phrase finale couronne en beauté : « Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit comme vous êtes ».

Car si le projet d’Elvire était effectivement de faire parler Don Juan, nul doute que ce projet ne se matérialiserait triomphalement à présent. En effet, après avoir résisté longuement à l’injonction initiale du « Parlez […] ! » par son double jeu de mutisme et de mascarade, l’époux cavalier cesse enfin de cavaler et, pour la première fois, accepte le défi de se justifier. Amer triomphe que celui d’Elvire, certes, puisque la jeune femme doit alors accepter la réalité d’une désertion qu’elle s’était jusque-là maquillée, mais triomphe néanmoins, et triomphe d’autant plus surpre­nant, il faut bien l’avouer, qu’à l’hyperbole de la leçon d’hypocrisie infligée au préalable, Don Juan choisit d’abord de répondre avec toute la sobriété d’un discours pétri de sincérité : « Je vous avoue, Madame, que je n’ai point le talent de dissimuler, et que je porte un cœur sincère. Je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisque enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir […] ».

Toutefois, la célèbre tirade donjuanesque ne fait ici que commencer, et l’on constate bien vite que le projet triomphal d’Elvire se transforme inexorablement en une victoire à la Pyrrhus, pour ne pas dire en une cui­sante défaite. Ainsi, là même où la maîtresse en hypocrisie avait achevé sa leçon sur un cynique poncif de platonisme amoureux (« vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son âme »), l’élève Don Juan re­prendra la démonstration sur exactement la même langue de bois, avant de la pervertir plus avant, dans une surenchère du cynisme restée antholo­gique :

Il m’est venu des scrupules, Madame, et j’ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisais. J’ai fait réflexion que pour vous épouser, je vous ai dérobée à la clôture d'un cou­vent, que vous avez rompu des vœux, qui vous engageaient autre part, et que le Ciel est fort jaloux de ces sortes de choses. Le repentir m'a pris, et j’ai craint le courroux cé­leste. J’ai cru que notre mariage n’était qu’un adultère déguisé, qu’il nous attirerait quelque disgrâce d'en haut, et qu’enfin je devais tâcher de vous oublier, et vous donner moyen de retourner à vos premières chaînes. Voudriez-vous, Madame, vous opposer à une si sainte pensée, et que j’allasse, en vous retenant me mettre le Ciel sur les bras, que par...?

Qui plus est, on remarquera que l’élève Don Juan s’est montré pareille­ment attentif autant au fond qu’à la forme dans la leçon enseignée par sa maîtresse. Sensibilisé peut-être par le tic verbal de la conjonction « que », répétée non moins de huit fois dans la deuxième tirade d’Elvire, l’hypocrite de la contrition surpassera là encore toute attente avec un total de treize répétitions. À hypocrite, hypocrite et demi, sinon plus.

D’ailleurs, plus encore que par ce présage de fausse dévotion qu’il ne fera pleinement sienne qu’au cinquième acte, c’est précisément par cette surenchère conjonctive que Don Juan parvient à surclasser le projet de son antagoniste. Là où Elvire se contente de deux verbes déclaratifs (« jurez » et « dites ») pour distribuer, de manière tout à fait bancale, ses huit propo­sitions subordonnées conjonctives (les trois premières attachées au premier verbe, les cinq autres au second), son interlocuteur, quant à lui, calcule attentivement la répartition de ses propositions principales, de sorte à faire progresser le mouvement de ses subordonnées d’un rythme binaire (deux conjonctions pour les deux premiers verbes, « avoue » et « dirai ») vers un rythme tertiaire (trois conjonctions pour les deux avant-derniers, « ai fait réflexion » et « ai vu »). Rythmique de la persuasion en plein essor, cela s’entend, et rythmique que la jeune femme s’empressera bien sûr de briser en interrompant brutalement la question rhétorique du « Voudriez-vous, Madame, […] ? ».

Mais l’interruption viendra trop tard, car, derrière le rythme de l’hypocrisie recomposée, se cache également la force encore plus cynique d’une virtualisation aussi grammaticale qu’ontologique de la relation amoureuse. Là où les huit subordonnées conjonctives d’Elvire se conju­guaient toutes sur le mode de l’indicatif[23], les treize de Don Juan culminent en deux points décisifs sur l’emploi du subjonctif, d’abord avec le premier aveu de fausse dévotion[24], ensuite avec l’ignominie finale du rejet de la faute[25]. Ce qui renverse, bien sûr, la dynamique grammaticale de l’actualisation élaborée dans le projet d’Elvire, mais ce qui expose, au passage, le désir latent d’une réalité alternative imaginée dans le scénario pourtant explicitement mensonger de la jeune femme. Autrement dit, même dans la leçon la plus cynique de sa maîtresse, l’élève Don Juan a su reconnaître l’idéalisme de l’épouse qui, malgré tout, n’a pas encore perdu tout espoir.

Or, de cet espoir, le traître ne se souvient sans doute que trop bien ; c’était l’espoir du « puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ? » prononcé par Elvire en tout début de scène ; et ce sera le désespoir « qu’une telle connaissance ne peut plus servir qu’à me désespérer » exprimé comme réponse à la tirade donjuanesque. Cet espoir, c’est précisément l’espoir du désespoir, c’est-à-dire l’espoir plombé d’emblée par l’emploi « virtualisant » d’un subjonctif (« daigniez ») dont même une tirade entièrement « actualisante » ne saura effacer le doute lancinant[26].

Ainsi, le projet donjuanesque n’est-il pas simplement un projet de ren­versement de la dynamique antagoniste imposée par Elvire, mais c’est effectivement un projet de conjonction aussi littéral que figuré. Conjonc­tion de subordination, bien entendu, puisque, d’une part, Don Juan reprend littéralement à son compte le leitmotiv du « que » punitif, et que, d’autre part, cette reprise résulte en une amélioration rythmique qui entraîne figu­rativement un renversement rhétorique des forces en présence. Mais aussi conjonction de coordination, puisque, d’un côté, Don Juan coordonne litté­ralement les tendances antithétiques à l’actualisation et à la virtualisation dans le discours d’Elvire, et que, de l’autre, cette coordination entraîne figurativement la coordination d’un nouveau projet de la part du subor­neur. Projet non plus de fuite, mais de contre-attaque.

En effet, comme nous le soupçonnions au départ, ce n’est pas la sensi­bilité de la femme Elvire, abusivement soulignée par Jouvet, qui parle le plus à Don Juan, mais c’est plutôt la pugnacité de la virago, voire peut-être l’irascibilité de l’atrabilaire. Car, avouons-le, il y a déjà de l’Alceste dans cette Elvire, et pas seulement parce que celle-ci perd aussi facilement son sang froid que celui-là. Il y a de l’Alceste encore et surtout dans cette fai­blesse si foncièrement humaine que l’on appelle l’amour, et qui continue à se manifester envers et contre toute preuve du contraire, fût-ce dans l’injonction impuissante du « Parlez, Don Juan, je vous prie […] ! », fût-ce dans la supplication pathétique du « Efforcez-vous ici de paraître fidèle, / Et je m’efforcerai, moi, de vous croire telle » (Le Misanthrope, IV, 3)[27]. De même, et corrélativement, il y a sans doute de la Célimène dans Don Juan. Non pas certes de cette Célimène harcelée de toute part pour sa co­quetterie, comme le sera bientôt Don Juan pour sa galanterie. Mais au moins de cette première Célimène, encore fringante ; celle qui rembarre une Arsinoé médisante, en lui retournant le miroir de son hypocrisie, tout comme Don Juan le fait ici avec Elvire.

Elvire voilée, ou le projet comme hypocrisie retrouvée

À force de différer ses projets, cependant, le séducteur moliéresque fi­nit par ressembler moins à une Célimène inspirée qu'à un Matamore essoufflé. À preuve, le retour en scène d'Elvire (IV, 6) où, cette fois, la figure de l'épouse éconduite semble pleinement disposée à ne plus se lais­ser dominer par la surenchère rhétorique de Don Juan. Cette fois-ci, la jeune femme ne peut plus compter sur l'effet de surprise qui lui avait aupa­ravant permis de prendre un avantage discursif, aussi momentané fût-il, sur son interlocuteur. Et cette fois-ci, en effet, elle semble s'être donné la peine de mémoriser tout son discours à l'avance, comme en témoigne d'une part la solennité poétique de son triple monologue scandé au rythme de l'octosyllabe[28], et d'autre part, sa résolution clairement réitérée de ne rien ajouter à son message de miséricorde[29]. Là où l'épouse vulnérable s'était précédemment laissée tenter par le sifflement du serpent sur son arbre lové, l'Elvire du quatrième acte ne semble plus rien vouloir avaler du fruit de la connaissance donjuanesque. Aussi, dès lors que Don Juan lui propose de se soustraire à sa dignité auto-proclamée de messagère divine, en lui offrant de résoudre leurs différends à l'horizontale[30], la jeune femme ne veut plus rien entendre. Le séducteur ne parviendra pas plus à altérer la posture résolument verticale de son ancienne victime qu'il n'était parvenu à le faire, deux scènes auparavant, avec son propre père. Don Juan ne par­viendra pas ici non plus à rabaisser le registre tragique au rang du répertoire tragi-comique. Trêve donc, pour l'instant, de réparties fanfa­ronnes ; avant que ne commence le cinquième acte, il faudra d'abord que le matamore estomaqué puisse retrouver son souffle.

Or, si le projet de subversion du genre tragique échoue encore plus vi­siblement face à Elvire qu'à Don Louis (puisque celle-ci, contrairement à celui-là, garde son sang froid), le projet hypocrite de conversion à la dé­votion, pour sa part, rencontre un succès immédiat, et ce dès le retour du père (V, 1). On en oublierait presque qu'une journée entière sépare les deux derniers actes, et que Don Juan a donc bénéficié d'une période de réflexion encore supérieure à celle de ses projets précédents. On se pren­drait presque à imaginer que le dessein le plus abouti du grand séducteur devenu faux dévot serait aussi spontané qu'il nous paraît brillant. Mais pas tout à fait. Car il ne faudrait tout de même pas oublier qu'une fois de plus le projet donjuanesque nous semble étrangement familier, fût-ce par sa résonance subversive, fût-ce par sa consonance poétique. Une fois de plus, il semblerait que Molière ait souhaité nous rappeler combien la croisade contre l'hypocrisie religieuse lui tient toujours à cœur, un an après la cen­sure de son Tartuffe. Et une fois encore, en tout cas pour Dom Juan, il paraîtrait que l'inspiration rhétorique du protagoniste lui vienne de ses fréquentations féminines.

Alors, si d’un côté Don Juan continue à nous impressionner par ses ro­domontades, et si de l’autre c’est plutôt à Elvire que revient la palme de l’interprétation hypocrite, que penser du retour en scène de cet autre Tar­tuffe en conclusion du Festin de pierre ? Faut-il se ranger du côté des thuriféraires de la jeune femme, qui, selon le modèle de Jouvet, ne deman­dent pas mieux que d’encenser la première pour noircir le portrait du second[31]? Ou faudrait-il plutôt se ranger du côté des sceptiques, c’est-à-dire du côté de ceux et de celles qui imputent plus volontiers à l’épouse le projet de revirement vers la fausse dévotion[32] ? La question reste d’autant plus épineuse que Molière refuse explicitement de nous éclairer sur le problème, notamment en s'assurant que le dernier emploi du mot « dessein », sorti de la bouche de Don Juan, ne révèle en rien ce que pourrait être la préséance d'un projet par rapport à l'autre : « [à Don Carlos] C’est un des­sein que votre sœur elle-même a pris : elle a résolu à sa retraite, et nous avons été touchés tous deux en même temps » (V, 3). Car il se pourrait aussi parfaitement que le projet théâtral par excellence de l’hypocrisie se résumât à un problème de simultanéité, auquel cas la différance entre les discours n’importerait alors guère plus que la différence entre les sexes.

D’un côté, il paraît certes difficile de ne pas circonscrire le projet de fausse dévotion au seul Don Juan pour qui Molière aurait explicitement noté la fameuse didascalie du « faisant l'hypocrite » (V, 1). Même si l’on reste en droit de douter que cette indication scénique ait effectivement appartenu au dramaturge lui-même, notamment en raison du délai pos­thume de la première édition du texte[33], on ne peut en revanche remettre en question le fondement du projet hypocrite chez le protagoniste, puisque ce dernier consacre en outre une scène entière à s’en justifier devant un Sganarelle scandalisé (V, 2). Didascalie ou non, la fausse dévotion de Don Juan ne semble nullement contestable, puisque personne, hormis bien sûr le stéréotype tragi-comique du père crédule, ne se laisse berner par le nou­veau masque de l'abuseur, pas même le valet qui semblait pourtant prédisposé à cette duperie. Contrairement à Tartuffe, pour et contre qui les avis demeurent partagés pratiquement jusqu'au dénouement, Don Juan se fait fort de révéler son déguisement dès la première occasion. Pour le nou­vel esthète de la fausse dévotion, plus de métonymie « disciplin[é]e » pour dissimuler un ascétisme postiche[34], la métaphore de l’hypocrisie, comme « vice à la mode » (V, 2), doit désormais s'arborer avec toute la superbe d'une véritable tenue d'apparat.

De la même manière, et comme par antithèse anticipée du projet hypo­crite, comment ne pas voir dans le retour d’Elvire une dernière incandescence de pureté salvatrice dans les ténèbres impénitentes de la chute donjuanesque ? Comme le rappelle si lapidairement la statue, en conclusion du quatrième acte, lorsque Don Juan lui propose sournoisement une retraite au flambeau, « [o]n n’a pas besoin de lumière, quand on est conduit par le Ciel » (IV, 8). Or, avec ses cinq itérations du mot « Ciel », deux scènes auparavant, Elvire ne semble guère avoir elle-même besoin de lumière, et elle refuse d'ailleurs littéralement, elle aussi, que son mari ne fasse « aucune instance pour [la] conduire » (IV, 6). En outre, ne serait-ce pas précisément une fulgurance de cette lumière céleste qui semble avoir impressionné Don Juan au point de lui soustraire, ironiquement ou non, l'aveu que le retour de son épouse a « réveillé en [lui] quelques petits restes d'un feu éteint » (IV, 7) ? Et si le protagoniste résiste encore à la ferveur renouvelée de la messagère illuminée, il convient tout de même de rappeler qu'un Sganarelle plus sensible y avait lui-même succombé dès le départ. D’où, sans doute, l’impression dominante que Molière n’aurait ja­mais pu suggérer la moindre fausseté de la part d’Elvire, et que, par extension, la didascalie du « faisant l'hypocrite » ne pouvait appartenir qu'au seul Don Juan.

Cependant, le simple fait que la scène de la Madeleine en pleurs ne parvient à émouvoir nul autre qu'un valet bouffon jette d’emblée un doute sur la validité du projet de conversion proposé par Elvire. Si l’on remonte la liste des sujets qui gouvernent tous ensemble le prédicat métaphorique du « feu éteint... réveillé » (IV, 7), on remarquera en effet que, par-delà les « larmes », c’est une fois encore l’« habit », et de surcroît l’« habit négligé », que Don Juan remarque en premier chez son épouse[35]. Or, cette fois, il n'y a plus lieu de s’interroger pour savoir si l’esthétisme donjuanesque se réduit à nouveau à une forme de sexisme visant à réifier la femme pour mieux en discréditer le discours. Car ici, ce n’est plus le protagoniste qui fait la première observation, mais c’est son valet Ragotin qui annonce ainsi l'entrée en scène d’Elvire : « Monsieur, voici une dame voilée qui vient vous parler » (IV, 6)[36]. Autrement dit, la messagère céleste tamise d’em­blée son illumination, alors même qu’elle devrait la laisser éclater. Alors qu'elle devrait triompher, Elvire se cache. Ainsi, sans pour autant valider l’interprétation aussi transculturelle qu’anachronique faite par Ariane Mnouchkine dans son Tartuffe[37], il semble bien difficile, surtout de nos jours, de ne pas en valider la justesse politique; l’entrée en scène de la « dame voilée », c’est tout simplement l’irruption du voile intégriste. Et de là à franchir le pas pour ensuite dévoiler une prise en otage des spectateurs par le sentiment, il n’y a bien sûr qu’un pas que nous nous garderons avec précaution de franchir, mais qui ne nous permettra pas moins de mieux apprécier le scepticisme amusé de Don Juan. Car « cette nouveauté bizarre » qui donne au protagoniste son « agrément » (IV, 7), c’est peut-être moins la mauvaise foi en elle-même que le spectacle de la mauvaise foi.

D’un côté, la face voilée de la dévote miraculée. De l’autre, la face de carême du dévot improvisé. Or, c’est précisément à l’interface de ces deux visages de la fausse dévotion que se joue toute la question du projet don­juanesque. Est-ce avec ce Janus de l'hypocrisie incarnée que Don Juan parvient enfin à synchroniser son double jeu ? Ou restera-t-il toujours, entre ces deux masques, des différences aussi perceptibles que les diffé­rances qui semblent inévitablement trahir cet effort même de synchronisation ?

Si l’on s’en tient à une temporalité réduite à de simples considérations chronologiques, le premier élément de réponse est sans appel ; il suffit à Elvire de quelques heures seulement pour se recomposer un visage de dé­vote, alors qu’il faut toute une journée supplémentaire à Don Juan pour rejoindre Tartuffe. Après la première rencontre avec sa femme, où il lui avait suffi de quelques instants pour reprendre le dessus, et après le deuxième acte, où il lui avait fallu une scène entière pour emboîter le pas aux deux paysannes, le protagoniste doit à présent se réfugier dans le plus long entracte moliéresque avant de refaire surface. Don Juan n’avait jamais été expéditif, sauf peut-être en amour, mais, dans le jeu de la répartie, sa perte de régime semble inéluctable. Ainsi, le projet donjuanesque, en tant que celui-ci se définit non comme stratégie de conquête mais comme ma­nœuvre d'auto-défense, ce serait l’histoire non pas d’une synchronisation progressive entre un héros et son destin d’exception, mais plutôt d'une dé­synchronisation inévitable entre un homme et son discours de séduction.

Cependant, si ce fameux discours donjuanesque ne semble pas plus appartenir au séducteur dans le cinquième acte que dans les actes précé­dents, faut-il pour autant concéder que toute l’originalité du donjuanisme consiste en cette désynchronisation progressive qui permettrait alors de mieux dévoiler l’autorité fondamentalement féminine de la séduction ? Pour ce faire, il faudrait d'abord admettre que le discours d’Elvire mani­festât un tant soit peu d'originalité. Or, malgré la beauté rythmique de leurs octosyllabes à répétition, les tirades de la jeune femme n’approchent en rien la richesse métaphorique des serments mystiques d'une Thérèse d'Avila ou les sermons baroques d’un François de Sales. Quoiqu’en dise Jouvet, là encore, la rhétorique prétendument tridentine d’Elvire n’est ja­mais restée dans les annales de la Contre-Réforme. De fait, on pourrait même soutenir que sans le modèle de fausse dévotion fourni par Don Juan lors de leurs premières retrouvailles (I, 3), l’épouse éconduite n’aurait sans doute jamais trouvé l’inspiration de reconduire ses propres vœux hypo­crites. Car, à ce stade, comment interpréter autrement le revirement abrupt d’Elvire vers une foi renouvelée en l’espace de seulement quelques heures ? Comme l’observait si plaisamment Micheline Sauvage : « Si elle [Elvire] se plaint aujourd’hui, c’est seulement que leurs infidélités ne sont pas en phase, et que la sienne retarde sur celle de Don Juan »[38]. Autrement dit, le projet de synchronisation séductrice ne serait pas, à l’origine, celui du protagoniste mais de son épouse. Ce serait elle plus que lui qui aurait pris du retard sur le discours de l’autre, et ce serait donc elle qui se sentirait le plus contrainte de poursuivre son projet donjuanesque comme la seule manière de rattraper le temps perdu. D’Elvire la cavalière virile à Elvire la dévote par défaut, la jeune première redéfinirait alors implicitement l’éty­mologie de son prénom, puisque d’un point de vue logique autant que chronologique, Elvire reste désormais la femme du revirement. Elvire, elle vire.

Mais j’irai plus loin, en proposant également que le projet donjuanesque n'appartient pas plus à Elvire qu’il n’appartenait à Don Juan. En effet, d’où viendrait cette rhétorique soudainement inspirée de la jeune femme sinon d'une remise à profit des jésuitismes déjà sagement mémorisés lors de sa première retraite au couvent ? D’ailleurs, on ne fait là encore que supposer qu’Elvire en était effectivement à son premier séjour au couvent lorsque Don Juan intervint pour l’aider à s’en échapper. Or, ne l’oublions pas, cette Elvire est avant tout une aristocrate, c’est à dire une jeune femme principalement destinée à servir de pion sur l’échiquier poli­tique des unions entre les grandes familles. Et si, avant même que ne commence la pièce, ce pion se trouve déjà capturé et pour ainsi dire mis à l’écart de l'échiquier aristocratique, ce n’est sans doute pas parce que le pion avait choisi le refuge de la tour pour mieux dominer le jeu politique à distance, mais c'est beaucoup plus vraisemblablement parce qu’il avait refusé de se soumettre à sa promotion programmée au statut de grande dame. Autrement dit, ce n’est sans doute pas par hasard si Don Juan trouve Elvire enfermée, et c’est peut-être encore moins remarquable qu’il par­vienne à la convaincre de prendre le large. Car pour se trouver d’emblée isolée dans un couvent, Elvire n’en était sans doute pas à sa première esca­pade. Avec l’irruption de Don Juan, le pion ne fait que retrouver la diagonale du fou. Mais, dans l’intermède, la jeune femme emprisonnée continue son éducation. Lavage de cerveau ou non, la rhétorique jésuite ne peut que se surimposer aux dures leçons de l’amour, et grâce à elle, Elvire apprend progressivement à parler, donc à manipuler, et forcément à sé­duire. Le langage de la fausse dévotion, c’est tout simplement le langage de nos anciens couvents, pour ne pas dire de nos actuels country clubs[39]

Il en va de même pour le discours hypocrite de Don Juan, sauf que pour lui, en tant que mâle culturellement plus libre dans ses écarts de con­duite, le conditionnement rhétorique ne requiert pas la moindre claustration. Inutile pour lui d’attendre les séjours à répétition au couvent ou au cloître ; pour lui, le country club jésuite vient directement à lui. Fût-ce sous forme de sermons paternels ou de directeurs de conscience, Don Juan baigne dans la culture religieuse de son époque, et c’est donc sans surprise si lui aussi semble en avoir absorbé les leitmotivs les plus en vogue. Ainsi, ne sait-on plus vraiment, à la fin de la pièce, à qui appartient ce fameux « Ciel » que le libertin invoque à non moins de huit reprises pour mieux se débarrasser de son beau-frère (V, 3). À Elvire, pour qui le «  Ciel […] venge[u]r » des premières retrouvailles (I, 3) reste malgré tout plutôt couvert, puisque capable à tout instant de livrer « un exemple fu­neste de [s]a justice » (IV, 6) ? À Don Louis, pour qui le « Ciel […] courrou[cé] » (IV, 4) se dégage dès lors que la seule intention  de piété filiale suffit à « rendre grâce » (V, 1) ? Ou encore à Sganarelle, digne hé­ritier de la tradition gauloise, pour qui le « Ciel », juxtaposé dès le départ, et sans aucune hiérarchie particulière, au « saint[s] », à « Dieu », à l’ « Enfer » et au « loup-garou », menace éternellement de lui tomber sur la tête (I, 1) ? À tous sans doute, ainsi qu’à bien d’autres, car, à ce stade, la propriété individuelle du langage importe beaucoup moins que son appro­priation collective. Le « Ciel » importe moins comme espace spirituel, où l’on se projetterait pour mieux se trouver, que comme nébuleuse sociale où l’on se réfugierait pour mieux se perdre. De même, le dessein donjuanesque importe sans doute moins comme projet formateur que comme mémoire déformatrice. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’Elvire et Don Juan essaient de synchroniser leur projet de fausse dévotion qu’ils parviennent à surmonter leurs différences fondamentales, mais c’est parce qu’ils réussissent à réduire leurs différances avec la mémoire collective qu’ils finissent par nous convaincre de l’universalité hypocrite du projet social.

Le summum ironique du projet, dans Le Festin de pierre, n’est donc pas que le projet donjuanesque n’appartient même pas à Don Juan, mais que ce projet n’a jamais pu être un projet pour commencer. Ce projet est avant tout un acte de mémoire, ou plus exactement une scène de mémori­sation, et de mémorisation bien sommaire, cela s’entend. Car la dévotion intégriste de la femme voilée, Molière nous l’avait déjà jouée ; c'était celle de Madame Pernelle dans la scène d'ouverture de Tartuffe, celle où la mère d'Orgon incarnait précisément le rôle de la vieille réactionnaire qui ne demande qu'à embrasser l’avènement triomphal d'une tartufferie géné­ralisée. Mais, dans cette même scène, Molière nous avait également réservé la menace implicite d’un extrémisme au visage encore plus jeune, celui de Flipote, la servante de Madame Pernelle, créature d’autant plus inquiétante que parfaitement silencieuse. Or, avec Dom Juan, Flipote a grandi, elle s’est émancipée et elle a même appris à parler. Elle s’appelle maintenant Elvire, et les va-et-vient qu’elle effectue incessamment entre son couvent et le monde extérieur en font dorénavant la porte-parole la plus dangereuse de cette fausse dévotion grandissante.

Et Don Juan ? Le pauvre homme ne semble guère en reste. Car lui aussi, rappelons-le, a bien grandi depuis sa première incarnation dans Tartuffe. Lui aussi, tout comme Laurent, cet autre serviteur aussi troublant que taciturne, a su tirer les leçons de la tartufferie inculquée par le maître en la matière. Lui aussi est parvenu à s’émanciper en profitant de son nou­veau statut de « grand seigneur »pour jouer plus librement les « méchant[s] homme[s] ». Ainsi, on comprend désormais beaucoup mieux comment le projet donjuanesque laisse d’emblée une impression de déjà-vu. Dom Juan, ce n’est pas simplement le retour en force de la fausse dé­votion, et ce dès la fin du premier acte où le protagoniste utilise sa prétendue conscience morale comme arme d'auto-défense, mais c’est bel et bien l’institutionnalisation de l’hypocrisie. Car avant même que ne com­mence la pièce, Don Juan et Elvire sont déjà mariés. Autrement dit, Laurent a déjà épousé Flipote, et l’univers déjà inversé de la comédie s’ap­prête à se renverser à nouveau, non pas cette fois pour nous aider à mieux conjurer la fausse dévotion, mais pour nous contraindre à mieux l’embras­ser. Le projet donjuanesque, ce ne serait donc plus simplement la mémoire de la tartufferie, mais c'en serait la matérialisation.

Qu/importe alors que Don Juan ne survive pas à son propre projet ? Si ce projet ne lui appartenait pas pour commencer, c’est qu'il n’était pas censé se vivre « subjectivement »comme le projet sartrien, et c’est peut-être pour cela également que, dans notre imaginaire collectif, le séducteur reste bien souvent une « pourriture »[40]. À force de vouloir synchroniser son dessein à celui des autres, Don Juan finit par trahir l’inexistence de son être pour soi, et par se réfugier derrière l’identité bassement essentielle de l'être en soi. Au lieu de se constituer en homme, le séducteur préfère en­core se restituer en « chou-fleur »[41], ce qui, après tout, correspond parfaitement à la mauvaise foi quant à elle bien sartrienne de l’hypocrisie, et ce qui nous conforte alors dans notre tendance à reléguer Don Juan au rang des vulgaires salauds.

Cependant, comme bien souvent chez Sartre et comme presque tou­jours chez Molière, la mauvaise foi trop humaine dépasse souvent le rang des hypocrites pour remonter à celui de leurs critiques. La mauvaise foi, en l’occurrence, n’est pas celle de la fausse dévotion en soi, mais celle de l’hypocrisie pour soi. Autrement dit, le problème ne se résume pas à savoir si la séduction par le mensonge peut être ou ne pas être, mais si ce projet donjuanesque peut effectivement exister, c’est-à-dire se développer par et pour lui-même. Or, la réponse à ce faux problème ne présente aucune am­biguïté ; le projet de séduction n’est pas une génération spontanée et il ne peut donc pas exister dans la valeur absolue du pour soi. Pas plus d’ailleurs que le projet sartrien ne peut lui-même exister sans une préséance explicite de l’être, puisque « l'homme est d’abord ce qu’il aura projeté d'être »[42].

Ainsi, à la base de toute considération ontologique du projet se trouve une question d’ontologie temporelle : le projet futur de l'être peut-il vrai­ment exister sans passer par le stade du projet conjugué au futur antérieur ? Pour Sartre, la réponse se voudrait claire, puisque, contrairement à l’hu­manisme traditionnel, l’existentialisme serait un type d’humanisme qui rejette l’influence du passé. Mais derrière ce rejet existentiel, comme le révèle explicitement le lapsus de la citation précédente, se cache égale­ment l’essence indéniable d’un passé dans le futur (« aura projeté »). Le futur ne saurait exister sans l’être au préalable d'un futur antérieur. Ce qui bouleverse alors complètement l’argument sartrien, mais ce qui renforce alors la réalité rétroactive du projet donjuanesque. Car là où Sartre préfère encore dissimuler sa dette vis-à-vis du passé, Molière, quant à lui, ne cherche qu'à l'affirmer. Avec un Don Juan qui embrasse non seulement la fausse dévotion d’Elvire mais aussi l’hypocrisie de Tartuffe, sans parler de la tartufferie généralisée de notre humanité, le projet moliéresque assume pleinement son rôle de processus temporel. Là où Sartre se réfugie dans une critique systématique de la mauvaise foi pour mieux masquer la mi­sère de sa propre mauvaise foi synchronique, Molière n’hésite nullement à révéler toute l’hypocrisie de son protagoniste comme pour mieux exposer son projet en tant que processus fondamentalement diachronique.

Au cœur du projet de synchronisation donjuanesque s’inscrit donc une appartenance essentielle au temps comme durée, et c’est en ce sens que la temporalité moliéresque ressemble beaucoup plus étroitement à la tempo­ralité bergsonienne qu'au projet sartrien. Car si, pour Sartre, l’existence antérieure du projet se trahit au détour d’une conjugaison inopportune, pour Bergson inversement, le futur antérieur dénote l’essence même de toute possibilité d'avenir. Comme ce dernier l’expliqua un jour à un reporter qui lui demandait d'ouvrir son « armoire aux possibles »afin de prévoir le chef d'œuvre artistique de demain, « l’œuvre n'est pas encore possible [… mais] elle l’aura été »[43]. Autrement dit, l’existence future ne saurait être sans avoir été, et le projet, comme le disait Bergson du pos­sible, n’est jamais que « le mirage du présent dans le passé »[44]. Or, c’est précisément parce qu’il embrasse la réalité de ce mirage, et surtout parce qu’il menace de la mettre à nu, au vu et au su de tous, que Don Juan repré­sente une telle menace pour la société de ceux et celles qui se contentent d’exister dans leur mauvaise foi. Don Juan n’est pas simplement celui qui dévoile la fausse dévotion de toute entreprise de séduction, mais c’est celui qui propose alors explicitement de montrer comment se joue le jeu d’une hypocrisie que tout le monde préfère encore dissimuler. Don Juan, c’est celui qui démasque le projet humain comme tartufferie temporelle, et c’est précisément parce qu’il exhibe le vide de notre existence qu’il importe que la mort s’empresse de le punir.

En somme, si le projet donjuanesque perdure par-delà la mort de son protagoniste, ce n’est certainement pas parce que le séducteur s’est con­tenté de synchroniser son horloge du mensonge avec celle des autres. Si ce projet perdure, c’est parce que sa synchronisation s’est progressivement différée au fil de la pièce, et que Don Juan a enfin pris suffisamment de recul par rapport à la temporalité de l’hypocrisie collective pour pouvoir la détailler par le verbe, de telle sorte à partager pleinement sa jouissance. Pour la première fois peut-être, l’hédoniste égoïste apprécie intimement la valeur durative du temps qui l’emporte, et pour la première fois sans doute, il nous fait comprendre, comme le fera plus tard Bergson, que « le temps est ce qui empêche que tout soit donné d'un coup. Il retarde, ou plutôt il est retardement »[45]. Peu importe alors, effectivement, que Don Juan ne sur­vive pas à son propre projet, car, à ce stade, la clef du temps a déjà été partagée et le projet donjuanesque, en tant que synchronisation différée ou retardée, passera incontestablement à la postérité, fût-ce par la maladresse d’un Sganarelle qui a tout entendu, fût-ce par la sournoiserie d’une Elvire qui savait déjà tout.

Oklahoma State University



[1]Molière, Oeuvres complètes, II(Paris, Gallimard, 2010): Le Dom Juan de Molière ne compte en effet qu’un emploi du substantif « projet », qui survient dès la première phrase de l’acte II, scène 2 (« le projet que nous avions fait »). Projet que le protagoniste attribue hypocritement à un « nous » dont la pluralité dénoterait l’implication de son valet, Sganarelle, alors même que ce dernier n’avait absolument rien à voir avec la planification de l’aventure, comme le révèle préalablement (I, 2) le détail du projet explicité par Don Juan. Voir la note subséquente. 

[2]Don Juan: « […] sans t’en avoir rien dit [à Sganarelle], toutes choses sont préparées pour satisfaire mon amour, et j’ai une petite barque, et des gens, avec quoi je prétends fort facilement enlever la belle » (I, 2).

[3]« Le sot projet qu’il [Montaigne] a de se peindre » (Pascal, Pensées [Paris, Garnier, 1964] p. 85, Brunschvicg 62, Lafuma 780).

[4]« [D]ans le vieux français des XIVe et XVe siècles, pourjet et project désigne [sic] des éléments architecturaux jetés en avant : notamment des balcons sur une façade ou des échalas devant une maison » (Jean-Pierre Boutinet, Anthropologie du projet, Paris, PUF, 1990, p. 24).

[5]Dictionnaire universel de Furetière (1690) et Dictionnaire de l’Académie française (1694).

[6]Il y aura certes George Dandin (1668) qui finira seul en scène par menacer « de s’aller jeter dans l’eau la tête la première » (III, 15), mais ce suicide prospectif n’en restera qu’au stade de la menace. Et quant à Psyché (1671), en admettant que Molière ait effectivement été plus responsable de la composition de cette tragédie-ballet que Corneille ou Quinault, n’oublions pas que, selon le modèle imposé par la mythologie grecque, celle-ci ressuscite au dernier acte, suite à l’intervention de Jupiter qui lui accorde de surcroît l’immortalité.

[7]Don Juan: « […] et comme Alexandre, je souhaiterais qu’il y eût d’autres mondes pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses » (I, 2).

[8]Don Juan [à Don Carlos] : « […] c’est un dessein que votre sœur elle-même a pris, elle a résolu sa retraite, et nous avons été touchés tous deux en même temps » (V, 3).

[9]Collègue de René Girard, Lionel Gossman fut le premier à appliquer la théorie du mimétisme à la séduction donjuanesque : « This super-man is so abjectly dependent on others that he is even incapable of desiring on his own account. All his desires are mediated by his rivals […] Indeed the desire to seduce is so far from being an attribute of sexuality in Don Juan that it would be more accurate to describe his sexuality as an attribute of his desire to seduce. And this desire to seduce is so purely metaphysical that it extends indifferently to men and women » (Men and Masks. A Study of Molière, Johns Hopkins University Press, 1964, p. 42–44). De mon côté, je nuancerai ici plus volontiers ce mimétisme indifférencié pour me concentrer sur la rivalité de Don Juan avec les femmes.

[10]Relire l'avant-dernière note.

[11]La Comédie-Française ne recommence à jouer que bien timidement le Dom Juan de Molière à partir de 1841 (car, avant cela, c’était la réécriture versifiée de Corneille qui avait été retenue), mais avec la nouvelle mise-en-scène de Jouvet en 1947, c’est plus de deux cents représentations de la pièce qui vont se succéder en moins de quatre ans (Jacques Scherer, Sur le Dom Juande Molière, Paris, SEDES, 1967, p. 36).

[12]Avec l’acte IV, scène 6 et l’acte I, scène 3, avait dit le dramaturge à une de ses étudiantes au Conservatoire, « tu as l’explication de toute la pièce » (Louis Jouvet, Molière et la comédie classique, Paris, Gallimard, 1965, p.94).

[13]« Elvire est quelqu’un qui parle purement, et les larmes qu’elle verse, elle les verse dans une béatitude céleste » (Ibid., p. 84).

[14]Ibid., p. 87.

[15]Ou peut-être même, selon Jouvet, un François de Sales en travesti : « Ce n’est pas du Molière ‘ordinaire’. Si vous vouliez lire un texte équivalent à celui-là, prenez L’Introduction à la vie dévote » (Ibid., p. 84).

[16]On comprend mal le choix de Jacques Weber qui, dans son adaptation filmique (1998), choisit d’infliger à Elvire le port d'une robe de princesse jaune canari, digne d’une Peau d’âne à la Jacques Demy, alors que son prédécesseur Marcel Bluwal, plus fidèle à « l’équipage de campagne » moliéresque, avait préféré, pour son téléfilm en noir et blanc (1965), un habit beaucoup plus sobre, parfaitement adapté à une scène de rencontre entre deux voyageurs qui se retrouvent, en toute logique, dans des écuries. À cet égard, le cuir moulant de la cavalière qui descend de cheval dans la bande dessinée de Simon Léturgie (Dom Juan, Issy-les-Moulineaux, Vents d’Ouest, 2008) peut paraître comme un anachronisme vestimentaire quelque peu sadomasochiste, mais il a au moins le mérite de souligner la fierté nobiliaire d’une Elvire d’emblée caractérisée comme une femme incontestablement forte.

[17]À ma connaissance, seul le linguiste hispaniste Maurice Molho, dans son chapitre sur le Dom Juan de Molière, s’attache à dévoiler l’onomastique d’Elvire en allant consulter le Tesorode Covarrubias (1611) : « Elvira es nombre de mujer usado en Castilla de muchos años atrás ; tiene en sí cierta manera de ponderación, y parece significar mujer valerosa y varonil, quasi virago »(Mythologiques, Paris, Corti, 1995, p. 173).

[19] Kathryn Willis Wolfe voit d’ailleurs dans cette initiative d’Elvire une inversion carnavalesque du code de l’honneur féminin, défini en partie comme passivité et silence : « Dona Elvire massively eschews silence and pursues the matter of her dishonor herself, without regard to her brothers » (« When feasting with the statue is dueling with le Ciel: carnival inversions in Molière’s Le Festin de pierre », Cincinnati Romance Review32, 2011, p. 167).

[20]Elvire : « Je te le dis encore, [Don Juan], le Ciel te punira, perfide, de l’outrage que tu me fais ; et si le ciel n’a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la colère d’une femme offensée. »

[21]Don Juan: « Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici » (I, 3).

[22]Elvire: « J’admire ma simplicité et la faiblesse de mon cœur à douter d’une trahison que tant d’apparences me confirmaient. J’ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte pour me vouloir tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux et mon jugement. J’ai cherché des raisons pour excuser à ma tendresse le relâchement d’amitié qu’elle voyait en vous ; et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d’un départ si précipité, pour vous justifier du crime dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler : j’en rejetais la voix qui vous rendait criminel à mes yeux, et j’écoutais avec plaisir mille chimères ridicules qui vous peignaient innocent à mon cœur » (I, 3).

[23]Il existe certes une neuvième proposition subordonnée conjonctive, dans la deuxième tirade d’Elvire, où l’on rencontre l’emploi du subjonctif (« que, malgré vous, vous ne demeuriez ici quelque temps »), mais, techniquement, celle-ci  est une subordonnée d’une autre subordonnée (« qu’il faut que […] »), ce qui fait qu’elle ne dépend ni du premier verbe déclaratif (« jurez »), ni du second (« dites »). En outre, on remarquera que cette seule occurrence du subjonctif résulte de l’emploi d’une expression d’obligation, ce qui, là encore, nous aide à mesurer toute la différence avec le discours dubitatif de Don Juan.

[24]Don Juan: « […] pour ne pas croire qu’avec vous davantage je puisse vivre sans péché. »

[25]Don Juan: « […] et que j’allasse, en vous retenant, me mettre le Ciel sur les bras […] »

[26]Je rappelle que les barbarismes adjectivaux de « virtualisant » et d’ « actualisante » constituent en fait des emprunts à la grammaire guillaumienne (Temps et verbe, Paris, Champion, 1929), et notamment à la section où Guillaume sépare les conjonctions en deux groupes ; celles dites « actualisantes », suivies de l’indicatif ; et celles dites « virtualisantes », suivies du subjonctif (p.  42). En outre, seulement quelques pages auparavant, le grammairien insiste sur la différence sémantique entre les verbes ‘espérer’ et ‘désirer’ : « Qui espère désire, mais tandis que le désir se fait sentir sans que la pensée ait accès au sentiment de probabilité, l’espoir, au contraire, ne naît que de l’accès à ce sentiment » (p. 38). Or, c’est là tout le problème d’Elvire : en s’associant d’entrée de jeu à l’emploi du subjonctif plutôt qu’à celui de l’indicatif, son espoir se dégrade par là même en « sentiment » d’improbabilité. Autrement dit, cet espoir se réduit d’emblée en désir larvé.

[27]Comparaison déjà présente chez Jacques Guicharnaud qui se contentait de paraphraser Molière en disant qu’ « [Elvire] n’est pas loin d’Alceste demandant à Célimène qu’elle fasse semblant de lui être fidèle » (Molière. Une aventure théâtrale, Paris, Gallimard, 1963, p. 217).

[28]Je n’observe pas, dans mon propre décompte, la même régularité syllabique que Camille Dumoulié, mais, dans l’ensemble, je reconnais la validité de son observation sur la musicalité du discours : « Le caractère sublime du discours d’Elvire tient à ce contraste entre l'expression hyperbolique des affects et la sereine limpidité du rythme, sa maîtrise et sa légèreté, ainsi que cette répétition lancinante de l'octosyllabe avec variation sur un rythme soit de six syllabes, soit d’alexandrin, qui rappelle le mouvement d’une suite de Bach » (Don Juan ou l'héroïsme du désir, Paris, PUF, 1993).

[29]Elvire : « Je m'en vais après ce discours, et voilà tout ce que j'avais à vous dire [...] Non, vous dis-je, ne perdons point de temps en discours superflus. »

[30]Don Juan : « Madame, il est tard, demeurez ici : on vous y logera le mieux qu'on pourra [...], vous me ferez plaisir de demeurer, je vous assure. »

[31]Citons la « pure and unselfish woman » de Leo Weinstein (The Metamorphoses of Don Juan, Stanford UP, 1959, p. 33), celle pour qui la conversion ne pourrait être qu'authentique (Gossman, op. cit. p. 63), voire celle qui aurait « recouvré son indépendance » féministe en parvenant à « s[e] trouv[er] dans la cruelle possession de Don Juan » (Marie-Louise Coudert, « Dom Juan, Elvire et moi », Europe 441–42, 1966, p. 74–75). C'est cette même Elvire que l'on retrouve chez Jean Rousset pour qui « du premier au quatrième acte, Elvire s'est transformée, s'est convertie, [et pour qui] la rhétorique amoureuse fait place à la rhétorique dévote, les cris s'inversent en larmes » (Le Mythe de Don Juan,Paris, Colin, 1978, p. 53). Mais, apparemment, cette perception était déjà partagée par les contemporains de Jouvet qui, comme Jacques Arnavon, imaginaient que « le rôle d'Elvire doit [...] exercer un irrésistible attrait » (Le Don Juan de Molière, Copenhague, Gyldendal, 1947, p. 142). En outre, bien avant l'effet Jouvet, même le prédécesseur le plus lointain du renouveau de la critique donjuanesque semblait, pour sa part, entièrement médusé par le personnage : « l'amour d'Elvire est profond et triste, presque tragique; même coupable, il inspire le respect » (Georges Gendarme de Bévotte, La Légende de Don Juan, Paris, Hachette, 1911, p. 145). 

[32]« Étrange qu'à cette renégate du couvent par amour, pas un cri de tendresse ou de passion n'échappe, pas un aveu ! […] Comment croire qu'elle n'en a déjà plus, que l'amour pour Don Juan a quitté Elvire aussi vite que l'amour pour Elvire a quitté Don Juan ? », observait astucieusement Micheline Sauvage (Le Cas Don Juan, Paris, Seuil, 1953, p. 83). Et Saint-Paulien d'aller un peu plus loin, en suggérant de façon aussi rhétorique que Don Juan pourrait bien s'inspirer du jeu de son épouse : « Pourquoi ne pas jouer le même rôle qu'Elvire, celui du repenti, du dévot ? » (Don Juan. Mythe et réalité, Paris, Plon, 1967, p. 133). Même les féministes, pour qui le retour en scène d'Elvire « prouve son immense amour pour […] l'émancipateur des femmes », doivent alors reconnaître que celle-ci « revient à la charge, sous prétexte de 'sauver' l'âme de son séducteur » (Sarah Kofman, Don Juan ou le refus de la dette, Paris, Galilée, 1991, p. 92–93). Dès lors, c'est la nature foncièrement théâtrale d'Elvire qui prend le dessus: « What Elvire asks of Don Juan is not an explanation or repentance but participation in a scene which can represent their love in a present or past form [...] not love but its representation » (Michael Spingler, « The Actor and the Statue : Space, Time and Court Performance in Molière's Dom Juan », Comparative Drama 25, 1991, p. 351–68). Et sous peu, on en vient à dénoncer « le discours transactionnel d’Elvire [comme] discours de mauvaise foi, digne de la tragédie – genre noble – [… et qui] se teintera d’un évangélisme peu convaincant (IV, 6) » (Michel Bareau, « Esthétique et transaction dans le Dom Juan de Molière », Ordre et contestation au temps des classiques, Papers in French Seventeenth-Century Literature, 1992, p. 125).

[33] Rappelons que ce n’est qu’en 1682, soit neuf ans après la mort de Molière et dix-sept ans après la mise-en-scène de la pièce, qu’apparaît la première édition du Dom Juan.

[34] Référence à l’entrée en scène de Tartuffe qui, pour impressionner Dorine, fait mine de donner des instructions à son invisible servant : « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline » (III, 2, v. 853).

[35] Don Juan : « Sais-tu que j’ai encore senti quelque peu d’émotion pour elle, que j’ai trouvé de l’agrément dans cette nouveauté bizarre, et que son habit négligé, son air languissant et ses larmes ont réveillé en moi quelques petits restes d’un feu éteint ? »

[36] La comparaison entre la « dame voilée » du quatrième acte et la « femme voilée » du cinquième semble pratiquement incontournable. Cependant, parce que l’une révèle effectivement son identité et l’autre non, je prendrai garde ici à ne pas amalgamer les deux. Rien ne prouve en effet que, sous le Spectre du dernier acte se cache le seul personnage d’Elvire.

[37] C’était en 1995, au festival d’Avignon, que Mnouchkine avait fait le choix pour le moins original de mettre en scène un Tartuffe devenu intégriste islamique.

[38] Op. cit.,p. 86.

[39] L'anachronisme de cette analogie peut paraître mal venu, mais il ne fait que prolonger les observations faites par Roger Duchêne dans son dernier travail sur la culture féminine au Grand Siècle (Être femme au temps de Louis XIV, Paris, Perrin, 2004). D'une part, en effet, celui-ci nous rappelle l'existence d'une « dot de couvent » (78) sans laquelle les portes de l'institution restaient aussi fermées que celles d'un country club à ceux et à celles qui n'auraient pas réglé leurs frais d'adhésion. D'autre part, Duchêne multiplie les exemples de ce qu'il appelle euphémiquement les « petits relâchements » (88), pour démontrer à quel point les enceintes des couvents représentaient des frontières particulièrement poreuses pour leurs résidentes qui bénéficiaient alors de tous les avantages sociaux d'un « impossible enfermement » (Ibid., titre du huitième chapitre).

[40] Op. cit.

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] La Pensée et le mouvant, Paris, Alcan, 1937, p. 127.

[44] Ibid., p. 128.

[45] Ibid., p. 118.

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Corneille’s Le Cid and Crying Blood

Article Citation: 
18 (2017) 1–22
Author: 
Lauren Weindling
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Son sang sur la poussière écrivait mon devoir;
 Ou plutôt sa valeur en cet état réduite
Me parlait par sa plaie, et hâtait ma poursuite;
Et pour se faire entendre au plus juste des rois,
Par cette triste bouche elle empruntait ma voix. (2.8.676–80)

In this scene, Chimène describes her father’s blood speaking to her as she pleads with the King for justice.[1] While it might be tempting to gloss her description as a conventional symbol of her familial duty, the hero­ine’s account of blood here is more than mere poetic device. Chimène’s language not only emphasizes blood’s material presence spilt in the dirt, but also figures blood as an agent which calls for action, and seemingly does so literally since “sang” is the speech’s subject with its own “bouche,” the wound. Her father’s blood speaks to her due to their con­sanguinity but then borrows (“empruntait”) her voice to speak for itself in a public forum. Blood has agency in this drama, at least as the characters imagine, an agency that Chimène recognizes when she calls on “le sang par le sang” (2.8.692). Her actions are not hers alone, but are instead com­pelled by her bloodline, a force larger than herself. Blood hastens her pursuit and she does not believe that she has the capacity to refuse its di­rective. The familial blood dictates her actions and commands her to speak for it, just as a god might speak through a possessed human host. In her mind, blood calls for blood seemingly despite human volition.

Curiously at odds, then, with Chimène’s belief in the inescapable di­rective of bloodshed — and the fact that “sang” is mentioned no less than forty times throughout the play — is the play’s close which seeks to fore­close blood’s demands. The King promises that the blood feud will cease, that the two lovers can be wed, and that all will live together happily thereafter.[2] And yet, despite the attractiveness of this promise, Chimène’s “point of honor” described in graphic detail — “d’avoir trempé mes mains dans le sang paternel”(5.7.1838) — appears to be neither an arbitrary point of contention that she cites to hide her true feelings, nor a mechanism for Corneille to appease the critics of the French Academy.[3] Rather, her complaint carries enormous weight if the theories of blood are taken seri­ously, as she clearly does. If one’s blood physically determines one’s character, and blood is mixed in the consummation of marriage, then hus­band and wife ultimately come to share both the traits and the crimes of one another. In this case, if Chimène’s blood were to mix with Rodrigue’s, then she would be guilty of patricide.[4] Chimène clings to these reserva­tions because for her, though the King can pardon Rodrigue’s crime in a legal context, his blood cannot be changed by royal sanction. She thus embraces this ultimately destructive discourse in order to save both herself and her entire bloodline from “reproche éternel” (5.7.1837). If we recog­nize in this moment the seriousness of the characters’ ideological framework of blood — namely that blood is a substance that literally de­termines identities, duties, and affinities and that explicitly makes demands — then Chimène’s final speech and the uncomfortable nature of the dénouement becomes clearer.

As historian David Sabean notes of blood ties in the period, “blood transmits essential properties from parent to child and constructs a mate­rial identity among individuals of the same lineage” (154). As far back as the thirteenth century in the supplementum to his Summa, Thomas Aqui­nas maintains that blood is an “immutable essence” and thus does not change as it is passed down from one generation to the next (Teuscher 86). And this basic belief persists at least as late as the seventeenth century, for the legal dictionary, Nouveau dictionnaire civil et canonique (1697)insists on blood’s primacy outlining that “only blood is capable of contracting kinship and alliance” (11 qtd. Gager 4).[5] In addition to materializing shared character traits, this discourse of family lineage also privileged the preservation of a bloodline over and above its individual members. This logic intensifies in the context of a blood feud, which, as Stuart Carroll has explained, is never an individual matter. The blood feud, rather, entails collective liabil­ity since the vengeance taker need not be the kinship member who was most wronged; individuals are fundamentally vessels for the bloodlines that carry both traits and responsibility, and the bloodline is the primary target of vengeance. Furthermore, the notion that blood might cry for ac­tion has biblical origins, when God says to Cain that Abel’s blood is crying to him from the ground (Gen. 4:10, Cherpack 12).

Kinship ties then expanded based on marriage, for in the period the saying that two would become “one flesh” (unitas carnis) (Gen. 2:24) appears to have been taken literally. The vocabulary of shared flesh changed to one of blood likely due toOld Testament references that con­nected the soul toblood (Delille 136–7). Evidence for the belief in equal blood mixing comes in part from incest proscriptions in canon law, partic­ularly the Fourth Lateran Council (1215), which counted degrees of consanguinity equally through both paternal and maternal bloodlines (Sabean and Teuscher 5). At the same time, the vocabulary of sexual inter­course changed from copula carnalis to commixtio sanguinis (the mixing of blood), and authors working within the Galenic, humoral framework began to explicitly equate semen with blood and posited that a woman might also need to ejaculate blood of sorts (Teuscher 95–6). Yet as Sabean reminds us, these “widespread assumptions about the exchange of fluids in intercourse always point to a substantial, carnal, physical link that carries moral weight” (156). Hence viewing the talk of blood in this play as not merely metaphorical, but as embodied or fleshy gives new force to Chimène’s refusal; in this framework her marriage to Rodrigue could not be morally permissible since she will assume his faults physiologically. Moreover, attending to the materiality of blood’s call also prompts us to re-examine the play’s standard gloss as a conflict between two conflicting ideologies: that of the nobility and that of the monarch. Chimène’s “point d’honneur” highlights that these assumptions about blood’s nature, if ear­nestly believed, are more powerful than either the aristocracy or the monarchy that cite them to substantiate their authority.

The classic political reading of Le Cid characterizes the play’s struggle as one between two different value systems: the emergent absolutist mon­archy and the older feudal structures of the aristocracy — characterized by Chimène’s point of honor and her obsession with blood. This gloss is un­derstandable given the role that blood played in the debates around nobility in this moment. Arlette Jouanna’s book, L’Idée de race en France, lists seventy-seven authors who debated a nobility of “race” (i.e., heredi­tary bloodline) versus a nobility of virtue between 1550 and 1615. And André Devyver has shown that the self-conscious equation of nobility with blood purity increased after 1560 when the Count of Rochefort called for the end of ennoblements in an attempt to limit the increasing number of parvenus amongst them. Rochefort claimed the ancient prerogatives of blood, claiming that it was the medium of psychic and moral virtues including bravery and strength inherited from the ancient conquering Franks.[6]In yet another example, Cardin Le Bret as avo­cat général insisted in the Cour des Aides (1598) that “nobility depends less on the law than on nature, that is to say, on the law of nations and on a series of degrees of consanguinity” (qtd. Descimon 97). This myth gained more force towards the end of Louis XIV’s reign, but the embrace of this vocabulary incited a great deal of debate and gave rise to a legal definition of nobility.[7]

Yet the need to prove a nobility of blood wasn’t merely a way to assert noble identity independent from royal authority, it was also a reaction to the state’s fiscal interests, specifically looking for exemption from the taille after the declaration of Francois I in 1543 (Haddad 151). While in­vestigations into noble genealogies to create a noblesse de race (1661) would seem to support noble interests on a symbolic level by supporting the notion of imprescribibility, it in fact decreased the number of “true” nobles (i.e. those not conferred by the King) because it increased the amount of proof necessary. Nobles now had to prove nobility as far back 1560, and this law became even stricter overtime as investigators like Al­exandre de Belleguise and André de la Rocque insisted that if one found evidence of roture even before 1560, then the nobles could no longer claim noblesse de race. Ultimately this gave the King more control to give out noble status according to merit and to decide on limit cases exposed by his genealogists (Haddad 159–63).

Corneille scholars have consequently understood Le Cid as part of this historical story of noble decline, with the language of blood squarely on the side of the aristocracy. Paul Bénichou, for instance, understands Cor­neille’s dramatic corpus as embodying “l’esprit aristocratique,” which includes rebelling against the aristocracy’s humiliation by royal authori­ties. For Bénichou, although Le Cid reinstates the King’s power at the close, it nonetheless reflects a certain nostalgia for this older feudal sys­tem.[8] Bénichou and other scholars generally speak of these competing value-systems in a disembodied way. Elliott Forsyth, for example, under­lines the “puissance trancendante” of the feudal honor code in Le Cid (the “devoir se venger”) though he views this discourse as a disembodied one of ideals, especially glory (393). Peter Bornedal’s reading depends on his basic assumption that the code of honor is fundamentally about debts paid and maintaining a “name” (synonymous with honor), a value which out­weighs all else. These systems, however, are very much attached to bodies; and when examined in this light, the two opposing sides are not so antithetical as most readings assume.[9] Rather than understanding this phe­nomenon as a story of the nobility’s decline,[10] one could view this appeal to blood as part of their attempt to negotiate new institutions by using vo­cabulary in new ways as many recent historians have encouraged. In this negotiation, therefore, the King might likewise make use of this vocabulary.[11] More recently Marcus Keller has noted in the play the King’s usurpation of the nobles’ blood discourse (of lineage and race) to construct a new absolutist state and a national identity defined by a common ethnicity.[12] Yet Keller’s analysis treats blood metonymically, connected to kinship and ethnicity with little reference to its literal purchase in both the play’s action and in the characters’ conceptions of their respective identities. In short, he fails to note that these blood discourses actually demand and in­volve literal blood through blood spillage and violence. And though in this case the blood may not be visible onstage, it is graphically imagined nonetheless.[13] I thus maintain that Corneille’s persistent emphasis on blood emphasizes the violence necessary to perform this ideological framework on both sides of the political divide. While, as Rebecca Zorach has noted, the early modern French court also used blood to symbolize power and vitality more positively,[14] in Le Cid the blood that embodies honor and identity demands blood spillage to preserve these characteristics — whether in the context of the aristocratic blood feud or in the King’s new body politic. Otherwise stated, even though the aristocracy and the monarch cite blood discourses towards contradictory ends, they invest in similar assumptions with similarly violent consequences.

 Corneille’s play reveals that blood discourses, when taken seriously, can only produce more violence as the physiological material purportedly dictates these actions regardless of individual will: Rodrigue must salvage the honor in his father’s veins; blood likewise demands violence from Chimène, mandating death to the man responsible for spilling her blood (indistinguishable from her father’s); and King Fernand is equally depend­ent on blood spillage for his own identity and authority as (absolute) monarch. King Fernand can attempt to argue that his royal blood (the blood of the nation as he puts it) matters more than that of the nobility. But if he holds the same premise, that blood matters, then all blood matters; and the King cannot convincingly apply this principle to his body alone. So long as these characters depend upon and invest in these discourses, regardless of their side in this political divide, blood will not change. Blood will demand more blood, and future generations will be determined by the same violent requirements and demands. The alternative to this dialectic, to have a future without blood, necessitates rejecting this bloody ideology entirely; as Le Cid intimates, defining othersby their bodies here only yields violence, whether in a blood feud or in a holy war against the Moors.

To briefly rehearse the violent consequences of this belief in blood, the nobility clearly espouse blood’s agency, which incites the blood feud. The two patriarchs, and Don Diègue in particular, quickly invoke the convic­tion that blood materially dictates both characteristics and affinities. And with these affinities come violent duties to one’s bloodline, despite the independent feelings of its particular individual members. Don Diègue rehearses several assumptions about how blood functions when he calls upon his son to avenge him. He importunes,

Je reconnais mon sang à ce noble courroux,
Ma jeunesse revit en cette ardeur si prompte,
Viens, mon fils, viens mon sang, viens réparer ma honte;
Viens me venger. (1.5.264–7)

Don Diègue here not only equates his blood with his son, marked by the parallel construction “viens, mon fils, viens mon sang,” but also because his son carries his blood, he likewise must have inherited the same perso­nality traits, his “noble courroux” and “ardeur.” Just as Rodrigue’s blood has dictated his identity and personality, so too it must dictate his actions. It is, after all, ambiguous as to which entity is “coming to avenge him” [“Viens me venger”]; is it “mon fils” or “mon sang”?Revenge, moreover, demands spilling blood to wash away dishonor as Diègue spells out, “Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage, / Meurs, ou tue” (1.5.274–5).[15]Diègue’s argument relies on the assumption that Rodrigue inherits the stain of his offense due to their consanguinity, and therefore to avenge his father is to avenge himself: “Enfin tu sais l’affront, et tu tiens la vengeance, / Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi” (1.5.286–7).Don Diègue does not frame his request as merely something that a son should do out of duty to his father, but rather their consanguinity means that his son likewise requires vengeance.[16]

Both Rodrigue and Chimène assume this blood-determined duty, and though conflicted, when blood is understood as the physiological founda­tion of one’s person, it must trump erotic love. In other words, blood conceived in this way necessarily dictates and determines without concern for any other social or emotional considerations. For instance, Rodrigue voices this reasoning after a lengthy internal debate: “Que je meure au combat, ou meure de tristesse, / Je rendrai mon sang pur comme je l’ai reçu” (1.6.343–4). Rodrigue must put love aside because his blood won’t change; his basic nature, his integrity as an individual endures no matter the manner of his death. Moreover according to blood’s logic, material purity of the family honor must be his primary concern since his blood belongs not only to himself. It is a force greater than himself which cannot be changed by either his love for Chimène or the King’s absolution.[17]

Once completed, Rodrigue’s subscription to the logic of theblood feud incites Chimène’s response in kind, for she must likewise accept its vio­lent injunctions. Chimène cannot reject familial duty that has been physiologically determined, not even for the love of Rodrigue or devotion to her country. Blood’s ideology equally implicates her noble body even if she lacks the capacity to act on it as Rodrigue does by taking his life. As a woman, it would be considered unseemly for Chimène to affect Ro­drigue’s death by her own hand; and lacking any other male family members, she must continue to call on the King for justice/vengeance (Forsyth 394). Moreover, Chimène cannot find a place in the King’s dis­course of blood: spilling Moorish blood for that of her nation. As Barbara Woshinsky notes, gender accounts for the protagonists’ respective suc­cess:

he [Rodrigue] can say almost anything and be believed. He not she. For the guarantee does not work for heroines. While men can both act and speak, women can only speak, a disparity which will ultimately deny Chimène heroic stature (154).[18]

Chimène is thus at the mercy of the king’s justice to satisfy blood’s demand, but this blood, an intractable part of her, cannot be denied or set aside. When asking the King for justice with Rodrigue’s death, she forcefully underlines blood’s power:

Sire, mon père est mort; mes yeux ont vu son sang
Couler à gros bouillons de son généreux flanc,
Ce sang qui tant de fois garantit vos murailles,
Ce sang qui tant de fois vous gagna des batailles,
Ce sang qui tout sorti fume encor de courroux (2.8.659–63)

The first feature to note is that, after proclaiming her father dead, his blood remains her first concern. Secondly, her description of this blood is extre­mely visceral, flowing in “gros bouillons” from his flesh. While one might argue that this gruesome description acts as rhetorical flourish to underline the violent nature of Rodrigue’s crime, the physical nature of the blood discourse throughout this play demands that the audience take this bloody description more seriously. Thirdly, Chimène’s use of anaphora repeats the word “sang” three times over. Blood here becomes the subject of her proclamations: it protected the kingdom’s borders; it won battles; it still fumes with rage. And, of course, as we saw in the opening quotation, the blood speaks and makes demands. When Don Rodrigue asks to be killed by Chimène with his own sword, she exclaims, “Quoi! du sang de mon père encor toute trempée!” (3.4.858). And only a few lines later she insists that this is likewise her blood, “Il est teint de mon sang” (3.4.863, italics mine). Like Rodrigue’s acceptance of this discourse outlined by his father, if Chimène assumes this discourse, then she has no choice but to suppress any love for her enemy and plead for his blood to cleanse her own.

These lovers thus understand this mandate as a matter of personal in­tegrity in part because it literally comes from within themselves, the very substance/essence of their (noble) beings. As other scholars have noted, the young lovers accept this “devoir du sang” in part due to a double bind (5.2.1592). For in order to be worthy of the beloved’s love, the lover must maintain his/her honor, even if doingso entails violence towards the be­loved or his/her family.[19] According to this line of reasoning, Rodrigue begs Chimène to kill him, insisting that only her hand can do it. Rodrigue pleads, “Plonge-le dans le mien, / Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien” (3.4.863–4). The stain of her family’s blood and thus hers, “le tien,” can be washed away by spilling his own blood. Like the language’s paral­lelism, the system is one of perfect parity, and cruelly, what is best both for her and their love is that he be repaid in kind. Rodrigue later explicitly reframes this demand in terms of honor, “Immole avec courage au sang qu’il a perdu / Celui qui met sa gloire à l’avoir répandu” (3.4.903–4). A sacrifice must be made to her father’s blood spilt, and with this premise she agrees. But the command “immole” takes on an even more disturbing tenor in this scene. The blood of the father assumes a quasi-divine status, which requires that one sacrifice to it, threatening some measure of retri­bution if she were to refuse. But only Rodrigue appears to have a means out of this bind: he can kill the Moors and subscribe to the King’s new economy of blood in order to gain his favor, but Chimène lacks this re­course.

In contrast with the protagonists, the Infante views the love between Rodrigue and Chimène as a possible means to end the feud and its violence. The Infante proposes that this marriage (commixtio sanguis) could cleanse the bad blood between them. The marriage would establish new ties of affinity between the families and consequently would “snuff out” the discord. The Infante tries to comfort Chimène,

Le saint nœud qui joindra don Rodrigue et Chimène,
Des pères ennemis dissipera la haine,
Et nous verrons bientôt votre amour le plus fort
Par un heureux hymen étouffer ce discord. (2.3.473–6)

The Infante’s hope is quite explicit; it is the marriage tie—described as “the sacred knot,” and the power of Hymen—that would dispel the hatred between the two families. If the reference to this sacred tie is at all ambiguous, then the allusion to Hymen clearly implies a sexual bond with its mixing of flesh and blood (especially in the form of the maidenhead) upon entering married life. Otherwise put, by mixing bloods in marriage (commixtio sanguis), the two feuding families would now be members of the same extended kinship group, thereby determining new affine relations that could overturn the stains to family honor. Yet, Chimène knows that a marriage would not absolve her duty, for to incor­porate his blood into her own would mean to incorporate his character and liabilities, which was not a problem, of course, until he killed her father. Chimène frankly acknowledges this problem when speaking of King Fer­nand’s command that she marry the victor of the duel between Don Sanche and Rodrigue. Whoever wins, “De tous les deux côtés on me donne un mari / Encor tout teint du sang que j’ai le plus chéri” (5.4.1659–60). Regardless of the outcome, when married, she would be held guilty for and thus tarnished by (“tout teint du sang”) the blood of the one that she most cherishes, either her father or Rodrigue. Her strain against the King’s order, therefore, reflects the seriousness of her investment in blood’s laws and agency.  

Thus as the play concludes, Chimène worries that she will be forced to take on the horrifying consequences of marrying Rodrigue. She asks the King if she must marry him,

C’est trop d’intelligence avec son homicide,
Vers ses Manes sacrés c’est me rendre perfide,
Et souiller mon honneur d’un reproche éternel,
D’avoir trempé mes mains dans le sang paternel? (5.7.1835–8)

Chimène’s language reflects that this marriage would be no small com­promise because it would defile her honor with an “eternel” reproach. This contamination of her blood has implications both for the status of her own soul (“vers ses Manes sacrés”), andfor allof her future kin. Needless to say, she does not conceive of this stain on her honor as a metaphorical one. Her hands would be soaked in “sang paternel”; though not visible to the audience, she nonetheless believes that her body would be compromised in a very visceral sense. If two become one in the sanctity of marriage and their bloods mix, then she is guilty of patricide, as though she herself had stabbed her father. And if this principle of contamination is true, if blood in fact determines and signifies in this way, then the King does not have the authority much less the capacity to absolve it. The King’s final pronouncement at the play’s close, however, utterly ignores these implications. He effectively turns a deaf ear to Chimène altogether and calls on Rodrigue to hope: “Espère en ton courage, espère en ma promesse” (5.7.1837). As Cordell Black notes, despite the King’s trick that forces Chimène to expose her feelings publicly, “to acknowledge [Chimène’s] love for ‘le Cid’ is not at all tantamount to making the ulti­mate concession: marriage” (79). Her “point d’honneur” holds far more weight than the King will acknowledge; for her it is not some small point of pride. Despite the King’s appeal to time to assuage her concerns [“laisse faire le temps” (5.7.1840)], blood’s material will persist from one generation to the next. If the material of her body, the demigod blood, has a power and force outside of her reach, then it is likewise beyond King Fernand’s purview.Namely, the King’s sanction cannot change the phy­siological character of Rodrigue’s blood. This belief poses a serious problem for his authority. He cannot deny the power of blood to the aristocracy because he likewise depends on the assumption that blood embodies power and authority, particularly his own blood.

Although King Fernand advocates for this marriage, his command that Chimène relinquish her convictions betrays a double standard rather than a uniform critique of blood’s framework. His command conflicts with his own investment in blood, his royal blood and that of the nation, which both depend upon the same assumption as Chimène’s “point of honor,” namely that blood signifies. The King calls upon his own power and au­thority to mandate that others relinquish this assumption when it pertains to the blood feud (“un sanglant procédé” as he calls it) simply because it suits his purposes and national interests (4.5.1452). Yet if his blood signi­fies power, authority, and identity, then this pronouncement is incongruous with his insistence that the nobility’s blood does not.[20] The King’s stance, there­fore,doesn’t fully accord with his promise for a peaceful conclusion, and, as it turns out, shoring up his own authority and identity likewise proves to be a “bloody practice.” To illustrate, the Infante insists upon maintaining her blood’s purity allied with her father’s investment in his blood’s authority. Her status as a princess impedes her love for Rodrigue since her union with a noble would debase her royal blood. Despite some inner tur­moil at the beginning of the play, she resolves, “Oui, oui, je m’en souviens, et j’épandrai mon sang / Plustôt que de rien faire indigne de mon rang” (1.3.85–6). The Infante would rather spill her blood than do any­thing unbecoming of her blood’s quality (rank), which is the key to the power of the monarchy. However, the Infante wavers once Rodrigue has returned victorious. Once he has been named “Le Cid,” Rodrigue has theo­retically obtained worthier blood by violence. She muses to herself, “Et ce grand nom de Cid que tu viens de gagner / Ne fait-il pas trop voir sur qui tu dois régner?” (V.2.1587–8). As she conceives it, this new name reflects a change in person, and one which is founded in blood. Admitting to her maidservant, “Si j’aime, c’est l’auteur de tant de beaux exploits, / C’est le valeureux Cid, le maître de deux rois” (V.3.1635–6). According to the Infante’s formulation, she loves an altogether different man, the author of these exploits, a new blood-borne identity.

The King adamantly expresses his own investment in “Le Cid” and other heroes who can spill Moorish blood for the safety of the body politic and who can likewise bleed for it. For this blood is central to his royal identity. King Fernand first exposes this reliance on blood after news of the Count’s death; King Fernand laments the loss of his life but especially his loyal career measured in blood spilt for his country, “Après un long ser­vice à mon État rendu,/ Après son sang pour moi mille fois répandu” (2.7.643–4).[21] The diction here further emphasizes his personal invest­ment, since the blood was spilt not for his nation or crown but their equivalent, “pour moi.” Earlier in the play, the Infante echoes this attitude towards blood when daydreaming of a Rodrigue who would be worthy of her, “Porter delà les mers ses hautes destinées, / Du sang des Africains arroser ses lauriers” (2.5.542–3). The very visceral “watered” or even “soaked” of the verb “arroser”marks the somewhat grotesque and violent nature of the action needed to transform Rodrigue’s nature; it is literally dipped in blood and dripping from the laurel crowns on his head. This repulsive image highlights the destructive center of even blood’s positive symbolism. Moorish blood will be spilt for the preservation of the nation’s lifeblood and that of its King.

King Fernand further paints his subjects’ blood as his primary concern, although only as part in parcel of his political body.[22] He explains to his adviser,

Un roi dont la prudence a de meilleurs objets
Est meilleur ménager du sang de ses subjets,
Je veille pour les miens, mes soucis les conservent,
Comme le chef a soin des membres qui le servent. (2.6.595­8)

Caring for his subjects’ blood and well-being is the primary aim, the best [“meilleur”] object emphasized twice over, of the prudent ruler. And via metaphorical extension, their blood becomes his blood as “le chef” of the body politic. But as he admits earlier, his concern for his subjects’ blood does not pertain to their sense of honor or individual blood purity, but ra­ther the material blood that could be spilled in violent combat, in service to his nation.[23]Rodrigue too seemingly invests in the King’s economy of blood in this moment as he credits the King and his empire for his own blood:

Je sais trop que je dois au bien de vostre Empire
Et le sang qui m’anime et l’air que je respire,
Et quand je les perdrai pour si digne objet,
Je ferai seulement le devoir d’un sujet (4.3.1243–6).

Rodrigue recognizes that his blood, and more specifically his blood that can or will be lost for his King, effectively belongs to the King. Moreover, the third scene of act four exhaustively renders this bloodshed in Ro­drigue’s narrative as “des champs de carnage où triomphe la mort” (4.3.1310). Further describing the surprise ambush, Rodrigue recounts, “Nous les pressons sur l’eau, nous les pressons sur terre/ Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang / Avant qu’aucun resiste, ou reprenne son rang” (4.3.1300–2). The streams of blood recounted here, after all, are no different than those streaming from the body of Chimène’s father. Despite the notable political change, both the feudal and monarchical structures invest in a common ideology. Both sides of this power struggle between the aristocracy and the monarch depend upon the premise of blood’s signi­fication, and in both cases this investment is destructive.

Yet, by way of conclusion, Corneille’s play does make a small space for hope, although not in the form of a prospective marriage between Chimène and Rodrigue. Instead, Chimène’s servant Elvire provides an opportunity for the audience to recognize that because blood does not literally operate in the way that the characters imagine, there is a way out of its violent consequences. She alone, apart from the play’s conflict, suggests that rejecting this framework entirely might be the only escape from its violence, and the only potential for a peaceful conclusion. One cannot merely insist that the blood feud cease (as the King declares in the interest of his own power), but one must explicitly recognize the violent byproducts of defining others, or oneself, by blood. Elvire might look like merely a stock character, playing the role of the confidante and sometimes chorus; and in fact most critics ignore the cast of supporting characters since they don’t garner much sympathetic attention from the audience.[24] But upon closer examination, Elvire articulates the only bloodless option. Elvire’s question to Chimène articulates the ultimate critique of the blood feud’s nonsensical logic:

Que prétend ce devoir? et qu’est-ce qu’il espère?
La mort de votre amant vous rendra-t-elle un père?
Est-ce trop peu pour vous que d’un coup de malheur?
Faut-il perte sur perte, et douleur sur douleur? (5.4.1689–92)

Rather than look to bodies and who or what they determine, she instead belabors the physical consequences of maintaining these discourses, loss on loss and woe on woe. Elvire’s concern should resonate for Corneille’s audience given the enormous bloodshed caused by the civil wars of reli­gion, a conflict of not only faith but also of noble factions, as well as King Charles IX’s probable role in the Saint Bartholomew’s Day Massacre.[25]While blood’s discourse might permit the nobility and monarch to maintain and stabilize power, providing a material foundation for their virtues and pri­vileges, it also, as Elvire notes, produces more hurt and gives very little in return.

Elvire’s moment of resistance, though brief, resembles speeches of earlier humanist heroes, for instance, Agamemnon’s call for peace in Robert Gar­nier’s La Troade (1579).[26] Placing the voice of peace in Elvire’s mouth is both to place an enormous emphasis on this brief moment and to render it inconspicuous. Giving Elvire the critique of blood, in one sense,is most fitting; for unlike her mistress Chimène, Elvire is not implicated in the power struggles supported by this framework. However, on account of her social position, her voice is also muted and ignored, preventing her words from having any immediate impact on the plot. Blood’s voice overpowers her own. Nevertheless, Elvire’s critique underscores that defining others by their bodies can only yield violence, whether that be violence to the bodies of an opposing family (as mandated by the nobility) or exces­sive violence upon Moorish bodies (charged by the monarchy). As Corneille’s Le Cid seems to suggest, if both the aristocracy and the new monarchy invest in blood, then only blood can follow.

Auburn University

 

 

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[1] I would like to thank the following individuals for all of their help with this article: my wonderful mentors at the University of Southern California (Antónia Szabari, Heather James, Rebecca Lemon, and Margaret Rosenthal); the anonymous reviewers at Cahiers dix-septième and especially the editor Jean-Vincent Blanchard for his time and encouragement; and finally, Anna Rosensweig for her extensive commentary and support.

[2]I will set the genre debate aside for the purposes of this project, but its ambiguous character is a matter of contention. The fact that Corneille changed the genre label, from a tragicomedy to a tragedy after the Querelle du Cid only heightens this debate. For more information on this play’s formal relationship to the mixed genre tragicomedy, see Peter Bürger’s article as well as Serge Dubrovsky’s Lacanian reading. R.J. Nelson, on the other hand, characterizes Le Cid as a romance, and Cordell Black contends that the ambiguity of genre mirrors the play’s central theme which is “the fragility and impermanence of the state of happiness seemingly achieved by the protagonists” (73). Moreover, aside from generic considerations, much hinges upon one’s reading of this ending. There is a great deal of disagreement about whether the marriage ever takes place and, if it does, is it a happy occasion? If one interprets Chimène as actively desiring the marriage with Rodrigue and only voicing dissent due to social pressure, then one can read into Le Cid the desired, albeit morally scandalous, comedic conclusion (see William Kibler, R.C. Knight, Georges May, and Mohammed Kowsar). On the other hand, one can seriously consider the inconclusive nature of the marriage as well as Chimène’s concern and silence at the play’s close, likely signifying a lack of consent (see Octave Nadal, H.C. Ault, David Clarke, Mitchell Greenberg, and John Trethewey). Some critics also hold that the reading may vary depending upon the edition (1637 or the revised, final edition of 1660). While these critics emphasize the differences between the two versions due to the Querelle, I am inclined to agree with C.J. Gossip who holds that the changes made to the denouement in the second version don’t amount to much. This is especially the case for my purposes since the attention to blood and conflict remains the same in both texts. Thus I will be using the 1660 edition as Corneille’s final word on the subject.

[3]Helen Harrison, rather than cast the Querelle as preoccupied with the propriety of the impending marriage as most scholars do, argues that the concerns of Scudéry and others pertain to the King’s authority and his use of royal gratitude, in particular the use of Chimène to extend thanks to Rodrigue as a potential abuse of royal power (245–6).

[4]Certainly, other scholars like Ralph Albanese have made this point — viewing in her silence “l’impossibilité radicale de réconcilier à ses yeux le parricide et le mariage” — though Albanese doesn’t understand it in the visceral way that Chimène seems to (369).

[5]See Kristen Gager on the growing importance of blood to the definition of family, at least nominally, in early modern France. This emphasis coincided with legal restrictions on adoption, including denying adopted children the same inheritance rights afforded to biological ones (1–15). Blood likewise carried or dictated feelings of sympathy for kin. As Malbranche explains of the cri du sang phenomenon in his De la recherche de la vérité: “On voit dans une compagnie une personne dont l’air et les manières ont de secrètes alliances avec la disposition présente de notre corps, sa vue nous touche et nous pénètre, nous sommes portés sans réflexion à l’aimer et à lui vouloir du bien” (qtd. Cherpack 8).

[6]Ellery Schalk in her touchstone work emphasizes the role of demonstrated military prowess and other virtuous activities in the Middle Ages as more indicative of nobility than biological lineage or pedigree, which she believes only became explicit in the 1590s. Likewise important to note is that the nobility continued to be martially important during both the Hundred Years War and the Wars of Religion.However as many scholars have since noted, this may be partly due to the fact that biological membership was simply taken for granted in the Middle Ages, but which became complicated in the early modern period with the increasing ranks of the noblesse de robe.Constance Bouchard, for instance, tracks the rise of this concern as early as the 12th century, when nobility begin to avoid unequal marriage pairings because “knights and burghers began to pose a challenge to the integrity of the noble class which viscounts and castellans had not posed a century earlier” (56). Yet Bouchard holds that nonetheless each order, generally speaking, would look to one order below them (royalty to counts, counts to viscounts, etc.) in order to avoid incest prohibitions. They ordinarily only looked to the order below for marriage partners for their daughters, whereas men needed to marry within their class or slightly above (57). For a history of one particularly notable upstart Italian family in France, the Gondi, see the recent monograph by Joanna Milstein.

[7]See Robert Descimon and Elie Haddad on the debate over from whence nobility came and the question of imprescriptibility; namely, did nobility arise from the office, or was this nobility imprinted on the person (i.e., prescribed) as a result of holding the office which could then become hereditary? In the first camp, Gilles-André de la Rocque claims that those nobles of the office can live ennobled, but they die as non-nobles since these aren’t permanent elevations in status and do not change the man’s nature (100). Moreover, scholar Jacques de la Guesle (1598) insisted that one should be of hereditary nobility (ex genere) rather than noble by mere office (ex officio) in order to be a judge, for otherwise it would be unseemly for them to judge the actions of those above their original (non-elevated) station (99–100). This issue is later complicated further by the notion of gradual nobility; offices given by the chancery did not bestow true nobility on the holders but those from sovereign decrees did, and bestowing “dignity” could then be hereditary (106–7).

[8]See Paul Bénichou’s Morales du grand siècle (68–73). See also John D. Lyons’s The Tragedy of Origins in which he maintains, “Le Cid exemplifies a tragic structure in which attention is drawn to the modification of values rather than to a modification in the knowledge available to the society of the play” (9). David Clarke more recently has expressed a similar view: “Le Cid offers neither an unqualified apology for the pretensions of a centralizing monarchical order nor an exaltation of the values of those who oppose that process,” although the lovers represent an idealism that is admirable though untenable (164–6). Mitchell Greenberg likewise casts the play in this light, though this resistance is isolated to Chimène. Paul Scott views Don Fernand as an enfeebled monarch according to traditional measures (political, military, and judicial), but still reads his role as sympathetic since the contemporary audience would have identified him withLouis XIII who successfully ruled nonetheless.

[9]Other critics who considerblood in Le Cid generally hint towards my reading but don’t explore its fullest implications, for instance, see Octave Nadal (163). Paul Scott also speaks aboutblood when discussing Rodrigue's fight against the Moors, but he takes it in a sacrificial direction: “The warrior’s participation in the salvific economy endows him with a Christ-like status, consolidated by references to blood” (297).

[10]This story cites various reasons for this decline, but most include pressure from the rise of the bourgeoisie, the nobility’s impoverishment, and the emergence of a strong centralized monarchy in Versailles court culture.

[11]See the edited collection Contested Spaces of Nobility in Early Modern Europe.

[12]Keller’s point is the foundation for his larger argument that, “Rodrigue experiences the unconditional subjection to the king and the defense of Seville against the Moorish invasion as a liberation from the constraints of the traditional code of honor. He transfers his allegiance from his father and aristocratic family to the king and to Castile, which becomes his new symbolic family. Rodrigue’s aristocratic identity and his strong sense of filial allegiance predestine him to become the hero of Castile and to personify a form of patriotism that becomes the condition of an increasingly centralized monarchical state and a growing national consciousness among Corneille’s imaginary Castilians” (131). In general, Keller sees Corneille’s Le Cid as ideologically participating in the creation of an absolutist nation-state. This is another difference between our readings for I see Corneille’s portrayal of blood’s discourse as quite critical. Additionally, the remainder of Keller’s argument focuses not on blood but on the creation of identity and community via language and mutual recognition: the community’s creation of a hero and the transformation of Rodrigue into “Le Cid,” as well as the transformation of “Castile” into the more nationalist (if anachronistic) Espagne. Yet as I will note later, the Infante makes it clear that this is a bloody transformation as well as a linguistic one, or that at least it was imagined as a physical transformation first then reflected in the nominal change.

[13]See the work of Pierre Giuliani for a history of blood onstage. He outlines its dramaturgic evolution from truly bloody violence to primarilyverbal representations of suffering and the force of passions. Blood onstage — marked by the stage direction “ensanglanter la scene” — was standard practice in drama of Henry IV but faded during the time of Louis XIII and was officially prohibited by the time of Racine’s theater. Giuliani notes that the Querelle may have effectively put an end to blood onstage (308). Thus though Giuliani never says so explicitly, blood at least could have been present in early stagings of Le Cid. For work on this earlier “bloody” theater, see the monograph by Christian Biet.

[14]See Rebecca Zorach’s Blood, Milk, Ink, and Gold.

[15]KalervoRäisänen expresses this conundrum understood through the stain metaphor: “quand nous voulons nous débarrasser d’une souillure d’un object physique, nous pouvons soit le laver soit le plonger dans une substance de sorte que la tache disparaisse” (87). In this case, one has to get rid of the stain by plunging it in a different material: blood of the enemy family.

[16]After the Count’s death, Don Diègue further foregrounds his own body that has been cleansed by his son’s action, telling his son “Touche ces cheveux blancs à qui tu rends l’honneur” (3.6.1036). Here the grammatical construction makes clear Diègue’s emphasis on the body; his honor belongs toorresides in his white hairs since the white hairs are the vessels of adulation and not himself. Diègue’s engagement with this discourse here, and as a whole, stresses his belief that blood operates literally. He praises his son for the act that confirms their blood or lineage, “et ton illustre audace / Fait bien revivre en toi les héros de ma race” (3.6.1029–30). Though a moment of praise, Don Diègue’s compliment also functions as a hefty demand. The heroes of his entire lineage, “ma race,” depends on Rodrigue; they live on only “in him.” His body, his blood is of utmost importance not only for himself and his father, but for an entire family history. Marcus Keller claims that Rodrigue’s desire to protect his aristocratic family which he calls a “race” hints at his eventual transference of allegiance to the monarch and nation (132).

[17] Rodrigue fully internalizes these assumptions regarding shared blood and even (re)cites them back to the older generation. He berates Chimène’s father for his actions, asserting that his blood is the source of the ardor which the Count once admired, the same blood that he shares with his father: “Cette ardeur que dans les yeux je porte, / Sais-tu que c’est son sang? le sais-tu?” (2.2.401–2). Repeating twice “sais-tu,” which is especially brash since he addresses his elder using the more informal pronoun, Rodrigue’s challenging tone highlights his internalization of this discourse.

[18] William Goode casts this phenomenon as Chimène’s inability to fulfill the “ethic of gloire”: Corneille’s conception of heroism which combines hand (action/deed), heart (feeling/desire), and mind (rational/ethical deliberation/duty) in a unified whole. See also Milorad Margitic’s argument for a similar point and Mitchell Greenberg on the absolutist repression of femininity. Lastly, for a literature review of feminist readings of Le Cid, see Claire Carlin (8–12). In Carlin’s book, each chapter engages with a different contemporary feminist framework through which to read the play (Carol Gilligan, Jessica Benjamin, Luce Irigiray, and Julia Kristeva). In the first of these readings, Carlin claims that Chimène is attempting to express this female voice or an “ethic of care,” “though her partial espousal of the male model based on the aristocratic code of honor places her in an awkward position” (24). However, while gender certainly inflects the characters’ actions, their values appear to be based on class and the struggle for power. For it seems that this “female” ethic does not properly belong to Chimène but more so to her servant Elvire. Consequently, this kind of reading could be indicative not of gender but of the franchised versus  the disenfranchised, which often coincides with gender but does not always map cleanly along gendered lines. Notably, Elvire is not a concern for most feminist readings that focus their attention on both Chimène and the Infante.

[19]See especially Octave Nadal and Mary Jo Muratore.

[20] The editors of the collection Contested Spaces make a very similar point in the introduction regarding the struggles of the nobility in early modern Europe more generally: “If a monarch could claim charismatic authority with signs and symbols of power, so too could the nobles” (10).

[21]Don Diègue likewise emphasizes this value when he tells Rodrigue that he has a greater duty to his country, to spill Moorish blood, than to protect the honor of his beloved, “vaillantes mains / Se tremperont bien mieux au sang des Africains” (3.6.1093–4).

[22] Marcus Keller similarly notes, “Not only does he [Fernand] consider himself the head of the body politic, he also perceives his kingdom as a collective household whose most precious good is the blood of his subjects. The king protects this blood which flows in each member of Castile and through which the Castilian community is bound together” (135). Yet one should add that the Kingdoesn’t value blood merely as such, but as blood which can fight and be shed for him and his body politic. In other words, this isn’t a purely benevolent act but a rather self-interested one. Furthermore, the King apparently is willing to risk a great deal of violence to his body politic, these noble bodies, for his sake.

[23] Emmanuel Minel notes that Rodrigue’s martial prowess, while used in the service of the State, is a potential threat to the King’s power: “l’usurpation du pouvoir royal par le héros: du renversement de la gloire du sang par la gloire des armes” (308). Minel notes that thankfully for King Fernand, Rodrigue is not ambitious, “Dans Le Cid, […] c’est le discours amoureux du héros qui vient fournir la solution. L’amour du héros est à la fois gage de son absence d’ambition politique et occasion de rétribution du service héroïque” (300).

[24] Mohammed Kowsar remarks that “to be sure there are the two confidantes […] but their personalities reflect the expediency of convention so faithfully that not a single perception of any consequence is emitted by either character” (291).

[25]For more information on these historical narratives, see Kristen Neuscheland Arlette Jouanna. See also Penny Roberts on the King as physician of the body politic, a metaphor that became particularly relevant during the Wars of Religion since Catholics characterized the Protestants as bad humours which required purgation.

[26] In this moment, Agamemnon staunchly opposes Pyrrhe who is intent on sacrificing Polyxene to fulfill his father Achilles’s will. Agamemnon exclaims, “Quelle execrable horreur? Qui veit jamais cela / Qu’un homme trespassé dans sa tombe eust envie / D’un autre homme vivant, de son sang, de sa vie? / Vous rendriez vostre pere à chacun odieux, / Le voulant honorer d’actes injurieux.” (3.1451–56).

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Review of Eric Turcat, _ La Rochefoucauld par quatre chemins. Les Maximes et leurs ambivalences_

Article Citation: 
17 (2016), 81–83
Author: 
Marie-Alix de Richemont
Article Text: 

 

Turcat, Eric. La Rochefoucauld par quatre chemins. Les Maximes et leurs ambivalences. Tübingen: Narr Verlag, 2013. ISBN 978-3-8233-6803-8. Pp. 220.

L’ambition d’Eric Turcat dans cet ouvrage est de dépasser les que­relles sur les Maximes de La Rochefoucauld en analysant l’œuvre sous quatre angles différents. 1. Approche rhétorique, centrée sur la figure de l’ironie (polycentrique, polyphonique, polysémique) et l’analyse des fi­gures oppositionnelles (antithèse, antiphrase, antanaclase, chiasme). Turcat met en doute l’honnêteté de La Rochefoucauld en montrant com­ment une figure elliptique la rapproche ironiquement de l’habileté. 2. Approche psychologique psycho- vectorielle. Dans le cadre de l’étude de la communication non verbale, la méthode d’analyse psycho-vectorielle est élaborée dans les années 1970–80 par le psychologue américain Shir­ley (Mapping the Mind, Chicago, Nelson-Hall, 1983). Shirley distingue quatre émotions majeures : fierté, désir, affection, curiosité. A chacune correspond une variante anxieuse ou agressive. « Ces douze émotions de base peuvent alors se combiner [...] de telle sorte à former ce que [Shirley] ap­pelle alors des psycho-vecteurs »(72). Turcat identifie les combinaisons possibles dans les Maximes et pose la honte comme pivot de l’amour-propre, plutôt que le mépris ou la fierté. 3. Approche anthropologique, cen­trée sur l’amour : E. Turcat établit un parallèle entre le « triangle culinaire » de Lévi-Strauss et une « cuisine du sentiment amoureux » où le dis­cours « souvent sexiste » privilégierait un amour « libertin », entre « passion » et « amitié » (18). Les représentations triangulaires de John A. Lee et Robert Sternberg sont utilisées pour définir « le discours amou­reux » de La Rochefoucauld. 4. Approche linguistique, centrée sur la fortune, à qui la modalisation des maximes donnerait une forme carrée.

L’ouvrage se veut une remise à plat audacieuse, basée sur un retour au texte analysé aux prismes de différentes disciplines. Les approches choi­sies sont originales, particulièrement l’approche psychologique. Turcat affirme l’importance d’un travail stylistique pour sortir des « querelles idéolo­giques », auxquelles il se dit étranger, et se livre lui-même à de nombreuses études de maximes—ce qui lui permet de dégager les motifs de l’ellipse, du triangle, du carré... La lecture augustinienne de La Rochefou­cauld est tellement dominante qu’elle rend difficile une autre approche ; une recherche d’alternatives telle que celle d’E. Turcat est donc au­dacieuse et appréciable. Mais, d’un côté, la remise à plat l’amène à caricaturer les thèses augustiniennes pour en diminuer l’influence, les présen­tant comme des « préjugés », en faveur d’un « pessimisme gnomique » qui n’aurait existé en réalité « que pour ceux qui préféraient enfermer La Rochefoucauld dans un ordre classique » (19) ; d’un autre côté, Turcat favorise les hypothèses libertines ou épicuriennes, pour les mettre au même niveau que les premières. Il présente de façon expéditive les deux écoles, ce qui lui évite de procéder à une réfutation en règle de la première, pourtant la plus établie. Il la sous-estime et donne parfois l’impression qu’il la méconnaît, déplorant par exemple que le parti augusti­nien ait occulté l’humour de La Rochefoucauld... « Pourquoi [...] ce déni d’ironie ? En un mot : l’augustinisme. En effet, [...] même la cri­tique, certes surtout française, des dix dernières années, de Lafond à Plazenet en passant par Sellier, reste fortement influencée par le travail de Sainte-Beuve, et donc par l’hégémonie culturelle du jansénisme au Grand Siècle. Saint Augustin ne rime apparemment pas avec boute-en-train » (12). C’est ignorer les travaux de J. Lafond (notamment), qui a ana­lysé l’ironie et le trait d’esprit de La Rochefoucauld dans un chapitre entier de son ouvrage de référence (III, « L’ambigüité et la transparence » in : La Rochefoucauld, augustinisme et littérature, Paris, Klincksieck, 1986). Paradoxalement, Turcat prend lui-même au sérieux des affirma­tions évidemment ironiques de La Rochefoucauld. Il tombe dans le travers des travaux de Louis Hippeau (Essai sur la morale de La Rochefoucauld, Paris, Nizet, 1967): ce qui est « une pure constatation de fait » est inter­prété de façon discutable comme « une morale pragmatique du succès » (Lafond, op. cit., p. 99). Turcat expose longuement l’influence de Faret mais ne mentionne pas Castiglione ou Della Casa, écarte d’autres in­fluences possibles, niant carrément celle de Port-Royal : La Rochefoucauld n’est plus que légèrement influencé par un amor sui augusti­nien « culturellement incontournable » (105). C’est prêter bien peu d’esprit au moraliste que de lui refuser la capacité à accueillir diverses in­fluences à différents degrés... Et une duplicité peu commune que de lui supposer un double visage radical, de janséniste et d’épicurien, comme L. Hippeau en son temps. De plus, Turcat ne prend pas en compte l’évolution du texte à travers les éditions successives et s’en justifie légèrement, par une continuité lexicale essentiellement (105). En même temps, il con­voque quelquefois des maximes supprimées en les mettant au même plan que les autres. Ce mélange entretient un certain flou que l’on retrouve dans l’ensemble de l’ouvrage. Ainsi, dans le deuxième chapitre, E. Turcat ne définit pas clairement s’il analyse le point de vue de La Rochefoucauld sur la psychologie humaine, ou s’il prend le texte comme un témoignage permettant l’analyse de la psychologie de l’auteur. Dans la troisième par­tie, le jargon spécifique à l’anthropologie culinaire qu’E. Turcat ré-utilise pour classer les maximes et définir leurs « ambivalences » rend la lecture fastidieuse.

En conclusion, E. Turcat tente courageusement de réhabiliter un point de vue libertin sur La Rochefoucauld, remis en cause depuis longtemps. Il ébranle les certitudes et, à elle seule, cette entreprise fait toute la valeur du livre. Malgré de bonnes idées, toutefois, il échoue dans son projet en rai­son d’une justification insuffisante qui contredit les travaux précédents sans les réfuter. La diversité des approches est intéressante, mais elle finit par être instrumentalisée pour servir à une démonstration forcée. E. Turcat évacue toute dimension spirituelle, théologique, philosophique de l’œuvre, au profit d’un travail de classement considérable mais qui donne à l’ensemble un air parfois scolaire, avec un certain excès dans l’utilisation des étiquettes classique / baroque. Néanmoins, on trouvera dans son ou­vrage une source d’inspiration précieuse pour explorer le texte insaisissable de La Rochefoucauld à travers de nouveaux angles d’interprétation.

Marie-Alix de Richemont, Université Sorbonne Paris III

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Review of Michael Meere, Ed. _French Renaissance and Baroque Drama: Text, Performance, Theory_

Article Citation: 
17 (2006), 77–
Author: 
Christopher Semk
Article Text: 

Meere, Michael, Editor. French Renaissance and Baroque Drama: Text, Performance, Theory. Newark: University of Delaware Press, 2015. ISBN 978-1-61149-548-5. Pp. 336. $90

French Renaissance and Baroque Drama is a collection of fifteen es­says that grew out of two panels at the 2012 Renaissance Society of America conference in Washington, D.C. The essays, by both early-career and senior scholars, are divided in a more or less chronological fashion. The volume’s purpose, as stated in the introduction, is threefold: to intro­duce scholars and students to the diversity of French baroque drama, to emphasize the performative aspect of drama (rather than adopt a narrowly textual approach), and, ultimately, to return neglected drama to the stage. The volume admirably executes the first two. It covers a wide range of dramatic texts, some familiar (e.g., Garnier’s tragedies), others less famil­iar (e.g., Puget de la Serre’s theater) and a wide range of critical approaches, from Victor Turner’s anthropological “social drama” (Meere and Gates) to Lacanian psychoanalysis (Guild). In addition, the term “drama” is broadly construed to mean not only theater, but also rituals, festivals, demonic possession and exorcism, trials, and other social “dra­mas.” In turn, many of the contributions address either the material conditions of baroque performance (Chevallier-Micki), its broader cultural context (Beam, Noirot, Welch, Calhoun, O’Hara), or the interplay between politics and performance (Usher, Hillman, Cavaillé). There is, however, much less about staging renaissance and baroque plays today. Only Sza­bari’s contribution considers (and then only briefly) recent productions of renaissance theater. There is otherwise very little about how one might bring these plays to the contemporary stage or why. Nevertheless, by bring­ing to light an underappreciated dramatic corpus and drawing attention to its performative aspects, the volume does represent an im­portant first step toward the entry of renaissance and baroque drama into the contemporary repertoire. French Renaissance and Baroque Drama would be of interest to students and scholars of theater, theater history, and early modern France more generally.

The first essay, by Andreea Marculescu, examines the representation of demonic possession in mystery plays and prose narratives. The author notes that narratives of demonic possession adopt a vocabulary that was developed in mystery plays, but deny the demoniac the agency that he or she had in the earlier dramatic tradition in order to focus on the Church’s purchase on truth. The essay draws on a wide range of critical approaches, from affect theory (Cvetkovich) to performance studies (Roach). In particu­lar, the novel approach to representation, following Taussig rather than Aristotle, offers a fresh perspective on mimesis in the early modern period.

John Lyons reads Théodore de Bèze’s Abraham sacrifiant against the Bib­lical account and in light of Aristotelian dramatic imperatives, showing the theological consequences of dramatic adaptation. Lyons focuses espe­cially on the introduction of Satan, whose rationalizing was meant to recall Scholastic, which is to say Catholic, philosophy. The playwright made Abra­ham more human by introducing an element of human reason, only to make the human disappear. This is the sense in which Abraham sacrifiant heralds an “end of ethics”: yoked to human reason, ethical deliberation becomes the enemy of God.

Turning toward Rabelais, Carolien Gates and Michael Meere offer a close reading of the Chiquanous episode in the Quart Livre in light of anthro­pologist Victor Tuner’s theory of play as a creative and cohesive force. Taking to task the view that cruelty and farce are destructive, the authors show that violence and laughter together become an organizing principle for social cohesion. This contribution makes the case for the applica­tion of an anthropolgical approach to resolve the problems posed by violence in dramatic texts.

While we often place Protestantism on the side of antitheatricality, Sara Beam’s contribution recovers the neglected role of the theater in Protestant evangelization. Beam discusses two plays written, published, and performed in Geneva in the 1560s. Neither play says much about theol­ogy, which Beam shows is strategic: by smoothing over the differences between the various Protestant churches, the plays present Protes­tantism as a unified front against Catholicism. Thus the purpose of the plays, Beam concludes, was not to demonstrate the finer points of Protestant theology, but rather to “intensify contempt for the Catholic hierar­chy, strengthen the resolve to combat corruption, or evoke a sense of satisfaction or even joy of belonging to the party of truth” (75).

Corinne Noirot takes on the failure of erudite comedy in the Renais­sance by asking who might have been the audience of Jean de la Taille’s comedic plays. Through close readings of paratexts, Noirot shows that the plays suffered from a tension between pragmatism (thereby reaching a wider audience) and poetic conventions (thereby appealing to an erudite, but restricted, audience). Making the case for a tiered audience comprised of “those who can” (nobles) and “those who know” (humanists), Noirot argues that La Taille’s comedies fell victim to a desire to reach both audi­ences.

The next essay, by Ellen Welch, similarly engages with the question of the audience. Reading court ballet in the context of diplomacy, with a particu­lar focus on the 1573 Ballet des Polonais, Welch convincingly argues that the audience of court ballet (e.g., the presence of foreign observ­ers) necessarily disperses power and thus has consequences for interpretation: multiple interpretations and constant negotiation of mean­ing. Moreover, court artists (e.g., Dorat), Welch argues, anticipated the multiple perspectives of the audience. Ultimately, the negotiation inherent in the performance of the ballet mirrors that of diplomacy itself. This es­say, like Noirot’s, shows how attention to reception bears upon our interpretation of renaissance and baroque performance.

The next essay, by Antonia Szabari, offers a fascinating contextualiza­tion of Garnier’s Greek tragedies with respect to ancient sacrificial practices and contemporary religious violence. Noting “Garnier’s familiar­ity with classical rituals” (117), Szabari examines how ritual practices function in theatrical performance, concluding that “Garnier’s plays look at this ‘barbarous’ ritual of the past in order to allude to the return of vio­lence in France” (134). In this way, Szabari shows how drama might reactivate ritual to give it contemporary religious or political significance.

In the second essay on Garnier, Phillip John Usher examines the associa­tion of the tragedies with the parlement. Considering the dedicatory letters of the tragedies as well as Garnier’s dramatization of the material, Usher argues that Garnier makes the Greek material “appear as public tri­als worthy of the parlement’s attention” (149) and in this way brings his tragedies into a public sphere. Garnier’s tragedies thus become an appeal to negotiate for peace at a time when France was torn apart by religious conflict. Usher’s approach has the great merit of overcoming the pitfalls of contextualization, where a piece of literature becomes the “expression” of contemporary events, by looking at the ways in which an author con­sciously and actively engages with the public sphere.

Fabien Cavaillé also considers the public sphere in an analysis of the repre­sentation of festivals in Montaigne’s Essais. Turning, like Gates and Meere, toward Turner’s definition of play, Cavaillé proposes an anthropologi­cal understanding of early modern festivals as an alternative to a “poetic” paradigm according to which the arts are useful insofar as they convey particular content. The anthropological paradigm, on the other hand, focuses on the collective nature of performance, regardless of “what one performs or not” (162).

Elizabeth Guild’s contribution joins psychoanalysis and skepticism in reading Montaigne’s 1562 encounter with “cannibals” in Rouen. Guild argues that “Montaigne’s representation [of the encounter with the “canni­bals”] dramatizes the significance of waiting until later for understanding, rather than—whether through the illusion of knowing already, or driven by fear of being too late—rushing to have the last word and thereby exclud­ing other possible pasts and futures” (170). This essay is the most heavily theoretical of the volume and assumes some familiarity with psychoan­alytic criticism. It nevertheless offers a compelling interpretation of Montaigne’s dramatization of his encounter with the other.

Christian Biet’s contribution, a translation of an article that some may al­ready be familiar with, reads Jacques de Fonteny’s pastoral play Le beau berger (1587) as a kind of “experiment” (189) with dramatic genre. Biet reads Fonteny’s innovations, particularly the celebration of male homosexual­ity between the shepherds Chrisophile and Chrisalde, as nationalistic: Fonteny thus creates a specifically French pastoral, which returns to an ancient tradition the celebrated male love. The monstrous sa­tyrs, then, become parodic figures of Italian and Spanish pastoral drama, exposing the generic limitations of pastoral drama based on heterosexual love only.

Sybile Chevallier-Micki looks at the material conditions of perfor­mance in Rouen from 1600–1620 and considers the complex relationship between stage design and the reality of public trials, executions, and other forms of spectacle. In addition, it was not only memory of real spectacles (e.g., mystery plays) that informed stage design, but also the collective memory of recent religious conflicts. Chevallier-Micki’s contribution ends on a speculative, but promising, note, asking us to consider the ways in which new dramatic forms recycled or reappropriated preexisting scenic elements and recast them according to new political demands.

Alison Calhoun considers the relationship between dignity, an essen­tially public affect, and emotion, which is private, in burlesque ballets by looking closely at the Bal de la douairière de Billebahaut (1627). Rather than enact power and control, the leaders perform their own weaknesses. Building upon recent work in affect theory, Calhoun argues that in the bal­let, political problems are “felt” before they are addressed in the political, public arena (236), in much the same way that affect is “felt” before it is identified as emotion.

Stephanie O’Hara examines the “dramaturgy of poison” in the develop­ment of tragedy, noting that poison moves toward metaphor in neoclassical tragedy. Although this is not especially surprising, given the dual imperative of verisimilitude and decorum that rendered the neoclassi­cal stage inhospitable to gruesome scenes of violent death, O’Hara also shows that the stylized dramatic representation of poison coexisted with vivid pamphlet literature. O’Hara’s contribution shows how dramatic repre­sentation offers fictional resolution to “intractable political and social problem[s]” (261) like poison crimes.

In the volume’s final essay, Richard Hillman addresses the question of topical allusions in early modern drama by looking closely at two minor plays by Puget de la Serre and André Mareschal. Considering both au­thors’ relationships with Marie de Medici at the time of her exile, Hillman looks at how both plays work with English material (i.e., Sidney). This exceptionally lucid essay demonstrates how we might investigate the “allu­sive operation of theatrical intertextuality” (285) in order to tease out the relationship between theater and its immediate political context.

Christopher Semk, Yale University

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Review of Michael Call _The Would-Be Author. Molière and the Comedy of Print_

Article Citation: 
17 (2016), 75–76
Author: 
Ralph Albanese
Article Text: 

 

Call, Michael, The Would-Be Author. Molière and the Comedy of Print. West Lafayette, IN, Purdue University Press, coll. “Purdue Stud­ies in Romance Literatures,” 2015. ISBN 978-61249-385-5. Pp. 292. $45

In response to René Bray’s provocative question in Molière homme de thé­âtre (1954): “Molière pense-t-il ?,” Michael Call, in this well-documented and perceptively argued study, repudiates the traditional im­age of Molière as the exemplary “philosophe/farceur,” i.e., the actor, author, and thinker seemingly disinterested in the publication process. He draws attention to the ironic interplay of these roles throughout the play­wright’s career. More specifically, he sheds light on the multiple permutations of Molière’s printing career. This results in the construction of his authorship via his continuous interactions with the Parisian publish­ing world, notably the legal implications underlying the workings of the seventeenth-century book trade: for example, the relationship between cul­tural capital and literary property in early modern France. The history of these battles is intimately linked, Call argues, to the emergence of Mo­lière’s authorial persona.

Jean Ribou’s pirated editions of several of the dramatist’s early plays con­stitute the major struggle of the aspiring playwright during the early part of his career (1659–1661). Taking legal action against Ribou, and begin­ning with L’Ecole des maris, Molière crafts a privilege which will protect him more effectively against illegal editions of his work. He thus establishes his play as his exclusive intellectual property guaranteed by royal authority. Having been granted a royal pension in 1663, Molière’s authorship was clearly valorized and his popularity as the première court entertainer was officially acknowledged. The publication of his Oeuvres in 1666 represented the ultimate vindication of Molière vis-à-vis his adver­saries and the triumph of his authorial strategy or, more precisely, his professional legitimacy.

Examining the evolution of the authorial persona in a great number of the comedies, Call highlights the problematic of reading and writing in Molière’s theater. His compelling comparison between Molière the play­wright incapable of exerting complete control over his script and the frustrated, solitary status of his protagonists at the end of several plays (e.g., Arnolphe, Sganarelle, Alceste) evokes the comic defeat of author­ity/authorship. Call thereby illustrates the triumph of the author/craftsman behind the scenes. He clearly delineates in L’Ecole des femmes the textual identity of both Arnolphe and Agnès, including Arnolphe’s ironic refer­ence to the authorship of the maximes and their religious dimension as well. Agnès’ liberation is based not only on her discursive talent vis-à-vis Ar­nolphe but also on her access to authorship, and her italicized letter matches Arnolphe’s italicized maximes. Call rightly underscores the farci­cal dimension of the play, but also points to Donneau de Visé’s contention, during the querelle, that L’Ecole des femmes exemplifies the principal tenets of la grande comédie. Even though Molière thus suc­ceeded in bringing the comic genre to its point of perfection, de Visé sought to create a wedge between the dramatist and the courtly aristocrats by undermining his attempt to satirize members of the Court. Downplay­ing the originality of both Ecoles, he aimed to turn the rieurs into adversaries of the comic playwright. Moreover, although Molière was a superb comic actor, critics such as Montfleury called into question his skills as a writer.

As for the significance of the role of authorship in Le Misanthrope, Call aptly notes the complementarity of reading and writing as intellectual competencies. Given Alceste’s intransigent notion of authorship, Molière no doubt projected upon his comic protagonist his own misgivings concern­ing seventeenth-century publishing practices. Oronte appears as a burlesque poetaster, and his sonnet is pertinently compared to Mascarille’s off-the-cuff poetic reading in Les Précieuses ridicules. Although Alceste’s “vieille Chanson” is, as Call argues, devoid of authorship, it nonetheless offers an ironic commentary on the protagonist’s relationship with Cé­limène and a subtle foreshadowing of the dénouement. Regarding Alceste’s rhetorical artifice during his altercation with Oronte (I, 2), it should be noted that he seriously equivocates (“Je ne dis pas cela”) before revealing his true opinion of Oronte’s sonnet. And although it is beyond debate that Célimène’s choice of the epistolary form leads to her final undo­ing, we should not neglect the fact that her duplicity is perfectly acceptable to Alceste since he is willing to believe—“Efforcez-vous de paraître fidèle” (IV, 3)—her untruthful assertion that she has been faithful to him.

Despite these interpretive differences, Michael Call’s The Would-Be Au­thor. Molière and the Comedy of Print represents a significant contribution to Molière studies. It offers a systematic and persuasive treat­ment of the authorial strategies underlying the playwright’s remarkable success. All moliéristes stand to benefit from this analysis of the profes­sional side of “le premier farceur de la France.”

Ralph Albanese, University of Memphis

 

 

 

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Emploi d’« objets magiques » et prédiction de phénomènes célestes dans les Relations des jésuites: une stratégie originale de conversion en Nouvelle-France au dix-septième siècle

Article Citation: 
17 (2016), 57–74
Author: 
Vincent Grégoire
Article Text: 

Grégoire, Printable PDF

 

Au professeur Gérald Chaix

 

Lorsque les jésuites reviennent en Nouvelle-France en 1632, après que Québec a été rendu à la France par le traité de Saint-Germain-en-Laye, leur but est d’évangéliser les peuplades amérindiennes, soit d’instruire religieu­sement puis de baptiser les autochtones pour assurer le salut de leur âme, et d’agrandir ainsi le Royaume de Dieu. S’étant vu accorder le monopole de la mission au dépens des récollets chassés comme eux par les an­glais en 1629, ils savent que la tâche sera ardue. Néanmoins cette tâche doit être facilitée par l’absence de sophistication culturelle des Amérin­diens dont les croyances sont, dans l’esprit de ces missionnaires, aux antipodes des croyances orientales et se résument à un amas de supersti­tions[1].

Pour pouvoir évangéliser plus facilement, les jésuites se mettent sur le ter­rain des croyances animistes amérindiennes et acceptent d’être perçus comme des sorciers qui guérissent les maladies, comme des magiciens qui prédisent les éclipses de lune et de soleil, font animer des objets (soit leur donnent littéralement vie : à des horloges, par exemple) et, à l’occasion, font pleuvoir. Ils peuvent atteindre leur but, dans la stratégie de conversion qu’ils poursuivent, s’ils arrivent à impressionner les Amérindiens et à se faire plus puissants que leurs chamans, ce qu’ils ne peuvent faire qu’en mystifiant, pour la « bonne cause » s’entend, les autochtones. Par exemple, le père Le Jeune confronte de la manière suivante le sorcier huron Pigarouich lors d’une mission en 1636 :

ie l’estourdy & ses compagnons, par ce que je vais dire ; ie pris une fueille [sic] de papier, & ie leur fis tenir par les quatre coins, puis ayant mis par dessus quelques ai­guilles, ie passois doucement ma main par dessous, tenant entre mes doigts une petite pierre d’aymant : Ces aiguilles atti­rées par cette pierre, alloient & venoient, avançoient ou reculoient selon le mouvemẽt de ma main : cela les estona voyas courir & tourner ces aiguilles sans qu’on les tou­chast.  Les voyant dans l’estonnemet ie dy au sorcier qu’il en fist autant : il respondit par les yeux me regardant sans dire mot (Thwaites, JR [Jesuit Relations], vol. 11, 258–260)[2].

Le Jeune a non seulement stupéfié Pigarouich et les membres du groupe par ce « tour de magie », même s’il leur explique peu après que c’est un phénomène naturel, mais il a aussi affiché la supériorité de sa culture et de sa religion (les deux étant intimement liées) et finalement humilié le cha­man en exposant à tous les limites des pouvoirs du sorcier.

Les missionnaires sont aidés, dans cette approche pour émerveiller les au­tochtones au moyen de leur « arsenal magique » (Jacquin 336), par une prétendue absence d’esprit d’examen de ces derniers, la manière amérin­dienne d’appréhender le monde étant effectivement très différente parce que reposant sur une compréhension animiste. De ce fait, aussi longtemps que les pères ont la possibilité d’imposer leur interprétation des phéno­mènes surnaturels, physiques ou technologiques, ils peuvent espérer convaincre les Amérindiens de la supériorité de leur culture et, par la même occasion, de leur religion. Prenant pour source les Relations écrites par les jésuites de Nouvelle-France et publiées annuellement à Paris entre 1632 et 1673, nous allons, dans cette étude, analyser en un premier temps la pratique d’évangélisation de ces missionnaires découlant spécifique­ment de leur « puissance magique », de leur pouvoir d’animer des objets, de communiquer à distance, ou de prédire des phénomènes célestes. Dans un deuxième temps, nous allons observer dans quelle mesure cette ap­proche marginale de diffusion de la foi va effectivement provoquer admiration et émerveillement, mais aussi, sans pleinement échouer, être soumise aux aléas du moment et de l’époque, et se retourner à l’occasion contre les pères.

Les missionnaires utilisent traditionnellement la crainte de l’enfer pour frapper l’imagination des Amérindiens, un enfer symbolisé par l’image terrifiante du feu qui brûle les damnés. Or, il s’avère que les autochtones ont une grande peur du feu, le feu qui est l’un des « outils » privilégiés pour torturer les prisonniers victimes des guerres tribales, quand ces der­niers ne sont pas adoptés par les vainqueurs. Jean Delumeau, évoquant la stratégie d’évangélisation par la crainte, l’a qualifiée de « pastorale de la peur » (La Peur en Occident, 45 ; expression reprise pour titre de la troi­sième et dernière partie de Le Péché et la peur), une pratique que les jésuites en Nouvelle-France comme en Bretagne, ou les capucins en Sa­voie, deux ordres qui ont beaucoup œuvré pour le renouveau catholique en cette époque de Contre-Réforme, jugent efficace (cf. Deslandres, Croire et faire croire, 168, notes 517–18 ; 183–85, notes 521 ; 439–41, notes 562). Le père Le Jeune, évoquant par exemple les images terrifiantes dont il se sert pour évangéliser, explique : « la crainte est l’avancouriere de la foy, dans ces esprits barbares » (JR 1637, vol. 11, 88).

Si la « pastorale de la peur » intimide effectivement les Amérindiens et en amène certains à se convertir au christianisme, elle peut aussi en faire fuir d’autres à qui cette représentation de l’« au-delà » répugne. Les jé­suites l’ont vite compris et s’empressent d’allier à la « pastorale de la peur » une  « pastorale de l’émerveillement », comme nous allons la quali­fier, que ce soit par la musique, les chants, le jeu des cloches, les vêtements richement ornés, etc., lors des services religieux, ou par des proces­sions très ritualisées, hautes en couleur et à l’effet impressionnant.

Cette « pastorale de l’émerveillement », « de l’admiration »[3], peut aussi avoir lieu plus informellement dans le cadre de la vie quotidienne :

A propos de leurs admirations [explique le père Le Jeune dans la Relation de 1635] i’en pourrois icy coucher plu­sieurs faites au sujet de la pierre d’aymant ; en laquelle ils regardoient s’il y avoit de la colle, & d’une lunette à onze fa­cettes, qui leur representoit autant de fois un mesme obiet, d’une petite phiole dans laquelle une pulce paroist comme un hanneton, du verre triangulaire, des outils de menui­serie. Mais sur tout l’escriture… (JR 1635, vol. 8, 112–14)

Le Jeune explique ainsi le but atteint par l’utilisation de cette panoplie d’objets usuels aux effets plus intrigants les uns que les autres :

Tout cela sert pour gaigner leurs affections, & les rendre plus dociles, quand il est question des admirables & in­comprehensibles mystères de nostre Foy. Car la croyance qu’ils ont de nostre esprit & de nostre capacité, fait que sans replique ils croyent ce qu’on leur annonce. (JR 1635, vol. 8, 114)

L’admiration rend docile et muet, en ont conclu les missionnaires qui sont de bons psychologues. Or, il faut de la bonne volonté empreinte d’obéissance aux autochtones pour s’efforcer de comprendre les « mys­tères » du christianisme si laborieusement expliqués par les pères, des « mystères » si éloignés des croyances amérindiennes. 

Il est intéressant de noter qu’il n’y a pas de mauvais moyens, aux yeux des missionnaires, pour convertir ces quasi tabula rasa que seul un épais écran de superstitions empêche de découvrir la « vraie » religion. Comme l’explique Claude Sutto, dans « Le Dieu des Français et les divinités amérin­diennes au Canada », les pères n’hésitent pas « à utiliser leurs connaissances scientifiques, ou à jouer habilement du hasard pour impression­ner les Amérindiens, mais toujours en se posant comme les agents de Dieu » (172). Ils ne cherchent cependant pas à tromper ou à manipu­ler sans scrupules ceux qu’ils cherchent à évangéliser. Et ils se veulent « transparents » aux yeux des lecteurs des Relations qui vont parcou­rir ces récits représentant des Amérindiens remplis d’admiration. 

Si le phénomène naturel des « aiguilles aimantées » crée la surprise chez les autochtones, l’effet obtenu par les objets fonctionnels que sont le moulin et l’horloge les sidère. Parallèlement à la fascination provoquée par le moulin, « l’adoration de l’horloge » est peut-être l’un des meilleurs exemples pouvant illustrer cette « pastorale de l’émerveillement » née en fait du hasard:

Comme j’ay dict [explique encore Le Jeune dans la Rela­tion de 1635], on ne laisse pas de nous venir visiter par admiration ; principalement depuis que […] notre moulin [pour faire la farine] & notre horloge ont commencé à jouer. On ne sçauroit dire les estonnemens de ces bonnes gens, & combien ils admirent l’esprit des François. (Mots mis par nous en italique ; JR 1635, vol. 8, 110)

Admirer est un mot fort. Le Dictionnaire de l’Académie française de 1695 (2ème édition) définit ainsi ce verbe : « considérer avec surprise, avec estonne­ment une chose qui est extraordinaire en quelque manière que ce soit. Admirer les œuvres de Dieu, la grandeur du ciel, une beauté par­faite » (vol. 2, 45). « Extraordinaire » est exactement l’impression produite par l’horloge qui s’anime devant les yeux incrédules des autochtones :

Pour ce qui est de l’horloge [écrit Le Jeune], il y auroit mille choses à dire. Ils croyent tous que c’est quelque chose vi­vante ; car ils ne se peuvent imaginer comment elle sonne d’elle mesme, & quand elle vient à sonner, ils regardent si nous sommes tous là, & s’il n’y a pas quelqu’un de caché, pour luy donner le branle. Ils ont pensé qu’il [l’être caché] en­tendoit, principalement quand pour rire quelqu’un de nos François s’escrioit au dernier coup de marteau ; c’est assez sonné, & que tout aussi tost elle se taisoit. (JR 1635, vol. 8, 112)

Les missionnaires s’amusent de la méprise provoquée par cet objet animé et n’expliquent pas immédiatement, cette fois, son mécanisme. Ils se pres­sent d’autant moins, d’ailleurs, que les Amérindiens, incapables de comprendre cette technologie inconnue de leur culture et dont ils n’ont guère besoin parce qu’ils peuvent évaluer le passage du temps au soleil, sont pleinement sous le charme de cette « vie créée ». Pour les jésuites, cet instrument est donc un « jouet » pour faire temporairement illusion (illu­sio, de ludus : jouer), un outil faisant incidemment partie de leur « pastorale de l’émerveillement », un objet moins utile pour donner l’heure que pour fasciner et convaincre les autochtones de la supériorité des chrétiens.

Le Jeune poursuit, évoquant l’anthropomorphisation de la pendule par les autochtones :

Ils l’appellent le Capitaine du jour. Quand elle sonne, ils disent qu’elle parle, & demandent quand ils nous vien­nent veoir, combien de fois le Capitaine a deja parlé. Ils nous interrogent de son manger. Ils demeurent les heures en­tières, & quelquefois plusieurs, afin de la pouvoir ouyr parler. Ils demandoient au commencement ce qu’elle di­soit ; on leur respondit deux choses, qu’ils ont fort bien retenües ; l’une que quand elle sonnoit à quatre heures du soir pendant l’hyver, elle disoit, Sortez, allez vous en, afin que nous fermions la porte ; car aussi tost ils lèvent le siège, & s’en vont : l’autre qu’à midy, elle disoit yo eiouakaoua, c’est à dire, sus dressons la chaudière [la mar­mite], & ils ont encore mieux retenu ce langage. (JR 1635, vol. 8, 112)

Les Amérindiens fréquentant la maison des pères sont devenus des « su­jets » réguliers de ce « Capitaine » qui sonne l’heure de la sagamité[4] à midi, puis le moment du départ à quatre heures, quand, en hiver, la nuit commence à tomber. Grâce à cette fascination pour  « l’horloge animée », les jésuites ont ainsi réussi à inscrire un certain nombre d’Amérindiens « dans leur temps », à les faire passer dans le monde strictement ordonné et rythmé des colonisateurs français. Un pas, même modeste, a été effectué dans le processus d’acculturation des autochtones.

Plus extraordinaire encore que « l’horloge vivante » est, aux yeux des Amérindiens, le phénomène de l’écriture. Le Jeune concluait, dans l’histoire mentionnée au début de cette étude, après avoir évoqué une série d’objets magiques : aimant, prisme à onze facettes, fiole à verre grossis­sant et outils de menuiserie qui suscitaient l’admiration des autochtones :

Mais [c’est] sur tout […] l’escriture ; car ils ne pou­voient concevoir comme ce qu’un de nous, estãt au village leur avoit dit & couché en mesme temps par escrit ; un autre qui cependant estoit dans la maison esloignée, le di­soit incontinent en voyant l’escriture. Je crois qu’ils en ont fait cent experiences. (JR 1635, vol. 8, 114)

La communication par l’écrit, un thème minutieusement étudié par James Axtell dans After Columbus (chap 6), fascine les Amérindiens pour qui cela est nouveau, incroyable, magique. « Marquer avec une raquette » est la description que donne un Huron pour expliquer à quoi ressemblent les signes laissés par l’encre sur le papier (cf. Trigger, Les Enfants d’Aataentsic, 426). Plus tard dans le siècle, d’autres hurons emploieront le terme d’« écorce parlante » (JR 1677–80, vol. 61, 248). Le procédé relève clairement, pour les autochtones, du surnaturel et s’inscrit en fait bien dans leur manière de concevoir un monde où les esprits sont partout.

Ainsi, une convertie à l’agonie va chercher à enfermer sa voix dans une peau de castor, imitant les missionnaires qui enferment la leur par l’écrit dans leurs lettres et messages. Des gens de sa famille remettent cette peau à un père jésuite en l’accompagnant de ce discours :

Robe Noire, […] c’est une defunte qui a enfermé sa voix dans ce paquet avant que de mourir : elle luy a donné charge de déclarer tous ses péchez, puisqu’elle ne l’a pû faire de bouche ; vostre escriture vous fait parler aux ab­sens ; elle pretend faire par ces Castors, ce que vous faites par vos papiers. (JR 1659-60, vol. 45, 50)

L’écrit est perçu comme un « concentré d’oral » que la page en papier, à l’image d’une boîte, contient avant qu’il ne soit « relâché » au destinataire. 

Lorsqu’un autochtone lui demande d’écrire sur son « livre », devant un parterre de membres de plusieurs peuplades amérindiennes, la liste d’une douzaine de tribus du nord puis d’en prononcer tout haut le nom, le père Buteux s’exécute :

Quãd ces Estrangers entendirent nommer ces Nations, ils s’estonnoient de voir tant de Peuples renfermez dans un pe­tit morceau d’écorce, c’est ainsi qu’ils appeloient les feuillets des Tablettes. (JR 1636, vol. 9, 194)

La manière par laquelle le papier et l’écrit peuvent « renfermer » l’expression d’un monde réduit, mais pas moins réel pour ces peuples, pro­voque l’émerveillement des autochtones, les laisse bouche bée, les « étonne »au sens fort qu’à ce mot au dix-septième siècle.

L’écrit est ainsi, pour les « Néophytes »amérindiens (soit les nou­veaux convertis), quasiment un objet de vénération, aussi bien pour son contenu que pour son contenant. Si le contenu recèle un pouvoir magique de conservation des paroles permettant de communiquer à distance, le conte­nant peut, lui, prendre une valeur de fétiche et se voir accorder un pouvoir semblable à celui des reliques chrétiennes.

Un Algonquin, rapporte la Relation de 1639, ayant ainsi appris prières et litanies « les demanda par escrit; ce que luy estant accordé, il faisoit grand estat du papier qui les contenoit. »(JR 1639, vol. 16, 42) Peu après, retournant en son pays, cet autochtone fait naufrage et croit avoir perdu le précieux papier. Par chance, il le retrouve en parfait état : « il fut bien es­tonné quand il vit ce papier tout sain & entier […] [I]l admiroit cela comme un prodige, & le racontoit comme un miracle. »(Ibid.) De retour dans sa communauté frappée par une maladie, il va le faire vénérer dans un rituel semblable à une pittoresque « cérémonie du drapeau »: « il assem­bloit tous les iours ses voisins dans une grande cabane, pendoit ce papier à une perche, & tous se mettant à l’entour, chantoient ce qu’ils sçavoient de ces Litanies »(44). Cette anecdote édifiante, exposant la fer­veur religieuse de ces Algonquins pour un texte qu’ils ne savent pas lire mais peuvent réciter, finit d’une façon prévisible. Dieu les entend et « la maladie qui les affligeait cessa entièrement. »(Ibid.)

La valeur de fétiche est encore plus prononcée dans l’exemple suivant oùun chef algonquin explique qu’il va venir à Québec rencontrer le « Capi­taine des Français », le gouverneur de Montmagny, qui est, paraît-il, « un grand amy du Soleil »et qui « donne des lettres qui empeschent de mourir, du moins si tost [soit, pas dans un proche avenir] »(JR 1637, vol. 12, 180). Cet exemple est symptomatique d’un malaise chez les Amérin­diens décimés par les maladies apportées par les Français. Certains convertis veulent croire que les lettres et écrits du gouverneur et des jé­suites peuvent faire office de talismans contre les épidémies. Ils vont vite se rendre compte que ces papiers, s’ils s’en voient donner, n’ont pas le pou­voir magique, à but prophylactique, qu’ils leur accordent. Très rapidement, les Amérindiens sceptiques ou ouvertement hostiles aux Fran­çais, parce qu’ils ne comprennent pas que les colons ne meurent pas de ces maladies, vont associer à l’écrit un pouvoir magique destructeur, dévasta­teur, mortel.

En 1637, le père Le Jeune évoque, dans la Relation annuelle, l’anecdote selon laquelle un Amérindien a accusé un colon basque d’avoir écrit les « noms [d’un groupe d’autochtones] sur un papier, & peut estre par ce moyen […] [les] a-il ensorcelé et fait mourir »(JR 1637, vol. 11, 194). Un an plus tôt, le même père rapportait le témoignage d’un Amérin­dien qui expliquait que l’alcool n’était pas à l’origine de la grande mortalité frappant sa communauté :

Non, dit-il, ce ne sont pas ces boissons qui nous ostent la vie, mais vos écritures : car depuis que vous avez décry notre païs, nos fleuves, nos terres, & nos bois, nous mou­rons tous, ce qui n’arrivoit pas devant que vous vinssiez icy. (JR 1636, vol. 9, 206)

Comme pour l’histoire précédente racontée au gouverneur de Montmagny, la première réaction des Français est d’en rire et de se moquer de la naïveté des Amérindiens. Il y a clairement, en l’occurrence, un malen­tendu culturel dans la mesure où, pour les autochtones, l’écrit ne se réduit pas à ce qui est écrit mais comprend son support, le papier, papier et écrit chargés d’un fort pouvoir magique dont les effets sont clairement néfastes si les Amérindiens croient qu’ils sont à l’origine des épidémies qui les déci­ment.

Cependant, pour les pères, « l’écrit absolu », en matière d’évangélisation, réside dans les Ecritures saintes qu’ils présentent comme l’inaltérable vérité (cf. Bressani, JR 1653, vol. 39, 149), une vérité écrite indépassable qui ne peut que l’emporter sur la tradition amérindienne orale vé­hiculant de « sottes superstitions ». Certains autochtones ont compris que cet ouvrage était différent des autres écrits, lettres, notes et messages, comme l’atteste le témoignage suivant rapporté par Le Jeune :

Comme ie leur disois que nous avions un livre qui conte­noit la parole & les enseignemens de Dieu, ils estoient bien en peine comme nous pouvions avoir eu ce livre, quelques uns d’entre eux croioient qu’il estoit descendu du Ciel, pendu à une corde, & que nous l’avions ainsi trouvé sus­pendu en l’air, cette simplicité me fit rire. (JR 1637, vol. 11, 208)

À nouveau, le rire de supériorité du missionnaire français fuse, comme si l’adulte s’amusait du propos naïf d’ un enfant, un rire de supériorité qui se­rait quasiment inimaginable dans le cadre des missions jésuites en Inde, au Japon, ou en Chine[5].

L’évangélisation est clairement en marche quand ce sont les Amérin­diens eux-mêmes qui se font les promoteurs de la Bible et des Ecritures saintes dans leur communauté. Dans un passage extrait de la Relation de 1645, un vieillard converti en vient à critiquer sa propre culture parce qu’elle n’a pas de livres qui prouveraient la validité des croyances autoch­tones. Aux yeux de ce dernier, le livre dans sa matérialité même donne une crédibilité certaine au message religieux contenu dans la Bible. À un « Capitaine » traditionnaliste huron, ce vieillard rétorque :

Où sont les escritures qui nous fassent foy de ce que tu dis [récit de la création du monde : que les terres sont sor­ties des eaux sous la poussée d’une Tortue d’une prodigieuse grandeur]? […] Mais les Français ne parlent point par cœur, ils conservent de toute antiquité les livres Saints, où la parole de Dieu mesme est escrite ; sans qu’il soit permis à aucun d’y altérer le moins du monde. (JR 1645–46, vol. 30, 62)

Les convertis sincères sont en cela les meilleurs représentants du message religieux et le répandent avec zèle une fois qu’ils ont pleinement rompu avec leurs genre de vie et croyances antérieurs, une épreuve néanmoins des plus compliquées dans la mesure où cette décision individuelle va avoir un impact sur toute leur famille et, à l’occasion, sur la communauté. 

L’écrit, par son pouvoir de communication à distance, de même que l’horloge, par sa capacité anthropomorphique à rythmer le temps par la frappe régulière de son bras, sont des produits de l’ingéniosité humaine, des outils que les missionnaires récupèrent dans leur effort de tous les ins­tants pour évangéliser. Un autre moyen, d’origine naturelle celui-là mais lui aussi utilisé pour provoquer l’admiration des Amérindiens, est la prédic­tion des éclipses qui va littéralement stupéfier les autochtones.

Si les éclipses relèvent de phénomènes célestes, leur apparition, pour les missionnaires, est cependant tout aussi facile à prévoir que les batte­ments d’une horloge ou la capacité d’un père à lire un message qu’il vient de recevoir, mais leur effet est autrement plus impressionnant sur les autoch­tones dont la vie est fortement influencée par ces phénomènes célestes terrifiants. Pourquoi les missionnaires en sont-ils venus à prédire les éclipses en Nouvelle-France quand le travail d’évangélisation est im­mense et pourrait solliciter tous leurs instants ? S’il est vrai que les pères, de par leur éducation, ont l’esprit curieux et des intérêts intellectuels sou­vent éclectiques, la prédiction des éclipses de soleil et de lune n’est pas, pour eux, une distraction, mais une nécessité parce qu’elle leur permet d’établir les longitudes des nouveaux pays qu’ils explorent ou dans les­quels ils sont établis. De fait, ils y font très régulièrement allusion dans leurs écrits. Il est dès lors logique à leurs yeux d’utiliser les prédictions de ces phénomènes célestes dans le cadre de leur mission d’évangélisation. Pour la « bonne cause », soit l’agrandissement du Royaume de Dieu, au­cun moyen n’est à négliger.

Les éclipses, dans nombre de cultures, sont perçues comme de mau­vais présages qui annoncent de grands maux : épidémies ou défaites militaires. Au Moyen Age, en 1350, la Faculté de Médecine de Paris dé­clare que les effets de la peste sont en grande partie dus aux éclipses (cf. Homet, « Astronomie et superstition. Chroniques des éclipses de soleil », 64–65). La France et l’Europe du dix-septième siècle ne sont guère diffé­rentes de celles du quatorzième siècle, et tout aussi effrayées par ces « signes du ciel ». Ainsi, l’éclipse du 12 août 1654 va-t-elle, selon l’historienne Elizabeth Labrousse, susciter une « anxiété exceptionnelle dans un large public » (L’Entrée de Saturne au Lion. L’éclipse de soleil du 12 août 1654, 4), une « sorte de panique populaire » (23) qui n’est pas seule­ment due aux exagérations de quelques prédicateurs millénaristes[6]. C’est pourquoi l’évêque de Coutances demande à Gassendi d’écrire un opuscule sur l’éclipse à venir pour rassurer l’opinion. De là naîtront les Sentimens sur l’Eclipse qui doit arriver le 12 du mois d’Aoust prochain. Pour servir de réfutation aux faussetez qui ont esté publiées sous le nom du Docteur Andreas (livret daté du 20 juillet 1654).

Il n’empêche : comme Honoré Bouché l’écrit dans sa Description de Pro­vence, toute l’Europe tremble et nombre de gens renouent avec l’Eglise et ses pratiques :

A l’occasion d’une Eclipse qui arriva sur les neuf ou dix heures du matin, le 12. du mois d’Aoust, il se fit de plus grandes sottises, non seulement en Provence, mais encore par toute la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne, qu’on ait jamais entendu raconter. […] [S]ur le bruit qui cou­roit qu’en ce jour-là tout le monde devoit perir, on ne vit jamais tant de conversions, tant de confessions gene­rales et tant d’actes de pénitence : les Confesseurs eurent grand employ durant plusieurs jours auparavant, et dans cette fiction et peur imaginaire, la seule Eglise profita dans les folies du peuple. (Cité par Labrousse, 25–26)

Et, de la même manière que l’Eglise tire le plus grand profit de cette « pa­nique divine » en France, de même, les missionnaires de Nouvelle-France vont exploiter au maximum la peur des Amérindiens à l’égard de ces manifes­tations célestes.

 En 1650, il y a déjà longtemps que l’Eglise ne voit plus dans les éclipses et autres phénomènes naturels (comme les tremblements de terre), même impressionnants, des signes d’une prochaine fin du monde. Cette croyance a essentiellement disparu dans les milieux catholiques. Cela n’empêche pas les missionnaires jésuites de jouir des effets de cette « saine peur » si elle arrive à faire abandonner aux Amérindiens leurs croyances animistes et à les conduire à la « vraie religion ». Dieu utilise des moyens variés et parfois détournés (comme par exemple l’intervention du Diable) si cela permet de mieux assurer le salut du « troupeau ».

Les autochtones ont, eux, une explication des éclipses très différente de celle des Français. Elle n’est en rien scientifique mais allie, au con­traire, imagination et anthropomorphisation dans la mesure où ils voient dans le soleil et la lune des astres humanisés (cf. Demers, 226)[7]. La discus­sion suivante, rapportée par Le Jeune dans la Relation de 1634, quoiqu’elle se veuille insidieusement moqueuse et cherche à montrer la naïveté des Amérindiens aux lecteurs, est un exemple intéressant de la représentation autochtone du monde dans laquelle s’inscrit le phénomène des éclipses (même si certaines croyances et explications diffèrent selon les peuples indigènes) :

Ie leur ay demanday d’où venoit l’Eclypse de Lune & de Soleil ; ils m’ont respondu que la Lune s’eclypsoit ou pa­roissoit noire, à cause qu’elle tenoit son fils entre ses bras, qui empeschoit que l’on ne vist sa clarté. Si la Lune a un fils, elle est mariée, ou l’a été, leur dis-je, ouÿ dea, me di­rent ils, le Soleil est son mary qui marche tout le jour, & elle toute la nuict : & s’il s’eclypse, ou s’il s’obscurcit, c’est qu’il prend aussi par fois le fils qu’il a eu de la Lune entre ses bras : ouÿ, mais ny la Lune ny le Soleil n’ont point de bras, leur disois-je, tu n’as point d’esprit : ils tiẽnent touiours leurs arcs bandés devant eux, voila pour­quoy leurs bras ne paroissent point ; & sur qui veulent ils tirer ? hé qu’en sçavons nous.  Ie leur demanday que vou­loient dire ces taches qui se font voir en la Lune : tu ne sçay rien du tout, me disoient ils ; c’est un bonet qui luy couvre la teste, & non pas des taches. (JR 1634, vol. 6, 222)

Le Jeune s’apitoie sur ces « superstitiõs », des « sottises » (222) qu’il est cependant possible, selon lui, d’éradiquer pour peu que le barrage des langues soit franchi. 

Prédire les éclipses et les expliquer, comme le font les missionnaires, provoque ainsi l’admiration sans borne des autochtones et les pères savent en tirer le meilleur parti. La prédication à but de conversion suit souvent de près une prédiction réussie :

Une eclipse de Lune [qui arriva le 31 décembre 1637] […] nous donna icy un grand credit pour faire approuver ce que nous croyons. Car (leur disions nous) vous avez veu comme la Lune est eclypsée le mesme jour au mesme mo­ment que nous avions predit. Au reste, nous n’eussiõs pas voulu mourir pour vous maintenir cette verité, cõme nous sommes prests de faire, pour vous maintenir que Dieu vous brûlera eternellement, si vous ne croyez en luy. (JR 1638, vol. 15, 138)

La prédiction des éclipses donne aux pères une crédibilité à laquelle seuls peuvent prétendre les chamans. L’admiration qu’engendre cette pratique de divination provoque aussi, de la part des autochtones, des attentes, comme de se faire prédire l’avenir dans le quotidien : que ce soit au sujet des récoltes et des cultures, des événements sociaux ayant trait à la vie de la communauté, ou de la guerre :

Sur ce que nous leur predisons les Ecclypses de la Lune et du Soleil, dont ils ont beaucoup de peur, ils se sont imagi­nez que nous en estions les maistres ; que nous sçavions toutes les choses à advenir ; & que c’est nous qui en disposons. Et en ceste cõsideration, ils s’adressent à nous pour sçavoir si leurs bleds reüssiront ; où sont leurs enne­mis ; & en quelle quantité ils viennent. (JR 1639, vol. 17, 118)

Les missionnaires prennent un double risque en s’engageant dans le jeu des prédictions. Certes, les éclipses sont prévisibles et le résultat de ces prédictions impressionne car elles stupéfient les Amérindiens et les amè­nent plus facilement à la foi par l’admiration qu’ils portent aux pères et à leur culture. Mais les jésuites risquent de se faire prendre pour des sor­ciers, une possibilité dont ils sont conscients et qu’ils accueillent avec une grande sérénité si cela peut favoriser leur effort de conversion (par la neutrali­sation des chamans incapables de rivaliser avec eux, par exemple), mais qui devient très problématique lorsqu’ils sont accusés d’être à l’origine des épidémies qui déciment les tribus qu’ils évangélisent. Ironique­ment, une raison pour laquelle ils ne vont pas être massacrés est que les Amérindiens craignent les pouvoirs magiques de ces « sorciers chré­tiens ».

Le deuxième danger engendré par la pratique des prédictions réside dans le fait que les missionnaires pourraient, à l’extrême, se prendre au jeu, soit jouer aux apprentis sorciers en cherchant à rendre l’imprévisible prévi­sible : faire pleuvoir ou guérir des cas désespérés, par exemple. Lire l’avenir est l’apanage de Dieu, déclare formellement le pape Sixte V dans une bulle du 5 janvier 1586, dénonçant par là même toute pratique de divina­tion. Tout le reste n’est que diablerie. La seule exception retenue l’est en cas de prédictions de phénomènes naturels, comme les éclipses, que l’on peut annoncer à l’avance. 

Sans se prendre au jeu, nombre de missionnaires jésuites à l’époque, en Nouvelle-France comme en Bretagne où ils opèrent aussi, se voient « comme des agents personnels de Dieu, appelés et mandatés par lui pour accomplir de grandes choses, voire des miracles », ainsi que l’explique Dominique Deslandres (« Des ouvriers formidables à l’enfer » 258–59)[8].Le père de Brébeuf est un bon exemple de jésuite qui ne doute pas d’avoir reçu, après que ses vœux ont été exaucés, des faveurs très particulières pour le plus grand bien de l’Eglise missionnaire.

Lors de la grande sécheresse du printemps 1635, après avoir expliqué aux membres de la communauté huronne d’Ihonatiria au sein de laquelle il s’est installé, qu’ils devraient s’adresser au Dieu des chrétiens plutôt qu’aux sorciers qui les trompent pour obtenir ce qu’ils désirent, et que lui-même ne contrôle en rien la pluie et le beau temps, Brébeuf offre une neu­vaine de messes à St-Joseph et organise une procession pour obtenir l’aide divine :

Or il avint iustement [rapporte le père] que la neufvaine étãt accomplie, qui fut le treiziesme Iuin, nous ne peusmes pa­rachever la Procession sans pluye, qui suivit fort abondante, & dura à diverses reprises l’espace de plus d’un mois avec un grand amandement & accroissement des fruicts de la terre (JR 1636, vol. 10, 40).

Lors d’une nouvelle sécheresse, en juillet, une seconde neuvaine, en l’honneur de saint Ignace cette fois, est récompensée par une grande abon­dance de pluies qui permet aux Amérindiens d’obtenir une très bonne récolte de blé. Brébeuf conclut ainsi le récit de ses deux neuvaines couron­nées de succès dont les résultats profitent à tous sauf aux chamans :

Or ces pluyes ont fait deux biens ; l’un en ce qu’elles ont accreu les fruicts de la terre, & l’autre en ce qu’elles ont étouffé toutes les mauvaises opinions & volontez conçeuës contre Dieu, contre la Croix, & contre nous ; car tous les Sau­vages de notre cognoissance, & notamment de notre village, sont venus expressément nous trouver pour nous dire qu’en effet Dieu estoit bon, & que nous estions aussi bons, & qu’à l’avenir ils vouloient servir Dieu, adioustant mille poüilles [insultes] à l’encontre de leurs ArrendioVane [Arendicouane], ou devins. A Dieu soit pour jamais la gloire de tout ; il permet la secheresse des terres, pour arrou­ser les cœurs de ses benedictions. (42)

En fait, Brébeuf l’a peut-être évité belle dans la mesure où plusieurs Amérin­diens, mais aussi le sorcier du village ridiculisé pour son incapacité à faire tomber la pluie, lui en voulaient d’être à l’origine de la sécheresse et d’œuvrer à la destruction de la communauté.

Le père de Brébeuf s’est ainsi imposé comme plus puissant sorcier que le sorcier indigène, temporairement du moins. Il explique que certains cha­mans

font estat de commander aux pluyes & aux vents ; d’autres de predire les choses à venir ; d’autres […] de rendre la santé aux malades, & ce, avec des remedes, qui n’ont aucun rapport aux maladies (JR 1636, vol. 10, 192–94),

et parfois y arrivent parce que le « Diable leur tient la main » (194). Si les missionnaires ne prétendent pas avoir ces pouvoirs, ils espèrent néanmoins que Dieu les entendra et qu’ils pourront obtenir les mêmes résultats, le mo­ment venu, que ceux que revendiquent les chamans. Comme l’écrit très justement Bruce Trigger :

même si les jésuites ne croyaient pas, dans le véritable sens du mot, au pouvoir magique des rites catholiques de maî­triser automatiquement les lois de la nature, ils étaient néanmoins convaincus que leur Dieu répondrait à leurs prières réclamant la pluie ou de bonnes récoltes, si cela pou­vait convaincre les Amérindiens de sa gloire et aider à miner le respect que les Amérindiens avaient pour leurs propres chamans. (Les Enfants d’Aataentsic, 481)

Missionnaires et sorciers, malgré une croyance commune en des forces surnaturelles qui régissent l’ordre du monde et son fonctionnement, une croyance commune qui les rapproche en fait beaucoup, diffèrent en ceci que les jésuites, dans leur pratique d’évangélisation, espèrent une interven­tion divine le moment venu mais ne l’attendent pas nécessairement, alors que les chamans risquent de perdre gains matériels et réputation si leurs dons de devins ou de guérisseurs ne sont pas confirmés. Mais comme l’écrit Dominique Deslandres, « les jésuites finissent par jouer avec le feu, et paraissent alors plus puissants qu’ils ne le sont—plus puissants donc plus dangereux » (Croire et faire croire, 323) aux yeux des sorciers dont ils cherchent à miner la crédibilité, et plus généralement aux yeux des Amérin­diens.

Les jésuites ont rapidement compris qu’il leur fallait rivaliser avec les sor­ciers et les battre sur leur propre terrain des pratiques magiques pour pouvoir espérer amener les autochtones au christianisme. Mais miner la crédibilité des chamans, des chefs religieux, revient à déstabiliser les commu­nautés qui, en périodes d’épidémies ou de défaites militaires, peuvent se retourner contre ces « nouveaux sorciers ». Les pères doivent donc toujours s’efforcer de démontrer la supériorité que leur confèrent leurs croyances et leur culture, pour pouvoir poursuivre avec un certain succès l’effort de conversion[9].

***

L’effet de surprise obtenu par un procédé perçu comme magique par les Amérindiens est, en résumé, l’un des moyens les plus sûrs d’amener ces derniers à la religion. Le père jésuite Jouvency, dans un ouvrage publié en 1710, rapporte l’un des cas les plus révélateurs de l’ingéniosité des mission­naires français en Nouvelle-France au début du dix-septième siècle, un cas dans lequel l’effet de surprise suscitant stupeur, crainte et admiration aura favorisé le processus d’évangélisation. L’épisode porte sur un groupe d’Amérindiens qui refuse de croire les discours d’un mission­naire cherchant à les convaincre de la réalité des feux d’un enfer éternel. Les autochtones expliquent qu’un feu si intense et sans fin consomme­rait trop de bois et que c’est donc concrètement impossible. Le père, n’arrivant pas à les persuader de la vérité de ses propos, déclare que dans le monde de l’enfer brûle un feu qui ne consomme pas de bois. Lors­que fusent les rires des autochtones, il les invite à venir voir, quelques jours plus tard, se consumer un morceau de cette terre infernale qui brûle toute seule.

Au jour convenu, ce missionnaire, devant un parterre de douze membres prééminents de la tribu, sort un morceau de souffre qu’il fait pas­ser dans l’assistance. Tous admettent qu’il provient du sol. Puis, le prêtre effrite la pierre de souffre sur des charbons ardents et provoque une odeur suffocante. Après qu’il a réitéré par trois fois l’expérience, les Amérin­diens se lèvent, ébahis et désormais convaincus des dires ce qui concerne du père en l’existence d’un monde infernal (cf. JR 1610–13, vol. 1, 289). Les autoch­tones sont subjugués et remplis d’admiration devant la démonstration très spectaculaire de la supériorité du Français. L’ingéniosité du missionnaire a porté ses fruits, comme elle en portera bien d’autres tout au long du dix-septième siècle. L’« agrandissement du Royaume de Dieu » en Nouvelle-France s’accommode en effet de tous les moyens, même des plus origi­naux et surprenants.

Berry College

Bibliographie 

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Trigger, Bruce. Les Enfants d’Aataentsic. Traduit par Jean-Paul Sainte-Marie et Brigitte Chabert Hacikyan. Montréal, Editions Libre Expres­sion, 1991.


[1]Consulter, au sujet du travail de conversion des jésuites en Nouvelle-France mais aussi de la différence d’approche qu’ils adoptent selon les cultures à évangéliser, notre article intitulé : « “Pensez-vous venir à bout de renverser le pays? ”: la pratique d'évangélisation en Nouvelle-France d'après les Relations des jésuites » (cf. 691, 696).

[2]Nous allons, dans cette étude, essentiellement parler de l’effort missionnaire entrepris par le père Le Jeune.

[3]Bernard Dompnier a, lui, parlé d’une « pastorale de la séduction » pour évoquer la pratique d’évangélisation des capucins (voir son excellent article intitulé « Pastorale de la peur et pastorale de la séduction : la méthode des missionnaires capucins »).

[4]La sagamité est un mets amérindien consistant en une bouillie à base de maïs bouilli et de viande.

[5]Tandis que les Amérindiens sont régulièrement perçus comme des mineurs par les missionnaires de Nouvelle-France (jésuites, ursulines, etc.), ce n’est pas le cas en Orient et en Extrême Orient (voir notre étude intitulée : « Les “réductions” de Nouvelle-France : une illustration de la pratique missionnaire jésuite », 523–525). 

[6]Jean Delumeau écrit, dans La Peur en Occident, que cette panique s’explique principalement par l’importance accordée à la date de 1656 par les théologiens et pronostiqueurs protestants. Étant le résultat de savants calculs, cette date annoncerait la fin des temps. La peur développée dans les pays et milieux réformés, une peur renforcée par l’éclipse de 1652, en vient ainsi à influencer les milieux catholiques français (cf. 298).

[7]Les références aux explications des éclipses par les Amérindiens sont nombreuses dans les Relations : JR 1634, vol. 6, 222–23 ; JR 1636, vol. 10, 58 ; JR 1637, vol. 12, 72 et 142 ; JR 1643, vol. 22, 294 ; JR 1672–74, vol. 58, 160–62. Pour ce qui est de la position de l’Eglise, et plus précisement des missionnaires jésuites au Canada, à l’égard des tremblements de terre, consulter notre article intitulé : « L’interprétation du tremblement de terre de 1663 en Nouvelle-France d’après les écrits des missionnaires. »

[8]Dominique Deslandres, parlant des missionnaires jésuites en Bretagne et en Nouvelle-France, écrit encore qu’« Ils jouent le jeu, pour sûr, et ils ne sont pas loin de se croire eux-mêmes des guérisseurs guidés par Dieu »(« Des ouvriers formidables à l’enfer », 260).

[9]Déjà, au début du dix-septième siècle, dans la colonie de Port-Royal, en Acadie, le père Biard raillait les sorciers amérindiens pour leurs connaissances médicales primaires (JR, vol.3, 116). Elie de Comminges, auteur de l’étude intitulée : « Les récits de voyage des Jésuites en Nouvelle-France : la mission du Père Biard (1611–1613) », commente avec ironie la moquerie de ce jésuite : « M. Diafoirus lui, en connaissait donc plus ? » (853), la médecine en France n’étant, à l’époque, guère plus avancée que celle des Amérindiens.

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Le Mercure Galant and its Student Body: Donneau de Visé’s Inclusive Pedagogy

Article Citation: 
17 (2016), 41–56
Author: 
Deborah Steinberger
Article Text: 

Steinberger, Printable PDF

Twenty-first-century scholars have characterized Le Mercure Galant in many different ways: they have described it, for instance, as a forerunner of the modern newspaper, a propaganda vehicle in the service of Louis XIV, a literary journal promoting the esthetic of galanterie, and a compendium of scientific and social information.[1] No single description does justice to the publication, founded in 1672 by Jean Donneau de Visé, who served as editor in chief until his death in 1710.[2] The essence of the Mercure Galant, indeed its founding principle, is its appealing diversity. The preface to the inaugural edition announces, “Ce livre doit avoir de quoi plaire à tout le monde à cause de la diversité des matières dont il est rempli” (“Le libraire au lecteur,” Mercure Galant 1672, 1: n.pag.).[3] De­spite this stated ideal of universality, some scholars, notably Monique Vincent, have claimed that the knowledge the periodical seeks to impart is gender-specific. Vincent pronounced Le Mercure Galant “la première re­vue féminine d’information et de culture” in the subtitle of her important 2005 study of the publication. She cites as evidence the Mercure’s fic­tional female destinataire, an inquisitive and well-read Parisian lady living in the provinces, referred to throughout as “Madame”; she also empha­sizes the prevalence of literary forms thought to be popular with women, such as love stories, poems, and songs (Vincent, Le Mercure Galant 10–11).[4] But Jennifer Perlmutter has remarked, and even Vincent has noted, that after its initial “période d’essai” of 1672–1677, a span of years during which the periodical experimented with different formats, genres, and publica­tion frequencies, the Mercure seems less “feminine,” and more “unisex”: in Perlmutter’s words, it becomes “an exemplary text for both women and men” (58).[5] The present study argues that this change is linked to Donneau de Visé’s evolving resistance to classification of his reader­ship by gender, and to his ultimate rejection of divisive gender stereotypes, in favor of a more inclusive editorial approach. Analysis of a number of nouvelles and other texts from the Mercure leads to the conclu­sion that the publication’s founder came to regard his magnum opus as neither “feminine” nor “masculine,” but rather as an all-embracing “coeduca­tional” project, providing information and instruction for the benefit of both sexes.

In fact, in December 1677, the editor refers to the characterization of the Mercure as a women’s magazine as an error, and signals that the periodi­cal hasnow found another audience:

Je sais que le titre a fait croire d’abord que le Mercure était simplement Galant et qu'il ne devait tenir place que dans la bibliothèque des femmes, mais on est sorti de cette er­reur . . . il est devenu le livre des savants et des braves après avoir été le divertissement du beau sexe. (Nouveau Mer­cure Galant Dec. 1677, 10: n.pag.)

It is not immediately clear whether the editor is implying that the publica­tion has evolved and become something new, leaving behind le beau sexe and its predilection for divertissement, or simply that its audience has ex­panded. But in view of the publication’s trend away from classification of subject matter according to reader gender, the latter scenario seems more plausible. The Mercure becomes increasingly gender-neutral: editorial catego­rizations and assumptions about the preferences of male and female readers voiced during the periodical’s first years (early to mid-1670s) seem to fade as the Mercure finds its footing and its public. At first, the editor had assumed that women would want to read nouvelles and fashion news, while men would favor war reports. In 1673, for example, the editor feels the need to apologize to some of his female readers for the paper’s extensive war coverage (4: 263–266). By 1684, however, “Madame” is clamoring for war news. Speaking of the paper’s reports on the taking of Luxembourg and Genoa, the editor tells her, “J’ai beaucoup de joie de ce que vous me temoignez estre satisfaite du soin que j’ay eu de n’oublier aucune circonstance essentielle dans les deux relations dont je viens de vous parler” (July 1684, 4–5). “Madame” is an insatiable consumer of all sorts of information and current events. This ideal reader wants to know about politics as well as arts and culture: the editor tells her, after reporting on new plays by the Corneille brothers, “Je voudrois bien ne vous parler que de divertissemens; mais il faut, puis que vous voulez tout sçavoir, que je reprenne le Chapitre de la guerre” (1673, 4: 227–228; emphasis added). The following year, the editor makes a point of distinguishing “Madame” from the ladies with whom she socializes in the provinces:

Je vous entretiendray des affaires de la guerre, mais j’en laisseray les raisonnemens aux politiques, et ne parleray de sieges et des combats, que pour loüer toutes les belles ac­tions de nos braves, dont je ne pretends laisser échaper aucune. Le récit n’en sera toutefois pas si long, qu’il puisse en­nuyer celles de vos belles provinciales qui n'aiment que les histoires. (1674, 5: 2)

The worldly, inquisitive Madame has more diverse interests than the provin­cial ladies among whom she lives: a Paris transplant who is unlike her neighbors, a woman who appreciates military accounts, in her pursuit of knowledge she bridges and transcends social and gender categories, thereby embodying the spirit of Le Mercure Galant.

The description of the Mercure as a “coeducational” project aligns gener­ally with Joan DeJean’s assertion that Donneau de Visé, a proponent of the Modern movement, sought to create a “gender blind” public (An­cients 66) as part of his program; it also confirms Allison Stedman’s recent characterization of Le Mercure Galant as “a liberal and inclusive socio-literary enterprise” (Stedman 97). While DeJean states that “[n]o Modern spokesperson ever bothered to compose a work of educational theory” (Ancients 138), it is nonetheless true that the Mercure’s pioneering promotion of the education of men and women together was a defining element of its journalism and in its way, a contribution to the theory of educa­tion.

Although the entire Mercure is ostensibly addressed to a lady, Don­neau de Visé goes to great lengths to appeal to readers of both sexes, sometimes sequentially, but most often simultaneously. The point of view varies: the male authorial voice is balanced by intermittent contributions from celebrated women writers such as Antoinette Deshoulières and Made­leine de Scudéry, as well as from numerous lesser-known female authors. Furthermore, the editor displays evenhandedness, even egalitarian­ism, by occasionally printing “his and hers” versions of matching articles. A piece by a Monsieur Taisand, a lawyer from Dijon, which examines the advisability of marriage, is divided into two sections, “Si une femme doit se marier”  and “Si un homme doit se marier”  (Extraordi­naire April 1679, 6:10-23).[6] The text, which takes for granted women’s subaltern status, could certainly not be called feminist, but it is remarkable that the author assumes a mixed readership as he presents ad­vice for both sexes. The author of this article had proposed the previous year another piece geared to a mixed public, which asked the question, “La condition des femmes est-elle plus commode et plus avantageuse que celle des hommes?”[7] Both of Taisand’s pieces seem intended to encourage men and women to enter into dialogue with each other on these questions. A comparable structure exists in two complementary stories from January and February 1681, “Histoire de mon cœur” and “Histoire de mes con­quêtes,” both written by Fontenelle, where a man and a woman exchange accounts of their sentimental history.[8] Although these are fictional pieces written entirely by a man, the idea of balance, of dialogue between equals, is noteworthy. According to the same principle of equal time, or balanced reporting, right after an article about a male child prodigy, there follows an ac­count of the exploits of a “jeune fille philosophe” from Lyon who amazed the university professors who examined her in Latin on erudite topics (Sept. 1684, 161–164). This young woman, excluded from participat­ing in a public thesis defense because of her sex, is in effect given a voice in the Mercure.

Donneau de Visé’s efforts to remain gender-neutral, or at least (to bor­row the Fox News slogan) to appear “fair and balanced,” extend to other genres featured in the periodical, nouvelles and questions d’amour. The Mercure’s numerous stories about women disguised as men prove that women can do everything that men do, both good and bad. Disguise may facilitate daring or violent deeds, but the capacity to perform them is not determined by a person’s sex. For example, in one nouvelle a young woman disguised as a man serves ably in the army in place of her fiancé, whom she had wanted to protect from the dangers of war (April 1692, 103–116). On the other hand, extreme emotions such as jealousy, the nouvelles show us, can drive either sex to senseless acts of violence. Simi­larly, traits like inconstancy and fidelity are never portrayed as gender-specific: for every nouvelle about a fickle female, there is one about a faith­less man. One month after the publication of the “Histoire tragique arrivée à Arles” (March 1680, 251–274), which recounts a man’s crime of passion—he murders his mistress for her infidelity—the Mercure pub­lishes “L’Infidèle puni,” the story of a woman who disguises herself as a man, ambushes her ex-lover, and commits a revenge murder. The narrator reminds readers that women, too, are capable of such bloody actions:

Vous avez blamé avec beaucoup de justice l’emportement fu­rieux du Cavalier d’Arles, qui s’est vangé si cruellement de la prétendüe infidélité de sa Maîtresse.Les belles ne sont pas exemtes (sic) de ces sortes de fureurs. En voicy la preuve. (April 1680, 276)

The Mercure seems to suggest that the passions of men and women are indistinguishable. An article in the Extraordinaire of July 1679 asks the question “Si les femmes aiment plus fortement que les hommes,” but after a brief, perfunctory discussion of the beliefs of the Ancients and the theory of the humors, the author dismisses the question as fruitless, leading to “travaux inutiles” (294–297)—a decidedly pro-Modern conclusion.

In sum, there seems to be a conscious effort on the part of the Mercure’s editor to discredit gender stereotypes. Instead, the periodical purports to portray life as it is—as befits a news publication.[9] In the Mer­cure, Donneau de Visé claims to strive to tell the whole story. For instance, when recounting a battle, he boasts that unlike other contempo­rary chroniclers, he assembles accounts from multiple viewpoints.[10] Another way he endeavors to hold a mirror up to life, as we have seen, is by providing both male and female perspectives on the same question. It stands to reason that women readers would seek out a publication that treated their sex with respect, fairness, and objectivity. This evenhanded approach is of course strategic as well as ethical: it is in large part a ques­tion of marketing, a calculation aimed at selling subscriptions and maximizing the Mercure’s readership. The journalist’s interest in entrepreneur­ship and his prowess as a businessman led Victor Fournel in the nineteenth century to call Donneau de Visé “un industriel littéraire” (Les Contemporains de Molière 445, qtd. in Vincent, Donneau de Visé 2). Jean Sgard attests to the editor’s financial success: “Il passe pour avoir été le plus riche des écrivains du temps”  (Dictionnaire des journalistes).

To ensure his publication’s universal, “coeducational” appeal—and thereby to reach the largest audience possible—Donneau de Visé carefully controls tone and content. A preface to both the September and October 1684 issues states, “On mettra tous [les mémoires] qui ne desobligeront personne, et ne blesseront point la modestie des dames” (n.pag). Often, the pa­per appears to take the side of the wife in domestic issues. A 1684 verse piece called “La Bourse du bon sens,” by a certain Monsieur de la Barre, from Tours, celebrates the stratagem used by a clever and virtuous wife “Pour tirer son Epoux des bras d’une coquette,/ Et pour le rappeler au gi­ron de l’Hymen” (October 1684, 44–59). A question for debate proposed in the July 1685 Extraordinaire asks why so many men take ugly mis­tresses when they have attractive wives. Can one show support for wronged wives without seeming anti-male (or at least anti-husband)? De­spite the periodical’s overarching goal of inclusiveness, the publication of tendentious questions such as this one sometimes make the world of the Mercure’s readership appear more polarized than integrated. However, this apparent contradiction can be resolved when we consider that marital harmony was seen as beneficial for all of society, and that the reigning patriar­chy had a vested interest in preserving marriage’s strength and sanctity.[11] Good husbandly conduct is a recurring theme, a value that Le Mercure Galant tirelessly promotes. Donneau de Visé brings in celebrity instructors to teach by example: in July 1683, we hear about the admirable af­fection of M le Dauphin for Mme la Dauphine: “Il est bien doux et bien agréable, de trouver dans un Mary la galanterie d’un amant” (282). Simi­larly, a year later, the Mercure approvingly notes that this model husband refused to retire to his chambers when the Dauphine was ill, and passed the entire night at her bedside (August 1684, 306). But we also hear about wayward husbands, and there are numerous stories about praiseworthy or model wives who tolerate and sometimes even reform their unfaithful spouses: for instance, the September 1683 account of a young woman who pa­tiently bears her husband’s infidelity and resists her family’s attempts to separate her from her unworthy spouse. She dies of grief, but her unfailing virtue and devotion ultimately inspire her widower to change his life and enter a monastic order.[12] The story’s moral, “L’amour le plus violent n’est pas celui qui dure le plus,” announces an important lesson for men and women alike.

A school for both husbands and wives, Le Mercure Galant is at heart a mass-educational enterprise, one that aims to instruct as it informs and enter­tains. The publication may be seen as a precursor of the correspondence course, and even as a distant ancestor of the MOOC (mas­sive open online course), for Donneau de Visé places emphasis on accessibility: thanks to the Mercure, one need not leave one’s home to be­come well-informed about a wide range of subjects. While we take it for granted today that newspapers perform this function, nationwide circula­tion of a periodical to readers from varying social backgrounds, from the middle classes to the upper echelons, was something quite new in the seven­teenth century, as DeJean and Stedman have shown in their respective studies. The editor speaks of his goal of providing readers with convenient and inexpensive routes to learning, helping them to “s’instruire à peu de frais de tout ce qui arrive de jour en jour touchant [les] arts,” and to “apprendre ce qui se passe dans toute la terre parmi le monde politique et galant” (“Avis,” Jan. and Feb. 1686, n.pag.).[13]

What can one learn in the Mercure? Its highly diversified “course con­tent” distinguishes the publication from its precursors and competitors (La Gazette, most notably);[14] it extends beyond news from the court and battle­field to include such topics as Chinese characters, literary news, algebra, geometry, numismatics, and architecture, just to name a few.[15] Science writing becomes more prevalent in the Mercure around 1681, the year the passage of Kirch’s comet stimulated scientific speculation and spurred popular interest in astronomy: numerous articles and stories in the paper were inspired by this event. This was also the year when the philoso­pher and mathematician Claude Comiers started writing for the publication, contributing pieces on optics, astronomy, health, and medi­cine, including a letter “Sur l’art de se conserver en santé et de prolonger sa vie” (March 1687, 227–236). The Mercure also provides advice for read­ers suffering from maladies such as gout (Nov. 1685, 239–242), hernias (Feb.1686, 1: 69–82), and the vapors (Nov. 1691, 85–116).

Cultural anthropology is another frequent topic: a treatise on burial and tombs appears in the July 1685 Extraordinaire (24–93), and in December 1691, Comiers contributes a “Lettre sur les cérémonies à la synagogue” (244–261). Starting in March 1685, the Mercure publishes what may be the first “multicultural course,” a series of nine “dialogues des choses dif­ficiles à croire” by the abbé Laurent Bordelon.[16] The dialogue, the editor tells us, is a teaching method especially suited to readers who are pressed for time (he refers to “les curieux, qui sont bien-aises d’apprendre beaucoup, et de s’épargner la peine de longues lectures,” April 1685, 49). The purpose of Bordelon’s dialogues is to introduce readers to a range of unusual social practices from all over the world. Readers also learn to bat­tle prejudice and superstition in similar pieces, like the “Discours contre la superstition populaire des jours heureux et malheureux” by a contributor from Marseille named Malaval (June 1688, 1: 32–119). As one might ex­pect in a publication that calls itself “galant,” there are many articles dealing with savoir-vivre and civility, for example, “De la manière dont on doit avertir ses amis de leurs défauts” (Dec. 1696, 39–57). The Mercure places special emphasis on discoveries and stories that transcend barriers, be they national, linguistic, psychological, social, or gender-related. For instance, one finds articles on “l’écriture universelle,” a number-based writ­ing system for use by people of different nations, as well as this praise of the visual arts as a universal means of communication:

[Les estampes] parlent également par tout aux yeux, et tous les yeux voyent également ce qu’elles représentent. Ainsi rien n’est plus agréable, rien n’est plus utile, et rien n’instruit en moins de temps, sans qu’il soit besoin d’aucune étude pour apprendre à voir ce qu’elles contien­nent. (Feb. 1686, 1: n.pag.)

For those whom we would call today visual learners, the Mercure supplies countless diagrams and illustrations. In 1686, the editor announces a plan to make instructive images even more readily available by including in each month’s issue a list of all newly printed engravings, with notes on where they can be purchased. All in all, the periodical presents itself as an educational treasure chest: “On y ramasse mille choses curieuses qu’on n’auroit pû trouver ensemble, si le Mercure n’avoit jamais esté fait… ” (“Au lecteur,” Nouveau Mercure Galant Dec. 1677, 10: n.pag.; qtd. in Vin­cent, Donneau de Visé 187).

Whether in the form of treatises or nouvelles, Le Mercure Galant de­votes many pages to moral teaching.[17] Often the stories have moralizing titles, maxims such as “Les amants qui ont le plus de traverses ne sont pas toujours les plus malheureux” (May 1680), or “L’amour sincère est sou­vent récompensé” (Jan. 1689).[18] Notably, the titles of the nouvelles are almost always gender-neutral: they seem to reflect a studied effort on the editors’ part to avoid characterizing the sexes in any particular way. For example, use of the neutral “on” is frequent: “On ne perd souvent rien pour attendre” (June 1680), or “De quoi n’est-on point capable quand on aime véritablement?” (Jan. 1697). This principle took shape early on in the publication’s history, when the Mercure published its very first nouvelle featuring a moralizing title, “Les Femmes sont souvent cause de la perte des Hommes” (1674, 6: 207–248). The narrator is an old woman who tells the story of Clitandre, a man suffering from venereal disease. The sick man makes a deal with a mysterious stranger: he exchanges a cure for his malady for a promise, on pain of death, never again to lie with a woman. Clitandre eventually falls in love and breaks his promise; shortly thereaf­ter, the man who had cured him reappears and tells him he must choose to die by the sword or by poison. Clitandre takes the poison, goes mad, and jumps from an attic window into a well. His body is never found. The wa­ter in the well becomes subsequently so clear and fresh that the site attracts visitors from miles around.

The old woman reveals at the end of her tale that this is not actually a nouvelle, but rather a centuries-old story. As such, the editor points out, it is an anomaly that really had no place among the news stories (“histoires nouvelles”) he had promised to “Madame”:

[Cette aventure] ne devoit pas avoir icy de place, puis que je ne vous dois envoyer que des Histoires nouvelles; mais puis qu’elle est écrite, vous souffrirez, s’il vous plaist, Madame, qu’elle tienne son rang parmy les autres. (1674, 6: 247-248) 

The aged storyteller, who defends the truth value of orally-transmitted folk sto­ries like this one, represents unenlightened tradition:

Il y a plus de deux cens ans, continua-t-elle, que cette avanture est arrivée, et qu’on la sçait par tradition; et comme les choses qu’on sçait de la sorte sont toûjours très-vé­ritables, on ne doit point douter de cette Histoire, qui doit faire connoistre à tout le monde, que les Femmes sont sou­vent cause de la perte des Hommes. (246–247)

However, her modern, enlightened listeners, who represent the Mercure’s readership, are skeptical. With ironic smiles, they dismiss her unbelievable tale, along with its misogynistic message:

Toute la compagnie n’applaudit à cette Histoire qu’en soû­riant; il y eut mesme quelques malicieux qui plaignirent la catastrophe du malheureux Clitandre, mais ce fut d’une ma­niere qui fit connoistre qu’ils n’adjoûtoient guere de foi à son avanture. (247)

The framing text thus discredits the old woman’s tale and the anti-woman tradition it represents, presenting the story as an object of skepticism and even ridicule. This account of the tale’s reception signals a break with tradi­tion: the Mercure Galant will never blame the fair sex in general for men’s ills, nor will the shortcomings of some men be imputed to men as a group: the nouvelles are about individuals. This principle is in keeping with the core values of the Modern movement, which according to Joan DeJean included, along with “an openness to cultural difference,” “a de­fense of the right to individuality” (Ancients 131).

The Mercure’s resistance to gender stereotypes and traditional preju­dices extends also to lighter topics, like fashion. After a discussion of the latest women’s styles, published during the paper’s first year (1672, 3: 283–308), a lady named Lucresse asks the narrator-editor to give equal time to men’s style trends. Men, she argues, are just as interested in fash­ion novelties:

Il me semble que nous avons assez parlé de Modes qui re­gardent les Femmes, et que vous devriez à vostre tour nous entretenir de celles des Hommes; car vôtre Sexe en Amour et en Mode n’a pas moins d’inconstance que le nostre. (308)

The narrator concedes that men are no less slaves to fashion than are wo­men:

[J]’ajoûtay que pour faire voir que j’étois persuadé de cette verité, j’alois montrer que les Hommes avoient en tres peu de temps fait changer huit ou dix fois les modes de leurs manches, et que j’estois asseuré qu’on ne me mon­treroit point parmy les Femmes pour ce qui regardoit les Modes un exemple de pareille inconstance. (309)

This attribution of fashion fickleness to men makes a favorable impression on Lucresse and her friend; the narrator tells us that “Cette réponse de bonne foy, et qu’elles n’atendoient point, les fit soûrire” (310).

Here too, the narrator is attempting to discredit a stereotype, demonstrat­ing that men and women are not as different as we have been accustomed to believe. To prove this point, the Mercure shows its readers individuals who defy accepted norms and idées reçues, such as fashion-obsessed men and hardy women soldiers who distinguish themselves in battle. Dianne Dugaw’s work early-modern English female warrior bal­lads—popular songs about real or mythical cross-dressed women soldiers—provides a useful way of thinking about the representation of women in the Mercure. Dugaw writes,

If the ballads suggest anything, it is that “masculine” (or “feminine”) behavior—playing the part—and “male” (or “female”) identity—being the person—can be two differ­ent things. Thus the ballads do not in fact privilege the “masculine” at all, because at a deeper level they actu­ally subvert not only the privilege of one gender over the other, but the very category of gender itself. How reliable is such a category that can so easily conceal as much as it re­veals? (Dugaw 158–159)

Characters who transgress traditional gender-based behavioral norms lead us to reexamine the assumptions upon which these norms depend.[19]

Concealed sex and questions of gender identity lie at the heart of one the Mercure’s most famous nouvelles,the “Histoire de la Marquise-Marquis de Banneville,” published in the periodical first in 1695, and then again in 1696 in a revised and expanded version. In her introduction to the MLA critical edition of this novella, Joan DeJean attributes the piece to a trio of authors: François-Timoléon de Choisy, Marie-Jeanne L’Héritier, and Charles Perrault. DeJean, who had previously distinguished the story as “the first true fin de siècle literary work” (Ancients 119), notes that it “presents the frontier between femininity and masculinity as . . . thor­oughly permeable” (“Introduction” xix). The “Histoire de la Marquise-Marquis de Banneville” is a sort of fractured modern fairy tale where a boy raised from birth as a girl, the ravishingly beautiful Marquise de Banne­ville, who for most of the story does not know she is biologically a man, meets and falls in love with the Marquis de Bercourt, a girl who has decided to dress and live as a man. After a courtship complicated by the secrets of their sexual status, they marry, and once they experience and understand their sexual compatibility, live happily after ever.

One may interpret the story’s title character, La Marquise-Marquis de Banneville, as a metaphor for the treatment of gender in Le Mercure Ga­lant. Joan DeJean has already demonstrated that the story, published during the Quarrel between the Ancients and the Moderns, represents Mod­ern principles. One could further argue that the Marquise specifically emblematizes the Mercure’s “coeducational,” gender-blending pedagogy. The “Histoire de la Marquise-Marquis de Banneville” contrasts starkly with the 1674 Clitandre tale (“Les femmes sont souvent cause de la perte des hommes”). Unlike the hoary venereal disease legend presented as the antithesis of the nouvelle, the Marquise’s story is an explicitly contempo­rary tale, as befits the Modern sympathies of its authors and of Donneau de Visé; it is complete with allusions to recent literary news and trends, such as the publication of Perrault’s “La Belle au bois dormant” in the Mer­cure in 1695, or the fairy tale vogue in general. The moralizing title of the Clitandre story, a tale dismissed as inane and outdated by the story­teller’s listening public, suggests that sexual categories are immutable: women will be women and men will be men, and women often bring men’s downfall. In “La Marquise-Marquis,” however, sexual categories are not fixed.[20] This nouvelle—like the Mercure itself, with its stories of valiant female warriors and learned women—demonstrates that differ­ences between the sexes are sometimes arbitrary, that outward appearances can be deceiving, and that for this reason, we should combat prejudice and stereotypes.[21] When the young Marquise criticizes the choice of a minor character, Prince Sionad, to dress in flamboyant femi­nine fashion, the Marquise’s mother reprimands her daughter with a message of tolerance. She advises her to refrain from judging others and instead to focus on her own conduct: “Contentez-vous, ma chère enfant, de faire votre devoir et ne trouvez jamais à redire à ce que font les autres” (15). The fact that the story enjoyed special, “signature” status in the Mer­cure bolsters my claim that it presents in microcosm some of the publication’s guiding pedagogical principles. “La Marquise-Marquis” is one of the few texts, if not the only one, to be published twice in the Mer­cure’s pages, presumably because its first printing met with success and its reappearance helped sell issues of the periodical. Furthermore, within the story, the Marquise “sells” the Mercure with this somewhat backhanded “product endorsement”: “Je l’ai lue [“La Belle au Bois Dormant”] quatre fois, et ce petit conte m’a raccommodée avec le Mercure Galant où j’ai été ra­vie de le trouver,” 51). The Marquise-Marquis, at once male and female, promotes the publication even as she symbolizes its inclusive, “coeduca­tional” approach. This close relationship between the character and the periodical in which her story was published should not surprise: in classi­cal mythology, after all, the messenger god Mercury, god of eloquence, commerce, boundary-crossings, communication, and, by extension, journal­ism, is the father of the hermaphrodite. The publication that bears his name sets out to entertain and instruct without prejudice polite society, a public composed of men and women.

University of Delaware

 

Works Cited

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[1] In addition to the studies by Monique Vincent, Joan DeJean, Jennifer Perlmutter, and Allison Stedman cited in this article, I refer here to points of view expressed by Chloé Hogg, Sara Harvey, and Alain Viala in their respective works (please see “Works Cited”).

[2] Thomas Corneille joined Donneau de Visé at the helm of Le Mercure Galant in 1682, and the two collaborated until Corneille became too ill to continue in this role, around 1700. Charles Rivière Dufresny (1648–1724) took over as editor in chief after Donneau de Visé’s death in 1710. Since Donneau de Visé conceived the project and laid its groundwork, when I allude to “the editor” I am mostly referring to him, though admittedly it is at times difficult to distinguish his contributions to the publication from Corneille’s.

[3] Nearly all citations from Le Mercure Galant are taken from the edition available on Gallica (gallica.bnf.fr). The few issues of the periodical from the period 1672–1710 that have not yet been digitized are available on microfilm created by the Bibliothèque Nationale and held by major research libraries.

Issues of Le Mercure Galant published between 1672 and 1677 appeared irregularly and were assigned volume numbers, which I cite in my references. In 1677 only, the publication’s title was modified to Nouveau Mercure Galant. After 1677, the periodical returned to its original title and appeared monthly; volume numbers were used only exceptionally, when the quantity of material was so great that a single month’s issue was divided into multiple tomes issued simultaneously.

[4] In her analysis of the Mercure’s role in the Quarrel between the Ancients and the Moderns, Joan DeJean cites the paper’s “pro-female bias” (Ancients 66).

[5] Perlmutter emphasizes Donneau de Visé’s dedication of his periodical to the Dauphin starting in 1677, which “further legitimizes it and provides a male counterpoint that represents the male readership to the ‘Madame’ figure to which he addresses each issue of the journal” (58). According to Monique Vincent, after 1677 “[Le Mercure Galant] complétait son image en ne dissociant pas belles-lettres et galanterie, savants et beaux esprits, lecteurs et lectrices” (“Le Mercure Galant à l’écoute” 194). For more on Le Mercure Galant’s different phases, see Vincent, Donneau de Visé et le Mercure Galant 121.

[6] The Extraordinaire, a supplement to the Mercure, appeared quarterly starting in 1678, and showcased contributions from readers on a wide variety of subjects and in numerous genres. Questions, or topics for debate, a salon-inspired activity, were a frequent feature; readers were invited to respond, often in verse. Monique Vincent finds little to distinguish the monthly Mercure from the Extraordinaire: “[P]arues sous le titre d’ensemble du Mercure Galant, [ces publications] n’en font qu’une et la matière qui les compose s’interpénètre de telle manière qu’une dissociation systématique entraînerait une confusion ou des répétitions regrettables” (Vincent, Donneau de Visé 219). Nonetheless, a distinct editorial voice is mostly lacking in the Extraordinaire, and its wholly reader-generated contents appear more random, and more clearly the product of amateurs.

[7] These pieces are cited in Vincent, Donneau de Visé 264. The question was announced in the Extraordinaire of October 1678 (391), and a response appeared in the following issue (Extraordinaire January 1679, 136–138).

[8] Bernard Le Bovier de Fontenelle (1657–1757) was the nephew of the Corneille brothers, and a frequent contributor to Le Mercure Galant.

[9] We see this trait in Donneau de Visé’s theater as well as in his journalism. His dramatic production includes unique “slice of life” comedies, usually centered on women’s experiences; they treat the moments surrounding childbirth, or the loss of a husband (L’Embarras de Godard andLa Veuve à la mode respectively, both first performed in 1667). For more on these comedies, see Steinberger, “The Difficult Birth of the Good Mother: Donneau de Visé’s L’Embarras de Godard ou l’Accouchée.”

[10]Describing the French victory at Genoa, for example, he says of his sources, “Ces diverses lettres écrites par divers particuliers qui se sont trouvez aux endroits dont ils parlent, sont des preuves convaincantes de la vérité” (June 1684, 3: 200).

[11] See Sarah Hanley’s examination of this subject, “Engendering the State: Family Formation and State Building in Early Modern France.”

[12]Monique Vincent includes this story in her Anthologie des nouvelles du Mercure Galant (324–336).

[13] See also Time and Ways of Knowing, in which Roland Racevskis highlights the “accelerated processes of knowledge acquisition and transmission” facilitated by both the Mercure Galant and the newly-instituted postal service.

[14] Jean Loret’s gazette La Muse Historique (1650–1665) did provide literary news, but its circulation was much more restricted than that of Le Mercure Galant; it was originally intended solely for Marie de Longueville and her circle.

[15] For additional topics covered in the periodical, see Monique Vincent’s subject index (Mercure Galant, Extraordinaire, Affaires du temps: Table analytique contenant l’inventaire de tous les articles publiés 16721710), an invaluable resource for Mercure research.

[16] The connection between one of the Mercure’s principal authors, Fontenelle, and our modern notion of multiculturalism has been drawn by Joan DeJean (Ancients 125–126).

[17] For a perceptive discussion of the “injunctive exemplarity” of the Mercure’s nouvelles, see Perlmutter, “Sociopolitical Education.”

[18] The first of these two nouvelles is reprinted in Vincent’s anthology, pp. 241–250.

[19] Marjorie Garber makes a similar argument about transvestism in her Vested Interests: Cross-Dressing and Cultural Identity.

[20] The question of the tale’s attribution emphasizes the instability of these categories. In his 1695 introduction to the nouvelle, the Mercure’s editor refers to its author as a woman. However, when “La Belle au bois” was published in the Mercure in 1696, the editor indicated that the author of this story was the same person who wrote “La Marquise.” At the same time, it was common knowledge that Perrault was the author of “La Belle,” and in fact, within the narrative of “La Marquise-Marquis,” the author of “La Belle” is referred to as a man (Choisy, L’Héritier, and Perrault 51). Joan DeJean cites these discrepancies as evidence that the “Histoire de la Marquise-Marquis” was the product of collaboration by both male and female authors. On the other hand, the fact that the author’s gender appears undetermined or unstable perfectly suits the story’s main themes (“Introduction” xvii).

[21] Except perhaps when it comes to Protestants. See Steinberger, “Obstinate Women and Sleeping Beauties in the Kingdom of Miracles: Conversion Stories in the Mercure Galant’s Anti-Protestant Propaganda.”

Site Sections (SE17): 

'Meh': The Unmarked Jews of Nicolas Boindin’s _Le Port de mer_

Article Citation: 
17 (2016), 28–40
Author: 
Jennifer R. Perlmutter
Article Text: 

Perlmutter, Printable PDF

A priori assumptions about Jews abounded in seventeenth-century France. Originating in the Middle Ages, some of these assumptions drew from superstition; many French people believed that Jews engaged in the ritual murder of Christian children, that they were lustful, and that they held a lifelong pact with Satan. Others stemmed from historical events and re­alities such as those that held that Jewish men were feminized through circumcision, that Jews were Christ killers, that they were traders of se­cond-hand goods and usurers.[1] The playwright and theorist Nicolas Boindin was born in 1676 into a society that espoused such beliefs and inevitably came in contact with these biases. Yet, he depicts two Jewish characters in his now little-known 1704 play, Le Port de mer, in a manner that suggests that his own perspective was largely unformed by them.[2] Al­though Nicolas Boindin includes characters he either explicitly identifies as or suggests are Jewish, these characters remain fundamentally “unmarked” by their Jewishness. In using the term “unmarked,” I am adapting Judaic Studies scholar Irven M. Resnick’s concept of “marking” that he indirectly de­fines as the referencing of an indelible nature, in this case a Jewish one (11). While Boindin’s characters do have superficial markings of Jewish­ness, I argue that they remain fundamentally unmarked in that he does not attribute any indelible Jewish nature to these characters, nor do the other characters appear to respond to any such perceived nature. For this reason, Le Port de mer represents a significant departure from how most of Boindin’s contemporaries thought about the Jews.

Henry Lancaster underscores the importance of these characters in not­ing that Le Port de mer “is the first French play in which one of the leading male characters is a modern Jew and in which the heroine is a mod­ern Jewess” (270). The characters in question are Sabatin, a father who is a merchant, and his daughter, Benjamine, who is looking for a hus­band. As historian Adam Sutcliffe remarks, “Judaism was […] widely used in the seventeenth century as a form of conceptual token, deployed for its particular rhetorical authority” (87). Indeed, Jewishness was a powerful concept, incorporated into a text less to say something about the Jews themselves than to give authors a foil that allowed them to say something about their own society instead. That Boindin included Jewish characters in his play suggests that he did so for a strategic purpose. While literary scholar John Dunkley has addressed Boindin’s approach to the “other” in his article “Nicholas [sic] Boindin: The Presentation and Re-presentation of Alterity,” the present work goes further in that it will consider a dynamic fundamental to Le Port de mer itself, yet distinct from any religious tension, as an indication as to why Boindin depicts Sabatin and Benjamine as he does. Specifically, I show that instead of emphasizing these characters’ Jewishness, Boindin focuses on the tension that exists between the father and the daughter over the choice of a husband. While Sabatin and Benjamine are on one level simply playing out the sort of money vs. love generational dispute common to comedic father-daughter pairings of the past (cf: Molière), it is through his focus on this storyline played out by two Jewish characters that Boindin is, in fact, commenting on the place of otherness in late seven­teenth-century French society.

Nicolas Boindin was not a prolific writer, and his stint as a fiction writer was a particularly short one.[3] One of only four authors of comedies performed at the Comédie-Française during the last years of Louis XIV’s reign (Lancaster 266), Boindin published three comedic plays between 1701 and 1707; a fourth appeared posthumously in 1753.[4] Three of these plays are only one act long. Accepted into the Académie des inscriptions et belles-lettres in 1706 at the age of thirty and supported by influential peers such as Voltaire, Boindin nonetheless never came to occupy one of the coveted chairs of the Académie française. A nineteenth-century biog­rapher attributes this rejection to Boindin’s rather public and unabashed atheism which, as I later show, helped define the role Jewishness plays in Le Port de mer (Bibliographie 15). Whatever the reason, Boindin’s rejec­tion did not appear to deeply trouble him. Indeed, he gloried in his reputation as a contrarian and used his atheism as conversational fodder during his regular visits to Paris’s cafés. It was most likely at the popular Café Laurent that Boindin met Antoine Houdar de La Motte who became a close friend and collaborator on two of his comedies. While they are said to have co-written Les trois Gascons in 1701, it is thought that La Motte only contributed advice on the later Le Port de mer (Dunkley “Alterity” 84).[5] It was this play that enjoyed the greatest success among Boindin’s contemporaries, with sixty performances by the end of 1715 (Lancaster 272).[6] Despite his popularity at the time and Le Port de mer’s success, little current scholarship has been written on Nicolas Boindin.[7]

It is easy to understand why audiences found Le Port de mer appeal­ing. It is a light, comedic love story in the manner of Molière, set in a seaport and populated by a cast of characters with tongue-in-cheek names. Sabatin is the molièresque father, an unscrupulous man with his eye on the bottom line who has arranged for his daughter, Benjamine, to marry Doutremer, a seafaring fellow who has a way with pirating. But Benja­mine finds Doutremer’s coarse manners and the prospect of a life at sea with him repugnant; she prefers his more refined nephew, Leandre, who is be­sotted with her, too. Fortunately, they have loyal servants to help them find a way to be together. Leandre’s valet, La Saline, and Benjamine’s lady’s maid, Marine, devise a scheme to dissuade Sabatin and Doutremer from pursuing the marriage. They stumble upon Leandre’s thieving former footman, Brigantin, who has been sent to the galleys for stealing from thea­tergoers. Facing little choice, Brigantin quickly offers to help Leandre as a means of compensating for his earlier wrongdoings while in his ser­vice. Disguise is at the heart of their scheme. La Saline dresses as a Turkish slave trader, Brigantin as a female slave, and Leandre as a Moor—complete with blackface—and head to the slave market where they expect to run into Sabatin. As anticipated, he is there, and La Saline easily con­vinces him to bring home the two slaves to try out for free. Once at Sabatin’s house, Brigantin and Leandre seek out Marine and Benjamine, to whom they reveal their true identities once they are convinced of Benja­mine’s feelings for Leandre. They return to their disguises when Sabatin interrupts them. Brigantin, in character as a female slave, explains that she was describing to his daughter that she had married a pirate only to dis­cover she was his thirteenth wife. This pirate, Doutremer himself, was now back on shore seeking his fourteenth wife. Sabatin is sufficiently out­raged, but as luck would have it, Doutremer shows up right at that time, and the three schemers are no longer able to maintain their masquerade. Rather than punishing their treachery, Sabatin instead asks Doutremer whether he would prefer to allow Leandre to marry Benjamine. In ex­change for the return of some jewels his nephew has stolen from him, Doutremer hands over Benjamine to him. A singing, dancing Feste Ma­rine follows, complete with Australian women and a monkey.[8]

The seaport setting of Le Port de mer surdetermines the entire play, from the names of the characters to their cavalier attitude toward women. The play abounds with foreigners, common criminals, slaves and pirates—the usual suspects in any seaport world. The two Jewish characters, Saba­tin, and his daughter, Benjamine, are right at home with this motley crew, all of whom, with the exception of those who are already enslaved, appear to live without fear of prejudice or imprisonment. This is surprising given the stigma popular imagination attached to such characters at the time. In fact, Boindin draws our attention to the absence of such prejudice in his play through his choice of setting. Le Port de mer takes place in a Tuscan port town called Livorno,[9] which is known for its “Leggi Livornine” or Livornian Laws. Enacted in 1590 by Ferdinando I of Medici, these laws provided amnesty for some criminals, established privileges for merchants that included tax benefits, Tuscan nationality, and the right to own prop­erty and, most importantly for our present study, allowed freedom of worship. Livorno became a thriving, cosmopolitan city, a haven for petty criminals, merchants, pirates, and religious refugees from around the world. Jews from Spain and Portugal were the first of their religion to immi­grate to Livorno following their expulsion from their home countries in 1492 and 1497, respectively. In 1667, a second wave of Jews arrived from what is now Algeria. Livorno was exceptionally accommodating to this population. Unlike their experience in almost all other places in Eu­rope, Jews of Livorno were not required to live in a ghetto in this city, nor were they obliged to wear identifying clothing; they could also hire Chris­tians as domestic help, as Sabatin himself does. While elsewhere Jews would be indelibly marked as other and treated as such, in Livorno they received the same treatment as everyone else. The concept of “otherness” was, ironically, foreign to Livorno.

This location calls to mind Foucault’s heterotopias, spaces that exist within societies, each of which serves a function (761). There are different types of heterotopias, but Foucault provides the following overarching defini­tion:

des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessi­nés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effective­ment réalisées dans lesquelles tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pour­tant ils soient effectivement localisables. (755–56)

Heterotopias are, in essence, realized utopias. Examples include theaters and gardens as well as convalescent homes, psychiatric wards, and pris­ons. While only some of Foucault’s heterotopias are localities in which people find themselves voluntarily, all of them are demarcated in space. Specifically, Livorno is a type of “heterotopia of deviation” which Fou­cault defines as “celle dans laquelle on place les individus dont le comportement est déviant par rapport à la moyenne ou à la norme exigée” (757). I would add that even the suspicion that these individuals’ behavior deviates from the norm justifies their inclusion in such spaces. As does a prison, Livorno houses criminals, but it also welcomes those such as Jews whose mere presence elsewhere gives rise to concerns. However, unlike a prison or the other heterotopias Foucault identifies, Livorno does not have strictly defined boundaries. This seaport town opens onto the Ligurian Sea and thereby allows for a freedom of movement uncharacteristic of most heterotopias. It is this freedom of movement that Doutremer references toward the end of Le Port de mer and which I will analyze below as it re­lates to the particular function of this heterotopia. Like Jewishness in seventeenth-century writing and therefore the Jewishness of Le Port de mer’s characters, Livorno as a heterotopia that welcomes Jews among oth­ers serves a particular function in this play.

As mentioned above, the two heroes of Le Port de mer are Jewish and en­joy the freedoms life in Livorno affords them, and I maintain that Boindin’s depiction of Sabatin and Benjamine reflects their status as Jews in Livorno. Boindin does identify Sabatin as Jewish and Benjamine as such by relation, but the Jewishness of these characters does not get in the way of their interactions with those around them, nor does it determine the storyline. Indeed, there is a collective “meh,” a social indifference to what was generally perceived as a significant and remarkable religious differ­ence at the time. In other words, others do not seem to treat Sabatin and Benjamine differently because of their Jewishness; their Jewishness is “unre­markable,” so to speak.

Nonetheless, Sabatin and Benjamine are dissimilar to each other in the de­gree to which they are unmarked, and I will argue below that this distinction is key to understanding their respective roles in the play. First, Sabatin and Benjamine are presented differently from the outset. The au­thor (or perhaps his editor) identifies Sabatin as Jewish in the character list at the beginning of the play, and the other characters repeatedly mention his Jewishness to each other, referring to him as “nôtre Juif” [sic] and “le Juif.” Benjamine’s Jewishness, on the other hand, is never made explicit. We assume she is Jewish because her father is, but neither Boindin nor his characters mention this fact. Second, Sabatin’s name is explicitly Jewish. Derived from the Italian “sabato” meaning “Saturday,” it refers to the Jew­ish day of rest or Sabbath. The following humoristic exchange between Brigantin and La Saline in scene two further emphasizes the ethnic origins of the father’s name:

Brigantin

A qui en veut donc ton Maître icy?

La Saline

A la fille d’un certain Juif, chez qui je me suis introduit.

Brigantin

Son nom ?

La Saline

Je n’en ai pû encore retenir que la moitié ; Hazaël-Raka-Nimbrod-Iscarioth-Sabatin.

Brigantin

Quoi ! Benjamine, la fille de M. Sabatin ?[10] (145)

In contrast, Sabatin’s daughter is identified only by her first name, Benja­mine. This name has its origins in the Old Testament but is a common name not only in Jewish but also in Christian families. It is a more ambi­guous identifier than that of Sabatin, whose Jewishness is reinforced by La Saline’s enumeration of his other names of biblical origin. Finally, Sabatin is a merchant, one of the few professions exercised by Jews in the seven­teenth century.[11] Benjamine’s primary occupation, on the other hand, entails convincing her father to allow her to marry the man she loves ra­ther than the man he has chosen for her. Given Benjamine’s lack of superficial markings of Jewishness, that her mother is never mentioned in the play should come as no surprise. Judaism is a matrilineal religion and the mother’s absence further underscores Benjamine’s unmarkedness.[12] In short, Benjamine’s Jewishness is presumed but never identified explicitly, while Sabatin has explicit superficial markers of Jewishness.

This dissimilarity extends to Sabatin and Benjamine’s respective na­tures, and while these natures do reflect the degree to which each character is identified as Jewish, I maintain that it is not their relative Jewishness that determines these natures, and that their natures are not perceived as particularly Jewish. On the one hand, Sabatin is the greedy patriarch simi­lar to the ones who populate Molière’s plays: stubborn and somewhat shady in his dealings but able to be won over. Benjamine, on the other hand, does not seem to have inherited any of her father’s character flaws. La Saline’s continued discussion with Brigantin highlights this distinction. La Saline asks Brigantin if he knows M. Sabatin, to which Brigantin re­plies:

Trait pour trait. Tien, l’usure, la dureté, la défiance, la fraude, & le parjure, avec quelques régles [sic] d’Arithmétique n’est-ce pas ce qu’on appelle ici M. Sabatin ?

La Saline responds,

Justement, mais en récompense, la générosité, la ten­dresse, la franchise, & la constance, avec une taille divine, le visage le plus gratieux, les yeux les plus brillans du monde, & mille autres menus attraits, c’est ce qu’on ap­pelle ici Benjamine. (146)

As we can see, Sabatin’s many shortcomings are well known by others. It is true that popular imagination at the time often associated these particu­lar shortcomings with Jewish merchants, as Dunkley observes.[13] However, Boindin, through Brigantin, enumerates these character flaws not as traits specifically associated with Jewishness—after all, Benjamine has none of them—but instead as those particular to the traditional father figure who seeks an advantageous marriage for his daughter. Brigantin fears for Lean­dre not because he is courting the daughter of a man who is Jewish but because he is courting the daughter of a man who is greedy and stubborn. Brigantin knows that his former master, Leandre, will face a formidable opponent in trying to marry Benjamine for love, since he lacks the finan­cial resources her father seeks.

In Le Port de mer, Boindin dissociates Jewishness from any particular in­delible mark of a Jewish nature. Instead, it stands in for the system of Old Regime values that had slowly begun to unravel by its 1704 publica­tion date. The dissimilarity in the degree to which Boindin identifies both Sabatin and Benjamine as Jewish does not mark them as having dissimilar—not to mention specifically – Jewish natures. Instead, it serves to identify them relative to a value system that maintains religion as a valid basis on which to pass judgment, a value system that Boindin, a self-professed atheist, does not espouse. When Boindin attributes superficial and easily recognizable markers of Jewishness such as a name and a trade to Sabatin, he is really identifying him as a patriarch who subscribes to the old world value system by which one person’s being Jewish means some­thing to another. It follows that Benjamine’s lack of even superficial Jewish markers signals her disengagement from that system and thereby her modernity.[14] For the atheistic Boindin, Jewishness is a signifier he appro­priates to communicate new meaning rather than a source of interest in and of itself. Dunkley writes,

Boindin ne s’occupe nullement de la religion de Saba­tin, sans doute parce qu’il regarde du même œil le judaïsme et le christianisme. C’est uniquement l’inhumanité du person­nage et la malhonnêteté de ses affaires qu’il évoque. … [S]on indifférence sentimentale n’a rien de spécifique­ment juif ; la majorité des pères-‘obstacles’ des comédies lui ressemblent assez. (LXII-LXIII)

One only has to look back at Molière’s Harpagon (L’avare), Sganarelle (Le Médecin malgré lui), Géronte and Argante (both in Les Fourberies de Scapin), among others, to find comedic incarnations of the traditional fa­ther figure who resemble Sabatin. None of them is Jewish, yet all take their role as old world patriarch to an extreme.

Like that of his literary predecessors, Sabatin’s indelibly marked charac­teristic is not his Jewishness but his greed. Just as Sabatin is not the only father figure in early-modern French literature with this vice, he is also not the only inhabitant of Livorno with it. Based on his depictions of Sabatin and Benjamine, we can neither say that Boindin suggests that there exists a causal relationship between Jewishness and avarice nor that he disparages Jews. As Lancaster maintains, “The play cannot … be consid­ered anti-Semitic, for to [Sabatin’s] daughter is attributed all the generosity, tenderness, and beauty that he lacks, while the Gentiles are not better than he” (271). Sabatin’s greed results from his particular interpreta­tion of patriarchal values that mark him as old school; after all, “l’avarice devient un vice avec l’âge” (Desan 118). What feeds this avarice is not Sabatin’s Jewishness but his trade. Philippe Desan calls capitalism an institu­tionalized form of greed (115), and merchants such as Sabatin—not to mention pirates such as Doutremer—depend on and exploit this eco­nomic system for their livelihood. Sabatin might be superficially marked as Jewish while Benjamine is not, but what fundamentally distinguishes him from his daughter is his stubborn adherence to and exploitation of a traditional system of values that prioritizes financial gain over love when deciding whom she should marry. While being superficially marked as Jewish does not entail being treated as “other” in Livorno, it does signify a generational difference that, in Sabatin’s case, plays out through his unscrupu­lous mercantilism.

Le Port de mer’s heterotopic setting functions to support the schemes of characters such as Sabatin. With its easy access to the sea, Livorno facili­tates transactions both kosher and not; indeed, the seaport enables the greedy to thrive because it allows them freedom of movement between land and water. Literary critic Frank Lestringant remarks on the fact that people first displayed greediness around the same time the possibilities for their travel expanded, a statement that implies a co-dependence between greed and travel: one travels in order to satisfy one’s desire for material gain and one has a desire for material gain because one knows it is now possible to achieve it (149). As mentioned above, seaports such as Livorno lack strictly defined physical boundaries and thereby facilitate such travel. Livorno itself also lacks moral boundaries, as is evidenced by its openness to deviant populations. The seaport setting therefore lends itself well to the flourishing of greed and other potential harbingers of criminal behavior. Lestringant explains how, in turn, greed itself entails a further blurring of boundaries: 

Ainsi donc l’avarice entraîne, avec l’expansion pre­mière de l’humanité hors d’elle-même, le brouillage des limites; elle établit la communication contre nature des lieux séparés et provoque le court-circuit de l’enfer et du ciel, de la terre solide et de l’élément liquide. (150)

Here, Lestringant references the moral gray zone in which greed resides and that, in Le Port de mer, echoes Livorno’s physical openness and its inclusiveness. While it is clear that this heterotopia plays an important role in support of its heterogeneous population, it also serves a broader func­tion in relationship to its surrounding space.

Foucault states that “[les hétérotopies] ont, par rapport à l’espace restant, une fonction” (761), and it is this function that is the key to under­standing that of the unmarked Jewish characters in Boindin’s play. In spite of its seediness, Livorno can be considered in a positive light as an unusu­ally tolerant place where Old Regime values are relativized and reinterpreted. As I argue above, Sabatin’s superficial markers of Jewish­ness suggest that he subscribes to—at least partially—a traditional value system that prioritizes financial gain over love in a marriage. While Li­vorno facilitates his mercantilism, it also fosters his greed, which is what defines him as other in the eyes of those with whom he interacts. Although he has a Jewish name and trade, Sabatin does not face criticism because of them but because of his unscrupulousness. In contrast, Benjamine, with her lack of superficial markers of Jewishness, embodies the modern values of Li­vorno itself. Because Boindin tells his public that her father is Jewish, it is particularly notable that he does not do the same for her even though she clearly is. I maintain that this is because Benjamine does not subscribe to the outmoded system of values of her father. Although Benjamine is Jew­ish, she remains outside the concept of otherness, a concept that Livorno does not recognize or foster. Despite this difference between the father and his daughter, neither is indelibly marked as Jewish, just as none of their compatriots is indelibly marked as other. I agree with Dunkley that “[i]t is in Jewishness that … alterity is located. But this does not affect Jewish­ness as a whole” (“Nicholas [sic] Boindin” 91). In Livorno, all types come and go, and the concept of “otherness” remains foreign. It is no surprise that Boindin’s play is entitled “Le Port de mer” rather than “Benjamine” or even “Sabatin,” for it is the seaport itself that represents the modern val­ues Boindin loudly touted in Paris’s cafés. After all, Boindin “était naturellement contradicteur” (Biographie 16). It is through an analysis of this author’s seemingly indifferent treatment of Jewishness at a time when most perceived it as a threatening other that we arrive at this understand­ing.

Le Port de mer is clearly a modern play set in a town where being called a pirate, a criminal, or a Jew is akin to being called brunette, green-eyed, or tall. In this play, these markers of identity have lost their meaning and operate as empty signifiers of the system that established their original values. Toward the end of the play, the pirate, Doutremer, reveals how slip­pery these markers have become. By that time, we have learned that he has another name, “Salomin,” which is most likely his birth name. Al­though no characters refer to him as Jewish, this Old Testament name referring to one of the kings of Israel certainly suggests that he is also Jew­ish.[15] Just as Doutremer has given up a life on land in favor of one at sea, so too has he given up his birth name for one that reflects his seafaring ways. Doutremer chastises La Saline when he refers to him as “Monsieur Salomin”  by responding, “Tais-toi, je ne suis Salomin qu’à Merseille [sic], & je suis ici Doutremer. Je change de nom & de pavillon, selon mes intérêts” (189). It is worth noting here that King Solomon’s best-known attribute was his wisdom.[16] It is certainly no coincidence that Boindin put such a declaration in the mouth of a character the public would readily iden­tify as wise. In doing so, Boindin is predicting the ultimate triumph of a value system in which superficial markers of identity serve simply as linguistic currency while one’s nature is now defined by the choices made by the individual. In other words, he predicts a triumph of the modernes over the anciens as we find in Livorno. Through his depiction of un­marked Jews, Boindin expresses his anticipation of a post-monarchal society in which citizens are no longer subject to the identities bestowed upon them by birth, and Old Regime rigidity is rejected in favor of a less stratified and less prejudiced mental frame.

Portland State University

 

Works Cited

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Yardeni, Myriam. Anti-Jewish Mentalities in Early Modern Europe. Lanham, New York, London: University Press of America, 1990.


[1]See Esther Benbassa’s Histoire des Juifs de France, Robert Michael’s A History of Catholic Antisemitism, Joshua Trachtenberg’s The Devil and the Jews and Myriam Yardeni’s Anti-Jewish Mentalities in Early Modern Europe, among others, for an overview of the perception of Jews throughout French history.

[2]I would like to thank Perry Gethner for introducing me to this work.

[3]Boindin also wrote memoirs, letters and one discourse, some of which were published after his death in 1751.

[4]Lancaster casts some doubt on the attribution of Le petit maître de robe, thought to be Boindin’s fourth and last play (267).

[5] Repeated disputes with La Motte over authorship credit among other issues led to the dissolution of their friendship. Boindin began to frequent the Procope instead (Bibliographie 16).

[6]Lancaster notes that “it was acted more frequently than any other play by an author who began to write after 1700” (272). Le Port de mer opened for Bérénice, Ariane, Les femmes savantes and L’école des femmes, among others. Its format (and, perhaps, its exoticism) lent itself to popularity. As a result of the Querelle du théâtre incited by Madame de Maintenon in 1694, fewer tragedies were performed and the most successful productions were short, one-act plays. As Dunkley explains, “Afin de lutter contre la désaffection du public et la concurrence de la Foire, les Comédiens-Français trouvèrent deux expédients: diminuer le nombre relatif de représentations de tragédies et jouer fréquemment les petites pièces en un acte […]. Le moment était donc favorable pour les compositions de Boindin” (“Introduction” xxix).

[7]A search of the MLA database on May 3, 2014 turned up only four titles, three of which were written by Dunkley.

[8] While it is tempting to regard Shakespeare’s The Merchant of Venice as inspiration for this play due to its seaport setting and the Jewish father-daughter main characters, it is highly unlikely that Boindin had read or seen it. John Pemble remarks that “The French did not discover Shakespeare until they discovered England; and they did not discover England until Voltaire, the abbé Prévost, and the baron de Montesquieu crossed the Channel at various times in the 1720s” (1). He goes on to explain that Shakespeare’s plays were not performed in France until the early nineteenth century (35). Furthermore, I have not found evidence that Boindin knew English or that Shakespeare’s plays were readily available in France at this time either in English or in French translation (see Pemble xiii and Mancewicz). (I would like to thank Melissa Walter for suggesting these references.) Lancaster attributes Boindin’s inspiration instead to Molière’s Sicilien and Champmesle’s Rue de Saint Denis (270).

[9] “Leghorn” is the town’s English name.

[10]It is worth noting that it is not Sabatin’s Jewishness that evokes Brigantin’s surprised reaction but the situation in general. His Jewishness is not the obstacle here; instead, it is, as we learn soon after, Sabatin’s dubious character.

[11]Adam Sutcliffe asserts that “no ethnic group of the seventeenth and eighteenth centuries was more closely associated with commerce than the Jews” (71).

[12] While it is possible that Benjamine was conceived out of wedlock, the more plausible scenario for a daughter of a Jewish merchant of the time is that she is the product of an arranged marriage. There is therefore a strong likelihood that her mother, too, is Jewish. As Marsha L. Rozenblit explains, “Before the invention of the concept of civil marriage in the modern era, all marriages were conducted under religious auspices, and intermarriage in the technical sense did not take place.” She continues, “The widespread practice of arranged marriage in the Jewish middle classes virtually guaranteed that Jews married other Jews” (277-78). Rozenblit also notes that civil marriage became widespread in Europe only in the twentieth century (278).

[13]“Marchand d’esclaves, usurier et homme d’affaires en train de méditer une banqueroute frauduleuse, Sabatin constitue une caricature de Juif tel que la mentalité populaire se le représentait alors” (Dunkley Quatre comédies lxi).

[14] Even her name, which recalls that of Benjamin, the eternally youthful youngest child of Jacob, suggests that she belongs to a new, modern generation.

[15]This would indicate that Doutremer’s nephew, Leandre, is Jewish as well and that a marriage between him and Benjamine would therefore be considered proper. However, the fact that Doutremer is probably Jewish and, by relation, his nephew, seems to have eluded some of Boindin’s contemporaries who criticized the play’s ending. See Lancaster 272.

[16] The name, however, means “peace.”

A priori assumptions about Jews abounded in seventeenth-century France. Originating in the Middle Ages, some of these assumptions drew from superstition; many French people believed that Jews engaged in the ritual murder of Christian children, that they were lustful, and that they held a lifelong pact with Satan. Others stemmed from historical events and re­alities such as those that held that Jewish men were feminized through circumcision, that Jews were Christ killers, that they were traders of se­cond-hand goods and usurers.[1] The playwright and theorist Nicolas Boindin was born in 1676 into a society that espoused such beliefs and inevitably came in contact with these biases. Yet, he depicts two Jewish characters in his now little-known 1704 play, Le Port de mer, in a manner that suggests that his own perspective was largely unformed by them.[2] Al­though Nicolas Boindin includes characters he either explicitly identifies as or suggests are Jewish, these characters remain fundamentally “unmarked” by their Jewishness. In using the term “unmarked,” I am adapting Judaic Studies scholar Irven M. Resnick’s concept of “marking” that he indirectly de­fines as the referencing of an indelible nature, in this case a Jewish one (11). While Boindin’s characters do have superficial markings of Jewish­ness, I argue that they remain fundamentally unmarked in that he does not attribute any indelible Jewish nature to these characters, nor do the other characters appear to respond to any such perceived nature. For this reason, Le Port de mer represents a significant departure from how most of Boindin’s contemporaries thought about the Jews.

Henry Lancaster underscores the importance of these characters in not­ing that Le Port de mer “is the first French play in which one of the leading male characters is a modern Jew and in which the heroine is a mod­ern Jewess” (270). The characters in question are Sabatin, a father who is a merchant, and his daughter, Benjamine, who is looking for a hus­band. As historian Adam Sutcliffe remarks, “Judaism was […] widely used in the seventeenth century as a form of conceptual token, deployed for its particular rhetorical authority” (87). Indeed, Jewishness was a powerful concept, incorporated into a text less to say something about the Jews themselves than to give authors a foil that allowed them to say something about their own society instead. That Boindin included Jewish characters in his play suggests that he did so for a strategic purpose. While literary scholar John Dunkley has addressed Boindin’s approach to the “other” in his article “Nicholas [sic] Boindin: The Presentation and Re-presentation of Alterity,” the present work goes further in that it will consider a dynamic fundamental to Le Port de mer itself, yet distinct from any religious tension, as an indication as to why Boindin depicts Sabatin and Benjamine as he does. Specifically, I show that instead of emphasizing these characters’ Jewishness, Boindin focuses on the tension that exists between the father and the daughter over the choice of a husband. While Sabatin and Benjamine are on one level simply playing out the sort of money vs. love generational dispute common to comedic father-daughter pairings of the past (cf: Molière), it is through his focus on this storyline played out by two Jewish characters that Boindin is, in fact, commenting on the place of otherness in late seven­teenth-century French society.

Nicolas Boindin was not a prolific writer, and his stint as a fiction writer was a particularly short one.[3] One of only four authors of comedies performed at the Comédie-Française during the last years of Louis XIV’s reign (Lancaster 266), Boindin published three comedic plays between 1701 and 1707; a fourth appeared posthumously in 1753.[4] Three of these plays are only one act long. Accepted into the Académie des inscriptions et belles-lettres in 1706 at the age of thirty and supported by influential peers such as Voltaire, Boindin nonetheless never came to occupy one of the coveted chairs of the Académie française. A nineteenth-century biog­rapher attributes this rejection to Boindin’s rather public and unabashed atheism which, as I later show, helped define the role Jewishness plays in Le Port de mer (Bibliographie 15). Whatever the reason, Boindin’s rejec­tion did not appear to deeply trouble him. Indeed, he gloried in his reputation as a contrarian and used his atheism as conversational fodder during his regular visits to Paris’s cafés. It was most likely at the popular Café Laurent that Boindin met Antoine Houdar de La Motte who became a close friend and collaborator on two of his comedies. While they are said to have co-written Les trois Gascons in 1701, it is thought that La Motte only contributed advice on the later Le Port de mer (Dunkley “Alterity” 84).[5] It was this play that enjoyed the greatest success among Boindin’s contemporaries, with sixty performances by the end of 1715 (Lancaster 272).[6] Despite his popularity at the time and Le Port de mer’s success, little current scholarship has been written on Nicolas Boindin.[7]

It is easy to understand why audiences found Le Port de mer appeal­ing. It is a light, comedic love story in the manner of Molière, set in a seaport and populated by a cast of characters with tongue-in-cheek names. Sabatin is the molièresque father, an unscrupulous man with his eye on the bottom line who has arranged for his daughter, Benjamine, to marry Doutremer, a seafaring fellow who has a way with pirating. But Benja­mine finds Doutremer’s coarse manners and the prospect of a life at sea with him repugnant; she prefers his more refined nephew, Leandre, who is be­sotted with her, too. Fortunately, they have loyal servants to help them find a way to be together. Leandre’s valet, La Saline, and Benjamine’s lady’s maid, Marine, devise a scheme to dissuade Sabatin and Doutremer from pursuing the marriage. They stumble upon Leandre’s thieving former footman, Brigantin, who has been sent to the galleys for stealing from thea­tergoers. Facing little choice, Brigantin quickly offers to help Leandre as a means of compensating for his earlier wrongdoings while in his ser­vice. Disguise is at the heart of their scheme. La Saline dresses as a Turkish slave trader, Brigantin as a female slave, and Leandre as a Moor—complete with blackface—and head to the slave market where they expect to run into Sabatin. As anticipated, he is there, and La Saline easily con­vinces him to bring home the two slaves to try out for free. Once at Sabatin’s house, Brigantin and Leandre seek out Marine and Benjamine, to whom they reveal their true identities once they are convinced of Benja­mine’s feelings for Leandre. They return to their disguises when Sabatin interrupts them. Brigantin, in character as a female slave, explains that she was describing to his daughter that she had married a pirate only to dis­cover she was his thirteenth wife. This pirate, Doutremer himself, was now back on shore seeking his fourteenth wife. Sabatin is sufficiently out­raged, but as luck would have it, Doutremer shows up right at that time, and the three schemers are no longer able to maintain their masquerade. Rather than punishing their treachery, Sabatin instead asks Doutremer whether he would prefer to allow Leandre to marry Benjamine. In ex­change for the return of some jewels his nephew has stolen from him, Doutremer hands over Benjamine to him. A singing, dancing Feste Ma­rine follows, complete with Australian women and a monkey.[8]

The seaport setting of Le Port de mer surdetermines the entire play, from the names of the characters to their cavalier attitude toward women. The play abounds with foreigners, common criminals, slaves and pirates—the usual suspects in any seaport world. The two Jewish characters, Saba­tin, and his daughter, Benjamine, are right at home with this motley crew, all of whom, with the exception of those who are already enslaved, appear to live without fear of prejudice or imprisonment. This is surprising given the stigma popular imagination attached to such characters at the time. In fact, Boindin draws our attention to the absence of such prejudice in his play through his choice of setting. Le Port de mer takes place in a Tuscan port town called Livorno,[9] which is known for its “Leggi Livornine” or Livornian Laws. Enacted in 1590 by Ferdinando I of Medici, these laws provided amnesty for some criminals, established privileges for merchants that included tax benefits, Tuscan nationality, and the right to own prop­erty and, most importantly for our present study, allowed freedom of worship. Livorno became a thriving, cosmopolitan city, a haven for petty criminals, merchants, pirates, and religious refugees from around the world. Jews from Spain and Portugal were the first of their religion to immi­grate to Livorno following their expulsion from their home countries in 1492 and 1497, respectively. In 1667, a second wave of Jews arrived from what is now Algeria. Livorno was exceptionally accommodating to this population. Unlike their experience in almost all other places in Eu­rope, Jews of Livorno were not required to live in a ghetto in this city, nor were they obliged to wear identifying clothing; they could also hire Chris­tians as domestic help, as Sabatin himself does. While elsewhere Jews would be indelibly marked as other and treated as such, in Livorno they received the same treatment as everyone else. The concept of “otherness” was, ironically, foreign to Livorno.

This location calls to mind Foucault’s heterotopias, spaces that exist within societies, each of which serves a function (761). There are different types of heterotopias, but Foucault provides the following overarching defini­tion:

des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui sont dessi­nés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effective­ment réalisées dans lesquelles tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pour­tant ils soient effectivement localisables. (755–56)

Heterotopias are, in essence, realized utopias. Examples include theaters and gardens as well as convalescent homes, psychiatric wards, and pris­ons. While only some of Foucault’s heterotopias are localities in which people find themselves voluntarily, all of them are demarcated in space. Specifically, Livorno is a type of “heterotopia of deviation” which Fou­cault defines as “celle dans laquelle on place les individus dont le comportement est déviant par rapport à la moyenne ou à la norme exigée” (757). I would add that even the suspicion that these individuals’ behavior deviates from the norm justifies their inclusion in such spaces. As does a prison, Livorno houses criminals, but it also welcomes those such as Jews whose mere presence elsewhere gives rise to concerns. However, unlike a prison or the other heterotopias Foucault identifies, Livorno does not have strictly defined boundaries. This seaport town opens onto the Ligurian Sea and thereby allows for a freedom of movement uncharacteristic of most heterotopias. It is this freedom of movement that Doutremer references toward the end of Le Port de mer and which I will analyze below as it re­lates to the particular function of this heterotopia. Like Jewishness in seventeenth-century writing and therefore the Jewishness of Le Port de mer’s characters, Livorno as a heterotopia that welcomes Jews among oth­ers serves a particular function in this play.

As mentioned above, the two heroes of Le Port de mer are Jewish and en­joy the freedoms life in Livorno affords them, and I maintain that Boindin’s depiction of Sabatin and Benjamine reflects their status as Jews in Livorno. Boindin does identify Sabatin as Jewish and Benjamine as such by relation, but the Jewishness of these characters does not get in the way of their interactions with those around them, nor does it determine the storyline. Indeed, there is a collective “meh,” a social indifference to what was generally perceived as a significant and remarkable religious differ­ence at the time. In other words, others do not seem to treat Sabatin and Benjamine differently because of their Jewishness; their Jewishness is “unre­markable,” so to speak.

Nonetheless, Sabatin and Benjamine are dissimilar to each other in the de­gree to which they are unmarked, and I will argue below that this distinction is key to understanding their respective roles in the play. First, Sabatin and Benjamine are presented differently from the outset. The au­thor (or perhaps his editor) identifies Sabatin as Jewish in the character list at the beginning of the play, and the other characters repeatedly mention his Jewishness to each other, referring to him as “nôtre Juif” [sic] and “le Juif.” Benjamine’s Jewishness, on the other hand, is never made explicit. We assume she is Jewish because her father is, but neither Boindin nor his characters mention this fact. Second, Sabatin’s name is explicitly Jewish. Derived from the Italian “sabato” meaning “Saturday,” it refers to the Jew­ish day of rest or Sabbath. The following humoristic exchange between Brigantin and La Saline in scene two further emphasizes the ethnic origins of the father’s name:

Brigantin

A qui en veut donc ton Maître icy?

La Saline

A la fille d’un certain Juif, chez qui je me suis introduit.

Brigantin

Son nom ?

La Saline

Je n’en ai pû encore retenir que la moitié ; Hazaël-Raka-Nimbrod-Iscarioth-Sabatin.

Brigantin

Quoi ! Benjamine, la fille de M. Sabatin ?[10] (145)

In contrast, Sabatin’s daughter is identified only by her first name, Benja­mine. This name has its origins in the Old Testament but is a common name not only in Jewish but also in Christian families. It is a more ambi­guous identifier than that of Sabatin, whose Jewishness is reinforced by La Saline’s enumeration of his other names of biblical origin. Finally, Sabatin is a merchant, one of the few professions exercised by Jews in the seven­teenth century.[11] Benjamine’s primary occupation, on the other hand, entails convincing her father to allow her to marry the man she loves ra­ther than the man he has chosen for her. Given Benjamine’s lack of superficial markings of Jewishness, that her mother is never mentioned in the play should come as no surprise. Judaism is a matrilineal religion and the mother’s absence further underscores Benjamine’s unmarkedness.[12] In short, Benjamine’s Jewishness is presumed but never identified explicitly, while Sabatin has explicit superficial markers of Jewishness.

This dissimilarity extends to Sabatin and Benjamine’s respective na­tures, and while these natures do reflect the degree to which each character is identified as Jewish, I maintain that it is not their relative Jewishness that determines these natures, and that their natures are not perceived as particularly Jewish. On the one hand, Sabatin is the greedy patriarch simi­lar to the ones who populate Molière’s plays: stubborn and somewhat shady in his dealings but able to be won over. Benjamine, on the other hand, does not seem to have inherited any of her father’s character flaws. La Saline’s continued discussion with Brigantin highlights this distinction. La Saline asks Brigantin if he knows M. Sabatin, to which Brigantin re­plies:

Trait pour trait. Tien, l’usure, la dureté, la défiance, la fraude, & le parjure, avec quelques régles [sic] d’Arithmétique n’est-ce pas ce qu’on appelle ici M. Sabatin ?

La Saline responds,

Justement, mais en récompense, la générosité, la ten­dresse, la franchise, & la constance, avec une taille divine, le visage le plus gratieux, les yeux les plus brillans du monde, & mille autres menus attraits, c’est ce qu’on ap­pelle ici Benjamine. (146)

As we can see, Sabatin’s many shortcomings are well known by others. It is true that popular imagination at the time often associated these particu­lar shortcomings with Jewish merchants, as Dunkley observes.[13] However, Boindin, through Brigantin, enumerates these character flaws not as traits specifically associated with Jewishness—after all, Benjamine has none of them—but instead as those particular to the traditional father figure who seeks an advantageous marriage for his daughter. Brigantin fears for Lean­dre not because he is courting the daughter of a man who is Jewish but because he is courting the daughter of a man who is greedy and stubborn. Brigantin knows that his former master, Leandre, will face a formidable opponent in trying to marry Benjamine for love, since he lacks the finan­cial resources her father seeks.

In Le Port de mer, Boindin dissociates Jewishness from any particular in­delible mark of a Jewish nature. Instead, it stands in for the system of Old Regime values that had slowly begun to unravel by its 1704 publica­tion date. The dissimilarity in the degree to which Boindin identifies both Sabatin and Benjamine as Jewish does not mark them as having dissimilar—not to mention specifically – Jewish natures. Instead, it serves to identify them relative to a value system that maintains religion as a valid basis on which to pass judgment, a value system that Boindin, a self-professed atheist, does not espouse. When Boindin attributes superficial and easily recognizable markers of Jewishness such as a name and a trade to Sabatin, he is really identifying him as a patriarch who subscribes to the old world value system by which one person’s being Jewish means some­thing to another. It follows that Benjamine’s lack of even superficial Jewish markers signals her disengagement from that system and thereby her modernity.[14] For the atheistic Boindin, Jewishness is a signifier he appro­priates to communicate new meaning rather than a source of interest in and of itself. Dunkley writes,

Boindin ne s’occupe nullement de la religion de Saba­tin, sans doute parce qu’il regarde du même œil le judaïsme et le christianisme. C’est uniquement l’inhumanité du person­nage et la malhonnêteté de ses affaires qu’il évoque. … [S]on indifférence sentimentale n’a rien de spécifique­ment juif ; la majorité des pères-‘obstacles’ des comédies lui ressemblent assez. (LXII-LXIII)

One only has to look back at Molière’s Harpagon (L’avare), Sganarelle (Le Médecin malgré lui), Géronte and Argante (both in Les Fourberies de Scapin), among others, to find comedic incarnations of the traditional fa­ther figure who resemble Sabatin. None of them is Jewish, yet all take their role as old world patriarch to an extreme.

Like that of his literary predecessors, Sabatin’s indelibly marked charac­teristic is not his Jewishness but his greed. Just as Sabatin is not the only father figure in early-modern French literature with this vice, he is also not the only inhabitant of Livorno with it. Based on his depictions of Sabatin and Benjamine, we can neither say that Boindin suggests that there exists a causal relationship between Jewishness and avarice nor that he disparages Jews. As Lancaster maintains, “The play cannot … be consid­ered anti-Semitic, for to [Sabatin’s] daughter is attributed all the generosity, tenderness, and beauty that he lacks, while the Gentiles are not better than he” (271). Sabatin’s greed results from his particular interpreta­tion of patriarchal values that mark him as old school; after all, “l’avarice devient un vice avec l’âge” (Desan 118). What feeds this avarice is not Sabatin’s Jewishness but his trade. Philippe Desan calls capitalism an institu­tionalized form of greed (115), and merchants such as Sabatin—not to mention pirates such as Doutremer—depend on and exploit this eco­nomic system for their livelihood. Sabatin might be superficially marked as Jewish while Benjamine is not, but what fundamentally distinguishes him from his daughter is his stubborn adherence to and exploitation of a traditional system of values that prioritizes financial gain over love when deciding whom she should marry. While being superficially marked as Jewish does not entail being treated as “other” in Livorno, it does signify a generational difference that, in Sabatin’s case, plays out through his unscrupu­lous mercantilism.

Le Port de mer’s heterotopic setting functions to support the schemes of characters such as Sabatin. With its easy access to the sea, Livorno facili­tates transactions both kosher and not; indeed, the seaport enables the greedy to thrive because it allows them freedom of movement between land and water. Literary critic Frank Lestringant remarks on the fact that people first displayed greediness around the same time the possibilities for their travel expanded, a statement that implies a co-dependence between greed and travel: one travels in order to satisfy one’s desire for material gain and one has a desire for material gain because one knows it is now possible to achieve it (149). As mentioned above, seaports such as Livorno lack strictly defined physical boundaries and thereby facilitate such travel. Livorno itself also lacks moral boundaries, as is evidenced by its openness to deviant populations. The seaport setting therefore lends itself well to the flourishing of greed and other potential harbingers of criminal behavior. Lestringant explains how, in turn, greed itself entails a further blurring of boundaries: 

Ainsi donc l’avarice entraîne, avec l’expansion pre­mière de l’humanité hors d’elle-même, le brouillage des limites; elle établit la communication contre nature des lieux séparés et provoque le court-circuit de l’enfer et du ciel, de la terre solide et de l’élément liquide. (150)

Here, Lestringant references the moral gray zone in which greed resides and that, in Le Port de mer, echoes Livorno’s physical openness and its inclusiveness. While it is clear that this heterotopia plays an important role in support of its heterogeneous population, it also serves a broader func­tion in relationship to its surrounding space.

Foucault states that “[les hétérotopies] ont, par rapport à l’espace restant, une fonction” (761), and it is this function that is the key to under­standing that of the unmarked Jewish characters in Boindin’s play. In spite of its seediness, Livorno can be considered in a positive light as an unusu­ally tolerant place where Old Regime values are relativized and reinterpreted. As I argue above, Sabatin’s superficial markers of Jewish­ness suggest that he subscribes to—at least partially—a traditional value system that prioritizes financial gain over love in a marriage. While Li­vorno facilitates his mercantilism, it also fosters his greed, which is what defines him as other in the eyes of those with whom he interacts. Although he has a Jewish name and trade, Sabatin does not face criticism because of them but because of his unscrupulousness. In contrast, Benjamine, with her lack of superficial markers of Jewishness, embodies the modern values of Li­vorno itself. Because Boindin tells his public that her father is Jewish, it is particularly notable that he does not do the same for her even though she clearly is. I maintain that this is because Benjamine does not subscribe to the outmoded system of values of her father. Although Benjamine is Jew­ish, she remains outside the concept of otherness, a concept that Livorno does not recognize or foster. Despite this difference between the father and his daughter, neither is indelibly marked as Jewish, just as none of their compatriots is indelibly marked as other. I agree with Dunkley that “[i]t is in Jewishness that … alterity is located. But this does not affect Jewish­ness as a whole” (“Nicholas [sic] Boindin” 91). In Livorno, all types come and go, and the concept of “otherness” remains foreign. It is no surprise that Boindin’s play is entitled “Le Port de mer” rather than “Benjamine” or even “Sabatin,” for it is the seaport itself that represents the modern val­ues Boindin loudly touted in Paris’s cafés. After all, Boindin “était naturellement contradicteur” (Biographie 16). It is through an analysis of this author’s seemingly indifferent treatment of Jewishness at a time when most perceived it as a threatening other that we arrive at this understand­ing.

Le Port de mer is clearly a modern play set in a town where being called a pirate, a criminal, or a Jew is akin to being called brunette, green-eyed, or tall. In this play, these markers of identity have lost their meaning and operate as empty signifiers of the system that established their original values. Toward the end of the play, the pirate, Doutremer, reveals how slip­pery these markers have become. By that time, we have learned that he has another name, “Salomin,” which is most likely his birth name. Al­though no characters refer to him as Jewish, this Old Testament name referring to one of the kings of Israel certainly suggests that he is also Jew­ish.[15] Just as Doutremer has given up a life on land in favor of one at sea, so too has he given up his birth name for one that reflects his seafaring ways. Doutremer chastises La Saline when he refers to him as “Monsieur Salomin”  by responding, “Tais-toi, je ne suis Salomin qu’à Merseille [sic], & je suis ici Doutremer. Je change de nom & de pavillon, selon mes intérêts” (189). It is worth noting here that King Solomon’s best-known attribute was his wisdom.[16] It is certainly no coincidence that Boindin put such a declaration in the mouth of a character the public would readily iden­tify as wise. In doing so, Boindin is predicting the ultimate triumph of a value system in which superficial markers of identity serve simply as linguistic currency while one’s nature is now defined by the choices made by the individual. In other words, he predicts a triumph of the modernes over the anciens as we find in Livorno. Through his depiction of un­marked Jews, Boindin expresses his anticipation of a post-monarchal society in which citizens are no longer subject to the identities bestowed upon them by birth, and Old Regime rigidity is rejected in favor of a less stratified and less prejudiced mental frame.

Portland State University

 

Works Cited

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Yardeni, Myriam. Anti-Jewish Mentalities in Early Modern Europe. Lanham, New York, London: University Press of America, 1990.


[1]See Esther Benbassa’s Histoire des Juifs de France, Robert Michael’s A History of Catholic Antisemitism, Joshua Trachtenberg’s The Devil and the Jews and Myriam Yardeni’s Anti-Jewish Mentalities in Early Modern Europe, among others, for an overview of the perception of Jews throughout French history.

[2]I would like to thank Perry Gethner for introducing me to this work.

[3]Boindin also wrote memoirs, letters and one discourse, some of which were published after his death in 1751.

[4]Lancaster casts some doubt on the attribution of Le petit maître de robe, thought to be Boindin’s fourth and last play (267).

[5] Repeated disputes with La Motte over authorship credit among other issues led to the dissolution of their friendship. Boindin began to frequent the Procope instead (Bibliographie 16).

[6]Lancaster notes that “it was acted more frequently than any other play by an author who began to write after 1700” (272). Le Port de mer opened for Bérénice, Ariane, Les femmes savantes and L’école des femmes, among others. Its format (and, perhaps, its exoticism) lent itself to popularity. As a result of the Querelle du théâtre incited by Madame de Maintenon in 1694, fewer tragedies were performed and the most successful productions were short, one-act plays. As Dunkley explains, “Afin de lutter contre la désaffection du public et la concurrence de la Foire, les Comédiens-Français trouvèrent deux expédients: diminuer le nombre relatif de représentations de tragédies et jouer fréquemment les petites pièces en un acte […]. Le moment était donc favorable pour les compositions de Boindin” (“Introduction” xxix).

[7]A search of the MLA database on May 3, 2014 turned up only four titles, three of which were written by Dunkley.

[8] While it is tempting to regard Shakespeare’s The Merchant of Venice as inspiration for this play due to its seaport setting and the Jewish father-daughter main characters, it is highly unlikely that Boindin had read or seen it. John Pemble remarks that “The French did not discover Shakespeare until they discovered England; and they did not discover England until Voltaire, the abbé Prévost, and the baron de Montesquieu crossed the Channel at various times in the 1720s” (1). He goes on to explain that Shakespeare’s plays were not performed in France until the early nineteenth century (35). Furthermore, I have not found evidence that Boindin knew English or that Shakespeare’s plays were readily available in France at this time either in English or in French translation (see Pemble xiii and Mancewicz). (I would like to thank Melissa Walter for suggesting these references.) Lancaster attributes Boindin’s inspiration instead to Molière’s Sicilien and Champmesle’s Rue de Saint Denis (270).

[9] “Leghorn” is the town’s English name.

[10]It is worth noting that it is not Sabatin’s Jewishness that evokes Brigantin’s surprised reaction but the situation in general. His Jewishness is not the obstacle here; instead, it is, as we learn soon after, Sabatin’s dubious character.

[11]Adam Sutcliffe asserts that “no ethnic group of the seventeenth and eighteenth centuries was more closely associated with commerce than the Jews” (71).

[12] While it is possible that Benjamine was conceived out of wedlock, the more plausible scenario for a daughter of a Jewish merchant of the time is that she is the product of an arranged marriage. There is therefore a strong likelihood that her mother, too, is Jewish. As Marsha L. Rozenblit explains, “Before the invention of the concept of civil marriage in the modern era, all marriages were conducted under religious auspices, and intermarriage in the technical sense did not take place.” She continues, “The widespread practice of arranged marriage in the Jewish middle classes virtually guaranteed that Jews married other Jews” (277-78). Rozenblit also notes that civil marriage became widespread in Europe only in the twentieth century (278).

[13]“Marchand d’esclaves, usurier et homme d’affaires en train de méditer une banqueroute frauduleuse, Sabatin constitue une caricature de Juif tel que la mentalité populaire se le représentait alors” (Dunkley Quatre comédies lxi).

[14] Even her name, which recalls that of Benjamin, the eternally youthful youngest child of Jacob, suggests that she belongs to a new, modern generation.

[15]This would indicate that Doutremer’s nephew, Leandre, is Jewish as well and that a marriage between him and Benjamine would therefore be considered proper. However, the fact that Doutremer is probably Jewish and, by relation, his nephew, seems to have eluded some of Boindin’s contemporaries who criticized the play’s ending. See Lancaster 272.

[16] The name, however, means “peace.”

Site Sections (SE17): 

The Valet: The Marquis de Louvois’s Invited Guest in the Mystery of the Man in the Iron Mask

Article Citation: 
17 (2016), 1–27
Author: 
Sarah Madry
Article Text: 

Madry, Printable PDF

Prefatory Remarks on the Spelling of Names

The last name of the man known as the Man in the Iron Mask is spelled “Dauger” except where another author’s spelling is quoted.

A seventeenth-century Paris family of minor nobility will be dis­cussed. That family’s name is spelled “d’Auger de Cavoye,” except where another author’s spelling is quoted.

Why Solving the Problem of the Man in the Iron Mask Is Important for Scholars of French Seventeenth-century History

This article addresses one description of the mysterious prisoner called L’Homme au masque de fer written in a letter, dated 19 July 1669, by the government official who oversaw his transfer to prison, Louis XIV’s (1638–1715) twenty-eight-year-old secretary for war, François-Michel Le Tellier, the marquis de Louvois (1641–1691). Louvois characterized Dauger in that letter as “only a valet.” Scholars have been compelled to incorporate this description of the prisoner into their theories about his iden­tity. The search for the answer to this mystery has been tangled up in the demand of the “valet” to be consequential.

This paper shows that, contrary to what has always been assumed, Lou­vois’s characterization of the prisoner as “un valet” does not describe the prisoner’s background or previous occupation, nor did Louvois intend it to. The word “valet” is a keyword in a pun that Louvois inserted into the state document that he wrote to the prison jailer, whom he knew person­ally. It does not indicate that Louvois knew the prisoner’s identity. This conclusion has been reached through interdisciplinary research on seven­teenth-century playing card design, French name spelling differences, salon culture word games, and a personal life episode of one of the Ancien Régime’s most redoubtable military administrators, the marquis de Lou­vois himself. The elimination of the “valet” will upset assumptions about Louvois’s comment about the famous prisoner; it will neutralize the only description in the official French archives of the prisoner’s occupation be­fore his arrest.

Louvois’s valet description has been a barrier to a launch of serious histori­cal research to settle the question of whether the mysterious man was genetically related to Louis XIV. If, freed from the parameter of the valet, future researchers on the Man in the Iron Mask mystery would find clarity on the genetic issue, then the problem would migrate into the supervi­sion of a larger set of Ancien Régime historians who would have to accept that Eustache Dauger threatened Louis XIV’s political and familial status. If Dauger’s existence threatened Louis XIV’s personal and legal royal rights, we must reconsider Louis XIV’s role in the Grand Siècle.

Introduction

L’Homme au masque de fer (? –1703) was a man imprisoned by Louis XIV in July 1669 for an unknown reason (Iung 56). Neither do we know the reason that he wore a cloth mask over the top of his face during the latter part of his imprisonment when he was out of his cell or when strangers came into his cell (Iung 51). His identity, his name, and his appear­ance were carefully hidden from everyone except a very small number of jailers (Iung 51). These three facts—his unknown crime, his mask, and the very stringent security given to him unceasingly for thirty-four years—are the reasons that members of the court and the public be­came interested in him as soon as they were aware of him.

The first person at court to speak publicly about him was Louis XIV’s sister-in-law, Princess Palatine Elisabeth-Charlotte (1652–1722). She told her aunt in a letter on 11 October 1711, only eight years after the prisoner had died in the Bastille (Orléans 187), that she had heard there had re­cently been a mysterious prisoner at the Bastille, always masked, who had been forbidden to speak under pain of death. Voltaire (1694–1778) be­came interested in the prisoner, perhaps during his own imprisonment in the Bastille in 1717, and spurred the public’s interest in the story inces­santly, including treating it in his Siècle de Louis XIV (1751) and Sup­plément au Siècle de Louis XIV (1753). Voltaire was the first writer to say that the prisoner’s mask was made of “fer” when he wrote to the abbé Dubos on 30 October 1738 (Voltaire “À M. l’Abbé Dubos” 305) that he had knowledge of “l’homme au masque de fer” — that he had spoken with people who had served him. In 1746, the chevalier de Mouhy wrote Le Masque de fer ou les aventures admirables du père et du fils. The book tells a story about a prisoner who wore an iron mask. Mouhy tells of metal masks used on prisoners in Turkey, Scotland, Spain, and Sweden. Duviv­ier suspects that Mouhy shared with Voltaire his research on masking (Duvivier 17). Whether Mouhy encouraged Voltaire to add the metal mask or not, Voltaire inserted it in his description of the masked man in his Siè­cle de Louis XIV (Voltaire Siècle 311). Witnesses who actually saw the masked prisoner do not mention a metal mask, but say that he certainly always wore a cloth mask when out of his prison cell.

In Liège in 1769, the Jesuit R. Père Henri Griffet (1698–1771) pub­lished Traité des différentes sortes de preuves qui servent à établir la ver­ité de l’Histoire, which included quotations of journal entries taken from a journal made by the lieutenant of the Bastille in 1698 named Etienne Du Junca (1642?–1706) that described in detail both the Mask’s entry into the Bastille and his death five years later (Griffet 307–08). The journal entries are eyewitness reports of the prisoner by a state official: a date stamp of his entry into the confines of the Bastille; confirmation that he was always masked; confirmation that he had never had a jailer other than Saint-Mars, and that the prisoner had no name (Griffet 303–09). Saint-Mars (1626–1708), on the day that Du Junca wrote his first journal entry on the pris­oner, 18 September 1689, was taking command of the Bas­tille after formerly being governor of Pignerol, Exiles, and Sainte-Marguerite pris­ons. “Saint-Mars” was a nom-de-guerre (Rousset 170 and Dijol 56); the name his family gave him was Bénigne Dauvergne. On 10 January 1673, the king gave him letters of nobility (Barine 20). Here is Du Junca’s entry from the prison register located in the Bibliothèque de l’Arsenal that de­scribes the arrival of the new prisoner in September 1698:

Du judy 18e de septembre 1698 a trois heures apres midy, monsieur de St Mars, gouverneur du chateau de la Bas­tille, est arive pour sa premiere entree, venant de son gou­vernement des illes St Marguerite Honorat aient mene avec queluy dans sa litiere un ensien prisonnier quil avet a Pi­gnerol le quel il fait tenir touiours masque dont le nom ne sedit pas et laient fait mettre en de sendant dela litiere dans la premiere chambre delatour de la basiniere en atandant la nuit pour lemettre et mener moy mesme aneuf heures du­soir avec Mr de Rosarges un des sergens que monsieur le gou­verneur a mene dans la troisieme chambre seul delatour dela bretaudiere que javes fait mubler de touttes choses — quelques jours avent son arrivee en aient reseu lhordre de mon­sieur de St Mars le quel prisonnier sera servy et sounie par Mr de Rosarge que monsieur le gouverneur norira. (Du Junca 37 ve)

Griffet’s publication showed proof that the masked prisoner had really existed and gave credibility to Voltaire’s insistence that the subject was important (Duvivier 22, 28). These two historians fueled a detective search which continues today.

Pioneer nineteenth-century researchers went to the archives to identify all the prisoners of Saint-Mars, the jailer of the masked prisoner, realizing that inevitably (Iung 5), among this set of people, one would have to have been the masked prisoner. Their results and that of many subsequent au­thors might today be called a mashup of state prisoners who were incarcerated in the relevant time period arranged on a framework of event dates (such as the prisoners’ transfers between prisons), witness reports, and political events with the goal being elimination of as many candidates as possible.

Each writer on the Man in the Iron Mask mystery has had at least three tasks: telling the story of the man’s arrest, where and with what special security he was kept, and the witness accounts of his appearance and activi­ties; a review of the most likely candidates with an historical account of each; and the writer’s own conclusions, including why he or she chose one candidate over the others.

General Theodore Jung in La Verité sur le Masque de Fer (Les Empoison­neurs) d’après des documents inédits des Archives de la Guerre et autres dépôts public (1873) believed that the Mask was one of a group of conspirators who wished to assassinate Louis XIV; Emile Burgaud pub­lished Le Masque de fer, révélation de la correspondence chiffrée de Louis XIV (1893), claiming the Mask was Vivien Labbé de Bulonde, who made a serious military mistake that embarrassed Louis XIV (failed to hold the siege of Coni in the Piedmont in 1691); John Noone concluded in The Man Behind the Iron Mask (1988) that the prisoner was a fictional charac­ter created by the governor of Pignerol prison to advance his own interests. Paul Sonnino’s usual thorough research described in “On the Trail of the Iron Mask: The Candidacy of Claude Imbert” shed light in 1992 on a likely candidate, who, although Sonnino admits that the ar­chives produced an échec for his suspect, nevertheless showed masterfully the length to which researchers should go to investigate each lead (Son­nino “Imbert” 104). Sonnino said in 2014 that the testament of Cardinal Mazarin (1602–1661), specifically, changes made in the different versions of Mazarin’s will written by Jean-Baptiste Colbert (1619–1683), Mazarin’s intendant, after Mazarin’s death, indicate the identity of the pris­oner (Sonnino “Three Testaments” 16). Michel Vergé-Franceschi of the university François Rabelais de Tours in his 2009 Le Masque de fer, enfin démasqué believed that the prisoner was a valet of the duc de Beau­fort (1616–1669), a militant and popular cousin of Louis XIV, who wit­nessed the murder of his master (Beaufort) and was taken prisoner to prevent the death’s announcement.

Not only have professional scholars researched the identity of the masque de fer, but the highest officials of the French eighteenth-century state felt they had a right to know the truth of the matter. Louis XVI (1754–1793) and Napoleon I (1769–1821) sent state officials to the ar­chives for the man’s Bastille imprisonment records. Matthioli, an Italian double agent, was officially documented as the masked prisoner (Markale 236). But Matthioli’s candidature has been eliminated through archival research done after the French Revolution (Topin 329–30 and Duvivier 62).

Data found in the twentieth century eliminated all possibilities except Eustache Dauger, arrested at the request of Louis XIV near Calais, France, at the end of July 1669 and escorted under guard to Pignerol prison in the Italian Alps.[1] In the summer season the journey from Calais to Pignerol for one prisoner and a small company of guards would have taken about twenty-one to twenty-five days. That approximation is based on the jour­ney to Pignerol of Nicolas Foucquet, prisoner of musketeer Charles d’Artagnan, in winter 1664, which took twenty days from Paris (Petitfils d’Artagnan 145). We know that Dauger and his guards arrived at Pignerol on approximately August 21 because Louvois wrote a letter to Saint-Mars on 10 September 1669 that is a reply to a letter from the governor dated 21 August indicating that Pignerol had received the new prisoner. We have the letter of Saint Mars only in a transcription that was made by citizen Pierre Roux-Fazillac in 1801, Recherches historiques et critiques sur l’Homme au masque de fer, d’où resultent des notions certaines sur ce prison­nier, ouvrage rédigé sur des matériaux authentiques (Roux-Fazillac 105).

Vergé-Franceschi asked:

Peut-on être aujourd’hui absolument sûr que le prison­nier surnommé Eustache Dauger est bien le Masque de fer? Oui. Quand on dresse la liste de tous les prisonniers de Pine­rolo à cette époque, il est le seul à y avoir été admis en 1669[2] (Vergé-Franceschi 260).

Objectives and Spelling

The two objectives of this paper are: (1) to review Louvois’s letter and learn why Louvois called Eustache Dauger a valet; (2) to use this answer as support for the thesis that this was the prisoner’s real name. In seven­teenth-century France names of prisoners listed on official documents were often false names, created by the jailers to limit identities. A nick­name might be given to a prisoner based on an instance of his actions in prison, a reference to a previous occupation, where he or she was kept in the building, or a completely fake first and last name might be put in the records. Seekers of the solution to the mystery of the Man in the Iron Mask have never known if Eustache Dauger was the prisoner’s name as Louis XIV understood it to be when he ordered him arrested.[3]

Solving the valet puzzle requires a reminder about French seventeenth-century family name spelling practices. There was much more misspelling of names of people in past generations than there is now—or let us call it multispelling, because misspelling means erroneous spelling and we do not discern an authoritarian attitude toward spelling; one did the best one could to write the name so that the reader recognized it, and the exact combi­nation of letters was secondary. It was accepted in the seventeenth century that in one instance a man’s last name could be written “Du Viv­ier” and the next person would write “Duvivier.” Meanwhile, the person himself would always sign his name “du Vivier.” Then there was the added possibility that a misspelling might occur, where “Duvivier” be­comes “Devivier.”

We must loosen for a moment our modern rigidity about nom et pré­nom spelling in order to understand the problem at hand, because the varia­tions of the spelling of the last name of the prisoner, Eustache Dauger, are linked to the reason that the marquis de Louvois styled him “un valet.”

François-Michel Le Tellier, the Marquis de Louvois

Most historians know Louvois as the waster of the German Palatinate in the course of the War of the League of Augsburg (1688–1697). If one were to rebut that statement and say that Louis XIV’s orders to Louvois were responsible for the Palatinate’s devastation, one could reply that by 1688 it was difficult to know if Louis XIV or Louvois was responsible for military decisions (Rousset 6). Louvois was war minister and since wars provided his job security, he made sure that Louis XIV had plenty of them (Mongrédien Louis XIV 175, Sonnino Louis XIV  5–7, 192).

The marquis de Louvois was Louis XIV’s secretary of war for much of his reign. Today we often title administrators in this high position minis­ters for defense, but what was called defense by Louis XIV and Louvois was more about thirst for territory and glory than it was about drawing lines beyond which foreign powers could not pass. Rather, it was Louis XIV who passed over the lines of others (Ekberg 175). Louvois and his father, Michel Le Tellier, marquis de Barbezieux, seigneur de Chaville et de Viroflay (1603–1685), created a French army that became the strongest and most feared military power in Europe, supplying Louis XIV’s redun­dant need for extreme attention. Louis XIV squeezed his people, his court, his nobles, his army, his enemies, and his friends to get a steady supply of glory that was only acceptable in its densest form.

Louvois directed the royal postal system from 1669 to his death in 1691 (Vaillé 7), and following Jean-Baptiste Colbert’s death in 1683 he was the government minister in charge of building projects. Louvois and the Paris chief of police conducted an investigation into a poisoning scan­dal in the capital in the 1680s, some parts of which touched members of the royal court and Louis XIV’s closest circle. An unpublicized assign­ment given to Louvois by the king was oversight of the Man in the Iron Mask’s needs, security, location, and treatment.

Louvois’s Letter to Saint-Mars Dated 19 July 1669

We do not know who Eustache Dauger was, but the reason that many of the most credible specialists in this subject tailor their conclusions to the prisoner having been a valet—a servant—is that the marquis de Lou­vois, in a letter dated 19 July 1669 to Monsieur de Saint-Mars, governor of Pignerol prison, to forewarn him that a prisoner named Eustache Dauger would soon be coming to Pignerol, wrote that since the prisoner was only “un valet,” his needs for furniture were negligible. The letter carries the earliest date of about 150 extant letters between Louvois, the off-site manager of the prisoner’s incarceration, and Saint-Mars. Saint-Mars had to receive orders from Louvois before he could change the routine of his prisoners, get them medical attention, buy them items, etc. His questions and Louvois’s answers went by couriers between Pignerol and Paris.

In the marquis de Louvois’s communication on 19 July 1669about the prisoner, Louvois broke all the rules, before there even were any rules about Dauger. There would be hundreds of royal warnings over the next thirty-four years to those who were managing his incarceration that there should be no hint of what the man had been doing before his arrest, and if Dauger said anything at all about his former life to anyone, the jailers had instructions to immediately kill him (Delort Détention des philosophes 156; Orléans 187; Petitfils Homme 37; Voltaire Siècle 311).

This is the very first document that mentions Eustache Dauger by name.

À Saint-Germain en Laye, ce 19 juillet 1669

Monsieur,

Le Roy m’ayant comandé de faire conduire à Pinerolo le nommé Eustache d’Auger, il est de la dernière importance à son service qu’il soit gardé avec une grande seureté, et qu’il ne puisse donner de ses nouvelles en nulle manière, ni par lettres à qui que ce soit. Je vous en donne advis par advance, afin que vous puissiez faire accomoder un chachot où vous le mettrez seurement, observant de faire en sorte que les jours qu’aura le lieu ou [sic] il sera, ne donnent point sur des lieux qui puissent estre abordez de personne, et qu’il y ayt assez de portes fermées, les unes sur les autres, pour que vos sentinelles ne puissent rien entendre. Il faudra que vous portiez vous mêsme à ce misérable, une fois le jour, de quoy vivre toute la journée, et que vous n’escoutiez jamais, soubs quelques prétexte que ce puisse estre, ce qu’il voudra vous dire, le menaçant tousjours de le faire mourir s’il vous ouvre jamais la bouche pour vous parler d’autre chose que de ses nécessités.

Je mande au sieur Poupart de faire incessamment travailler à ce que vous desirerez, et vous ferez préparer les meubles qui sont nécessaires pour la vie de celui que l’on vous aménera, observant que, comme ce n’est qu’un valet, il ne luy en faut pas de bien considérables, et je vous feray rembourser tant de la déspenses des meubles, que de ce que vous désirerez pour sa nourriture.

Je suis, monsieur, vostre très affectionné serviteur, De Louvois (Delort Détention des philosophes 155–56).

The Lettre de Cachet and the Arrest

On 28 July 1669, nine days after the letter above, a lettre de cachet, signed by Louis XIV and co-signed by Michel Le Tellier, Louvois’s father, ordered M. de Vauroy, sergeant-major of the citadel and town of Dunkirk, to arrest Eustache Dauger and take him to the fortress of Pignerol in the Alps, a prison reserved for political prisoners (Vergé-Franceschi 256). Another letter to Vauroy’s superior was signed by the king, also dated 28 July, giving a false excuse for Vauroy’s absence from his regular duties (Noone 151, Pagnol 123). No explanation was given in the lettre de cachet as to where the sergeant-major would find Dauger, so we may assume, since the arrest took place very soon after he received the order, that Vauroy had a separate communication as to the location of his target from either the king or someone else. It is also possible that Vauroy knew where to find Dauger without having to be told.

We do not know where Dauger was arrested. It may have been Calais. Vergé-Franceschi refers to a certification of reimbursement to Vauroy of travel expenses that researcher Stanislas Brugnon found in the mid 1980s in the Mélanges Colbert:

Vauroy commence par aller de Dunkerque à Calais avec trois hommes. A Calais, il récupère le prisonnier…. Stanislas Brugnon a retrouvé dans les Mélanges Colbert, à la Bibliothèque nationale, une “conduite,” c’est-à-dire un ordre de remboursement de frais de déplacements, comme pour les fonctionnaires d’aujourd’hui. On constate que le roi a payé ces frais à hauteur de trois mille livres pour quatre hommes de Dunkerque à Calais (Vauroy et trois soldats d’escorte); et pour cinq hommes de Calais à Pignerol (Vauroy, les trois soldats et le Masque de fer); puis trois mille autres livres pour quatre hommes de Pignerol à Calais (une fois le Masque de fer laissé aux mains de Saint-Mars) (Vergé-Franceschi 261).

Vauroy obeyed orders and took Eustache Dauger to Pignerol where Saint-Mars was waiting.

Post Script

Immediately after 28 July 1669, the date on the arrest warrant, Louis XIV or Louvois or both of them decided that the prisoner’s last name should not be spoken or written again because “Eustache” was thereafter not written for nine and a half years in any correspondence that has come down to us, and “Dauger” was almost never written again. The jailers had nicknames for Dauger so that they could be clear about which prisoner they were speaking of in a practical situation, but these names are the jailers’ inventions, not official ones. If he had to be spoken of, witnesses tell us that his jailers said, “the one whose name is not said aloud” (“le nom ne se dit pas”), or “the longtime prisoner,” or “the man who was brought by sergeant Vauroy.” For a time he was called “La Tour” due to the location of his cell at Pignerol (Iung 40). A false name was given to him on his death certificate and burial record: “Marehiel” or “Marchiel” (Furneaux 6).

Considerable thought and many chapters of books have been dedicated to the valet problem. Many authors have taken the marquis de Louvois at his word that the new prisoner was a valet, a manservant of moderate rank, and have eliminated from suspicion anyone who was not a valet. Other writers have been sure these words were deliberately used to hide the identity of the prisoner. But the characterization of the prisoner as a valet is the only mention of his social status by any of the very few people who had contact with him, so we have not ever been able to evade Louvois’s description. Historians and sleuths have had to consider the possibility that the Mask was formerly a servant. This has been the biggest stumbling block preventing investigators from believing that the Man in the Iron Mask was a royal relative of Louis XIV—a cousin, a brother, or a twin. If the prisoner had been a valet, he could not have been a prince.

Eustache Dauger (? –1703)

This paper does not attempt an overall answer to the question of the identity of the Man in the Iron Mask but it might be helpful to know a few things about the person described by Louvois as a valet.

The prisoner’s life before his arrest in July 1669 is unknown. Toward the end of his life he wore a cloth mask over the top of his face whenever he was outside his cell or when a stranger went into his cell. We are not sure if he wore a mask before that, and we do not know if the report of a metal mask, seen only once while the prisoner was traveling, was accurate. Voltaire’s report about the man in 1751 said, Ce prisonnier, dans la route, portait un masque dont la mentonnière avait des ressorts d’acier, qui lui laissaient la liberté de manger avec le masque sur son visage” (Voltaire Siècle 311). This is the sentence that started the myth of the iron mask. But Voltaire did not say that the prisoner wore an iron mask, only that he had a mask on that had steel springs in the chin area. He assumed this apparatus had to do with eating because it was located, so he had been told, near his mouth.

Voltaire tells that he got this information from the son-in-law of a doctor who treated the Mask and who had been the doctor of the maréchal de Richelieu (Armand de Vignerot du Plessis 1696–1788). Also testifying to this information, said Voltaire, was,“…M. de Bernaville, successeur de Saint-Mars, me l’a souvent confirmé” (Voltaire Siècle 312).

He heard regular Catholic mass so he was Catholic, whether from birth or from conversion from Protestantism. We know he could read because he was given as many books as he wanted (Delort Détention des philosophes 157). We deduce he could write because after his death his cell walls and floors were taken apart to uncover any writing he might have hidden (Griffet 311). He had lips and teeth, because eyewitnesses tell us they saw them under his mask (Petitfils Homme 94–95). We know he spoke French (Duvivier 120). We know that in 1703, not long before his death, he said to an apothecary of the Bastille that he thought he was about 60 years old (Delort Histoire de l’homme au masque 71), which indicates he was not sure of his age so we do not know how old he was when he died.

His first eleven years in prison were at Pignerol, where Saint-Mars had been governor since 1664. He was moved to Exiles, not far from Pignerol, when Saint-Mars was transferred there. Then the jailer and prisoner went to the island prison of Sainte-Marguerite, near Cannes, and finally in 1698 Saint-Mars got a promotion to the governorship of the Bastille, and Dauger went with him, traveling, as before, in the same cavalcade of carriages and soldiers that formed Saint-Mars’s moving van. Also following the governor’s path through all the stages of his career were his aides: his major, Jacques Rosarges (1633?–1707); his manager of the keys, Antoine Ru (?–1713); and two trusted infantry officers, one of these being a cousin of the governor and the other a childhood friend.[4] No one other than Saint-Mars and these officers ever guarded Dauger. The prisoner, Saint-Mars, and his team of guards were inseparable for thirty-four years.

Eustache Dauger was assigned an extremely high level of security. In 1670 Saint-Mars wrote to Louvois:

Il y a des personnes qui sont quelquefois si curieuses de me demander des nouvelles de mon prisonnier, ou le sujet pourquoi je fais faire tant de retranchements pour sa sûreté, que je suis obligé de leur dire des contes jaunes pour me moquer d’eux (Markale271).

Some of the precautions were typical for all prisoners, like having three doors to his cell, each closing separately upon the other (Fougeret 27). But there was extra security for Dauger. Not long after Dauger was taken to Pignerol, Louis XIV sent the sieur Vauban (1633–1707), his chief military engineer, to inspect the cell and the fortress to make sure everything was as it should be.

Eustache Dauger died suddenly in his cell in the Bastille on 19 November 1703, probably of a heart attack or stroke, his only sign of impending death being a slight malaise the day before at mass, indicating that he was not in the throes of a wasting disease. He was buried the next afternoon in the Saint-Paul church cemetery, the parish cemetery for the Bastille.[5]

He must have had remarkable inner reserves. Saint-Mars writes more than once that Dauger did not complain of his situation and was polite, accepting his fate from “God and the king” (Thompson 99). He quietly lived thirty-four years in confinement and then died a peaceful, quick death.

Playing Cards in the Seventeenth Century

John Noone says that there were many varieties of the spelling of the last name of the Man in the Iron Mask, “Dauger.” Spelling, especially of names of people, was often approximated according to pronunciation. No one seemed to mind if a name was spelled one way in one text but differently in the next one. Here are the other variations of the name that Noone printed: “Daugier, Doger, Dogier, d’Auger, d’Augier, d’Oger, d’Ogier, Auger, Augier, Oger, Ogier” (Noone 212). Maurice Duvivier was the first writer to muse on the many spellings of Dauger (Duvivier 120).

There are an unusually large number of spelling variations that can be made in this last name, especially because the first letters can be O or A or d’O or d’A or D’O or D’A. It can even start with H, as we will see below. In the rest of the name there are also many possible placements of letters. When the “i” in the spelling of Ogier is dropped, it creates Oger. When the name is spelled Doger, there are two deformations, the dropping of both the “i” and the apostrophe.

Since there was a French nobleman in Louis XIV’s court, Eustache d’Auger de Cavoye (also sometimes spelled “Eustache d’Ogier de Cavoye”), who had almost the same name as the famous prisoner, Noone referenced the origin of the d’Auger de Cavoye name to illustrate the many ways in which d’Auger and Dauger could be written. He said the Cavoye family claimed to be “…descended from Oger the Dane (Hogier the Ardennois) one of the twelve peers of Charlemagne” (Noone 212). A biography of Eustache d’Auger de Cavoye’s younger brother, Louis, titled Le Marquis de Cavoye 1640–1716: Un Grand Maréchal des Logis de la Maison du Roi, tells that the family believed this was the origin of their family name (Huguet 87).

Then Noone, as an interesting expansion about the Danish companion-at-arms of Charlemagne, noted that in old packs of French playing cards, the face cards, that is, the King, Queen, and Knave (also called Jack) cards, were assigned to an accepted set of famous people from the historical French court. The Knave or Jack of Spades was often personified by Hogier le Danois (sometimes spelled Ogier, sometimes Oger). Hogier probably was a real courtier in the court of emperor Charlemagne, although there are aspects of his story that seem mythical.

The assignment of names of historical characters to the picture cards in decks of playing cards is not practiced now except in imitation of old designs but it was conventional in seventeenth-century Europe. In an article on seventeenth-century card games, Orest Ranum (Ranum 556) cites an article in Bulletin du Vieux Papier that gives 1640 as the time when card makers in the French provinces began to use the same naming practices as Paris card designers, thus giving a general point of French consciousness as to the regularization of the historical characters on the cards.

The Bibliothèque Nationale’s online web site Gallica has many images of playing cards that show, on the face cards, the names of the historical characters pictured. We are able to see the deck called Jeu de cartes au portrait de Paris (Trioullier),made in the early 1760s, which has these assignments for the face cards: the King, Queen, Jack/Knave of Hearts are named Charles (Charlemagne), Judic (Judith), and La Hire (nom de guerre of Etienne de Vignolles, knight under Charles VII of France’s command (van Rensselaer 167–168); Clubs are marked Alexandre (Alexander the Great), Argine (anagram for regina), and the Jack/Knave carries the name of the creator of the card deck, Jean-François Trioullier; Diamonds are marked Cézar (Caesar), Rachel (the Bible’s Rachel), and Hector (Hector de Galard, captain of the guard to Louis XI of France, although sometimes he is also the Trojan warrior); Spades are David (the Bible’s King David), Pallas (Pallas Athena), and Hogier.

Card games are ideal entertainment for people who have a sedentary profession, such as prison guards and governors, and also for those people that a government forces to be sedentary: their prisoners. While King Louis XIV and his marshals and chancellors gambled at cards during evening appartements at Saint-Germain-en-Laye and Versailles, the people they had put in prison played too. High-ranking prisoners played cards with their jailers when there was an inclination on both sides to do so. We have mostly to rely on our general feeling that this goes without saying because there are few references in scholarly literature to seventeenth-century card playing in prison. Georges Mongrédien says that the prince de Condé (1621–1686), cousin of the king, imprisoned during the Fronde, played cards with his guards (Mongrédien, Condé 89).[6] We are also told by Antonia Fraser that Françoise d’Aubigné’s (later Madame de Maintenon, Louis XIV’s second wife, 1635–1719) father played cards with his jailers at the Niort prison where he was incarcerated and she was born (Fraser 150).

With few actual historical references but with a great deal of confidence, we can say that it is very likely that Saint-Mars, the prison governor to whom the marquis de Louvois wrote a letter about the valet who would soon be coming as a prisoner, would be familiar with cards and would have played his fair share of games, both as a soldier, which he was before he was governor of Pignerol, and as a prison superintendant in charge of a bored staff and a handful of miscreants in an isolated prison in the Alps. He would have seen the face, the weapon, and the name of Hogier the Dane practically every day of his life.

Who Was the “Valet”?

In French, the Knave or Jack, the third-ranking picture card in a suit of cards, is called the Valet.

The Knave of Spades is called the Valet de Piques; “pique” translated literally as “spade” in English. The remaining three picture cards of the third rank are the Valet de Coeurs, the Valet de Trèfles, and the Valet de Carreaux.

When Louvois said that Eustache Dauger was “un valet” in his letter to Saint-Mars, he was making a pun on Dauger’s last name.

A homophonic heterograph is a pun that makes a link between two words that sound the same but are written differently, in this case, Dauger and Hogier. Before even getting that far with this particular pun though, you have to know another connection that is not a sound-alike set of words but which is a set of interchangeable words: valet and Hogier. One of the valets in a deck of cards is customarily Hogier.

The structure of the joke is that the prisoner’s last name sounds exactly like the historical character (Hogier) anthropomorphized on Valet (Jack, Knave) playing cards. Eustache Dauger does not need extravagant furniture because he is only “un valet.”

We sense that “un valet” carries a pejorative connotation in this joke. There are historical precedents for the use of this word as an insult. One reads in Dr. Héroard’s (1551–1628) diary, the exact record of King Louis XIII’s (1601–1643) health and activities kept by his doctor from his birth, that the most infuriating thing his father Henri IV (1553–1610) could do to his son was to force him to admit he was his father’s valet (Héroard 1: IV). At a critical point in the Grand Condé’s relationship with the king, Anne of Austria, and Mazarin between the Fronde of the Parlement (1648–1649) and the Fronde of the Princes (1650–1653), the Condé family, who were opposed to Mazarin, began calling their eldest brother a valet of Mazarin to indicate they disdained his alliance with the slippery cardinal (Motteville 422). We have then, in the pun, three passages: Dauger is Hogier; Hogier is a Valet in a deck of cards; to be a valet of someone is humiliating. Both Saint-Mars and Louvois lived in sections of society where card playing was popular, so both men knew that Hogier le Danois was a Valet and both would enjoy having that connection turned into a laugh by Dauger being verbally dressed as valet.

Dix-septièmistes will already have made the connection between this complicated joke and the préciosité of the Paris salons. Madame de Rambouillet, whose house had seen so many delicious conversations d’esprit, had died only a few years before Louvois wrote the letter we are discussing, but her traditions lived on in the living rooms of her imitators. Writers, poets, bon vivants, and an occasional deep thinker came together at the homes of hostesses at regular moments in the week to talk, but more than that, to talk cleverly using historical, mythological, and literary allusions to describe current society matters, preferably current amorous endeavors by members of the society in the house or outside of the house. To belong to salon society, one was expected occasionally to launch a bon mot for the group. The précieuses counted points for wit, shock, and arbitrary connections held together by elaborate lattices of poetry and prose. Saint-Mars knew nothing of the salons other than that they existed, but Louvois had social connections that required him to be a player in these word games:

In a highly conversational and aristocratic milieu their object was to distinguish themselves where possible by originality of thought or expression. It was given to only a few, such as Voiture, to achieve originality of thought, and the others, wisely, concentrated on the art of rendering their ideas more striking by the piquancy of their vocabulary or by the ingenious construction of their phrases (Maland 56-57).

So let us not give credit to Louvois for originality; these plays on words were all the rage in his social circle; he was merely following fashion by inserting clever, hidden messages into communications with friends.[7] As to the execution of this pun, however, we must credit Louvois with a real coup. His play on words juggles Dauger, Hogier, and the miscreant, imaginary valet. It is a beautiful pun. Unfortunately for Louvois, it is this stunning joke which may prove to be the critical weakness in the sturdy barriers the regime built to hide Eustache Dauger that scholars need to make progress in solving the mystery of the man that Louvois was charged with keeping anonymous and hidden.

But there is more historical content in this joke. There are not just three “people” in the joke, but a fourth, who is the protagonist, the most important player: Louis d’Auger de Cavoye.

There is a heretofore little known chapter in the extramarital love life of the marquis de Louvois that is the mainstay of the argument that the minister of war’s “valet” was a personal joke, that Eustache Dauger must have been the famous prisoner’s real name, and further, that the marquis de Louvois, contrary to what has always been assumed, did not have any background knowledge about Eustache Dauger on the date of 19 July 1669—that he was catering to his own sense of humor and to that of the old Musketeer, a parent of his mistress.

The married marquis de Louvois, in 1668, the year previous to his 19 July letter, had been attempting to have an affair with a young, beautiful, rich, married girl named Marie Sidonie de Lenoncourt, marquise de Courcelles (1650–1685). His efforts to experience double adultery had not been successful, however.

The marquise de Courcelles had preferred to give her favors to Louis d’Auger de Cavoye (1639–1716), a young noble at court and friend of the king (Pougin 21). We have referenced him above in connection with the history of the d’Auger name. Jacques Hillairet, historian of Paris, said of Louis de Cavoye, “Le marquis de Cavoie avait été élevé avec Louis XIV; il fut l’un des plus brillants seigneurs de son temps, sut gagner l’affection de Turenne, de Luxembourg, de Racine, mais s’attira l’inimitié de Louvois” (Hillairet 501).While keeping Louvois on her boudoir doorstep, the teenage marquise had an affair with Louis d’Auger de Cavoye, infuriating her husband, the marquis de Courcelles, who challenged de Cavoye to a duel. Dueling was illegal, and both duelists were arrested in the first week of July 1668 and taken to the Conciergerie to serve sentences (Pougin 16). In January 1669, six months later, Marie Sidonie appeared to be pregnant. In April, the marquis de Courcelles, while still in jail (as was Louis d’Auger de Cavoye), began a court prosecution against his wife for adultery (Pougin 16). She was taken into custody and gave birth on 5 July to a child that soon died.

What the story above shows is that Louvois and Louis d’Auger de Cavoye were rivals for the sexual favors of Marie Sidonie. Cavoye had gotten what Louvois had not, Louvois found an excuse to put him in prison, and did so. It would not be unusual in those circumstances for Louvois to have been pleased with his consolation prizes, the incarceration of his rival and the downfall of the girl who had spurned him. These events had been taking place a few months before and even one week before 19 July 1669, when Louvois wrote the letter to Saint-Mars in which he called the prisoner Eustache Dauger a valet.

Louvois was referring to his rival for the attention of Marie Sidonie de Lenoncourt, marquise de Courcelles, more than to Eustache Dauger, an unknown nobody whose name furnished Louvois an opportunity to make fun of Louis d’Auger de Cavoye. D’Auger and Dauger had the same name. Writing the pun to Saint-Mars nursed Louvois’s smarting self-confidence, which only someone as spectacular[8] as Marie Sidonie was able to damage, his self-confidence being normally solid. Saint-Mars’ wife’s sister was Louvois’s mistress, so Saint-Mars would have known of the failed pursuit of Marie Sidonie and Louvois’s “enmity” for Louis d’Auger de Cavoye.

Why Has the Explanation of“Un Valet” Been Difficult?

We are grateful to previous researchers for highlighting the different spellings of Dauger. Duvivier and Noone came to within a hair’s breadth of solving this difficult game of nomenclature, card playing, and male rivalry that Louvois unintentionally set for us.

First of all, a pun like this one is impossible to understand when one does not have the requisite knowledge of the compared items. If there is no knowledge of Louis d’Auger de Cavoye and none of his rivalry with Louvois—if there is no experience looking at a hand of playing cards with Hogier the Dane’s face and name printed on one of them, then it is impossible to hear the bell ring when these three items are likened to Eustache Dauger.

But that has not been the only obstacle. Here are some others:

1.    We are not accustomed to a family name being interchangeably spelled with a buffet of choices. The multiple possible spellings of the prisoner’s last name, Dauger, have confused us.

2.    Our playing cards are no longer labeled with the names of knights, kings, queens, and famous royal mistresses who lived in myth, ancient history, or distant history. So one key to unlock Louvois’s pun has to be knowledge of archaic customs in gaming, a recondite scholarly subject.

3.   The design of playing cards is not where scholars would expect to find hard historical data. Seasoned Mask researchers, locked on to facts about prison cell construction and the swollen list of Mask might-have-beens, have not placed enough emphasis on interdisciplinary studies. They have not asked art historians to join their search. Art and architecture historians should be consulted on historical mysteries because creators of history in every era often want to show their préciosité by using allusions to ancient or contemporary literature, characters, battle sites, love affairs, and other nests of specialized knowledge in their paintings, poems, stories, and building details. Art historians have the plaintexts for these codes.

4.     English-, German-, Spanish-, and Italian-speakers have never used the word “valet” for the third-ranking picture card because the word, at least when used in connection with playing cards, is French. English speakers use the word “valet” only for a servant. Researchers using any language but French have been at a disadvantage.

5.     In old English, German, Spanish, and Italian playing cards that follow the tradition of using names of famous people on the picture cards, the historical figures might not be French kings, queens, and heroes, so Hogier the Dane would possibly not appear on cards in non-French card decks, again limiting the number of people who might have understood the joke.

So the connections between Dauger, Hogier, and “un valet” have been hidden by haphazard spelling, language barriers, geographical distance, and the discontinuation of a historical tradition in designing playing cards. As for the link between Louis d’Auger de Cavoye and the marquis de Louvois, it is but one small sexual rivalry of Louis XIV’s court of which there were thousands, which almost never creep into scholarly research, unless one is studying just such things. Biographies of Louvois, if they mention her at all, do not connect the restless Marie Sidonie with Louvois’s valet.[9]

Conclusions

First, Louvois’s show of his pent-up jealousy for Louis d’Auger de Cavoye in the 19 July letter indicates that, at that first moment of his experience with the prisoner whose name had been given to him as “Eustache Dauger,” Louvoishad no knowledge of the prisoner other than his name and that he was to be arrested and sent to Pignerol prison, a prison for people who had been on the wrong side of a political matter. If Louvois had known how important this prisoner was to Louis XIV, he would never have dared to joke about him in a written document using a reference to his own failed lechery. He was a young man, just taking on the weight of his position after being tutored by his father, Michel Le Tellier, his predecessor, for many years. His father was still checking his son’s job performance and was a stickler for proper conduct. He would not have approved of his son’s light-hearted comment about a prisoner, especially one committed to paper that seemed to characterize the prisoner.[10] And the cautious, wily Le Tellier would have been right. We see the consequences of Le Tellier junior’s mistake. By this bravado, we have been given information about a very mysterious prisoner for whom the official, royal directive was that we should know absolutely nothing.

The larger picture becomes clear. Louvois was making a joke about someone he knew and hated, not about Eustache Dauger, a man it appears he did not know. And in the beginning there was no reason for Louvois or anyone else to spend two minutes wondering who Eustache Dauger was. There were secret arrests of boring evildoers all the time. Louvois, at this starting line, did not foresee the long race he would run with this particular prisoner, nor the gravity of the case that would gradually be revealed to him. He had been ordered to take care of this fiddling matter by his master, and, as always, he scrambled to obey. His flippant, surly bit of old boys’ club humor peddled to Saint-Mars tells us he did not consider the prisoner a challenge or a threat. The threat he minded was Louis d’Auger de Cavoye.

Second, the analysis of Louvois’s joke confirms that the spelling of Eustache Dauger’s last name is “Dauger” and not “Danger.” “Dauger” has been contested by some of the major writers on this subject in favor of “Danger,” but Louvois’s comparison of the prisoner to two other men, one of whom is Hogier and the other being d’Auger, confirms that the “Dauger” spelling is the correct one.

Third, despite the use of the name in a few official documents, Louvois’s letter being one, investigators have never been sure that Eustache Dauger was the prisoner’s real name, because often the authorities fabricated names of prisoners. The finding in this paper that Louvois allowed himself to make a pun on the prisoner’s name in a communication about official war office business is the basis for the theory that the authority that ordered the arrest of Eustache Dauger, Louis XIV, believed that Eustache Dauger was the name the man had used for himself until then. Eustache Dauger, to the best of Louis XIV’s understanding, was the real name of the prisoner he ordered sergeant-major Vauroy to arrest in July 1669 near Calais.

Louis XIV therefore gave this name to Louvois when he asked his minister to instruct the governor of Pignerol to prepare a cell. If Louvois had been told by Louis XIV that there was a problem saying the prisoner’s name, Louvois would not have written it to Saint-Mars. He would have given the new prisoner a false name.

It is not likely that Louvois would have made up “Eustache Dauger.” The joke would not have had value to Louvois if he himself was making up the name “Dauger” to serve as the nickname of the presumed criminal. The joke was born out of a naturally occurring conflation of names, which was the pattern of salon jokes. The subject material had to be a real artifact picked out of the actions or names of others and then appended to another action or event that showed the opinion of the author. Making up the root of the joke would have been cheating. He used the name the king gave him.

Fourth, we see that Louis XIV had a secret that he wished to hide from everyone else, including his closest advisors. Louis XIV’s knowledge of the prisoner is part of what must be determined before the mystery of the Man in the Iron Mask can be solved. The solution to the valet problem intensifies that point, which has been made by many writers. Louis XIV kept to himself the nature of the “dissatisfaction” he had about the man he arrested. He gave his colleagues Dauger’s name, but not his identity. It begins to appear that Louis XIV did not tell any of the operatives who captured and incarcerated Eustache Dauger anything at all about the man they arrested and supervised. Probably even the veteran advisor and highly trusted Michel Le Tellier, Louvois’s father, who co-signed Dauger’s arrest order, was told a fable, as were Saint-Mars, Rosarges, Ru, and the doctors who treated his illnesses. All these characters were in file behind Louvois, the man through whom Louis XIV personally managed Eustache Dauger’s imprisonment. It was Louvois who took Louis XIV’s directions, sent them to the governor of the prison, who in turn gave orders to his staff. If Louvois was not told who the prisoner was, or at least was not told enough to keep him from being surly and personal in an official communication, then not one of his subordinates knew. At first Saint-Mars was curious. His pride in the fables he was telling people about Dauger attests to that. But instinctively we feel that this braggadocio came from his own lack of knowledge. Was Louvois curious? Eventually, probably, but at the point of arrest, Dauger didn’t interest him at all.

It is tempting to say that the discovery of Louvois’s pun on the name of Dauger proves that Dauger was not a valet, but we cannot yet be certain of that. He could still have been a valet without Louvois knowing it. But we are closer to that certainty, based on the logical consequences of Louvois’s statement being a joke rather than a description of the prisoner. Previously, it was probable enough that he was a valet that all authors on the subject have examined this description at length and many of the most erudite have formed their theories based on the valet. Now we see that Eustache Dauger was as likely a valet as he was a shoemaker or a bureaucrat. We now have no hint as to what his former occupation was and we never really did.

If there is a broad lesson for historical studies in this matter, it is that an interdisciplinary approach to a tough problem is likely to lead to success. Deciphering the marquis de Louvois’s letter to Saint-Mars has required knowledge of numerous sidebars of seventeenth-century history. It has also required a generous amount of skepticism about previous strategies and assumptions. Historians studying the Man in the Iron Mask have suspected that the jailers of Eustache Dauger, including Louis XIV, were devious and desired to mislead. They have been aware of M. de Louvois’s reputation for cold deceit in other official ministry of war business. But many who have read his July 19, 1669 letter to Saint Mars have credited him with honesty and candor in it. With that credit in place, the problem was not solved.

Jean Markale comes to a conclusion that deeds were done in this matter that is unpleasant to look at:

Que de cachotteries! Que de duplicité! A la lecture de ces documents parfaitement authentiques et conservés dans les Archives, on a l’impression désagréable de se trouver au fond d’un panier de crabes. Mais les crabes dont il s’agit ici sont ceux qui ont fait la grandeur de la France et dont on vante les mérites aux petits écoliers comme aux grands lycéens de la noble patrie française. (Markale 275)

Théodore Iung, perhaps the most thorough early archival researcher on the Mask, wrote to us in 1873 about the agonizing conclusion he came to after years of research on the Mask in the French archives of war:

On n’est en droit, d’ailleurs de ne négliger aucune dépêche, en apparence insignifiante, car celle-là justement se trouve avoir souvent une importance réelle. Or, par où commencer, dans quel sac puiser? Que de temps perdu ! Que de patience ! Que de richesses d’ailleurs non classées encore un peu partout! Et l’on pourra conclure avec moi, que, malgré les quatre mille dépêches nouvelles environ que j’ai trouvées concernant cette question, on est encore loin d’avoir obtenu tout ce qu’on est en mesure d’attendre. (Iung 51)

He says to his readers that he could not do everything that has to be done to solve the mystery; he can only provide some leads that will serve others who follow him. “Aidez-moi,” he pleads.

Issues Raised by the Absence of the Valet

The argument that has always defended the royal Bourbon family from connection with Eustache Dauger has been that the marquis de Louvois said he was a valet. We have assumed that Louvois knew the details of the man’s crime and background. We could not argue a blood connection with the Bourbons when we were told by the war minister that the prisoner was a valet. A valet is a servant, and not even the contemptuous Louvois would call a royal prince a valet; that would be much against the code of respect for royals and nobles. If Louvois wrote in an official document that Dauger was a valet, then he was most certainly not a Bourbon family member. But now we see that Louvois was not describing the prisoner; he was just using an accidental collision of identical names to make fun of a rival.

Now we can begin to ask if Eustache Dauger was a direct threat to Louis XIV and to his reign. If the king was not open with his most trusted confidants, then this matter must have been illegal. Resolving the valet issue faces us with the possibility that an extremely cruel act was committed by Louis XIV for his personal convenience and possibly for reasons of state. Depending upon the rank of Eustache Dauger, whenever we discover it, the explanation of this crime may have consequences for our basic assumptions about the policies and life of the Sun King, which would lead to some reassessments of Louis XIV’s place in the European seventeenth century. For that reason, historians must continue to ask why Louis XIV imprisoned Eustache Dauger.

Independent Scholar, Chapel Hill, North Carolina

 

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[1] Particularly decisive in the election of Dauger as the masked prisoner was the elimination of Matthioli, who had been a primary suspect in nineteenth-century research, but, according to Saint Mars himself in 1681, Matthioli did not accompany Saint-Mars when he left Pignerol to be governor of Exiles, and letters from Louvois to Saint-Mars confirm that there would be only two prisoners going to Exiles with Saint-Mars, one of whom was La Rivière (?–1687), formerly a valet of Foucquet. The other prisoner that the king ordered to go with Saint-Mars, Matthioli, being ruled out, was Dauger. See Topin 329–30 and Vergé-Franceschi 309.

[2] Researchers who have also come to the conclusion that Dauger is the Man in the Iron Mask are Marcel Pagnol, Jules Lair, Andrew Lang, Maurice Duvivier, Rupert Furneaux, Harry Thompson, and Marie-Madeleine Mast, among others.

[3] Bernard Caire in his essay “Eustache et Son Secret,” which was included in the white paper resulting from a colloquium of Mask scholars in 1987 (Caire 43), believes the spelling is “Danger.” Jean-Christian Petitfils in L’Homme au masque de fer also believed this. Other researchers, including Jules Lair, Andrew Lang, and Maurice Duvivier, all having believed Eustache Dauger had an important part in this mystery, write the name “Dauger.” The argument presented below about Louvois’s characterization of Eustache Dauger as a valet will show that the correct spelling is “Dauger.”

[4] There were an extremely limited number of priests and doctors who saw him, always with his mask on, but these men do not concern us in the limited analysis of the valet problem.

[5] Only a remnant of one of the supports of the church west façade is extant. The west portal of the church would have been approximately 30, rue Saint-Paul, Paris 4ème.

[6] In particular, Guillaume de Peichpeirou Comminges, Comte de Guitaut (1626–1685), Condé’s chief of his personal guards. He was the nephew of comte François de Guitaut-Comminges (1581–1663), captain of guards for Anne of Austria.

[7] Saint-Mars’s wife’s sister was Louvois’s mistress.

[8] Her biography is well worth reading: Paul Pougin,Mémoires et Correspondance de la Marquise de Courcelles publiés d’après les manuscrits avec une notice des notes et les pièces justificatives (Paris: P. Jannet, Libraire, MDCCCLV).

[9] This paper found the connection d’Auger/Louvois/Courcelles through a book on the history of Paris streets. She is given by Jacques Hillairet, Dictionnaire des rues de Paris, 2, 501, as a former mistress and previous owner of Cavoye’s hôtel at 52, rue des Saints-Pères.

[10] Vergé-Franceschi also referred to the impropriety of Louvois’s joke, 257–58.

Site Sections (SE17): 

REVIEW: Braider, Christopher. The Matter of Mind: Reason and Experience in the Age of Descartes. Toronto: University of Toronto Press, 2012. ISBN 978-1-4426-4348-2. Pp. 340. $75.

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 109–111
Author: 
Ellen McClure
Article Text: 

Christopher Braider’s The Matter of Mind: Reason and Experience in the Age of Descartes, winner of the 2012 Aldo and Jeanne Scaglione Prize for French and Francophone Studies awarded by the MLA, is an impas­sioned and engaging effort to put paid to the image of seventeenth-century France as a staid bulwark of rational classicism. This “tenacious idol to which most accounts of the early modern West pay homage” (3), tends to rest, Braider notes, on a vision of Descartes as the century’s emblematic figure, an intellectual hero whose dualist philosophy encapsulated the pe­riod’s longing for the certitudes afforded by a well-founded and transparent order. To counter this vision, Braider introduces his survey of seventeenth-century French cultural production with a reading of Mon­taigne’s essay “De l’expérience,” a provocative choice that serves to place the age of classicism against the messiness of contingent embodiment ra­ther than, say, against the geometric reflecting pools of Versailles. As such, this reading prepares the analyses that follow, which draw out the repressed Montaigne-ness of some of the century’s most notable writers and thinkers in order to locate what Braider calls “the duplicities that charac­terize French classical culture as a whole, engendering the nagging se­cond thoughts that put it on both sides of every issue” (31).

Appropriately, then, Braider moves on to Descartes, reminding the reader that the philosopher’s metaphysical masterpiece, the Meditations, never, in fact, enjoyed the status of an authoritative document. Instead of the warm welcome that the familiar narrative of the classical era might lead us to expect, the text was greeted with a series of objections from scien­tists, philosophers, and theologians inside and outside of France. Braider demonstrates how the inclusion of these objections along with Des­cartes’s responses in the published work exemplifies not duality, but dialogism, resulting in a work that can never quite attain the triumphant abstraction for which it strives. Descartes does, in the end, provide a use­ful framework through which to view the century, but only insofar as his aspiration for the clear, the distinct, and the universal is undercut by the inevitable pull of chaotic contingency. 

Braider goes on to trace the ways in which the stubbornness of the particu­lar subverts the willed universality of classicism through the art of Pous­sin, the plays of Corneille and Molière, the thought of Pascal, and the sat­ires of Boileau. The wide range of works considered, as well as the looseness of Braider’s theoretical apparatus, can at times lead the reader to wonder to what extent the conflict between universal and particular is spe­cific to seventeenth-century France. Yet answering this question would entail engaging in precisely the kind of clumsy causality or easy infer­ences that Braider argues miss the point; it is impossible to tie the century with a neat bow, especially since the seventeenth-century thirst for order is also our own.  Accordingly, Braider’s study succeeds especially well in his close readings of the works he considers. His account of the delicate equilibrium between the abstract sovereignty of the rational and the seduc­tive materiality of color in Poussin’s painting is masterful. In the following chapter, he offers a reading of Médée that convincingly argues that Cor­neille’s identification with strong female characters reflects the author’s consciousness of the unseemliness of pursuing literary greatness and per­sonal autonomy in a century devoted to classical conformity. His attention to Molière’s relatively little-studied play Le Cocu imaginaire focuses on the play’s circulating portrait in order to demonstrate the playwright’s sly and persistent subversion of the classical ideals of univocity and transpar­ency with an eye to “the often tragic potential of comic embodiment” (152). His chapter on Pascal points to the ways in which his philosophy and science intersect to complicate the apologetic goals of the Pensées. Finally, his examination of Boileau’s satire on l’équivoque deftly illus­trates the ways in which this rhetorical category denotes the supplément that is at once unavoidable and unassimilable to the classical ideal of clar­ity.

Braider’s wide-ranging work is not without its flaws. Although he in­cludes a sympathetic reading of Corneille’s female characters, the absence of female writers is glaring, especially given recent work, most notably by Faith Beasley, that argues that the "tenacious idol" of classicism is at least partly the result of centuries of overlooking women’s contributions to seven­teenth-century French culture.  Braider’s treatment of religion can also be puzzling. While he does acknowledge that theology, in the early modern period, was “an intellectual discipline to which, despite the era’s growing secularism, all others remained subordinate” (156), religion gets relatively short shrift. The chapter on Descartes focuses on mind-body dual­ism while hardly mentioning the Meditations’ other avowed pur­pose—to prove the existence of God—and Gassendi is described as a materi­alist and an Epicurean, but never as a priest. I also remain uncon­vinced that Mme Sganarelle’s infatuation with the portrait of Lélie in the Cocu imaginaire can be described as idolatry, insofar as idolatry typically involves overlooking, not (as is the case here) admiring, the materiality of the worshipped object.

That said, Braider’s provocative arguments, supported by readings that are often no less than ingenious, are a joy to read. Braider’s humor and light touch are also on display, as when he notes that Descartes is “no old fart of a sorbonnard” (53) or refers to the coups d’état theorized by Naudé as “the baroque equivalent of Bush-era ‘shock and awe’ ” (95). The reader fre­quently has the delightful impression of being in the classroom of an exceptional professor, whose attention to detail and refusal to accept re­ceived wisdom at face value push his students towards a deeper apprecia­tion of these infinitely complex texts.  Braider’s efforts to destabilize the classical canon, or, more accurately, to point to the ways in which the canon destabilizes itself, constitute a compelling argument that seven­teenth-century French culture is more relevant than ever—even, or espe­cially, in twenty-first century American universities where the struggle between the quest for Truth and the particularities of historical embodi­ment continues to be passionately and urgently fought.

Ellen McClure, University of Illinois at Chicago

Site Sections (SE17): 

REVIEW: Winn, Colette H., ed. Teaching French Women Writers of the Renaissance and Reformation. New York: The Modern Language Association of America, 2011. ISBN 978-1-60329-089-0. Pp. viii & 440. $40

Article Citation: 
XVI 1 (2015): 113–116
Author: 
Kathleen Llewellyn
Article Text: 

This collective work is both a critical reappraisal of current thinking on early modern women writers and a guide to studying their works, particu­larly in the classroom. Winn’s introduction explains the political, religious, and sociocultural background essential for understanding the works of French women writers of the sixteenth century. It includes a compre­hensive overview of social and legal perspectives on gender, as well as a description of the public and private lives that women of the era were likely to experience, the education they might receive, and the recep­tion faced by women who wrote and saw their works published. The es­says that follow, divided into four sections, explore a broad range of women writers from myriad interrelated perspectives.

The first part of the volume establishes the cultural, literary, economic, and social context in which early modern French women wrote. Brigitte Roussel examines the representation of marriages and domestic relation­ships in Nicole Estienne’s Misères de la femme mariée. Kathleen Wilson-Chevalier contends that visual art of the era can help students understand women’s roles in early modern society; her approach will bring a much appreciated interdisciplinarity to courses centered on literature. Carrie F. Klaus discusses women’s lives in convents, focusing on their experience of the Protestant Reformation. Diane S. Wood and Laura B. Bergman exam­ine the influence of humanism on the writings of Hélisenne de Crenne, in an essay that encourages student reflection on the importance of humanism in early modern writing across lines of gender and genre. Susan Broomhall considers women’s writing in the context of work, and situates it within the notion of gendered labor. An understanding of this concept is particularly important for today’s students, who often think of early modern women as excluded from economic activity. François Rigolot describes the literary, cultural, and legal transformation that took place in Europe, beginning in the fifteenth century, that fostered the notion of individual intellectual ownership, and thereby encouraged literary produc­tion and publication, including among women authors. Dora E. Polachek illustrates the long literary history of women’s erotic desirability, concentrating on such writers as Marot, Ronsard, Labé, Brantôme, and Marguerite de Navarre. Ann Rosiland Jones discusses Pernette du Guillet and her use of Neoplatonic conventions, establishing textual links between Du Guillet and her literary contemporaries.

Part II treats specific authors, beginning with Zeina Hakim’s study of Louise Labé’s use of imitatio. Danielle Trudeau examines classical influ­ences evident in Pernette Du Guillet’s poetry, as well as the poet’s innova­tions, through a close reading of Du Guillet’s chanson 7. Jane Couchman proposes that students investigate the epistolary genre through an examina­tion of a variety of letters penned by women from a wide range of so­cial classes. Using Georgette de Mornay’s emblem books as an exam­ple, Carla Zecher shows how books serve as both texts and as objects. Both Couchman’s essay and Zecher’s deepen students’ awareness and under­standing of material aspects of the early modern era. Edith Joyce Benkov demonstrates women’s engagement in the world outside home and convent through an exploration of Anne de Marquet’s pasquinades. Jean-Philippe Beaulieu suggests that students read Marie de Gournay’s Discours sur ce livre, not only as an entry into her work and her authorial persona, but also as a way of better understanding the difficulties faced by Renaissance women writers as they sought to establish themselves as recog­nized and respected public figures

Part III proposes specific pedagogical and critical strategies for study of early modern women writers. The approaches suggested here will also serve as an excellent introduction for both undergraduate and graduate stu­dents to the application of literary and cultural theory. Leslie Zarker Morgan locates Louise Labé in the particular cultural, historical, and liter­ary context that was mid-sixteenth-century Lyon. Carla Freccero has cho­sen novella 30 of Marguerite de Navarre’s Heptaméon – a story that inevita­bly seizes students’ attention – to demonstrate how feminist and queer approaches to reading early modern women’s writings can open new ways to understand their works. Nancy Frelick approaches Hélisenne de Crenne’sLes angoysses douloureuses qui procèdent d’amours through the per­spective of transference as a way to lead students beyond an autobiograph­ical reading of the text, or a view of it as largely derivative. Frelick’s essay also provides an excellent demonstration of the effects of a book’s reception, both among its contemporary audience and over time. Cécile Alduy suggests that students’ learning to decode Petrarchan lyrics is essential, not only for their understanding of Louise Labé’s poetry, but more fundamentally, for grasping the complex cultural construction that is gender. Claude La Charité draws our attention to the masculine “I” that appears in Marie de Romieu’s verse, challenging students’ frequent assump­tion that the poetic “I” is autobiographical. Androgynous writing is also the focus of Leah Chang’s essay, in which she examines a wide range of male poets writing in the voice of a woman. Anne R. Larsen explores female writing communities revealed in the works of Catherine des Roches, from literary salons to networks that spanned centuries and crossed national boundaries. Larson’s essay provides a welcome and in­deed necessary corrective for students who still imagine that early modern women writers were isolated and even alienated. Gary Ferguson argues for the inclusion of the poetry of the Catholic nun Anne de Marquets in a course on women writers. The addition of Marquets’s devotional poetry to courses where students read love-themed poems and stories (which tend to be quite popular and are probably more easily understood) will enable them to explore a wider range of women’s writing. Mary B. McKinley sug­gests that students complement their reading of Marguerite de Na­varre’s Heptaméron with Marie Dentière’s Epistle to Marguerite de Navarreas a way to better understand the significance of the Protestant Reformation in the lives of early modern French women. McKinley also uses Dentière’s Epistle as an opportunity for students to study rhetoric, which is crucial to understanding sixteenth-century literature. Colette H. Winn recommends that students undertake a comparative study of Gabri­elle de Coignard’s spiritual verse and Louise Labé’s love sonnets, which will enhance the students’ understanding of the place of Petrarchism in the work of both poets. Winn’s approach can be applied to a number of compara­tive studies, helping students find connections among texts, creat­ing a veritable literary tapestry. Deborah Lesko Baker addresses the sometimes problematic issue of having students read texts in Middle French. She suggests making Louise Labé’s prose works available to stu­dents both in the original French and in English translation.

Part IV of this collection points the reader to an abundant and diverse col­lection of resources. In one essay Colette H. Winn lists a number of critical editions of women writers’ work; in the following chapter she di­rects the reader to journals, professional associations, conferences, and colloquia for scholars of early modern women writers. A survey of valua­ble online resources is provided by Winn and Graziella Postolache. Karen Simroth James and Mary B. McKinley open the door to the past a bit wider for students by suggesting ways they can access centuries-old texts, both via online resources – digital facsimiles are more and more available – and directly in special collections that house rare books. James and McKin­ley also suggest ways that those resources might be used.

This volume will be a precious resource for teachers and for scholars. The selection of writers, subjects, and approaches is both broad and deep, and will prove invaluable for those who wish to include women writers in survey courses or courses focusing on a particular theme or genre, and for those constructing a course specifically centered on early modern women writers. The authors included in this volume have chosen texts that will fascinate students, drawing them into the literary culture of sixteenth-cen­tury France. At the same time, these texts will certainly challenge students, pushing them to understand the era in new ways, and to see from new perspec­tives not only early modern women’s lives, but the lives of early modern men as well, and even, perhaps especially, human experience across the centuries.

Kathleen M. Llewellyn, Saint Louis University

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REVIEW: Randall, Catharine. The Wisdom of Animals: Creatureliness in Early Modern French Spirituality. Notre Dame, IN: University of Notre Dame Press, 2014. ISBN 978-0-268-04035-2. Pp. 178. $28.

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 111–112
Author: 
Jean Leclerc
Article Text: 

L’ouvrage de Catharine Randall se recommande par son côté interdiscipli­naire et l’ampleur du champ considéré. Dans The Wisdom of Animals : Creatureliness in Early Modern French Spirituality, elle étudie la manière de concevoir et d’utiliser les animauxdans les écrits de quatre auteurs des XVIe au XVIIIe siècles. Sa pensée prend pour point de départ la définition théologique des animaux fondés sur la Bible et l’interprétation de saint Thomas d’Aquin selon laquelle les animaux n’ont pas d’âme et ont été mis sur terre par le créateur afin de servir l’homme. À l’opposé du spectre, elle sollicite les penseurs modernes des droits des ani­maux, comme Keith Thomas, Diana Donald et Erica Fudge, afin de mesurer les acquis quant à la perception des animaux, leurs structures so­ciales, leur capacité à communiquer, à sentir et à vivre des émotions. C’est sur cette ligne de tension qu’elle situe les quatre auteurs de son corpus : Michel de Montaigne, Guillaume Salluste Du Bartas, François de Sales et Guillaume-Hyacinthe Bougeant. Dans ce très vaste panorama qui l’amène de 1570 à 1739, elle ne s’intéresse pas seulement à un corpus hétéroclite d’œuvres, allant des essais philosophiques jusqu’aux « amusements » d’un abbé mondain des Lumières en passant par la poésie épique protestante et les manuels de dévotion, elle accumule les approches théoriques et méthodolo­giques, empruntant à la philosophie, à la théologie, aux études littéraires, à l’histoire des mœurs et des sensibilités, l’histoire des sciences et du sentiment religieux. Son livre intéressera les spécialistes de la spiritua­lité du XVIe au XVIIIe siècle, les littéraires qui considèrent la fic­tion au croisement de l’histoire des idées, des savoirs et des perceptions, les activistes et les théoriciens modernes des droits des animaux qui s’interrogent sur les origines et les fondements de leurs propres pratiques.

Il faut donc saluer l’effort et l’audace de cette chercheuse en poste à Dart­mouth College, qui s’attaque à un aspect méconnu de la spiritualité du long dix-septième siècle et une source importante des sensibilités mo­dernes. L’originalité et la pertinence du sujet se déploient dans les quatre chapitres, chacun consacré à un auteur qui ne s’intéressait pas spécifique­ment aux animaux, mis à part le dernier. Le chapitre sur Montaigne pro­pose de fines analyses de L’Apologie pour Raimond Sebon, où Montaigne s’enthousiasme devant les hirondelles, leur intelligence et leur capacité à construire des nids, mais s’en sert surtout pour justifier la démarche de sa pensée. Dans le second chapitre, elle subordonne la longue énumération des animaux que fait Du Bartas dans La Sepmaine à une poétique du re­gardoù le lecteur prendrait la position privilégiée de Dieu devant la créa­tion. Se tournant vers L’Introduction à la vie dévote de François de Sales dans son troisième chapitre, elle met en valeur la méthode spirituelle d’imagerie mentale grâce à laquelle les animaux ouvrent une voie d’accès privilégiée au divin, images qui jouent un rôle important dans la concep­tion de la grâce au début du siècle. Le dernier chapitre se tourne vers un père Jésuite du XVIIIe siècle, l’abbé Bougeant, théologien sérieux et ré­puté par ailleurs, mais qui commet un Amusement philosophique sur le langage des bêtes (1739), dans lequel il argumente en faveur de l’âme des bêtes à partir de la notion de métempsychose, où des démons circulent de corps en corps, pourvoyant ainsi les animaux d’une intelligence, d’une capa­cité à sentir et à s’exprimer.Pour bonifier sa recherche et pour affir­mer ses analyses, elle n’hésite pas à solliciter plusieurs auteurs secon­daires, de Ronsard à La Fontaine en passant par Ignace de Loyola, Calvin, Bérulle et Descartes. Toutes ces qualités font de l’ouvrage de Catharine Randall un livre utile au champ des études interdisciplinaires du long XVIIe siècle, agréable à lire malgré quelques redondances, et solide sur le plan de la recherche malgré quelques oublis bibliographiques.

Jean Leclerc, Western University

 

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Teaching the Seventeenth Century at the Graduate Level

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 93–108
Author: 
Sylvie Romanowski
Article Text: 

Printable PDF of Romanowski, 93–108

 

Several considerations influenced my approach to teaching French seven­teenth-century literature at the graduate level. One is student-cen­tered: how to interest students most of whom are in various fields of contempo­rary literature and theory, more specifically modern, post-colo­nial literature. Another is a practical circumstance, that our term is only one quarter long (10 weeks), which means that nothing like a complete overview of the century can be proposed. The course must be rather nar­rowly focused on an important and relevant aspect of the period. I decided that the concept of modernity would provide such a focus. The concept of modernity provides a framework that, first, links the period to its immedi­ate context, particularly the Renaissance. Second, links can be made with our own period and the movements of contemporary thought variously named futurism, post-structuralism, deconstruction, post-modernism, and post-colonialism.

The anchoring idea is that in the seventeenth century thinkers, philos­o­phers, writers, ranging across many cultural areas such as religion, sci­ence, government, painting, poetry, theater, and language engaged in a con­scious and often aggressive work of self-definition and  wanted to be new, modern, and different from the immediate past. Obviously the con­cept of “modern” is a slippery and highly variable one, being relational to any previous cultural mindset. Any period can think of itself in this way.[1] Not every period does. I maintain that the concept of being “modern” came to the foreground at various times in French culture but at no time more forcefully than in the seventeenth century. In other words, the con­cept of being “modern” became a cultural force, in the sense of wanting to separate from the immediate past. A hint of the increasing importance of being “modern” comes from a comparison of two dictionary entries. In Huguet’s dictionary of the sixteenth century French language, the word “moderne” is simply defined as “Nouveau” (article “Moderne”). In Furetière’s 1690 dictionary, however, the entry for that same word is much more fulsome:

Qui n’est pas ancien, qui n’est en usage que depuis les der­niers siècles. C’est un usage moderne, une coûtume mo­derne, une invention moderne, un ouvrage moderne. Le Grec moderne est celui qu’on parle maintenant en Grèce. Les Modernes ont beaucoup enchery sur les Anciens en toutes sortes d’arts et de sciences. Ce mot Moderne vient de Modernus, dont plusieurs se sont servis.

The thinkers, writers, and theoreticians of literature participated in a movement to rethink cultural productions in both a forward-looking, opti­mistic way (we will not do things the same way from now on and we will do them better), and in a backward-looking, oppositional and polemical way (the ways of the past must be left behind).

In other words, the seventeenth-century philosophers, statesmen, po­ets, dramatists, and artists self-consciously opposed themselves to their immediate past. This, I feel, is different from what the sixteenth-century writers did.[2] Certainly the latter knew the culture was very different from the medieval one, that civilization was changing, but the degree of change was so radical, innovative, rapid, that no energy was spent looking back­wards—the innovation of print, the “discovery” and subsequent colonizing of the New World, the Protestant Reformation, the reconnecting with the Greek and Latin texts, the new practices of perspective in painting, the in­flux into France of Italian influences, all these factors contributed to an explosive renewal and energizing of the culture that moved ahead, sepa­rating itself from tradition inherited from the previous times.         

My starting point in the course is to read two iconic Renaissance texts, ex­cerpts from Montaigne’s “Apologie de Raymond Sebon” (II.12) and Rabelais’s “Gargantua.” For Montaigne: the last third of the Essay, from “Voyons si nous avons quelque peu plus de clarté en la connaissance des choses humaines et naturelles” to the end; for Rabelais: 14 selected chap­ters. I use these texts to exemplify some traits of thought and writing that are significant to keep in mind when reading the next century’s texts: Mon­taigne’s thorough-going scepticism and anti-foundationalism, and Rabelais’s rich, multifaceted, freewheeling style that embraces everything from religion and high culture to the vulgar and the scatological.

During the second half of the sixteenth century and in the early part of the seventeenth century, however, the cultural energies and the political situation had degenerated into the violence of the religious wars, economic and social instability. This is what Ellery Schalk calls the “shadow of the sixteenth century” which led to the erection of a strong absolutist regime to counter the fear of a return to chaos. Katherine Ibbett explores another parallel aim, establishing “a critical norm of Frenchness” (6): “what we now call French classicism was understood more generally as a resistance to the Italian” (10), a pervasive influence during the entire sixteenth cen­tury in many areas (architecture, painting, poetry, clothing, food) and into the first part of the seventeenth especially with the dominance of Mazarin. My treatment of the French seventeenth century, then, is to focus on its diligent and persistent efforts to bring order to the world and to the culture by means of principles, “rules,” “regularity,” in theater, poetry, religion, establishing of standards of speech, behavior, and organizing the state around a strong, central monarchical figure. Order means also: hierarchy, the sorting out of what is inferior and superior, better and worse, what it is better to be near to, and what is to be shunned, like ambiguity, uncertainty, rel­ativism. One may say that it is unique in the sense of being both pro­gressive and conservative: progressive in moving the culture to new, clearer norms, and conservative in that it wants to preserve order, stability and establish a firm, authoritative foundation.

This approach is based on analyses of the culture by several historians and thinkers who have described a decisive shift in this period. I put their books on reserve at the library, I photocopy a few significant pages, and I ask students to read them in tandem with the literary works. I start with Michel Foucault’s analysis of the classical episteme (chiefly in Les mots et les choses), what he calls “la science générale de l’ordre” (87)—represen­tation, language, classification of natural beings, and wealth. Other anal­yses inspired by Foucault, more detailed and in a fully-referenced scholarly mode are two books by Timothy J. Reiss, who instead of “classi­cal” uses the term “analytico-referential”: “What I will call an ‘analytico-referential’ class of discourse becomes the single dominant structure and the necessary form taken by thought, by knowledge, by cultural and social practices of all kinds” (Discourse 23, Reiss’s underlining). Also very use­ful, and required reading, is Stephen Toulmin’s Cosmopolis, which pro­vides perhaps the most succinct description of the opposition between the old and new cultures: “In the 1580s and ‘90s, skeptical acceptance of ambigu­ity and a readiness to live with uncertainty were still viable intel­lectual policies: by 1640, this was no longer the case” (44). Toulmin makes the case that the seventeenth century was a “counter-Renaissance”[3] and that there was a “retreat from the Renaissance” in four different ways that emphasize rationalism and the need for certainty: from the oral to the written, from the particular to the universal, from the local to the general, from the timely to the timeless (30–35). He summarizes this shift as being the development of the “Cartesian program for philosophy”: a “change of attitude—the devaluation of the oral, the particular, the local, the timely, and the concrete—appeared a small price to pay for a formally ‘rational’ theory grounded on abstract, universal, timeless concepts” (75). Clément Rosset, whose analyses focus more on other periods in his L’anti-nature, also indicates briefly the usefulness of his concepts for understanding the seventeenth century: he opposes the “artificialisme précartésien,” and Mon­taigne’s Essays (131) to the “reconstitution d’un naturalisme moderne par Descartes, Locke et Rousseau” (128). For an overall view of both the sixteenth and seventeenth centuries, Robert Muchembled’s works are un­paralleled, especially his L’invention de la France moderne: Monarchie, culture et société 1500–1660) that examines “la singularité d’une aventure collective millénaire qu’a pu achever Louis XIV, sorti armé de pied en cap du sein de la monarchie absolue léguée par ses ancêtres” (9). The slightly conventional turn of this sentence does not represent the breadth and depth of this work that truly examines all facets of the period, including litera­ture, peasant life, popular culture, the role of women, linguistic change, the court, schools, courts of law, the baroque esthetic in the arts and ur­banization. A recent work by Sara E. Melzer examines another aspect of the culture’s efforts to define itself, focused not on what is to be rejected, but on what is to be remembered as the foundation of the French culture. This consists of a long and lively debate concerning what is to be accepted within the culture as its legitimate foundation, its founding myth and his­tory: are the French de­scendants and inheritors of the Gauls or the Romans? The conundrum that results is that if the French identify as Gauls, they are barbarians, which is distasteful, but if they identify as Roman­ized Gauls, they identify both as barbarians needing to be civilized and as colonizers. According to Melzer, the resulting “memory wars” that took place in “early modern France’s massive image-making campaign” (23) were not resolved till the next century when French enterprises in the New World opened up new per­spectives, when “the moderns broke out of this binary opposition” by creating a new image of the future “that im­proved upon the past rather than fell away from it (201).

An interesting problematization of the concept of the “modern” is pro­vided by Bruno Latour’s provocative and polemical book, Nous n’avons jamais été modernes, where he lays out what he calls the “Constitution” of modernity: “Moderniser permettait de distinguer enfin nettement les lois de la nature extérieure et les conventions de la société” (178). Nature is completely other and separate from the human, and the construction of the human is completely under our control and free will. However, Latour shows that these were ideals that necessitated other practices of mediation, mixtures, interferences between these two presumably opposed domains: nature is not transcendent, but is the product of human exploration and under­standing, and the conventions of society are not entirely under our control, as there are social forces that exceed our control: “la nature transcendante reste néanmoins mobilisable, humanisable, socialisable” and “la société . . . nous domine, elle a ses lois” (56). The in-between media­tions remain unseen, denied: “C’est l’impensé, l’impensable des modernes (57). This concurs with what Reiss calls the “occultation that the human view of the world is necessarily a ‘perspectival’ one. It marks the assertion of such a view as absolute” (Discourse 37). While I agree completely with these analyses, my focus in this approach is not the “unthought” (“l’impensé”) but what was “thought,” what the “moderns” of the seven­teenth century were consciously rethinking and rebuilding, what they be­lieved in and promulgated. Indeed, I might reverse the dynamic here: what was unthought, hidden but operative had to remain so in order for the enter­prise of the “thought” to continue and move forward. The super­struc­ture matters as much as the infrastructure, and my choice in this course is to focus on the superstructure, the conscious endeavors. This does not ig­nore what was hidden, but instead proposes to examine what the “modern” thinkers, in their rebuilding efforts, rejected, in their terms. How the re­pressed, the hidden is evoked and described can be included in order to understand the process of reformation of the culture in the various works to be analyzed. 

To illustrate the usefulness of this approach, I will briefly summarize some important developments in specific areas of cultural production, where the concept of “modern” as opposed to the previous period is very visible, i.e. in areas of the French seventeenth-century culture that exem­plify the consciousness of being not only different (every culture thinks it is different) but also “modern” and “better.”

Philosophy with Descartes is in the forefront of these efforts, and it is use­ful to start with his Discours de la méthode, which was written to be accessible for an audience beyond philosophers and specialists and had immense influence in shaping the period, down to our time. As Descartes fights against what is erroneous, childish, confused, haphazard, and am­biguous, he establishes knowledge as based on clear and distinct ideas, univocal and unambiguous language, a strict separation of body and soul, of human from non-human. He also claims to achieve a complete under­standing of the world that encompasses the entirety of creation, from God to the smallest particle then known to the human eye. For him, it is crucial to have a single, central authority located in the self in order to understand and organize the world, to separate the bodily from the immaterial, and to achieve the rationalization, the quantification of the universe, and, most important, human mastery over nature.

The most obvious and well-known literary form where the processes of self-definition can be examined is theater, especially the genre of trag­edy that was being defined in opposition to other play-writing such as “tragi-comédie” or “pièce à machines.” In that domain dramatists not only produced plays according to the famous “rules,” but also a body of work in dialogue with theatrical critics who self-consciously theorized the new classical drama and the “rules” of dramaturgy. This produces what John D. Lyons calls the “culture of regularity” which he summarizes thus, en­larging it beyond the confines of dramaturgy: “By ‘culture of regularity’ we mean here the habits of a society that framed what it did and what it said with a consciousness of multiple, proliferating, normative statements about how literary and artistic production should be carried out” (42). New tragedy is being defined both negatively, against a previous mode of theat­rical writing, and positively, as striving towards a new form of elegance and control: “The struggle for decorum is, in part, a battle of modernity against the horror of antiquity. . . . The project of seventeenth-century poet­ics was not to replicate but to correct the tragedy of the ancients” (58). What is undecorous, unseemly, untimely is not, however, entirely ab­sent—indeed it is present as opposite behaviors and values that give the plays their plot lines and their density. This of course is not limited to trage­dies, and Molière’s comedies can be included here. A few good ex­amples of plays to study in this respect are: Racine’s Phèdre (incest and a monster), Molière’s Dom Juan (an old-fashioned nobleman who flouts the rules of society and religion) or his Misanthrope (rejection of the rules of courtly civility). Many other plays obviously fit into this type of analysis, such as Britannicus (corrupt monarchical figures), Corneille’s Le Cid (old noble codes of vengeance) or his Horace (the murder of one’s own blood necessitating the reestablishment of civil behavior by the monarch).

Going beyond this particular literary form, one can consider the atten­tion to language and the twin endeavors of reforming language and gram­mar and refining poetic and general social discourse, what Alain Rey calls “l’enrégimentement du discours littéraire” from 1620–1630 on (621). The reform is exemplified by various writers who were poets, writers, and gram­marians, united in a common quest for refinement, clarity of expres­sion, dignity and elegance, often summarized in the ideal of the “honnête homme,” what later developed into the language of the salons, the court, and the “préciosité” movement’s efforts to purify the language from “dirty” expressions, resulting in the elimination of thousands of words perma­nently from the French language. The historian of the French lan­guage, Ferdinand Brunot, states it thus:

La Cour, au XVIe siècle, comme les écrivains eux-mêmes, ac­cepte dans son langage toutes les nouveautés…. Au con­traire, depuis le siècle nouveau, les tendances vont au rebours…. Voilà … une différence essentielle: la langue courti­sane du XVIe siècle est tout ouverte, la nouvelle est rig­oureusement fermée; la première était touf­fue et pédantesque, celle-ci est ‘gueuse et délicate’ [Balzac].’ Une nouvelle mode est née, celle de la pureté du langage: une nouvelle haine, celle du barbarisme. (III, 69)

The reforms of poetry by Malherbe and Boileau are well known and need no restatement here and are similar to statements by Vaugelas and other grammarians; I distribute short excerpts from all these writers.

Though it lies outside the strict purview of the course, painting is an­other area where the redefinition of the esthetic is at work, proceeding in both the production of works and their theorization. In the period, there was a lively battle between the partisans of drawing and line and those of color, as a battle between those who favor theoretical reason and those who favor materiality of color that escapes rational discourse. As Jacquel­ine Lichtenstein summarizes it:

“The debate between the partisans of drawing and those of coloris . . . was reborn in France and took on new forms largely determined by the politics and institutions of the age of Louis XIV. . . . the institution that defends the pri­macy of drawing also serves to advance the greater glory of the monarchy.” (147–9)

There are other cultural domains where similar forces of ordering are at work: in religion, the Catholic Reformation sought to increase authority of the Catholic Church and the Papacy, resulting in a conflict with the French monarch, while the same monarch sought to unify his king­dom in one faith, resulting in the expulsion of the Protestants and the destruction of the Jansenists. Another signal achievement was the centrali­zation of the state around a non-itinerant court and an absolute monarch, and the build­ing of Versailles as the locus of power, with the concomitant design of the grounds into “French”-style landscape; socially, the strong influence of the courtly life as a model for society, what is called the “cu­rialization” of the ur­ban elites and nobility. On this, Norbert Elias’s La société de cour is the de­fining work. One interesting specific domain where one can see these efforts at refinement and control is the disciplining of the body. As Georges Vigarello states:

Le XVIIe siècle sera … la systématisation de tend­ances nées au siècle précédent. . . . Les remarques sur la rectitude sont reprises par une large littérature pédagogique. Mme de Maintenon, dans un propos essentiellement mor­alisateur, ne craint pas de la mentionner. . . . Dans le monde classique la posture doit témoigner d’une domination des passions. . . . La règle et l’ordre régissent le comportement jusqu’à l’artifice. (49–52)

Vigarello’s detailed study brings together many prestigious cultural areas where such disciplinary efforts were carried out very self-consciously, such as dance, dueling, theatrical acting, and courtly behavior. What this kind of discipline did for the body, the practice of “bienséances” did for purifi­cation of language and the refinement of social mores. Some of these ideas and texts can be touched on briefly during the course, and can sug­gest ideas for further exploration.

My curriculum includes iconic works to illustrate the process of self-defi­nition, and its accompanying tensions, around the concept of moder­nity. Apart from the works already mentioned, it might include Racine’s Andromaque or Britannicus; Corneille’s L’Ilusion comique; excerpts from Pascal’s Pensées; some poems by Viau, Régnier, and Malherbe; some Fa­bles by La Fontaine; La Princesse de Clèves by Madame de Lafayette; selec­tions from La Bruyère’s Caractères and La Rochefoucauld’s Max­imes. These complex texts enable a discussion of the ideals of the new monar­chy, science, religion, behavior, etc. as well as the critique of these very ideals by some of these very same texts, that are both instrumental in defining the culture and, at the same time, critical of it. Ross Chambers’s detailed analyses of the oppositional nature of literature are extremely use­ful here. He defines ancien régime oppositional literature as being “covert ‘textual’ opposition readable in overt ‘narrative’ acknowledgement of seats of power—a practice of irony then” (45), and his reading of some of La Fontaine’s Fables is an extraordinary lesson in such close reading. In a similar vein, La Princesse de Clèves can be read as both a representation and an indictment of courtly ideals; Racine’s tragedies as a critique and warning about the excesses of an overly centralized and corrupt monarchy; and Pascal’s Pensées as an exposition and a thorough-going critique of anti-foundationalism.[4]

Some disadvantages of this approach can be mentioned at this point. Chief among them is that it necessarily simplifies the culture, focusing on its dominant elements (the court, the aristocracy, the official culture of the Académies) and leaves out the “irréguliers,” like Cyrano de Bergerac, the resistant poets, the libertines, the realist novelists and other non-aristo­cratic figures, and gives only limited space to women’s voices. This is a limited view of the century, but the point can be made that the “irréguli­ers” and the resistant figures are defined by what they are opposed to, i.e. to the dominant elite’s efforts as outlined above. Another large area omit­ted from this particular, targeted approach, but which may be in­cluded, is the situation and importance of the various artistic phenomena of the first part of the century often grouped under the name Baroque. The status of the Baroque has long been difficult to situate exactly, and for my part, I view it as an intermediary period between the Renaissance and the time when the seventeenth-century style became more generally estab­lished during the reign of Louis XIV. If I choose to include it, there is one particu­lar work that works very well to discuss the Baroque in such a course, especially in light of later theatrical works: Corneille’s L’Illusion comique, and I do often include it in my courses, both graduate and ad­vanced undergraduate. Some poems by such writers as Théophile de Viau, Boisrobert, and Saint-Amant also provide useful examples of the Baroque esthetic. A brief discussion of the Baroque as a transition period between the sixteenth century and the seventeenth can be useful for the later pur­pose of confronting this period with some current issues in the twentieth and twenty-first centuries.

There are several advantages to this approach, in my opinion. First, the seventeenth century is viewed in the context of the preceding period—of course, every culture and literature ought to be viewed in context, but the self-consciousness of this particular culture and its unique attempts at self-definition are highlighted as being a special moment in European culture that has long-reaching consequences. The definitions of language, drama, philosophical inquiry, poetry, appropriate behavior, hierarchization of so­ciety, all continued to have validity even as the Enlightenment rethought and questioned many of the values it inherited, for example the absolute monarchy, the central authority of the Catholic church, social stratifica­tion, and the domination of the aristocratic, curial model as a social norm. Another advantage, not yet mentioned, is that the relation between the Re­naissance and the seventeenth century can be seen not only as a difference or a rupture, but also as a continuity: the absolutism of the seventeenth cen­tury Bourbon monarchy began with the Valois, and most importantly, the work of self-definition was already well understood, with attention paid to shaping one’s character and life, as most fully explored in Stephen Green­blatt’s Renaissance Self-fashioning from More to Shakespeare. The goal of shaping one’s individual character is now expanded into the shap­ing of a whole culture, that, ironically, does not value extremely individualis­tic behavior but rather conformity to an ideal valid for the elites, and beyond, to those aspiring to the higher ranks of society. 

Another significant advantage is being able to suggest links to the mod­ern period: as I mentioned before, most if not all of our graduate stu­dents are interested in the contemporary period, in post-modern and post-colonial literatures. This aspect of the reframing of the seventeenth cen­tury obviously lies outside the course’s scope, but some suggestions can be made here. One is that the critics cited earlier (Toulmin, Reiss, Rosset, Latour) see our modern period as the breaking apart of the seventeenth century’s culture. Toulmin: “The recent doubts about the value of Moder­nity . . . confirm that the epoch whose end we supposedly see today began some time in the first half of the seventeenth century” (11). Or Reiss: “We now find ourselves, indeed, at the nether end of the development of the analytical-referential. . . . Other kinds of discourse seek to accompany, if not to displace it [the analytico-referential]” because the latter “has con­trolled the forms of Western knowledge (and action) from the period we are discussing down to the present day” (Discourse 239). This can be viewed as a crisis: “we find ourselves . . .  in a moment of ‘discursive des­pair,’ in a time of crisis when our systems of action have again lost their meaningfulness, when we have again reached the limits the discursive space that is our episteme” (Tragedy 300). But it is also a moment of im­mense liberation and creativity. In 1980, Reiss wrote somewhat cau­tiously: “The researches of such philosophers as Wittgenstein and Der­rida would be attempts to demarcate that crisis and to discover a way out” (Trag­edy 300).

Ten years later, the idea that our epoch is rejecting the seventeenth-cen­tury mind-set became much clearer, as Toulmin states: “The ‘modern’ fo­cus on the written, the universal, the general, and the timeless . . . is be­ing broadened to include once again the oral, the particular, the local, and the timely” (186). The seventeenth century’s ideals persisted long into the eighteenth century and beyond, despite such events and movements as the French Revolution and Romanticism. I would suggest that the eighteenth-century Enlightenment and Romanticism, transformative movements though they were, did not shake the foundations of thought and culture established by the second half of the seventeenth century. It was only in the late nineteenth-century that another “modernism,” a profound contes­tation of all the principles elaborated during the seventeenth century, un­did the classical episteme and elaborated a new and revolutionary es­thetic (with such writers as Baudelaire, Rimbaud, Nietzsche, Apollinaire, etc.) that are congenial to contemporary authors writing in French. Most pro­foundly, the contemporary philosophical movements led by such fig­ures as Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Guy Debord, Jean Baudrillard, Mau­rice Blanchot, can be considered as dismantling (or, to use a modern word, de­constructing) the elaborate civilization of the body and of the mind, of language, art, and society that the seventeenth century had so persistently and durably constructed. Perhaps it is no accident that the philosophers who are at the forefront of the contestation of what Rosset calls “natural­isme,” what I call foundationalism, come from France, what has been called in the United States “French theory.” These figures, and many oth­ers, are certainly reacting to the discourses of presence, platonism, and natu­ral foundationalism generally dominant in Western thought, but no­where was the weight of these ideologies felt more strongly than in the culture where they were developed during the seventeenth century.

The weight of these ideologies is felt in two domains of contemporary French culture. One, inside France itself, can be linked to the seventeenth century ideals. In her concluding chapter, “The Legacy of the Quarrel,” Melzer shows how the seventeenth-century elite’s ideals of purity, its nar­row definition of cultural values still echo in contemporary debates about France’s “mission civilisatrice.” The principal efforts of France as a colo­nial power started with its “civilizing” mission of the New World during the seventeenth and eighteenth centuries, firmly anchored in the belief that its culture and religion was better than those of the “savages” it conquered. That this mission was anything but altruistic is still an argument that has to be made as there have been recent attempts to inscribe positive descrip­tions of coloniza­tion into French law. From a discussion of the effect of the seventeenth-century colonization on the conquered and colonized, Joan Dayan provides a comparison between Descartes’s establishment of the mind as the essence of the human and colonization, accompanying the re­jection of the body as non essential: “Descartes’ methodical but metaphori­cal dispossession becomes the basis for the literal expropriation and dehumanization necessary to turn a man into a thing” (204). This con­cept, going even further than the disciplining of the body described by Viga­rello, is “crucial to the assumption that underlie the judicial regulation of blacks in the colonies” (Dayan 204) and is codified in the Code Noir promulgated by Louis XIV in 1685, the year of the unification of the French kingdom’s religion with the Revocation of Edict of Nantes. The image that France built of itself as “a land of liberty, equality, and frater­nity,” as a civilization of grandeur, has nostalgic appeal but is difficult to maintain “when the nation has colonized and subjugated other peoples” (224). Witness the recent and current debates that have agitated French public opinion about immigration, French identity, “laïcité,” religion, es­pecially Islam, and the “merits” of colonization.

This last point leads me directly to the other area where the weight of the “classical” ideology is felt (it lies outside France and outside the scope of the course, but can be alluded to as it would be of interest to those study­ing these areas): how writers living in former French colonies (and current DOM-TOM), are, in part at least, resisting and opposing the colo­nizing culture.

What philosophers like Derrida and Deleuze are questioning in French philosophy and culture, the writers from Africa and the Caribbean had al­ready started questioning even during the period of colonization, witness the “Négritude” poets of the 1920s and 30s. While these writers are de­pend­ent on French governmental, economic, and commercial structures, and are in some cases French citizens, they are not French like the metro­politan French, and not independent either. A difficulty encountered inside the métropole and outside it is the need for finding a name for the writers who use French outside of France: are they “francophone”? “post-colo­nial”? Several writers have proposed the term “littérature-monde” in seek­ing to “libérer la langue de son pacte avec la nation” (Littérature-monde 47).[5] It is interesting to note that the English-speaking world does not seem to have the same problem; people simply write in English, wher­ever they are and no one term seems necessary to include writers so diverse as Salman Rushdie or V.S. Naipaul. But then England did not pur­sue the same effort at centralization and control as the French culture did, at least not with the same vigor.

We can gain some understanding by seeing that what these writers are re­jecting was the product of the seventeenth century. The self-conscious oppositional mind-set is expressed forcefully by Edouard Glissant: “Nous réclamons le droit à l’opacité. . . . l’élan des peuples néantisés qui oppo­sent aujourd’hui à l’universel de la transparence, imposé par l’Occident, une multiplicité sourde du Divers” (14). By rejecting this imposed culture, might not these writers, it seems logical to ask, connect with some of the practices rejected by the seventeenth century culture? An intriguing aspect of this is indicated by the same writer who concludes his work with the proposition: “Voici bien le moment de revenir au baroque dont nous avons souvent traité ici” (795). I view the Baroque as a historical moment of strug­gle during the first half of the century between the Renaissance es­thetic and the newly-emerging esthetic that will coalesce after the Fronde. However, it is clear that Glissant sees the baroque also as part of the sev­enteenth century’s disciplining and ordering thrust: “L’effort inconscient du baroque rhétorique, dans le monde colonial antillais, s’acharnait après la langue française par une exacerbation de la hantise de pureté” (796). For an example of the connection between the striving for clarity, order, and hierarchy that defined the century’s mind set, and colonization, Dominique Chancé, who studies three Caribbean authors, Alejo Carpen­tier, Daniel Maximin, and Edouard Glissant, considers that these authors see the Baroque as an a-historical esthetic: “le baroque n’est pas . . . le style propre à une époque donnée” (251) but “l’écriture d’une telle tension en­tre le désordre effrayant d’un monde sans loi et le chaos merveilleuse­ment fécond des forêts tropicales” (12). It seems significant to me that Glis­sant appeals to a moment in the period where the culture was still in the process of moving toward, and resisting against, a stronger disciplinary practice. He would like to strive for “la ‘naturalité’ d’un nouveau baroque, le nôtre. La libération viendra du composite. La ‘fonction’ des langues créoles, qui doivent refuser la tentation de l’unicité, passe par une telle opé­ration . . .  si éloignée du melting-pot” (796).[6] The differences between these interpretations illustrate, among other things, the difficulty of de­fin­ing the Baroque, but also the acceptance of the multiplicity of perspectives, of languages and styles.

In conclusion, the goals of connecting the seventeenth century to the stu­dents’ interests and selecting a focus for a relatively short course are met by these strategies. The first strategy is to select the focus of moder­nity, which was important and relevant to both the seventeenth century and to our times. The other strategy is to contextualize the century in two directions: one towards its past, the Renaissance, and the other towards its future, our modern era which questions, problematizes, and deconstructs the intellectual achievements of the past century. In this framing, the En­lightenment is the continuation of the seventeenth century achievements with the ideals of clarity, reason, order being used in the name of progress, and reform of politics, society, and religion. The first contextualization with relation to the sixteenth century highlighted the seventeenth century’s ef­forts to make itself different and modern, and the second contextualiza­tion makes the connection with our present, which also sees itself as “mod­ern,” in opposition to the century’s concept of  “modern.” I hope that this approach in our “post-modern” age is better understood by providing this “big picture” assessment of Western European intellectual develop­ment.

Northwestern University


 

Works Consulted

Bruneau, Marie-Florine. Racine: le jansénisme et la modernité. Paris: José Corti, 1986.

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Vigarello, Georges. Le corps redressé: Histoire d’un pouvoir pédagog­ique. Paris: Jean-Pierre Delarge, 1978.


[1] Of particular interest for seventeenth-century scholars is the discussion of various concepts of the “modern” in Marie-Florine Bruneau’s Racine: le jansénisme et la modernité.

[2] Though the seventeenth century was, in my opinion, the first one to be self-consciously modern, in the sense of different and better, other periods since have also defined themselves in this manner; cases could be made for the Enlightenment as well as the end of the nineteenth century’s various avant-garde and futurist movements.

[3] Not to be confused with another, radically opposite, use of the term by Hiram Haydn, who applies the term to writers that include Montaigne who repeal the system of universal law proposed by the Humanists.

[4] This latter concept is what Clément Rosset calls “artificialisme.”

[5] Michel Le Bris, “Pour une littérature-monde en français” in the book of the same title (22). Before the book Pour une littérature-monde was published, a manifesto with almost the same title, “Pour une ‘littérature-monde’ en français” appeared in Le Monde on March 16, 2007; four of the five co-authors of the book were among the 45 signatories of the article.

[6] Some recent studies on the baroque in French-speaking areas, for example, Domenique Chancé’s Poétique baroque de la caraïbe (2001).  Also see the section of PMLA ”Theories and methodologies” (2009: 127–88) on the baroque for many references and discussions of the relation between the European baroque and avant-garde literature. It is interesting to note that these authors refer back to the baroque, while Toulmin refers back to the Renaissance (“The ‘modern’ focus on the written, the universal, the general, and the timeless . . . is being broadened to include once again the oral, the particular, the local, and the timely” (186).

 

Site Sections (SE17): 

Racine’s Esther: In Praise of Historiographers and Historians

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 77–92
Author: 
Henry Cohen
Article Text: 

Printable PDF of Cohen, 77–92

The roles of the historiographer and the historian in state governance, and indeed the idea of history itself, are themes that contribute signifi­cantly to the meaning of Jean Racine’s Esther.  My aims in this article are to review the connections that critics have perceived between Racine’s plot and characters and some well-known events and people in contempo­rary French history, to relate François Jaouën’s observations about notions of history in the two Biblical tragedies to Esther’s strategy as a historian, to contrast Racine’s role as a royal historian to Louis XIV and Esther’s role as the history instructor of Assuérus, to point out Racine’s emphasis on the importance of historiography in the plot, and to demonstrate that the playwright portrays Esther, as a historian, and Assuérus, as a student of history, and not divine intervention, as agents in the liberation of the enslaved Jews in Persia. I use the term “historiographer” to mean a chroni­cler of events, either observed personally or reported by witnesses, when such information may be used as seen fit by the authority that orders its collection. By “historian,” I mean a person who weaves a purposefully se­lected set of human events into a coherent narrative in order to illustrate a thesis that serves to enhance the stature of an individual, a group, or a politi­cal entity or to promote a course of action related to one of these. 

Many scholars have written about the historical circumstances sur­round­ing Racine’s resumption of his career as a tragedian when, after serving several years as one of the royal historians of Louis XIV, he com­posed Esther and Athalie. Literary historians agree that Mme de Mainte­non, Louis XIV’s second wife and protector of the Maison de Saint-Cyr, commissioned Racine to pen edifying religious plays for the aristocratic girls of that school to perform following their staging of Cor­neille’s Cinna and Racine’s Andromaque, whose profane and amorous characters they portrayed with a degree of enjoyment that the prudish royal consort deemed morally disturbing (Turnell 279, Gregoire 178–182, Weinberg 298–99, Woshinsky 170–71, Marks 28, Knapp 193–94, Scholar 318–19).

Several commentators have speculated that some of the characters and certain elements of the plot are drawn from contemporary religious and political history and that Racine uses the play to express his personal views on people and events. Allen Wood summarizes the best-known ex­amples of the conjectures of Racine’s contemporaries:

Even as the play was first performed, Mme de Lafayette wrote that everybody thought the play  an allegory. And on one level, that of courtly society, the pièce à clé was easy to de­code: Esther was Mme de Maintenon, Vashti the repudi­ated Mme de Montespan, and the king was the king.  …  Other interpretations identify the Jews as either Racine’s Jan­senist co-religionists or Mme de Maintenon’s Protestant an­cestors. The closing of the Jansenist Maison des Filles de l’Enfance in Toulouse in 1686 may not have been far from Ra­cine’s mind. (216–17).[1]

Assuérus’s planned extermination of the Jews in the Persian Empire must have reminded French audiences of Louis XIV’s revocation, a mere four years earlier in 1685, of the Edict of Nantes that had guaranteed religious freedom to Protestants since Henri IV had proclaimed it, especially since a vi­olent persecution of the Huguenots had followed that royal policy change.  René Jasiniski cites a work of the playwright’s son Louis Racine, Remarques sur les tragédies de Jean Racine, as an important source of the idea that Aman’s false denunciations to Assuérus of the Jews’ untrust­worthi­ness were meant to serve as his father’s warning to Louis XIV not to heed his Jesuit advisors who were urging him to persecute the Janse­nists of Port-Royal (“Sur un theme” 77–78).  Having reviewed the histori­cal evidence, Jasinski agrees with that interpretation:   

Que l’on suive l’évolution des conflits entre Jésuites et Jansé­nistes … on retrouvera … la même conclusion: néces­sité d’éclairer le roi, qui est sincère, équitable. Se voyant perfidement trompé, il reviendra de ses préventions contre ceux qu’il persécute injustement. …[T]elle est en effet … la leçon principale d’Esther" (“Sur un theme” 81).

Elsewhere, Jasinski goes as far as to identify the playwright with the he­roine of his own play  since each of them acts as a heroic defender of a persecuted group, Esther of the Jews and Racine of the Jansenists, and to identify Arnauld with the character of Mardochée since each of these en­treats his protégé, Racine and Esther respectively, to dare to warn a king against heeding bad advisors (Autour 202).  Pointing to another obvious analogy between the two kings, Elaine Marks reminds us that, as Assuérus ended up doing, “n 1651 Louis XIV, unlike his predecessor, had placed the Jews of France under his protection” (28).

Françoise Jaouën, the only critic who has devoted an entire study to his­tory in Racine’s Biblical tragedies, contrasts the two conflicting con­ceptions of history that are present in those works:

Si l’on considère … l’histoire en tant qu’objet de con­nais­sance, on s’aperçoit qu’elle est très présente dans les deux pièces, et qu’elle y joue un rôle important. Les deux tragé­dies s’appuient sur une vision de l’histoire entièrement sou­mise à la providence divine, conforme au Discours sur l’histoire universelle de Bossuet (1681) ...  et conforme égale­ment au modèle privilégié par l’historiographie offi­cielle, qui se fonde en large mesure sur la notion d’exemplarité et cherche à retrouver dans le passé des mo­dèles de conduite. Mais Racine, qui occupe depuis douze ans la charge d’historiographe royal (ce qui l’obligeait pour le moins à réfléchir sur la nature de l’histoire, sur ses moyens et sur ses buts), choisit de confronter l’histoire pro­vi­dentielle et l’histoire exemplaire au niveau du dilemme tra­gique. … Cette confrontation aboutit à réexaminer le rap­port entre l’histoire profane et l’histoire sacrée. (124)

Jaouën claims that Racine’s application of the providential model has an important consequence.  It implies that history remains open since its mean­ing can be found only in the future rather than in the past. As a result, she argues, exemplary history, the privileged model of official historiog­raphy during that period in France, loses a great deal of its value (130). In her speech to Assuérus, however, Esther exhorts him to imitate Cyrus in order to attain greatness and, in order to avert disaster, not to repeat the errors of Cambyse II.  In this way, the queen constructs her argument pri­marily around positive and negative models of royal behavior rather than around a theory of providential history.

As he was composing Esther, as Jaouën asserts, Racine was probably re­flecting on the writing of history since the latter task occupied much of his time. When in 1677 Louis XIV appointed Racine and the poet Nicolas Boileau, “es deux historiographes ont un mandat spécial. Ce sont eux … ‘qui ont entre leurs mains le précieux dépôt de [la] gloire’ du Roi…. Cet effort pour éterniser la mémoire du Roi grâce à de grandes et sublimes pa­roles, Racine le poursuit…" (Picard 364–65). Despite his decidedly non-objective goal of “elater les hauts faits du plus glorieux des rois" (Jasinski, Autour 87), Racine’s methodology did include incorporating the testimony of witnesses to the events of which he wrote. For example, when the king asked him to chronicle the military campaign against the Principality of Cambrai in the summer of 1677, "[O]n voit par ses lettres à Boileau avec quel soin il se documentait, quand il obtenait des explications précises de Vauban et du maréchal de Luxembourg…" (Jasinski Autour 88).  Alt­hough many of his unpublished historical fragments were eventually de­stroyed in a fire in 1726 (Picard 366), Racine did finish and publish two texts whose style demonstrates that for him the writing of history was a work of literary creativity. 

De l’ensemble, émergent … l’Éloge historique du Roi et la Re­lation du siege de Namur.. … [T]ous deux sont  des ré­cits très suivis d’histoire guerrière, et tous deux sont im­prégnés d’intentions encomiastiques que font reconnaître les procédés rhétoriques, la dramatisation, la recherche d’effets esthétiques … de même les métamorphoses d’ordre “tratégique" opérées sur la réalité: focalisation sur les ac­tions du Roi, dosages de mises en valeur de ses officiers et de ses ministres contribuant à  inscrire le texte de Racine dans les jeux ambiants de l’amitié et de la prudence, es­tompage discret du détail bas ou choquant, et sur le tout, sub­stitution du moral à caractère héroïque au politique … une vision de l’histoire … privilégiant les hauts faits du Roi de guerre plutôt que ceux du Roi de paix… (Hourcade 123)

Although Louis XIV prescribed Racine’s courtly duties and manner of writing history for the primary purpose of enhancing the king’s personal myth, in Esther the playwright demonstrates the usefulness of entirely dif­ferent ways by which, and entirely different purposes for which, chroni­clers and a historian practice their vocations, and how their uses of history help Assuérus to govern his realm.

The importance of historiography is stressed in the Hebrew and the Greek versions of the book of Esther, both of which Racine uses as sources.[2] When Mardochée learns of two palace eunuchs’ plot to assassi­nate Assuérus, he saves the king’s life by warning him, directly in the Greek version and through the intermediary of Esther in the Hebrew.The Hebrew author specifies that after an inquest the two guilty men were hanged, while the Greek scribe writes that they confessed and were ar­rested. In the French translation from the Hebrew we read, “Et cela fut enreg­istré dans le livre des Annales en présence du roi” (Traduction 1067), which shows that the king believes the accuracy of the official chroni­cle to be so important that he himself oversees its writing. The transla­tion from the Greek says that “Le roi fit mettre ces faits par écrit pour qu’on en garde mémoire; Mardochée aussi les mit par écrit” (Tra­duc­tion 1198). The king requires the events of his reign to be chronicled so that they may be used as an instrument of governance. The champion of the Jewish people and the king’s faithful subject Mardochée is identified here also as a careful chronicler. It is he, after all, who transmits to his niece the raw material that she will shape into her persuasive speech to be delivered to her husband. 

While Racine does not dramatize the episode of the assassina­tion plot, he does rework the passage in the Hebrew scripture where Assuérus, dur­ing a period of sleeplessness, has a portion of the annals read aloud to him. The playwright invents, in place of the insomnia, a night­mare in which the king senses a threat to his personal safety. In order to be able to identify his enemies, which he believes will make him more able to predict any possible conspiracy, he orders that the chronicle be read to him. The play­wright alters the Biblical story by having Hydasape recount this story to Aman, who realizes upon hearing it that he will be able to take advantage of the king’s fears in order to denounce the Jews as his in­ternal enemies. This strategy allows the playwright to give his audience further insight into the treacherous and unscrupulous character of the an­tagonist.

Le roi d’un noir chagrin paraît enveloppé.
Quelque songe effrayant cette nuit l’a frappé.
…………………………………………….
Il s’est plaint d’un péril qui menaçait ses jours;
……………………………………………
 Pour écarter de lui ces images funèbres,
Il s’est fait apporter ces annales célèbres
Où les faits de son règne, avec soin amassés,
Par de fidèles mains chaque jour sont tracés.
On y conserve écrits le service et l’offense,
Monuments éternels d’amour et de vengeance.
Le roi, que j’ai laissé plus calme dans son lit,
D’une oreille attentive écoute le récit.
……………………………………………
Il revoit tous ces temps si remplis de sa gloire (II.1. 383–84, 388, 393–400, 402)

Some of the pages read aloud retell the story of Mardochée’s warning to the king, who realizes that he has never rewarded his subject’s loyalty (Tra­duction 1069). Assuérus is as bothered by his forgetting an important past event as he is by his ingratitude. He then utters lines that underscore the usefulness of historiography as a repository of crucial information and a remedy against inevitable royal distractions:

O d’un si grand service oubli trop condemnable!
Des embarrass du trône effet inévitable!
De soins tumultueux un prince environné
Vers de nouveaux objets est sans cesse entraîné.
Mais, plus prompt que l’éclair, le passé nous échappe. (II.3. 541–46)

Here, Racine is placing a high value on the practice and utility of chroni­cling. The royal historiographers are “faithful” to the king under a system of governance in which fidelity is the highest political value. He can count on the reliability of their notes because the scribes make their entries “each day” when the events are fresh in their minds. Historiog­raphy is so respected that these annals are “famous.” They are “eternal” and “monumental,” that is, written history will survive long after the mas­sive architectural achievements of this civilization will have crumbled.  Since Assuérus’s administration of the vast Persian Empire is largely based on rewarding his allies and punishing his enemies, by carefully an­alyzing historical events the king is able to identify these individuals and groups and therefore to govern effectively.

The irony surrounding Racine’s writing Esther while serving as a royal historian is that in the latter role he engaged in none of the above-men­tioned implicitly desirable practices. He was called upon to be faithful to Louis XIV, but that fidelity manifested itself in subservience and adula­tion. He was not engaged in recording details of court life so that the king might read or hear them in order to detect the identity of his friends and foes and thereby prevent any potential betrayal. His historical accounts were meant to be lasting not because of their inherent value, but be­cause—together with paintings, sculptures, and literary works that consti­tuted a concerted propaganda program—they aimed at creating an image of Louis XIV as an effective warrior and a great ruler by divine right. In Esther, Racine creates a heroine who saves her people by being the type of historian that the playwright never had the opportunity to be.

Critics have tended to deprive Esther of her agency by attrib­uting her per­suasion of her husband to the force of a divine providence intent on saving God’s chosen people (Jaouën 123, Goldmann 440, Jasinski Autour 202), to Assuérus’s being so “faible, crédule, facilement manipulable et influençable” that he is easily swayed by  “une ‘actrice’ de circonstance qui touche le cœur du roi” (Gregoire 177, 185), to the king’s nightmare’s “changing Ahasuerus’s orientation and attitude,” stimulating within him “the libido-current,” “[giving] birth to new psychic contents,” and “[generat­ing] insights and revelations” that “[pave] the way for Ahas­ue­rus’ eventual illumination” (Knapp 200–01), to Assuérus’s being so in love with his wife that that sentiment alone makes him bend to her desires (Scholar 321, 326, Ahmed 38), to Esther’s persuasiveness’s deriving solely from her channeling the strong will of Mardochée and the Jewish people (Weinberg 318), to the emotional king’s being moved by his wife’s tears (Malachy 143), or to the will of a patriarchal God operating through her in search of a sacrificial victim in the person of Aman (Howells 101). Only Elaine Marks acknowledges that Esther is a historian, writing “Es­ther then asks the king for the right to explain the situation of the Jews by giving a brief history of the Jews and their relationship to their omnipotent God” (32), but she does not analyze the strategies that the queen employs to persuade Assuérus to save her people.

 While I shall argue that in Esther it is the queen herself whom Racine de­picts as the chief  agent of the change in Assuérus’s policies to­ward the Jews, it is also true that in the playwright’s dramatization of the Biblical story there are elements that suggest the presence of divine inter­vention. One such example is Elise’s supposition about the queen’s marriage, which she expresses in terms of a paradoxical power relation­ship:

Le fin Assuérus couronne sa captive,
Et le Persan superbe est aux pieds d’une Juive!
Par quels secrets ressorts, par quel enchaînement,
Le ciel a-t-il conduit ce grand événement? (I.i. 27–30)

The queen herself reinforces this idea by referring to her adoptive father Mardochée as an agent of God’s plan: “Le roi, jusqu’à ce jour, ignore qui je suis. / Celui par qui le ciel règle ma destinée / Sur ce secret encor tient ma langue enchaînée” (I.i. 90–92). She attributes to divine protection Mardo­chée’s ability to surreptitiously enter her closely guarded palace: “Que vois-je? Mardochée! Oh mon père, est-ce vous? / Un ange du Sei­gneur sous son aile sacrée / A donc conduit vos pas, et caché votre en­trée?” (I. iii. 156–58). As her uncle argues that his protégée must speak on behalf of her people, he even suggests that Aman’s threat to ethnically cleanse the Persian kingdom of Jews may be part of God’s grand design:

            Et qui sait, lorsqu’au trône il conduisit vos pas

            Si pour sauver son peuple il ne vous gardait pas?

            ………………………………………………..

            S’il a permis d’Aman l’audace criminelle,

            Sans doute qu’il voulait éprouver votre zèle.

            C’est lui qui, m’excitant à vous oser chercher,

            Devant moi, chère Esther, a bien voulu marcher. (I. iii. 211–12, 229–32)

Portraying herself as alone and helpless, Esther prays to God to sup­port her by softening Assuérus’s heart and by making her speech so aestheti­cally pleasing that it will lower the usually stern king’s resistance to her entreaty. What is important here is that she does not ask God either what she should say or how she should frame her arguments. Instead, she reserves those prerogatives to herself:

C’est pour toi que je marche. Accompagne mes pas
Devant ce fier lion qui ne te connaît pas.
Commande en me voyant que son courroux s’apaise,
Et prête à mes discours un charme qui lui plaise. (I. iv. 287–90)

These words are derived from the Greek version but are not found in the Hebrew text, from which this prayer, and indeed all mention of God, are absent:

Mon Seigneur, notre Roi,
Toi, tu es le Seul! Porte-moi secours,
à moi qui suis seule et n’ai d’autre secours que toi;
…………………………………………………..
Mets dans ma bouche un langage mélodieux en présence du lion et change son cœur           
pour qu’il déteste celui qui nous fait la guerre,
pour qu’il achève celui-ci ainsi que ses partisans.
Arrache-nous à eux par ta main et porte-moi secours,

moi que suis seule et qui n’ai que toi, Seigneur. (Traduction 1203)

Richard Scholar sharply distinguishes between the two Biblical texts, ar­guing that the Greek version reduces Esther’s agency while totalizing God’s:

In the Greek version…the narrator depicts events as the re­sult of God’s direct intervention. The sacralizing inter­preta­tions added by the Greek narrator are absent from the Hebrew version….The Greek ‘additions’ to the Book of Es­ther do not complete the sense of the Hebrew narra­tive…but transform it….The narrator describes Assuerus smit­ten not by his wife but by God’s direct action. (320–21)

And yet it is by her composition and her declamation of her climactic ti­rade addressed to Assuérus in Act III, scene iv that Racine makes Esther the principal agent of the salvation of the Jewish people. In this speech, an invention of the playwright that has no model in the Biblical texts, Racine causes the queen to rise to heights of heroism, majesty, and political domina­tion by means of her eloquence, persuasion, and shaping of Jewish his­tory.  In fact, the triumph of Esther is the victory of history—not of historiography, the simple chronological recital of occurrences— but ra­ther the interpretation of events, the telling of the story of the vicissitudes in the relationship between God and his people, and the insertion of As­suérus into a special place in that narrative with the result that he makes a conscious choice to be an active participant in Jewish history. She per­suades the king that he will achieve greatness in the degree to which he participates in her people’s history, not because he reigns over the vast Achae­menid Persian Empire that extends from India to Egypt and from Babylonia to Armenia.

Esther begins by teaching Assuérus that the Jews were a great people of a rich and sovereign land and that their freedom and prosperity were blessings bestowed on them for their faithfulness by God.  In calling God “le maître absolu de la terre et des cieux” (III.4. 1045–51), she deval­ues the king’s authority in comparison with God’s.  She establishes her own authority as a historian at the beginning of her speech in order to get As­suérus to understand his role not in the context of Persian history but in that of Jewish history.  Her strategy is to shift the king into a frame of ref­erence where he loses his present identity and redefines himself in a broader historical context. She calls God “le Dieu de leurs pères” (III.4. 1048), that is, the God of history, since he manifests himself in his en­gage­ment with his chosen people over time.

Next, Esther develops the idea of God as the overall author of human his­tory: “L’Éternel est son nom, le monde est son ouvrage” (III.4. 1052). She informs the king that his personal greatness and that of his em­pire depend neither on his own exercise of power nor on his talent for govern­ing, but on God’s will: “Des plus fermes États la chute épouvantable / Quand il veut, n’est qu’un jeu de sa main redoubtable” (III.4. 1056–57).

In a brief third part, narrating chronologically, the queen attributes the Babylonian captivity of the Jews at the hands of the Assyrians (608–538) to her people’s faithlessness toward God in the form of their adoration of other deities. By asserting that that punishment was “le juste prix de leur ingratitude” (III.4. 1061), she defines God’s role as a distributor of justice. She thus suggests that Assuérus, in order to access greatness, ought to act justly rather than simply in his imperial self-interest.

Esther then recalls the liberation of the Jews by the Persian king Cy­rus, who entered Babylon in 538. She defines that ruler as an in­strument of di­vine justice who not only freed the Jews but also restored their sover­eignty over their territory, their form of government, and their religious practices:

 Dieu fit choix de Cyrus ……………………
 ………………………………………………
Babylone paya nos pleurs avec usure.
Cyrus, par lui vainqueur, publia ses bienfaits,
Regarda notre peuple avec des yeux de paix,
Nous rendit et nos lois et nos fêtes divines. (III.4. 1063, 1069–72)

By praising Cyrus’s favorable policies toward the Jews, the queen is sug­gesting that her husband  should be magnanimous by imitating the earlier Persian monarch. She is using history to provide the king with a model of royal greatness that he might emulate. He too could be inscribed in the his­tory of the Jewish people as a justice giver for whose protection they would be forever grateful.

Esther then suggestively establishes an alternating pattern of benefi­cent and maleficent kings, briefly evoking the reign of Cyrus’s son, King Cambyses II, who harmed the Jews by stopping their rebuilding of the tem­ple (III.iv. 1075).  In doing so, she positions Assuérus in the line of the good monarchs, ideally situated to be a potential liberator:

Mais, de ce roi si sage héritier insensé,
Son fils interrompit l’ouvrage commencé,
Fut sourd à nos douleurs: Dieu rejeta sa race,
Le retrancha lui-même, et vous mit à sa place. (III.v. 1074–77)

Here, Esther does not attribute one recent period of her people’s suffering to their infidelity toward God, but rather to a political decision made by  Cambyses II, which suggests that Assuérus also enjoys absolute political autonomy and that Esther might, by means of a historical argument, be able to persuade him to protect the Jews.

By strategically situating Assuérus in this pattern of royal alternation, as­serting that God has purposely substituted her husband for his cruel pre­decessor, and redefining the king’s role in the wider context of sacred his­tory, Esther suggests that his principal task is not so much to reign over the Persian Empire as to assure the continued existence of her people. She ends her speech by reminding the king that his past conquests of peoples and territories derive ultimately from the will of God, the God of her peo­ple:

N’en doutez point, Seigneur, il fut votre soutien.
Lui seul mit à vos pieds le Parthe et  l’Indien,
Dissipa devant vous les innombrables Scythes,
Et renferma les mers dans vos vastes limites. (III.iv. 1114–17)

When Assuérus vows to protect the Jews, he couches that decision in terms of inscribing himself forever in Jewish history.  (Indeed, every year on the 14th of Adar in the Jewish calendar, at Purim services in every sy­nagogue, the Megillah, the Hebrew Book of Esther, is read aloud in commemo­ration of Assuérus’s emancipation of his captives and his queen’s role in that event.) At the same time, he reaffirms his role as the king of Persia by granting the Jews political status equal to that of Per­sians:

Je romps le joug funeste où les Juifs sont soumis.
……………………………………….
À l’égal des Persanes je veux qu’on les honore
……………………………………….
Que vos heureux enfants, dans leurs solennités,
Consacrent de ce jour le triomphe et la gloire,
Et qu’à jamais mon nom vive dans leur mémoire. (III.viii. 1182, 1184, 1187–89)

Esther’s persuasive ability in narrating history can be measured by the de­gree to which Assuérus has, until this point, expressed his hatred of Jews in racist terms and has consented to Aman’s genocidal plans.  When the king resolves to publicly recognize Mardochée’s denunciation of the would-be assassins, he singles him out as a blameless exception among a criminal people:   

Jamais d’un tel honneur un sujet n’a joui.
Mais plus la récompense est grande et glorieuse,
Plus même de ce Juif la race est odieuse,
…………………………………..
On verra l’innocent discerné du coupable,
Je n’en perdrai pas moins ce peuple abominable
Leurs crimes…   (II.vi. 624–26, 629–31)

Upon hearing Esther reveal her Jewish identity just before her climactic speech, her husband is incredulous that such a good and wise woman could be a part of such a loathsome ethnic group:

Ah! de quel coup me percez-vous le cœur!
Vous la fille d’un Juif? Hé quoi! tout ce que j’aime,
Cette Esther, l’innocence et la sagesse même,
Que je croyais du ciel les plus chères amours,
Dans cette source impure aurait puisé ses jours?
Malheureux! (III.iv. 1035–40)

The critics who have attributed Esther’s success either exclusively to the power of divine providence or to the king’s emotional susceptibility or psychological weakness have failed to fully appreciate the queen’s intel­lectual and oratorical gifts, the king’s rationality and self-control, and the royal couple’s lucidity and free will. When Assuérus believes that his night­mare may be premonitory, he sensibly and systematically reviews the an­nals in order to identify any possible enemies. This process, Hydaspe tells us, has a calming affect: “Le roi, que j’ai laissé plus calme dans son lit, / D’une oreille attentive écoute ce récit” (II,1. 399–400). This is hardly a man whose emotional state has caused him to lose control of his judg­ment. Upon realizing that he has failed to properly reward Mardochée for warning him against the would-be assassins, he acknowledges his ingrati­tude, correctly attributes it to the distractions caused by his many governmen­tal responsibilities, and corrects his error by publicly honoring his benefactor. He governs rationally. Esther appears frightened when in Act II, scene vii she enters the king’s chambers to ask him to hear her speech the next day. It is he who, while being slightly troubled by her fear, does not succumb to the contagion of her fright. Instead, he tries to calm her: “Je me trouble moi-même, et sans frémissement / Je ne puis voir sa peine et son saisissement, / Calmez, Reine, calmez la frayeur qui vous presse” (655–57). When, having learned of Aman’s infidelity toward him, Assuérus is infuriated, he leaves the throne room, retiring to a chamber where he can be alone in order to compose himself and collect his thoughts lest his anger cloud his reason: “Tout mon sang de colère et de honte s’enflamme. / J’étais donc le jouet…Ciel! daigne m’éclairer! / Un moment sans témoins cherchons à respirer” (III.iv. 1137–39). All these episodes serve to characterize Assuérus as a thoughtful and reasonable per­son who is quite open to rational argumentation.

The queen is characterized as intelligent, assertive, and calculating. In her Act I, scene iv monologue addressed to God, in order to establish her moral right to petition him Esther first contrasts her abstemi­ousness with the self-indulgent life style of the Persian courtiers. She then pointedly re­minds God of his promise to preserve her people: “Même tu leur promis de ta bouche sacrée / Une postérité d’éternelle durée” (253–54). Finally, she places a special responsibility on God by arguing that he should not permit the annihilation of the only people who acknowledge him as the one true divinity: 

Non, non, ne souffre pas que ces peuples farouches,
Ivres de notre sang, ferment les seules bouches
Qui dans tout l’univers célèbrent tes bienfaits,
Et confonds tous ces dieux qui ne furent jamais. (269–72)

In her Act II, scene vii dialogue with Assuérus, after having flattered him by acknowledging his kind tolerance of her presumptuous entry into the throne room, the queen maneuvers her husband into inviting Aman to a dinner where she will denounce his terrible plan. In Act III, scene iv, after conducting her carefully constructed history lesson, she juxtaposes her de­vastating condemnation of Aman’s betrayal of the king and her passionate demonstration of the Jews’ loyalty to Assuérus. Justice would demand not only that the king punish Aman for being a mendacious advisor but also that he reward the captive Jews for being faithful subjects.[3]Racine characte­rizes Esther as capable of mounting carefully crafted, rational arguments aimed at persuading personages whose authority vastly exceed her own.

It is therefore perfectly consistent with their characterization that in the climactic scene the king listens carefully to Esther’s exposition, follows her arguments attentively, is persuaded by her reasoned command of his­torical events and her interpretation of their meaning, and accepts his new role as an actor in her construction of that history.

Given that ancient history, classical mythology, and the Bible were the three standard sources of plots for neoclassical French theater, that Mme de Maintenon wished Racine to write plays for the St-Cyr convent school­girls that would be morally edifying, and that a heroine would be a suita­ble model for the students to emulate,the story of the Jewish queen Esther was a perfect choice. Perhaps Racine initially chose to write a clas­sical tragedy based on the Hebrew and Greek books of Esther because, having thought about his own role of royal historian over the preceding several years, he realized that historiography and history played such a significant part in the Biblical stories’ plot and he wanted his audience to reflect on those themes.  Or perhaps, also thinking about his royal duties, he devel­oped the themes of historiography and history as he recognized their signifi­cance while he was transforming the Biblical texts into his play. Whatever his motivation, the result is a work in which the characters and the audience are made to appreciate the importance of historiog­raphers and historians in the governance of the state.

Kalamazoo College

 

Works Cited

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[1] The most detailed argument in favor of the notion that Esther's female chorus represents the girls in the Jansenist convent in Toulouse that the Jesuits caused to close is to be found in Jean Orcibal, La Genèse d'Esther et d'Athalie (29-34). The most persuasive refutation of that theory is made by Jean Pommier in Aspects de Racine. (225-31)

[2] A second noteworthy affirmation of the value of historiography that for some reason Racine decides not to incorporate into his play is found at the very end of both Biblical versions of Esther. The writer of the Hebrew text bases the credibility of his narrative on its presence in the authoritative royal Persian chronicles, thus fulfilling his narrator's fonction d'attestation: “Le roi Xerxès fixa un impôt sur le continent et sur les îles de la mer. Tous ses actes de puissance et de vaillance, ainsi que les détails de la grandeur de Mardochée à qui le roi avait donné une haute situation, ces choses ne sont-elles pas inscrites dans le livre des Annales de rois de Médie et de Perse?” (Traduction 1073)  The Greek author uses the same language, although he omits the reference to Mardochée: “ Le roi légiferait pour le royaume, sur terre et sur mer. Sa puissance et sa vaillance, la richesse et la gloire de son royaume, voilà qu'on les mettait par écrit dans le livre des rois de Perse et de Médie, pour qu'on en garde mémoire” (Traduction 1208).

[3] Paul Bénichou believes that when political conflict has ceased to be an important element in Racine's later tragedies, he restores politics to a place of prominence in his Biblical plays precisely because religion remains the only institution from whose perspective one can criticize absolute monarchy:  “La politique tient peut-être une place plus réelle dans Esther et dans Athalie, où l'on trouve repris avec insistance et chaleur le thème du souverain victime de ses mauvais conseillers. Mais la nuance est nouvelle: il s'agit de sujets religieux, et la religion pouvait moraliser la royauté avec moins de scandale que n'auraient pu faire les grands; elle était censée parler au nom d'intérêts moins violents et plus généreux. Elle était la seule source de culpabilité désormais possible pour l'absolutisme. S'il y a des maximes un peu fortes dans les deux dernières pièces de Racine, elles opposent généralement aux abus du despotisme, au nom de la loi chrétienne, le bonheur du peuple entier et la justice.” (247)

 

Site Sections (SE17): 

The Absent and Present Serpent in Nicolas Poussin’s Spring

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 63–76
Author: 
Herbert Morris
Article Text: 

Printable PDF of Morris, 63–76

The Serpent is as central, and as apparently indispensable to the drama de­picted in Genesis 3 as Iago, with his deviousness, is to Othello’s tragic story.  Accordingly, painters from the earliest period of Western art through Dürer, Raphael, Michelangelo, Cranach the Elder, Cranach the Younger, Tintoretto, Titian, Rubens and Domenichino, all not too distant in time from Poussin and several having a clear influence upon him, insert a snake in their pictorial representation of the tale of Adam and Eve.  Pous­sin, who takes the tale as the subject for Spring or The Earthly Para­dise (Fig. 1), the first painting in his series of paintings, Four Seasons,[1]alone among painters, and indeed sculptors, who have treated the subject prior to him, to my knowledge, does not include a snake, the form taken by the character in the tale referred to as “the Serpent.”

The painting does depict, as expected, the obligatory nude figures of Adam and Eve.[2] Both catch the early morning sunlight and are diminutive in size compared to the immensity of the luxuriant natural setting in which they are situated.  We see Eve kneeling beside a reclining Adam with his left knee raised, her right hand gripping his left upper arm, and her left arm raised, her hand pointing toward what we are clearly to understand as a representation of the Tree of Knowledge with its hanging fruit inter­spersed with flowers.  A short distance from this tree, to its left, in deep shadows, is another tree laden with fruit, absent any flowers, which it is reasonable to assume is meant to symbolize the Tree of Life that God in­forms Adam he has placed in the midst of the garden.[3]  The Creator floats in billowy dark clouds above, facing forward, his left hand extended and directed ahead.  Our eyes, guided by our knowledge of the biblical tale and its many pictorial depictions, and influenced by an ingrained mental habit that has resulted, survey the scene.  We search for the tale’s Serpent in the vicinity of the Tree of Knowledge, but he is nowhere to be seen.  He is neither wrapped around the trunk of the Tree nor slithering along it nor hanging from a branch nor poking its head out from some thick foliage nearby nor simply on the ground in plain sight.[4]  We do not expect a represen­tation of the Serpent in a scene of the Expulsion, such as that of Masaccio  (Fig. 2), but when the action described takes place in the Gar­den, the scene of the temptation, we do.

The absence of the Serpent alone arouses puzzlement that deepens for those of us aware of the particular appeal that the snake had for Poussin as a vehicle of symbolic significance.  A snake appears in a number of his most famous landscapes.  One is to be found in his Landscape with Or­pheus and Eurydice (Fig. 3), in Landscape with a Man Killed by a Snake (Fig. 4), Landscape with a Man Pursued by a Snake (Fig. 5),and in Two Nymphs and a Snake in a Landscape (Fig. 6). A snake, the python, wrapped around the base of a tree, also appears in the painting Apollo and Daphne (Fig. 7), dated the year before his death.[5]

Whatever the level of perplexity occasioned by these facts, it is height­ened by what we observe in Winter or The Flood (Fig. 8), the last in the series of four paintings.  In that painting we see a snake, the longest and thickest of any before painted by Poussin, splayed out upon a large dark rock in the left foreground of the painting and still another, much smaller, attached to the trunk of a tree just off the center of the scene on the right.  Where we expect a snake, we see none.  Where we do not expect a snake, we see two. It is as if the sly Serpent, split into two in some manner, and then slithered away from Eden in the spring where he belonged, to a stormy wintry scene of horror, accompanied by a smaller companion, where he does not.   

Poussin, then, has presented us in Spring and Winter with a conun­drum of absence and presence.  The fact that the paintings come from the same series compounds our puzzlement.  I consider in this paper Spring alone. I claim, firstly, that the Serpent’s absence from where we expect to see him serves Poussin’s purposes better than would the Serpent’s pres­ence there.  Poussin gains something from non-representation of the Ser­pent as represented in Genesis.  He also means to convey something to us by non-representation.[6] Secondly, I claim that the Serpent is in plain sight but not at all where we expect to see him or in his familiar embodiment.  He appears in the Tree of Life, offering a deceptively appealing illusion of overcoming death while Eve is about to grasp knowledge and the reality of human mortality. My view is that Poussin in Spring provides a radical and illuminating revision of the biblical tale of Adam and Eve from a Stoic perspective on life.[7]  

In Part I, I consider several possible explanations for the biblical Ser­pent’s absence.  While the Serpent’s absence has been noted by a number of art historians, to my knowledge there is no published work in which there is an attempt to resolve the mystery.  I reject a number of possible explanations that may come to mind and then offer one of my own.  In Part II I offer supporting argument for my second claim.

I

One suggested explanation for the Serpent’s absence in Spring is that Pous­sin depicts a moment in time before the temptation and Fall.   The Serpent has yet a role to perform.  All is, as yet, complete innocence.  Eve is simply drawing Adam’s attention to the attractiveness of the fruit on the Tree without either of them having thought of eating from it in mind.  But, problematically, the Tree, on this view, is without any symbolic signifi­cance, and it is a mere accident that, at the moment, Eve finds this tree, rather than any other attractive tree in the Garden, visually appealing.  Yet another problem with this view is the fact that in the biblical telling of the tale, Eve’s focus on the Tree of Knowledge occurs only after the Serpent’s question to her about eating the fruit of the trees in the garden.[8]  The paint­ing, in light of our knowledge of the tale would seem strongly to sug­gest that Eve,with her left hand pointing to the Tree and her right on the upper left arm of Adam, is beckoning him to eat.

Another possible interpretation for the Serpent’s absence is signifi­cantly different from the first.  We can label it “the Miltonian interpreta­tion,” because its basic features accord with the depiction of the Fall in Paradise Lost.[9]  On this view, once the Serpent’s guile proves successful and Eve gives way to temptation, the Serpent’s work is complete and he vanishes.  He has no further role to play.  Eve then tempts Adam and he, too, eats of the Tree of Knowledge, but the Serpent is not there to witness this final act of the Fall.  The claim, then, is that the painting captures that moment in time after Eve has eaten and now approaches Adam, inviting or beckoning him so that he might join her.  It is a tale of two temptations each one of which attains its goal.[10]

Several obstacles stand in the way of accepting this interpretation.  Firstly, the painting itself does not warrant the story imposed upon it of Eve’s already having been tempted by the Serpent and eaten the fruit.  We see no signs of her having bitten into fruit or possessing fruit, and the bibli­cal tale has her only offering Adam fruit after she has tasted it.  Spring does not portray such a scenario.  For all that we can tell from the painting, she may have come upon the idea of eating without anyone’s tempt­ing her to do so.  Secondly, the position and gaze of God in the clouds above seems perplexing in light of the tragedy unfolding below.  We would expect a focus, not on what is in the distance ahead of him, but rather on what is below him and, given the biblical tale, what he will soon with great displeasure address. 

A final suggestion can be constructed from the views of Willibald Sauer­länder.[11]  He argues that the four paintings in the series Four Sea­sons must be viewed as a whole and that a symbolic Christian conception of historical development is the key to understanding the movement from spring to winter.  True there are intimations of the Fall and mortality in Spring. Yet what Poussin intends to depict is the world before the Fall, a world in which Eve is pointing at the Tree but has yet to reach for its fruit.  Sauerländer, writing some fifty years after first proposing his interpreta­tion, summarizes it this way: 

The Creation of the world is finished, and God is seen high in the sky blessing his work.  As in Poussin’s other land­scapes, however, felicity is overshadowed by imma­nent (sic) misfortune and death.  Eve, who is seen in the center of the garden, points to the fruits of the Tree of Knowledge and invites Adam to taste from them…It is the moment just be­fore the Fall, the moment of expecta­tion...The Golden Age is coming to an end. The scorn of God and the Expul­sion from Paradise are imminent.[12]

The explanation for the Serpent’s absence is not directly addressed by Sauerländer, but it is plausible to attribute to him a view similar to the one taken by Milton.  Sauerländer views Spring as depicting the world before the Fall, but because he views Eve as “inviting” Adam to eat, we must ima­gine that Eve has already succumbed to the Serpent’s temptation.  And, as with Milton, the Serpent is a character in the tale whose role has already been performed, and he need not be depicted.[13]

This view, while not open to the criticism that there is no evidence of Eve having eaten, is vulnerable to the criticism of an incongruity between the events taking place in the Garden and the depiction of God.  More im­portantly, even if we were to grant the truth of either the Miltonian or Sauer­länder view, we would not have been provided with an answer to the question,  “Why would Poussin have selected such a narrative out of all the possible ones?”  What of any significance turns on whether the time depicted is just after Eve’s temptation or just before it?   The fact alone of the Serpent’s absence seems of so much more significance than either of these proposed scenarios that we have considered that seek to account for the fact.  I want now to offer another explanation not open to the objec­tions so far put forward.

It cannot, I believe, reasonably be doubted that among Poussin’s pur­poses in the painting of Spring was to raise for viewers of the painting the very question addressed in this essay.  He would be aware of the unique­ness of his painting in not depicting a snake on or in close proximity to the Tree of Knowledge in a tale that has the Serpent as one of the central charac­ters.  Having planted the seed, “Why no Serpent?” I believe that his hope was that this seed would germinate into a heightened attentiveness to every detail of the painting and to reflection associated with the topics the tale raises, topics such as human responsibility, good and evil, and death. Were Poussin to follow the path of all his distinguished predecessors and paint a snake, one wrapped around the trunk of the Tree of Knowledge, habits of mind would be triggered and the Serpent would be given but a glance, confirming viewers’ expectations.  Poussin is then, I believe, exploit­ing a familiar phenomenon. Disappointment of an expectation is likely to draw more attention than its satisfaction. 

We can now turn from the causal effects on viewers of noticing the ab­sence of a snake to what Poussin meant to convey by the biblical Serpent’s non-appearance.  My claim is that Poussin intended to gain special atten­tion as a result of his non-representation; but he also intended this non-repre­sentation to convey meaning in addition to the meaning conveyed by the Serpent that is depicted in the Tree of Life.

We have seen that on both the Miltonian or Sauerländer views the Ser­pent has a role, one already or imminently to be performed.  I suggest that the Serpent, as usually understood, has no role to play in tempting Eve to eat of the Tree of Knowledge whatsoever.  Poussin likely believed that a fantasy of a serpent with feet, mouthing words, in what language we can have no idea, a being apart from humans, one capable of subtle thought, distracts from what is the morally serious point. Two individuals, capable of free choice, have chosen to acquire knowledge and are prepared to diso­bey their creator, even facing death as a consequence, in order to do so.  It all lies within us; it is our nature, both the susceptibility and the occasional sur­render.  We know that, as we develop, we shall acquire knowledge of good and evil.  We know, too, that at a certain point in time that we shall die.  The tale, if taken literally, presents a history of how these facts about human life have come about.  Poussin keeps what he be­lieves to be essen­tial truth and discards what he cannot take seriously.  He exploits for his purposes the tale, but through his form of telling a story, through pictorial images, he leaves out an expected pictorial representation of the serpent, modifies in this manner the accepted story, and conveys an important moral truth. 

The biblical Serpent is, then, a fantasy that should be cast aside, but what remains of it is the idea of a powerful, irrepressible force, a fundamen­tal part of human nature, something within that seeks knowledge, a force so powerful that it may lead us into painful conflict with other strong attachments. The biblical Serpent is not only a phantom but also, importantly, one too seductively available as an object upon which to place responsibility.  Poussin, by not representing the biblical Serpent, is portraying Adam and Eve in such a way as to place all responsibil­ity, whether it be for good or for evil, upon them.  Eve, as he depicts her, does not have available the excuse, “the serpent beguiled me.”  Nor does Eve have the reassurance provided by the Serpent that she will not die if she eats.  Nor does one come away from the depicted scene imagin­ing Adam shifting his guilt onto Eve.  Each is fully responsible, and, given that Eve has not yet eaten, the powerful motives of love and compassion Adam might possess, as on the Miltonian view, to join her in eating, are not in play.  There is no room for Eve to blame the Serpent or for Adam to blame Eve.  Poussin disposes of what we all now take for granted as the lamest of excuses, however we might in subtle ways con­tinue to employ it, “the devil made me do it.”

This concludes my explanation for the biblical Serpent’s non- appear­ance.  If true, Poussin has already modified the biblical tale in an obviously important respect.  He is telling a different story but keeping two of its main characters.  I shall now argue that his version of the tale of Adam and Eve is even more radical.   They are to be regarded, not as fallen creatures, not as the earliest human malefactors, the cause of so much human suffering.  Rather, they are creatures about to experience a rebirth, appropriately occurring during spring, transformed into creatures capable of a more elevated form of life.

II

There is, I believe, a temptation many viewers will feel when looking at Spring.  What will immediately come to mind is a biblical tale with which they are bound to have some familiarity.  They expect to see the Serpent, and this expectation would be reinforced if they have familiarity with other pictorial representations of the tale.  All have a snake and all have that snake on or close by the Tree of Knowledge.  Aware of what awaits us in Winter, we may also think that Poussin’s intent was to have the Serpent associated with tempting Eve to eat of the Tree of Knowledge, pre­sent for some reason in a scene depicting God’s punishment for human dis­obedience.  The Sauerländer and Miltonian views presuppose such a fixation of attention, influenced by engrained expectations.  Should our view be constrained by these expectations, we run the risk of failing care­fully to attend to an all-important detail of the painting, Spring – The Tree of Life.

Let us, then, shift our focus of attention to this tree.  In Genesis 2 we learn that God has placed within the garden numerous trees, two of which are named, one the Tree of Knowledge, the other the Tree of Life.  God informs Adam that he might eat of the fruit of any tree in the garden ex­cept for the Tree of Knowledge.  It is reasonable to assume that the Tree of Knowledge is the tree toward which Eve is pointing and from which she and Adam shall soon eat.  They do, after all, gain knowledge of good and evil, and nothing is presented that suggests that they have eaten of the Tree of Life, which, arguably, if they had, would have made them invulnerable to death.   So the Tree of Life is the tree, for the most part painted in dark colors, shaded from the sun, atop of which is a dark rock formation, the tree with hanging fruit that appears in the left foreground of the painting.  At the very end of Genesis 3 the Tree of Life is again referred to, follow­ing the expulsion of Adam and Eve from the garden: 

…and he placed at the east of the garden of Eden Cheru­bims, and a flaming sword which turned everyway, to keep the way of the tree of life.[14]

Were Adam and Eve to eat of the Tree of Life, God’s assurance, expressed to Adam, that he would surely die if he ate of the Tree of Knowledge, would presumably turn out to be false, for Adam and Eve would, by ea­ting, gain everlasting life. 

Poussin, with perhaps the sole exception of Lucas Cranach the Elder  (Fig. 9), among his distinguished predecessors, inserts the Tree of Life into his depiction of the Garden of Eden.  He is not a painter inclined casu­ally, indifferent to its symbolic significance, to include such an element in his painting.  What meaning might it carry?  If we focus our attention upon this tree, we are confronted with a stunning sight, the sole aspect of the painting that conveys a sense of dread that, if we stay with it, can make our skin crawl, not dissimilar to our response to the large snake in the left foreground of Winter.  The Serpent, whom we have vainly sought, where our expectations led us to believe he would be present, is now before us, disguised to be sure, in the multi-trunked Tree of Life where we never ex­pected to see him.  We spot him in the dark, narrow, contorted and twisted trunks and limbs forming all that we can see of the lower portion of the tree. The word ‘serpentine’ leaps to the mind (Fig. 10).  It seems as fitting a description as any to apply to those shapes.   No other trees in the large corpus of Poussin’s paintings, apart from the shapes of several battered branches in Winter, have trunks of a shape remotely similar to the Tree of Life.  It provides a marked contrast to the erect trunks of the bedazzling Tree of Knowledge with its flowers scattered amidst its hanging fruit. If we were indeed meant to view the Serpent as situated there, Poussin would be alone among a long list of distinguished painters to have chosen him to be so situated.  That we should find the Serpent in this tree seems, however, peculiarly fitting, even while we must acknowledge its dramatic divergence from the biblical tale.  The Serpent is proverbially thought to be adept at hiding, and he appears to have beguiled us to look elsewhere for him when all the time he was residing in this unexpected locale, blend­ing into the rich foliage, until that is, our attentive eyes fix upon him and bring him to light.  He is also known to be immortal because of the re­peated sloughing off of his skin, his powers of renewal, and here he is fit­tingly ensconced in the tree that promises everlasting life.[15]

What is to be made of all this?  What is to be made of the Tree of Life, holding out its promise of everlasting life, depicted in a dark setting, with shapes giving rise to a feeling of unease, while the Tree of Knowledge, the eating from which brings death, is sprinkled with bright flowers?  What accounts for Eve, a temptress, not unlike the Serpent, being struck by the sun’s rays, a luminous figure in marked contrast to those trunks supporting the fruit hanging from the Tree of Life?

I believe some answers to these questions may lie in supplementing the Sauerländer and Blunt’s Christian and Pagan interpretations of the Four Seasons,[16] by viewing Spring with Poussin’s well-known attach­ment to a Stoic mode of thinking in mind—its veneration of knowledge, reason, and nature.[17]  He has, I believe, uprooted Adam and Eve from the tale histori­cally associated with them and fashioned a tale of a signifi­cantly different kind, one in which Eve is fairly described as a Stoic Hero. 

I reach this conclusion by imagining Poussin’s thought process, quite con­sistent with fundamental themes at the heart of Stoicism, moving for­ward with a focus on nature and reason.  There are several simple observa­tions. Everything living dies.  Among all living things, animals flee the prospect of imminent death.  Among the animals, humans alone possess the concept of death and are capable of contemplating it when it is not proxi­mate.  This thought arouses in many a fear of death, and this fear gives rise, in turn, to thoughts of how it might be avoided. And a tempting fantasy, then, not infrequently enters the human mind that one might live forever, and one witnesses this fantasy at work in the familiar emotional inability to imagine one’s own death. We often fail to live in a manner that re­veals a genuine conviction that life at some point ends and this fact is an im­portant aspect of why it is something to be treasured.  In these circum­stances we fail to face a fundamental truth of nature that we all die and opt in­stead, as is evident from much of our conduct during life, the illusion of ev­erlasting life.  This behavior is contrary to reason. 

It is also contrary to reason to believe, and behave as if it were true, that such a life without end was clearly an indisputable good to be chosen if offered to one.  Reason rejects a choice of some purported good when the prospect of attaining it brings before our minds an idea that we cannot get our minds around, an idea whose intelligibility we cannot grasp.  Our imagination, if active on the issue, as it is bound to be, presents us with possibilities, none of which we can test in advance, of eternal suffering or unbearable tedium or a loss of deep involvement in life with never any es­cape.  Reason instructs us that death appears an evil to be avoided at any cost, but it is in fact a blessing provided by nature.  No reasonable person would choose this false, tempting, good.  A lengthier life, provided certain conditions, such as good health, obtain, yes.  Seeking an everlasting life, with all its unknowns, no.  The Tree of Life offers, then, what might ap­pear as an inestimable good, but on reflection, nature is preferable to illu­sion. 

Eve’s back is to the Tree of Life, suggesting a rejection of what the Ser­pent may have tempted her to eat.  The bright light of a morning sun, evoking the light that knowledge, shines upon her.  We can imagine her possessing instinctive good sense, on Poussin’s view of the matter, and that she prefers the genuine good of knowledge to the false promise of ever­lasting life.  There is no Serpent, as we know in this version of the tale, to either tempt her to eat of the Tree of Knowledge or to assure her that she shall not die if she does.  We see her before the moment that she and Adam move forward toward the tree and eat its fruit, believing that when they do, they shall die.  We must assume, for God’s words to have significance at all, that they are instinctively aware of death as an evil to be avoided.  They move forward, despite the warning, and eat. This is a portrait, not of creatures that, as a consequence of disobedience, will fall, but, rather, of individuals capable of acting courageously, prepared to suf­fer death to obtain knowledge. 

Spring is the appropriate season for this event to take place, given that when Adam and Eve eat, there is a rebirth, and a new life comes into be­ing.  The two become recognizable human beings with the capacity to re­flect on their conduct and adjust their conduct to norms of their choos­ing.  Virtuous action becomes a possibility.  They acted nobly in eating; and now after eating, the idea of a noble action, not before available to them, can guide their future conduct. They can now reflect upon death and con­sider whether or not it is in all circumstances evil, and they can think about knowledge and reflect whether in all circumstances it is productive of good.  With such thoughts they would move from knowledge to wis­dom. They were before as children to be admired and to be loved; now they are creatures capable of dignity and worthy of respect.  Poussin has depicted two individuals whose conduct is not distinguishable from that of no­ble Stoic heroes whom he has on a number of occasions depicted.[18]

What is it, should we accept this pictorial re-invention of the Adam and Eve tale, that we are to imagine God, floating in the clouds above, think­ing about it all?  His ways are notoriously inscrutable, and prohibit­ing his creatures from acquiring knowledge of good and evil, central to the biblical tale, is significant evidence that this is so.  Can a loving God in­tend for the human beings that he has created to remain forever as chil­dren, that there be no place in human life for moral beauty, for moral vir­tue, for a realization of all of the human’s natural capabilities?  What could be made of the idea of a human being made in the image of God if they remain as little children?  Still, the biblical tale is one in which God informs Adam that on the day he eats of the fruit of the Tree of Knowledge of Good and Evil he shall surely die.  Such language does sug­gest death as a punitive response and God’s desire for obedience.  God turns his back on Adam and Eve and this suggests disappointment, turning away from them, because God foresees their disobedience, in their immi­nent turning away from him. 

My conjecture on this issue is as follows.  First, there is another exam­ple in Genesis of God commanding what one may find perplexing.  He commands Abraham to sacrifice what is most dear to him, his son Isaac.  He does so to test the strength of Abraham’s faith.  God is ultimately pleased with the evidence Abraham provides of his willingness to kill Isaac and the strength of attachment to his Lord.[19] Likewise, we may sup­pose that Poussin’s God, in his Stoic re-telling of the tale, means to test the strength of Adam and Eve’s attachment to knowledge by indicating death as the outcome of obtaining it.  They pass the test. 

Second, God is looking forward and his left arm is raised, his hand fac­ing forward (Fig. 11).  Some scholars view God’s hand as raised in a blessing.[20]  This interpretation is highly improbable, not simply because the hand does not appear raised, but, more significantly, because neither God nor priests bless with other than their right hand and, of course, it is God’s left hand that is stretched out in a forward direction. 

What meaning, then, is to be attributed to this hand gesture? There is an­other similar gesture in Spring itself and another in a Poussin painting, Hagar and the Angel, dated 1660 (Fig. 12), and the gestures serve to direct at­tention, either to a subject within the painting or to the viewer of the painting.  Eve’s left hand is raised and points to the Tree of Knowledge.  God’s left hand is directed toward the light of the morning sun, a light that il­luminates the world, the most fitting of symbols for knowledge.  God, by this gesture, appears to be validating, rather than condemning, Adam and Eve’s con­duct.  The radical reconstruction of the tale from a Stoic perspec­tive is completed with a significantly radical depiction of God.

Spring was painted between 1660-1664.  Poussin was ill and his hands were trembling.  He died in 1665.  It is reasonable to believe that his atten­tion focused, at least occasionally, on his own death and how he would confront it.  No more light; no more color; no more shapes; no more giv­ing and receiving love; no more thought and knowledge.  There is reason, I believe, to think that with Spring Poussin was preparing himself to die in the manner of the wise man so revered by the Stoics, surveying in his mind’s eye much of what he so cherished in life, and at the end – a sense of gratitude and a calm acceptance of what nature brings to all that is liv­ing.

University of California, Los Angeles

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              Title                                                             Artist                      Location

Fig. 1   Spring or The Earthly Paradise           Nicolas Poussin         Musée du Louvre, Paris

Fig. 2   Expulsion from the Garden of Eden   Masaccio              Cappella Brancacci, Florence

Fig. 3   Landscape with Orpheus and Eurydice                            Nicolas Poussin             Musée du Louvre, Paris

Fig. 4   Landscape w/ a Man Killed by a Snake                             Nicolas Poussin             The National Gallery, London

Fig. 5   Landscape w/ a Man Pursued by Snake                            Nicolas Poussin             Montréal Museum of Fine Arts

Fig. 6   Two Nymphs and Snake in a Landscape                            Nicolas Poussin             Musée Condé, Paris

Fig. 7   Apollo and Daphne                                  Nicolas Poussin         Musée du Louvre, Paris

Fig. 8   Winter orThe Flood                                Nicolas Poussin         Musée du Louvre, Paris

Fig. 9   The Fall of Man     Lucas Cranach the Elder               Kunsthistorisches Museum, Vienna

Fig. 10                                                                        Detail of Fig. 1           

Fig. 11                                                                        Detail of Fig. 1           

Fig. 12                                                                        Landscape with Hagar and the Angel    Nicolas Poussin    Galleria Nazionale d'Arte Antica, Rome


[1] Poussin and Nature: Arcadian Visions, ed. P. Rosenberg/ K. Christiansen (New Haven and London: Yale University Press, 2008).  Professor Rosenberg writes, “The paintings of the Four Seasons are incontestably the most famous works by Poussin and the most often illustrated as has been frequently repeated, they constitute his ‘artistic and spiritual testament.’” 292.  See general discussion 292-296.  See also N. Milovanovic, Nicolas Poussin Les Quatre Saisons (Musée de Louvre: Paris 2014).  The Duc de Richelieu, grand-nephew of Cardinal Richelieu, commissioned the paintings, and then, either paying off a debt to King Louis XIV occasioned by losing a tennis match or selling the paintings to the King, delivered them in 1665 to the King who, in turn, arranged for them to be hung in the Louvre.  Poussin is known to have worked on the paintings during the period 1660–64, a period in which he suffered from the effects of both age (1594–1665) and illness. It is not known in what sequence the paintings, each of which is on a Biblical story— Adam and Eve, Boaz and Ruth, The Gathering of the Grapes, The Flood—was painted.

[2] I refer to the woman as “Eve” even though she is only so named in Genesis 3:20 after the events discussed in this essay.

[3] Gen. 2:8.

[4] A common pictorial representation of the serpent, of course, has its upper body as that of a young woman despite Genesis 3:1 in which the Serpent is identified as male.  

[5] A. Blunt, Nicolas Poussin (New York: Pallas Athene, 1967), I, 315, Fn 3: “The snake, which is the central theme of the Landscape with Two Nymphs, appears to have become something of an obsession with Poussin in his later years.”  See also T.J. Clark, The Sight of Death (New Haven and London: Yale University Press, 2006) “ Snakes, it is clear, were the members of the animal kingdom Poussin was most drawn to: they appear in paintings and drawings all through his life, time and again charged with a specially repellent beauty,” 178.  Professor Clark’s discussion of snakes is the most thorough in the Poussin literature, but however illuminating his remarks about a snake when it appears, he neglects to shed any light on the issue that is dealt with in this paper, not saying anything about the absence of a snake in Spring.

[6] See on the difference between “causing” and “meaning” H.P. Grice, “Meaning”, Studies in the Way of Words  (Cambridge: Harvard University Press, 1989), 213-23.

[7] On the topic of Stoicism and Poussin, see Blunt, 157-76.

[8] Gen. 3:1

[9] K. Clark, Landscape into Art (London: Penguin, 1956) 81: “…the Spring that perfect illustration to Paradise Lost, which by the art of design our first parents are given their true place in nature.”   

[10] J. Milton, Paradise Lost, ed. Merritt Y. Hughes (New Jersey: Prentice Hall, 1957), Book IX.

[11] See W. Sauerländer,”Die Jahreszeiten: Ein Beitrag zur allegorischen Landschaft beim späten Poussin,” Münchner Jahrbuch der bildenden Kunst 7 (1956), 169-84. W. Sauerländer,  “’Nature Through the Glass of Time’: A Reflection on the Meaning of Poussin’s Landscapes,” Poussin and Nature: Arcadian Visions, ed. Pierre Rosenberg and Keith Christiansen (New Haven and London: Yale University Press, 2008), 113-17.  I am unconvinced by Professor Sauerländer’s claim that an understanding of each painting in the series depends upon an understanding of the series as a whole.  I believe that Spring conveys meanings that are not necessarily linked to the meanings of other paintings in the series.  See Richard Wollheim, Painting as an Art (Princeton: Princeton University Press, 1987) 367-368 for a critique of Professor Sauerländer’s views on this issue.

[12] Poussin and Nature, 113.

[13] Milovanovic in his recent Nicolas Poussin Les Saisons Quatre generally follows Sauerländer’s Christian interpretation of the series of paintings.  He observes, “Dans le tableau de Poussin, ce n’est donc pas le demon qui est en cause, mais le coeur humain.” p. 12.  We can, perhaps, conclude from this that Milovanovic believes that the Serpent is not present because he is unnecessary. This would differ from the view that I attribute to Sauerländer. Milovanovic sees the painting in exclusively Christian terms and does not discuss the Tree of Life or the significance of God’s position and gesture. 

[14] Gen. 3:24.

[15] J.H.Charlesworth, The Good and Evil Serpent  (New Haven and London: Yale University Press, 2010), 32-57, 269-351.

[16] See Blunt, Poussin, 334-335 where he suggests that each of the paintings in the Four Seasons can be seen as representing a different pagan god, in the case of Spring the god, Apollo.

[17] See Blunt, Poussin, Chapter IV, “Poussin and Stoicism” for the most thorough discussion of Poussin’s paintings dealing with Stoic heroes such as Phocion, Camillius, and Diogenes, and his general attachment to Stoic thought.  “His basic principle for the conduct of life is to live according to nature and reason. For him, as for the Stoics, these are more or less indistinguishable, and to live according to one is to follow the other” 167. Poussin would have also been acquainted with the works of a number of Neo-stoics, among them Justus Lipsius, Guillaume du Vair, and Pierre Charron, each of whom, while attached to the thinking of the ancient Stoics, sought to harmonize Stoicism and Christianity. On the issue of personal  responsibility most relevant is Justus Lipsius rejection of philosophic determinism, a view espoused by leading classical Stoics, see J. Lipsius, Two Books of Constancie, trans. by Sir J. Stradling; ed. by R. Kirk (New Brunswick, N.J.: Rutgers University Press, 1939) “Four Modifications of Ancient Stoicism,” 1.20.  My argument presupposes that Poussin believed, as Lipsius did, in personal responsibility and his admiration for the ancient Stoics did not go so far as his relinquishing the idea of personal responsibility whether or not the ancient Stoics in fact did so. Attesting to the popularity of Neo-stoic ideas in France of the 17th century is the fact that P. Charron’s De la Sagesse livres trois (Bordeaux: Simon Millanges, 1601) appeared in 36 editions by 1672.  See “Neostoicism” in International Journal of Philosophy.  See also Chapter V, “Poussin’s Religious Ideas,” in Blunt and the little that is known about them. It should, perhaps, be mentioned that there is a distinction between attachment to everlasting life and a belief in the immortality of the soul. There is no Christian doctrine of which I am aware that supports the idea of an everlasting human life of the kind associated with the Tree of Life. In addition to the influence of Stoicism upon Poussin and, in particular with regard to his attitudes toward death, there would very likely be the influence of Lucretius and Montaigne both ofwhom he greatly admired.  See E. Cropper and C. Dempsey, Nicolas Poussin: Friendship and the Love of Painting (Princeton: Princeton University Press, 1996), 177-215.  See also Michel de Montaigne, The Complete Essays (London: Penguin Books, 1987), trans. by M.A. Screech.  Essay 20, 89-108, “To philosophize is to learn how to die,” is particularly relevant.

[18] Blunt, Poussin, 160-68.  See also Elaine Pagels, The Gnostic Gospels (New York: Random House, 1989), Chap. 3 for discussion of gnostic perspectives similar to those that would inform a Stoic approach to Adam and Eve.  

[19]  Gen. 22.

[20] Sauerländer, see note 11 above; Poussin and Nature, 293. I am indebted to Professor H.A. Kelly of the Department of English, UCLA for bringing to my attention that blessings are always done with the right hand.

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Le Mercure galant : un recueil interactif

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 48–62
Author: 
Christophe Schuwey
Article Text: 

Printable PDF of Schuwey, 48–62

N’est-ce pas vous qui faites ce beau livre
Qui n’est pas plutôt vieux qu’il redevient nouveau ?
(Boursault, II, 4)

Ces deux vers de la Comédie sans titre (1683) de Boursault nous indi­quent, dans une certaine mesure, la manière dont le Mercure galant est perçu par ses contemporains : fondamentalement, il s’agit bien d’un livre, certes un peu particulier, puisqu’il est sans cesse mis à jour. Jusqu’à pré­sent, la majorité de la critique n’a pas jugé nécessaire de s’arrêter sur le fait que ce terme de « livre » ait semblé approprié pour qualifier le Mer­cure galant : son rythme de parution mensuel suffit à conférer à l’ouvrage de Donneau de Visé l’étiquette anachronique de « journal » ou « maga­zine »[1]. Il est évident qu’une his­toire de la presse doit prendre en compte le Mercure galant, qui a inspiré dans une certaine mesure nos magazines actuels. Mais ce type d’approche présente l’inconvénient majeur d’occulter un faisceau d’interrogations également fécondes : dans un con­texte où notre « journalisme » moderne n’existe pas,  il vaut la peine d’adopter une dé­marche endogène et d’éclairer les logiques et les attentes du public contemporain qui informent le Mercure galant. Le fait de le pen­ser au prisme de logiques « journalistiques » actuelles présente en effet un risque important d’illusion d’optique : ses pratiques éditoriales, ses conte­nus et leurs fonctions se confondent avec des pratiques et des lo­giques actuelles, masquant ainsi leur altérité.

Or il est un autre terme utilisé à l’époque de façon récurrente pour quali­fier le Mercure galant. Dans le second tome du périodique publié au dé­but 1673, l’auteur, en s’adressant à sa destinataire fictive, mentionne le « dessein que j’avais de vous faire unrecueil de tout ce qui se serait dit et fait de nouveau » (3). Ce terme de recueil n’est pas anodin : il renvoie notamment à une catégo­rie de livres qui mêlent des contenus divers, en prose et en vers, et qui connaissent une vogue importante dès les années 1650. Exemple célèbre de ce type d’ouvrages : les Poésies choisies du li­braire Sercy, qui ont con­servé jusqu’à aujourd’hui une certaine notoriété pour avoir été mentionnés par Molière à la scène IX de ses Précieuses ridi­cules.[2]Il ne s’agit pas là d’un cas isolé : à la même époque, de nom­breux autres libraires tels que Chamhoudry, Sommaville, Loyson ou Qui­net[3] éditent eux aussi, en plu­sieurs volumes, des ouvrages dont le titre annonce des recueils de pièces en prose et en vers. Outre ce type de regroupe­ment, le terme désigne également des ouvrages dont le point com­mun est de rassembler en un volume des textes de nature et de genre variés, qu’il s’agisse des Œuvres mêlées ou discours divers de Sorel ou des Nouvelles galantes, comiques et tragiques du même Donneau de Visé. Enfin, le terme de re­cueil renvoie également à une troisième catégorie d’ouvrages : certains livres d’histoire qui compilent des pièces diverses (traités, chartes…) et qui sont qualifiés de « recueils », notamment dans la Bibliothèque fran­çoise de Sorel (318–387).

C’est donc dans cet univers éditorial convoqué par le terme de « re­cueil » que la présente réflexion se propose de replacer le Mercure galant, pour interroger quelques a priori : la division entre « livres » et ouvrages « périodiques » est-elle pertinente ? Notre conception des écrits qui con­fine les contenus d’actualité immédiate (nouvelles d’information, modes…) au journalisme est-elle pertinente pour faire du Mercure galant un journal ? A quel(s) besoin(s) de ses lecteurs contemporains répond le Mercure galant ? Sans s’opposer, on le répète, aux approches qui envisa­gent l’entreprise éditoriale de Donneau de Visé sous l’angle de la presse, notre réflexion vise néanmoins à déconstruire certains critères d’évaluation « journalistique » du Mercure galant, avant de proposer d’autres pistes pour tenter d’approcher différemment cet ouvrage aussi intri­gant que fondamental pour l’histoire culturelle du second XVIIe siècle.

I. De la périodicité

La principale caractéristique du Mercure galant qui a amené la critique à le considérer comme un « journal », c’est sa périodicité. Or cette périodi­cité doit être réévalué à l’aune d’une pratique éditoriale beaucoup plus large : depuis le milieu du XVIIe siècle au moins, il est courant d’ajouter des parties à un livre, au gré de son suc­cès et de la matière disponible. Les Poésies choisies de Sercy évoquées ci-dessus constituent à ce propos un exemple patent. Publiées pour la première fois en 1653, elles rencontrent alors un tel succès que le libraire peut en imprimer une seconde partie la même année, jusqu’à une cin­quième partie en 1660. La recette fonctionne si bien qu’il crée en 1659, sur le même modèle, un Recueil de pièces en prose, qui se poursuivra, lui aussi, sur cinq parties, jusqu’en 1663. Le se­cond privilège pris par Sercy pour ses deux recueils prévoyait même neuf volumes pour chacun d’entre eux.[4]

De fait, d’autres ouvrages annoncent une suite dès le premier tome. Exemple représentatif de ce phénomène courant, le Cabinet de Scudéry présente une préface où l’auteur se dit en mesure de poursuivre son livre sur plusieurs volumes si le premier rencontrait le succès escompté :

Enfin, lecteur, en achevant ce volume je me suis satis­fait, et j’ai tâché de te satisfaire. Si j’apprends que je suis arrivé à ma fin, je n’en demeurerai pas là : car, comme les seuls ta­bleaux ne composent pas pour l’ordinaire les cabi­nets entiers et que, tant s’en faut, ils ne servent quasi simple­ment qu’à couvrir les murailles, sachez que j’ai de quoi orner les tablettes du mien, et de quoi remplir les boîtes et les layettes de choses qui ne sont pas trop com­munes, ni trop déplaisantes à voir : mais autant que je les expose, c’est à vous à m’en donner le courage, en voyant favorable­ment celle-ci. (« Au lecteur »)

 

Le Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, édité chez le li­braire fictif Pierre Marteau en 1664, constitue un autre exemple, plus contem­porain, de cette pratique. L’avis au lecteur de ce premier volume promet que « [s]i je trouve que ceci ne vous a pas été désagréable, je continue­rai de vous en [des pièces] donner ensuite qui ne seront pas moins belles que les présentes » (Marteau I, « Au lecteur »). Le second volume, qui paraîtra en 1667, se décrira explicitement comme la suite du tome précé­dent :

Il y a déjà trois ans que j’eus l’honneur de vous donner un re­cueil de pièces galantes et nouvelles des plus curieuses du temps, avec promesse de vous en faire voir d’autres de cette même nature dès que j’aurais vu que celles-là vous au­raient agréé. […] C’est pourquoi, afin de m’acquitter de ma promesse, et vous donner de la matière pour entretenir votre curiosité, j’ai fait un autre recueil de celles-ci, qui ont aussi couru quelque temps manuscrites parmi les beaux es­prits, qui me les ont fournies pour en faire part au public. (Marteau II, « Au lecteur »)

La fin du siècle présente des exemples remarquables de ce qu’il convien­drait d’appeler des «  recueils qui deviennent périodiques ». Ainsi, en 1694, le libraire hollandais Adrian Moetjens lance, pour publier le nombre croissant de pièces diverses qu’il reçoit, un Recueil de pièces cu­rieuses et nouvelles. L’avertissement au lecteur présentele projet dans des termes identiques au recueil de Pierre Marteau mentionné ci-dessus, puisqu’il note que « si ces essais de pièces par où je commence ont l’approbation du public […] je ne manquerai pas d’en fournir à l’avenir » (« Avis du libraire »).Ce n’est qu’au cinquième tome qu’une périodicité régulière s’installe, et que l’on trouve l’annonce suivante, similaire à celle rencontrée dans le Mercure galant : « Adrian Moetjens avertit qu’il don­nera tous les deux mois une partie du recueil semblable à celle-ci » (n.p.)[5]. Mais en cette fin de siècle, c’est une autre production imprimée de Don­neau de Visé, Les Affaires du temps, qui constitue l’exemple le plus frappant d’un livre devenu périodique, en fonction de la matière dispo­nible. La deuxième partie de cet ouvrage, consacré aux manœuvres poli­tiques et militaires, annonce ainsi :

La matière des Affaires du temps s’est trouvée si abon­dante qu’elle n’a pu être renfermée en deux volumes. Ainsi, il y en aura un troisième qu’on débitera le premier jour de dé­cembre et qui développera toute l’intrigue qui a mis tant de puissances en mouvement. (« Avis »)

En définitive, les Affaires du temps compteront treize parties (!), pu­bliées entre 1688 et 1692. Et les exemples de cet ordre sont nombreux : il est donc courant qu’un ouvrage, et particulièrement un recueil, se pour­suive sur plusieurs tomes, en fonction de l’offre et de la demande, à tel point que l’on peut considérer cette pratique comme paradigmatique. La parution périodique du Mercure galant n’implique donc pas qu’il soit un ancêtre de la presse – ou alors, de nombreux autres ouvrages qui n’ont rien de journalistique devraient être pensés comme tels. Au contraire – et l’irrégularité avec laquelle paraissent les premiers tomes du Mercure ga­lant en est un signe – il pourrait bien s’agir d’un livre qui, à l’instar des autres recueils, parvient à se poursuivre de tome en tome, en fonction de la matière à disposition. Un indice fort de cette parenté réside dans les termes du privilège accordé au Mercure galant. Jusqu’en 1678, il y est décrit comme un « livre en un ou plusieurs volumes[6]. »  Il s’agit en l’occurrence d’une terminologie générique, attribuée à de nombreux ouvrages, et notam­ment aux recueils. Ce détail, qui confirme que les recueils présen­tent potentiellement une suite, indique surtout que les premiers numéros du périodique de Donneau de Visé ne constituent pas, du point de vue juri­dique, un objet éditorial particulier.

II. Des contenus

Un autre aspect qui amène à rapprocher le Mercure galant de la presse tient à la nature de ses contenus (nouvelles d’actualité, modes, jeux…), traditionnellement associés, pour le lecteur actuel, à du journalisme. Les réévaluer à l’aune d’autres recueils remet en cause cet a priori : non seule­ment, ils sont publiés à l’époque sur des supports extrêmement variés (y compris non périodiques), mais en outre, il n’est pas certain que ces conte­nus aient la même fonction ni le même sens pour le lecteur d’aujourd’hui que pour le lecteur d’alors.

Il faut ainsi noter en premier lieu que les fictions narratives occupent une place importante, parfois prépondérante, dans les premiers Mercures galants ; jusqu’à soixante-dix pour cent des pages du cinquième tome, par exemple. Cette proportion rapproche ainsi le périodique de Donneau de Visé d’un recueil de nouvelles, tel que ses Nouvelles galantes, comiques et tra­giques, d’autant plus que ces dernières incluent elles aussi quelques pièces d’actualité militaire comme le « Dialogue sur le voyage du Roi dans la Franche-Comté ». Un constat analogue peut être fait pour les pièces de poésie galante, dont l’importance ne fait que croître au fil des premiers numéros du Mercure galant, ce qui le rapprocherait alors d’un des recueils de pièces choisies mentionnés plus haut. Le périodique de Don­neau de Visé est donc loin de se limiter à des pièces d’actualité.

Mais le plus remarquable, c’est que des contenus liés par essence à l’actualité – des discours sur des spectacles ou des articles traitant des modes vestimentaires, par exemple – trouvent aussi place dans des re­cueils, y compris des recueils qui n’ont rien de périodique. Ainsi, dans le Recueil de divers ouvrages en prose et en vers composé de pièces de Per­rault, on trouve sa « Critique de l’opéra, ou examen de la tragédie intitulée Al­ceste ou le triomphe d’Alcide » (269–310). On connaît aussi les cri­tiques de spectacles de Molière et Corneille que le même Donneau de Visé donne dans ses Nouvelles Nouvelles (III, 210–277). Quant aux modes vesti­mentaires, elles paraissent elles aussi dans le Recueil des pièces en prose de Sercy, sous forme de récits allégoriques, tels que « l’Origine ou le progrès des rubans… » (I, 28–44). Ces contenus se publient donc aussi bien dans des ouvrages non périodiques que périodiques comme le Mer­cure galant. En somme, d’une part le Mercure galant contient des textes qui n’ont pas de rapport immédiat à l’actualité, et de l’autre, l’actualité ne se cantonne pas aux supports périodiques. Dès lors, force est de constater qu’il est difficile de circonscrire une catégorie d’ouvrages qui puisse être qualifiée de « journaux ».

Là où, en revanche, le Mercure galant se différencie de plusieurs re­cueils (Les Affaires du temps mises à part), c’est dans la manière d’énoncer ses contenus, par le biais de la forme épistolaire[7]. Par rapport aux recueils traditionnels, qui présentent les pièces en vrac, la lettre qui informe le Mercure galant permet en effet de structurer l’énonciation des différents contenus qui le composent. Or dans le cas d’un ouvrage com­posé d’une suite de textes brefs, la qualité de la structure encadrante est un en­jeu fort de l’époque. En témoigne, par exemple, la critique que Charles So­rel, dans sa Bibliothèque françoise, adresse aux Moralia de Sénèque : « On a cru que c’était un édifice où les pierres étaient arrangées les unes sur les autres, sans avoir de la chaux pour les joindre. » (48–49) LeMer­cure galant convoque ainsi le modèle de la lettre pour énoncer de manière cohérente ses diverses matières : il trouve là, en somme, la « chaux pour les joindre ».

Sans que cette dernière caractéristique constitue sa seule spécificité par rapport à d’autres recueils, on devine ici que le Mercure galant constitue un objet à part, notamment par le soin qu’il porte à la manière d’énoncer ses contenus.

III. Qu’est-ce que le Mercure galant ?

Puisque les logiques du journalisme actuel ne constituent pas une grille de lecture à même d’éclairer la fonction qu’il revêt auprès du public de l’époque, il convient maintenant de proposer une autre approche. Et c’est en interrogeant un dernier type de pièces présentes dans le Mer­cure galant qu’il nous semble possible d’amener à concevoir autrement l’ouvrage de Donneau de Visé.

Le cas des nouvelles d’actualité

Il est en effet un type de contenu qui résiste aux contextualisations que nous avons réalisées jusqu’ici : les informations politiques, militaires ou mondaines. Le Recueil de pièces en prose de Sercy contenait bien une « Lettre à un ami sur diverses choses arrivées dans le monde » (I, 246–262) et des « Nouvelles admirables » (I, 367–393), mais la proportion n’est pas la même : aucun autre recueil ne s’attache autant et aussi régulière­ment à donner des nouvelles que le Mercure galant, ni, surtout, avec un ancrage aussi fort dans l’actualité. Pourtant, si la dimension informa­tive de ces nouvelles est incontestable, il se pourrait que leur fonc­tion ne se limite pas à cela tant s’en faut, et l’on risque encore une fois l’illusion d’optique. Considérons le passage suivant du Mercure ga­lant, représentatif de ce type de nouvelles :

Le même [nouvelliste] nous dit que Monsieur le comte d’Estrées était arrivé à Brest avec les vaisseaux que le roi avait fait armer à Rochefort et que Monsieur le marquis de Sei­gnelay, dont les soins n’avaient pas peu contribué à cet ar­mement, était arrivé avec luiet que ces navires au nombre de quarante-quatre, montés de quinze cents pièces de ca­nons, partiraient au premier vent favorable pour rejoindre l’armée navale d’Angleterre. Il nous dit encore que Sa Ma­jesté était arrivée à Charleroi avec une vitesse incroyable, et que bien qu’elle dût être fatiguée, elle ne laissait pas de visi­ter tous les jours son armée ; que l’avant-garde de vingt mille hommes en était partie le neuf avec M. le vicomte de Tu­renne et que deux mille dragons étaient partis quelques jours auparavant, ayant en tête Monsieur le marquis de Four­ville, qui passe avec justice pour un des plus braves offi­ciers de cavalerie. (II, 88–90)

La proportion de faits apparaît, dans ce passage, assez faible. On ne manque pas, en revanche, de citer les noms et distinctions de chacun. En d’autres termes, l’enjeu semble être moins de rapporter les faits – « ce qui se passe » – que d’enregistrer et publier les mérites personnels : « qui fait quoi ». Plus encore qu’informer le public, ces nouvelles semblent consti­tuer une façon d’enregistrer les mérites individuels, à la manière des Mé­moires. De même, dans le troisième tome, un passage qui pourrait a priori ressembler à un reportage sur la manufacture des Gobelins constitue avant tout une manière de publier les noms et qualités de ceux qui y travaillent (255–262). Ces listes s’apparentent encore une fois aux Mémoires, les­quels présentent fréquemment des listes de noms (personnes ayant parti­cipé au fait raconté, officiers présents à une bataille…), mais aussi à un recueil comme L’Amour échappé, également de Donneau de Visé, dont chacun des volumes commence et se termine par une liste des noms dont on donne les mérites et les qualités, à la manière du Diction­naire des Pré­cieuses de Somaize. 

Or énoncer des nouvelles afin de publier les mérites de personnalités, c’est explicitement l’objectif que se donne le premier Mercure galant, lors­que, dans l’avis au lecteur du premier tome, sont mises en relation la curiosité des nouvelles et la « connaissance des personnes » :

Les curieux des nouvelles et les provinciaux et les étrangers qui n’ont aucune connaissance de plusieurs personnes d’une grande naissance ou d’un grand mérite, dont ils enten­dent souvent parler, apprendront dans ce vo­lume et dans les suivants par où ils sont recommandables et ce qui les fait estimer. (« Au lecteur »)

Parmi les multiples fonctions du Mercure galant, il s’en trouve donc celle, fondamentale, de la publication, qui implique autant la diffusion que l’enregistrement. Et ce qui se publie, c’est aussi bien une production « litté­raire » que des réputations et des actions remarquables : en somme, tout ce qui peut contribuer à valoriser un nom. Parce qu’ils sont constitu­tifs de l’ethos du galant homme[8], les hauts faits d’armes et les histoires galantes sont situés sur le même plan que l’habileté littéraire, ce qu’illustre cette description de Saint-Aignan publiée dans le premier tome du Mer­cure : « Je ne dois pas oublier Monsieur le duc de Saint-Aignan dont les illustres galanteries, les vers enjoués et galants et les hauts faits d’armes, ne sont inconnus à personne. » (224) Dès lors, le but fondamental du Mer­cure galant, s’il veut mériter son nom, est de publier aussi bien les faits littéraires que les faits militaires ou galants, et de les publier dans la struc­ture encadrante d’une lettre galante, soit sur un ton beaucoup plus brillant, plus plaisant, que le ton sec, de la Gazette.

Publier des textes

En ce qui concerne la publication de l’habileté littéraire, on rappellera en premier lieu l’importance de l’enjeu attaché à la publication de pièces brèves. En témoigne notamment ce passage du Roman bourgeois où l’on évoque « [des] auteurs qui, pour de petites pièces, ont acquis autant et plus de gloire que ceux qui nous ont donné de grands ouvrages tout à la fois […] » (267). Depuis les années 1650, les recueils poétiques ont assuré l’impression de cette production florissante et valorisée. Grâce au renouvelle­ment permanent de ses volumes, le Mercure galant constitue un es­pace de publication idéal pour ces petites pièces. Mais, différence ma­jeure par rapport aux recueils, sa parution périodique lui permet de susci­ter de nouvelles pièces, lesquelles peuvent ensuite être imprimées. Au tome cinq, par exemple, l’histoire d’un moineau se termine par l’invitation sui­vante : « Plusieurs beaux esprits vont faire des vers sur ce sujet, que je vous enverrai au premier jour » (267) ; les vers que l’histoire a effective­ment suscités paraîtront au tome suivant. À la manière des jeux de société qui produisent les pièces de poésie galante[9], le Mercure, tel une véritable société de papier[10],multiplie ainsi les contenus susceptibles d’en susciter d’autres. Il offre un support de publication à ces pièces brèves, partant, à leurs auteurs.

Et c’est dans cette optique – publier des pièces et, surtout, leurs auteurs – que doit se comprendre la présence d’énigmes dans le Mercure galant, et non dans une logique similaire à celle de nos mots croisés. L’énigme est en effet donnée en vers et provient d’un lecteur, qui publie par ce biais son ha­bileté littéraire et les qualités de son esprit. Et cette énigme suscite des réponses : au numéro suivant, lorsqu’une bonne réponse est donnée, elle l’est en vers également, et elle est publiée avec des informations sur l’auteur de cette réponse. Ces mécanismes sont illustrés sur le mode iro­nique dans deux pièces des décennies 1680 et 1690. La Comédie sans titre, d’abord, met en scène l’auteur d’une énigme. Or cette dernière est présentée et discutée non pas en termes de difficulté ou sous l’angle du divertissement qu’elle procure, mais précisément, en termes de qualité litté­raire. Après la première lecture de l’énigme, un protagoniste, Oronte, commente immédiatement : « Ces vers-là me semblent bien tournés ». Et l’auteur, à la manière du Mascarille des Précieuses ridicules, répète son énigme et en loue la composition de diverses manières, avant d’insister, précisément, sur la paternité de ladite énigme qu’il présente comme une composition de haute volée :

Je vous laisse l’énigme avec mon nom au bas
Ornez-la d’un prélude, vantez ses appas.
Les vers en sont si beaux, la matière si belle,
Que vous n’en direz rien qui soit au-dessus d’elle.
(Acte V, scène 8. C’est nous qui soulignons.)

Quant aux réponses, leur raison d’être fondamentale consiste en la publica­tion du nom[11]de celui qui découvre la solution, puisque c’est là une marque d’esprit. L’étendue du phénomène est remarquablement illus­trée, sur le mode satirique, par une scène de La Tapisserie vivante de Gaëtan Romagnesi, patchwork de scènes de comédies italiennes adaptées au goût français :

Le maître à danser

Pour de l’esprit, Madame, les gens de notre profession en re­gorgent. Et qui en aurait si nous n’en n’avions ? Nous sommes tous les jours avec des gens de première qualité, et je sors présentement de chez la femme d’un élu où je me suis fait admirer. J’ai deviné une énigme du Mercure ga­lant : vous savez présentement que c’est la pierre de touche de l’esprit.

Toinon 

Ha ! par ma foi, Madame [à sa maîtresse], les beaux es­prits sont donc bien communs, car la moitié du Mercure n’est rem­pli que du nom de ceux qui les devinent. Pour vous, Mon­sieur, vous n’avez pas besoin qu’on imprime le vôtre pour faire connaître votre mérite au public […]. (19–20, c’est nous qui soulignons.)

Publier des faits

Aux côtés de ces pièces courtes, le Mercure galant publie donc, par le biais des nouvelles d’actualité, les actions individuelles. Au sujet de ces « hauts faits d’armes » et de ces « illustres galanteries », relevons deux évidences : la première, c’est que la valorisation sociale que confèrent ces actions n’existe que si elles sont connues d’un certain public. La seconde, c’est que les aventures galantes ou les hauts faits d’armes ne constituent pas, en soi, des textes. Or les « nouvelles » permettent précisément à Don­neau de Visé de convertir les faits en textes, tantôt par une narration, tantôt par une courte mention. Ces faits, désormais textualisés, peuvent ainsi pren­dre place dans son Mercure galant, et donc, se publier et se diffuser. C’est, là encore, le programme explicité dès le premier tome :  « […] l’on ne parle ici que d’histoires amoureuses et que du mérite des personnes qui en ont beaucoup, quand même leur plume ne produirait aucun ouvrage. Il n’est pas toujours nécessaire d’écrire pour avoir de l’esprit, et l’on a sou­vent vu des preuves du contraire » (« Au lecteur »).

Mais le geste d’imprimer s’inscrit surtout dans une logique patrimo­niale, au sens où il permet d’enregistrer durablement un fait remarquable. Il peut sembler surprenant d’imaginer que le Mercure galant se pense sur la durée et qu’il se présente comme la mémoire des réputations qu’il pu­blie. Cette dimension patrimoniale est pourtant fondamentale, et thémati­sée à plusieurs reprises, entre autres, dans le premier volume du Nouveau Mercure galant : « […] au bout de quelques années, il n’y aura pas une personne considérable dont ceux qui auront tous les volumes du Mercure ne puissent trouver l’éloge,celui de chaque particulier pouvant donner lieu à s’étendre sur sa famille » (16, c’est nous qui soulignons). Le Mercure galant rejoint alors la logique des recueils historiques, ces ou­vrages nom­breux qui ne cessent de rassembler et de collectionner pièces, chartes, docu­ments…, prêts à servir en cas de litige patrimonial ou pour célébrer la gloire d’une famille.

Et c’est notamment dans l’avis au lecteur du Nouveau Mercure galant de décembre 1677 que cette fonction historiographique apparaît de la fa­çon la plus claire, lorsque le bilan de l’année écoulée se termine par un récapitulatif des numéros imprimés jusque-là :

Le prix des dix volumes de l’année 1677 ne sera point aug­menté. Ils contiennent les nouvelles des douze mois, parce qu’on a ramassé dans le premier celles de janvier, de fé­vrier, et de mars, jamais conquérant n’ayant fait de si grandes conquêtes que Louis le Grand dans le cours d’une seule année. […] Tant d’actions surprenantes rendent ces dix tomes considérables. On y rend la gloire qui est due à ceux qui ont fait les conquêtes, et à ceux qui les ont chan­tées, et on y ramasse mille choses curieuses qu’on n’aurait pu trouver ensemble, si le Mercure n’avait jamais été fait. Les unes auraient été séparées, les autres n’étant qu’en feuilles volantes se seraient perdues et il y en aurait beau­coup que la négligence de les recueillir aurait empêché de con­server. (T. X, « Au lecteur »)

Le Mercure galant constitue ainsi la plateforme idéale, l’espace de publi­cation disponible chaque mois, à même de recevoir les pièces vo­lantes comme les hauts faits d’armes (et les pièces que l’on fait à leur sujet). C’est un recueil qui diffuse, certes, mais qui, surtout, conserve : le fait de vendre les anciens numéros laisse entendre que la pérennisation des contenus est un enjeu dont l’importance est au moins égale à l’ancrage du Mercure dans une actualité proche[12].

Si les pistes esquissées au cours de cet article n’épuisent pas la ques­tion de « ce qu’est » le Mercure galant, elles invitent, en somme, à considé­rer l’ouvrage de Donneau de Visé comme un recueil qui pousse la lo­gique éditoriale du renouvellement sur des milliers de volumes – et donc, qui devient périodique – là où les autres recueils ne s’étaient pensés, au mieux, que sur quelques parties. Par le biais de cette périodicité, cet étrange « livre qui n’est pas plutôt vieux, qu’il redevient nouveau » (Bour­sault II, 4) offre, par rapport aux autres recueils, des possibilités éditoriales re­nouvelées. Il constitue ainsi une plateforme à la plasticité maximale, idéale pour imprimer, diffuser, et surtout, conserver une série de contenus qui ne pourraient trouver place ailleurs : en cela, il participe à l’immense entreprise d’écriture de l’histoire du siècle de Louis le Grand. Mais la péren­nité de sa republication lui permet en outre de susciter des produc­tions, et de les imprimer ensuite, en une sorte de mouvement perpétuel : le Mercure galant est interactif. Cette caractéristique fondamentale invite à reprendre la récente et lumineuse démonstration d’Allison Stedman, qui révèle, en étudiant aussi bien les recueils que le Mercure galant, la fonc­tion de médiation sociale de l’imprimé (81–126) : beaucoup plus qu’un journal, il vaudrait ainsi la peine de considérer le Mercure galant comme un espace social virtuel – puisque ses « membres » se rencontrent par le biais du livre – qui relie, grâce à l’imprimé, les quatre coins de la France, en un immense salon de papier. 

Université de Fribourg, Suisse
(projet FNS : « Naissance de la critique dramatique »)
et Université Paris-Sorbonne

 


 

Ouvrages cités

Boursault, Edmé. « La Comédie sans titre [ou le Mercure galant] ». Œuvres de M. Poisson. T. II, Paris : Ribou, 1682.

Denis, Delphine. Le Parnasse galant. Paris : Champion, 2001.

Donneau de Visé, Jean. Les Nouvelles Nouvelles. 3 t. Paris : Bienfaict, 1663. Edition en ligne [2014] : http://www.nouvellesnouvelles.fr.

———. Les Nouvelles galantes, comiques et tragiques. Paris : Quinet, 1669.

———. L’Amour échappé ou les diverses manières d’aimer. Paris : Jolly, 1669.

———. Le Mercure galant. T. I-VI, Paris : Barbin, 1672–1673.

———. Le Nouveau Mercure galant. T. I–VI, Paris : Barbin, 1672–1673.

———. Les Affaires du temps, T. I–XIII, Paris : Guerout, 1688–1692.

Furetière, Antoine. Le Roman bourgeois [1666]. Paris : GF, 2001.

Guéret, Gabriel. La Guerre des auteurs anciens et modernes. Paris : Gi­rard, 1671.

Harvey, Sara. « Les fins de l’obscurité dans les énigmes du Mercure ga­lant. »Delphine Denis, éd. L’Obscurité : langage et herméneutique sous l’ancien régime. Louvain : Academia-Bruylant, 2007, 171182.

Hatin, Eugène.Histoire du journal en France : 1631–1853. Paris : Jannet, 1853.

Marteau, Pierre [nom d’emprunt], éd. Avis au lecteur. Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes, T. I, Paris : Marteau, 1663.

———. Recueil de quelques pièces nouvelles et galantes…. T. II, Paris : Marteau, 1667.

Moetjens, Adrian, éd. Recueil de pièces curieuses et nouvelles. T. 1. La Haye : Moetjens, 1694.

———. Recueil de pièces curieuses et nouvelles. T. IV, vol. 1. La Haye, Moetjens, 1696.

Moureau, François. La Plume et le plomb. Paris : Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006.

Perrault, Charles. « Critique de l’opéra, ou examen de la tragédie intitulée Alceste ou le triomphe d’Alcide. » Recueil de divers ouvrages en prose et en vers. Paris : Coignard, 1675, 269–310.

Romagnesi, Gaëtan. La Tapisserie vivante. La Haye : Foulque, 1696.

Schapira, Nicolas. Un professionnel des lettres au XVIIe siècle : Valentin Conrart, une histoire sociale. Seyssel : Champ Vallon, 2003.

Scudéry, Georges de. Le Cabinet. Paris : Courbé, 1646.

Sercy, Charles, éd. Poésies choisies. T. I–V. Paris : Sercy, 1653–1660.

———. Recueil de pièces en prose, les plus agréables de ce temps. T. I–V. Paris : Sercy, 1659.

——— « L’Origine et le progrès des rubans ; leur défaite par les prin­cesses jarretières et leur rétablissement ensuite. » Recueil de pièces en prose, les plus agréables de ce temps, T. I. Paris : Sercy, 1659, 28–44.

Somaize, Antoine Baudreau de. Le Grand dictionnaire des précieuses : historique, poétique, géographique …. Paris : Ribou, 1661.

Sorel, Charles. Œuvres diverses ou discours mêlés. Paris : Compagnie des libraires, 1663.

———. La Bibliothèque françoise. Paris : Compagnie des libraires, 1664.

Stedman, Allison. Rococo Fiction in France, 1600–1715 : Seditious Frivo­lity. Lewisburg : Bucknell University Press, 2013.

Turnovsky, Geoffrey. “Authorial Modesty and Its Readers : Mondanité and Modernity in Seventeenth-Century France.”MLQ 72.4 (décembre 2011) : 461–492.

Viala, Alain. Naissance de l’écrivain. Paris : Minuit, 1985.

———. La France galante. Paris : PUF, 2008.

Vincent, Monique. Le Mercure galant, présentation de la première revue féminine d’information et de culture, 1672–1710. Paris : Champion, 2007.


[1] La plupart des ouvrages classiques sur la presse qui traitent du Mercure galant, de celui d’Eugène Hatin à celui de François Moureau, tont du concept de press un présupposé, et retrouvent des objets qu’ils font correspondre à la presse à travers toute l’histoire. Alain Viala avait déjà étudié, dans le contexte des institutions qui accompagnent la naissance de l’écrivain, la filiation forte entre les recueils et les ouvrages périodiques, qu’il qualifie, en l’occurrence, de presse (Viala 124-129). De manière symptomatique, Monique Vincent, dans ses nombreux travaux sur le Mercure galant, reste prudente quant à se prononcer sur la nature du périodique ; elle opte toutefois pour le terme flou de « revue » dans sa synthèse de 2007. Sara Harvey, dont les analyses éclairent de nombreux aspects du Mercure galant, propose elle aussi astucieusement de considérer les énigmes comme un « ancêtre des divertissements de presse » destiné à « distraire le plus grand nombre de lecteurs » (Harvey 182). 

[2] Cette formule (« Messieurs des pièces choisies ») connaîtra d’ailleurs un certain succès, indice éventuel qu’elle ne désignerait pas un recueil en particulier mais un type de production. On la retrouvera notamment sous la plume de Gabriel Guéret (193).

[3] Pour n’en citer que quelques-uns : Recueil de diverses poésies choisies (Paris : Sommaville, 1660) ; Recueil de poésies de divers auteurs… (Paris : Loyson, 1661) ; LesDélices de la poésie galante… (Paris : Ribou, 1664).

[4] Voir le privilège contenu dans la seconde partie du Recueil de pièces en prose… : « Et comme il [Sercy] a vu que les dits recueils ont été favorablement reçus du public, cela a donné sujet au suppliant d’en faire une recherche, lequel avec grand soin et dépense a recouvré de quoi augmenter chacun des dits recueils de quatre volumes ; tellement que le dit recueil de poésies choisies aura neuf volumes, et celui en prose, huit. »

[5] Dans le premier tome du Mercure galant de 1678 (Paris, Blageart), on trouve l’avis suivant : « On donnera un tome du Mercure galant le sixième jour de chaque mois sans aucun retardement. »

[6] « […] il est permis au sieur DAN. de faire imprimer, vendre ou débiter par tel imprimeur qu’il voudra un livre intitulé Le Mercure galant en un ou plusieurs volumes, et ce, pendant le temps et espace de dix années entières et accomplies, à compter du jour que chacun des dits volumes sera imprimé pour la première fois […] » (« Extrait du privilège du roi », Mercure galant, t. I, (Paris : Girard, 1672)). Ce n’est qu’en 1678 que le privilège évolue et qu’il décrit spécifiquement un livre produit de « mois en mois ».

[7] Donneau de Visé avait déjà démontré son savoir-faire dans ce domaine en 1663, au gré de la seconde et la troisième partie de ses Nouvelles Nouvelles. De par son contenu, ce livre est à considérer également comme un recueil. Mais sa singularité est de donner aux pièces disparates et diverses qui le composent une structure d’énonciation suivie, par le biais de nouvellistes, dont la conversation permet d’introduire, d’énoncer et de commenter les différentes pièces. Ce recours à la forme épistolaire est inspiré, en partie du moins, par le modèle des « lettres en vers » (Muse historique de Loret…) en vogue dans les années 1650–1660.

[8] Delphine Denis dans sonParnasse galant avait déjà souligné combien les recueils constituent un lieu fondamental de la galanterie : « Cette sociabilité, dont l’ethos galant doit publier les signes, a trouvé comme on l’a vu un genre d’élection dans les recueils de lettres et de poésies qui se multiplient dans la seconde moitié du siècle » (151).

[9] Voir Delphine Denis, pp. 241 sq. Dans un article essentiel, Geoffrey Turnovsky articule plus avant ce mode de production avec les stratégies auctoriales, et considère l’écrit non pas comme une mimesis de pratiques sociales externes, mais comme le lieu même des pratiques sociales qui y sont décrites.

[10] C’est la réévaluation fondamentale de la notion de salon à laquelle procède Nicolas Schapira dans ses travaux sur Valentin Conrart qui nous amène à émettre cette proposition. Dans son récent ouvrage, Allison Stedman propose également l’idée du livre comme Référence.

[11]Qu’il s’agisse d’un pseudonyme ou du nom « réel » de l’auteur. Dans le premier cas, on peut expliquer ce masquage du nom en postulant que le référent est transparent pour une certaine communauté de lecteurs.

[12] On remarquera d’ailleurs, à ce titre, que certains numéros du Mercure galant paraissent bien après les faits énoncés, alors même que la Gazette les a déjà diffusés. C’est notamment le cas des volumes II et III du Mercure galant qui paraissent quatre mois après les événements qui y sont rapportés. 

Site Sections (SE17): 

Ruses et stratégies discursives dans L’Ecole des Maris

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 35–47
Author: 
Ralph Albanese
Article Text: 

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A l’instar du Sganarelle de La Jalousie du Barbouillé, le protagoniste de L’Ecole des Maris, s’il exerce sur autrui un pouvoir discursif tyran­nique, s’avère quasiment incapable de toute réelle communication.  Répu­gnant à tout dialogue, il se livre à une communication oblique, c'est-à-dire, né­faste à ses intérêts.  Révélant sans le savoir le message caché d’Isabelle, son discours se montre contrôlé par les démarches de sa pupille.  Après son dysfonctionnement verbal où « la dupe » se laisse diriger par Ergaste et Valère (I, 3), Sganarelle s’engage, en fait, dans une série de fausses pistes puisqu’il se charge volontairement de faire les échanges des deux amants.  Son ignorance des jeux de sens qui se livrent à sa barbe l’entraîne dans un engrenage de malentendus et l’enferme de plus en plus dans son erreur comique.  Se trouvant dans un état perpétuel de dissonance cogni­tive dans ses rapports avec autrui, il finit par devenir sans le vouloir et sans le savoir le porte-voix d’une parfaite communication entre les amants. On peut considérer le protagoniste, en effet, comme le messager de ses propres mésaventures.  A la différence du cas d’Arnolphe, la compli­cité de Sganarelle dans les démarches entreprises par Isabelle s’avère, de toute évidence, inconsciente jusqu’à la fin de la pièce.[1]

Il va de soi que la mise en rapport du protagoniste et d’Isabelle est intime­ment liée à la corrélation entre les multiples ruses et les diverses stratégies discursives qui s’opèrent dans cette comédie.  Avant d’examiner l’interaction entre ces deux éléments, il convient de s’interroger sur les composantes principales de la personnalité de Sganarelle, ainsi que son rapport paradoxal avec son frère.

S’inscrivant dans le « cycle du cocuage » des pièces moliéresques écrites entre 1660 et 1662, L’Ecole des Maris valorise le triomphe de la ruse féminine sur la crédule vanité de l’homme.[2]  On ne saurait trop insis­ter sur la mise en ridicule, chez Molière, des figures patriarcales et despo­tiques, et Sganarelle incarne là encore le prototype du mari infortuné érigé en objet de risée collective.[3]  Fondée sur le mécanisme de ses gestes, sa stylisation farcesque renvoie à une série de tours d’adresse remontant à la tradition de la commedia dell’arte, et il va de soi qu’Isabelle parvient à « farcer » Sganarelle sans relâche.  On s’aperçoit alors que l’esthétique de la farce privilégie l’enchaînement logique des fourberies tout en faisant de la ruse la stratégie suprême.  Désireux d’échapper à l’ignominie des cornes, Sganarelle se présente en doctrinaire qui se leurre dans la mesure où il croit à l’idéal d’un mariage hors risque.[4]  Condamnant l’influence diabolique sous-jacente au désir d’Isabelle, ce tuteur misogyne s’applique à isoler sa femme de la société afin de la transformer en modèle parfait de la docilité féminine.  D’après sa vision d’une domesticité bourgeoise, la femme se trouve réduite au stade d’objet et doit rester prisonnière de son espace domestique.  Séquestrer Isabelle, c’est, pour lui, la sauver des tenta­tions de la vie mondaine.  Sganarelle entend que son futur ménage soit fondé sur deux contraintes : la surveillance étroite de la femme et l’obligation qu’elle reste à la maison.  Le rôle de sa future épouse consis­tera à se préoccuper exclusivement des soins du ménage.  Mû par l’instinct du propriétaire et par la conviction de son droit moral, le protagoniste vise à exercer sur Isabelle une maîtrise absolue.  Refusant à sa femme toute prérogative, il la condamne sans scrupule à une existence dépourvue de plaisir.

Son but primordial se ramène à l’assujettissement de sa conjointe, ob­jet qu’il convient à ses yeux de maintenir dans l’obéissance.  Affirmant abusivement sa revendication politique sur une loi morale, il recourt à un lexique absolutiste car il vise avant tout à « gouverner » et à « régir » sa pupille (vv. 107–108).   Autocratique, il impose silence à Isabelle et sa sœur (vv. 129–132).  Son autoritarisme se manifestant dans le domaine paternel aussi bien que dans le domaine conjugal, il joue sur les deux re­gistres et, de ce fait, s’approprie ces deux rôles à son profit.  Aussi Sganarelle refuse-t-il à son épouse toute autonomie, autant dire, la liberté même de grandir : elle restera, pour lui, « aussi soumise en tant que femme qu’elle a été en tant que fille » (Sörman 55).  Ne s’applique-t-il pas ainsi à prolonger le rapport de dépendance qui le rattache à Isabelle ?  Le système pa­triarcal postule, après tout, que la garde d’une fille par son père donne lieu à la garde d’une femme par son mari, mais ici, le protagoniste prend cette règle à l’extrême.  Enfin, vivant dans la crainte d’être dépossédé de son autorité, Sganarelle s’avère une des figures les plus despotiques du théâtre de Molière.[5]

Aux antipodes de cette conception répressive du mariage se trouve la vi­sion libre d’Ariste, frère de Sganarelle et tuteur de la sœur d’Isabelle, Léonor.  Partisan de l’autonomie de la femme, il envisage le mariage comme une obligation librement consentie.  Faisant preuve de tendresse et de générosité à l’égard de Léonor, il adopte une morale de plaisir s’accordant avec les valeurs de la jeunesse.  En prônant l’idéal de « l’école du monde » (v. 181), Ariste met en avant la valeur civilisatrice de la so­ciété.  Plus précisément, il illustre une norme d’ordre comportemental sous-jacente au code de l’honnêteté mondaine propre aux années 1660 : la mondanité offre, pour lui, le meilleur apprentissage sentimental.  Témoi­gnant d’une jeunesse de cœur  (v. 174), il soutient alors pour la femme un idéal de réalisation de soi.  Encore faut-il reconnaître que ce premier représen­tant des raisonneurs dans la comédie moliéresque se heurte à des li­mites discursives puisqu’il n’a guère l’occasion ni la volonté de dévelop­per des idées.[6]

Il importe de noter que les deux frères se situent à divers stades de la vieil­lesse.  Dans le cas de Sganarelle, on a affaire à un barbon de quarante ans qui désire épouser une fille mineure.  La démarche d’Ariste est bien plus paradoxale puisqu’il s’agit d’un sexagénaire qui espère se marier avec une fille de quarante ans plus jeune.  La disproportion d’âges propre à cette union ne manque pas d’être problématique, et il convient de faire remar­quer qu’Ariste s’oppose, en principe, aux mésalliances (vv. 205–208).  Toutefois, ne se faisant aucune illusion sur son âge, ce sexagénaire respecte le droit de Léonor dans son choix de mari.  Accordant à sa future épouse sa confiance et la liberté de se comporter à son gré, il échappe à la définition traditionnelle du senex amans.  Mais le « raisonnable » Ariste ne se trouve-t-il pas aux marges de ce qui est accepté par la communauté de ce temps ?  Ne s’avère-t-il pas, par ailleurs, sensible à une pulsion de mort ?

C’est un étrange fait du soin que vous prenez
A me venir toujours jeter mon âge au nez.
Et qu’il faille qu’en moi sans cesse je vous voie
Blâmer l’ajustement aussi bien que la joie :
Comme si, condamnée à ne plus rien chérir,
La vieillesse devait ne songer qu’à mourir. (vv. 57–62)

Si l’on admet que la femme au XVIIème siècle se trouvait légalement vul­nérable devant l’autorité parentale ou conjugale, L’Ecole des Maris met en évidence un problème socio-culturel de premier ordre, à savoir, le ma­riage par contrainte ; le choix de se marier, chez Sganarelle, repose sur une volonté de dominer l’épouse par le devoir et l’ignorance.  Dans la mesure où Isabelle et Léonor sont des orphelines mises sous la charge judiciaire de Sganarelle et d’Ariste, les deux frères ont des devoirs  paternels à leur égard.  La responsabilité primordiale du tuteur consiste à veiller sur un mi­neur, à gérer ses biens et à le représenter, voire même le protéger sur le plan juridique.[7]Les frères tuteurs doivent alors, en principe, exercer une autorité morale sur les filles et les préparer à la vie conjugale.  Cependant, égoïste entêté, et soucieux d’affirmer ses droits juridiques, Sganarelle pro­fite de son autorité de tuteur en visant à exploiter la « pleine puissance » du contrat dressé par le père des deux sœurs :

Elles sont sans parents, et notre ami leur père
Nous commit leur conduite à son heure dernière.
Et, nous chargeant tous deux, ou de les épouser,
Ou, sur notre refus, un jour d’en disposer,
Sur elles, par contrat, nous sut dès leur enfance
Et de père et d’époux donner pleine puissance ! (vv. 99–104) 

Instrument de la légalité bourgeoise, le contrat va lui permettre de bénéfi­cier de la fortune d’Isabelle en saisissant vraisemblablement sa dot.  Fi­gure paternelle par excellence, Sganarelle se veut ainsi le détenteur et le dispensateur des biens d’Isabelle.  Désireux de s’emparer de la propriété légale de la génération à venir, il risque ironiquement de se faire le man­geur d’héritages de ses propres enfants.  Par ailleurs, son désir de puis­sance se double d’une avarice qui le pousse à lui refuser un serviteur (I, 2, 4), des divertissements mondains (I, 2) et des vêtements de luxe (II, 6).

Outre sa disposition atrabilaire, son manque de civilité, son opiniâtreté et son excentricité, le défaut de caractère principal du protagoniste, c’est sa tendance à se croire le seul détenteur de la vérité, s’opposant par là à tous les autres personnages de la pièce.  Tenant avant tout à avoir raison contre tous, il se dresse spectaculairement contre le monde.  Ce barbon revêche entend vivre à tout prix en fonction de sa « fantaisie » (v. 116), c’est-à-dire, selon les appels impérieux d’une imagination qu’il croit infail­lible et dont il se fait une raison.  S’il s’oppose systématiquement au plai­sir et à la liberté de sa pupille, c’est qu’il souscrit à une vision prescrip­tive de l’éducation, vision qui relève d’une morale archaïque et austère.  La rigueur de cette morale évoquant celle de Mme Pernelle dans Tartuffe, Sganarelle s’avère un doctrinaire au-delà de tout reproche.  Son ensemble de croyances personnelles, qu’il ne remet jamais en question, s’apparente à la « méthode » péremptoire qui sera reprise et perfectionnée par Arnolphe.  Ainsi, il a accepté une fois pour toutes la sagesse inalté­rable de la Tradition :

Quoi qu’il en soit, je suis attaché fortement
A ne démordre point de mon habillement.
Je veux une coiffure, en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode ;
Un bon pourpoint bien long, et fermé comme il faut,
Qui, pour bien digérer, tienne l’estomac chaud ;
Un haut-de-chausses fait justement pour ma cuisse ;
Des souliers où mes pieds ne soient point au supplice,
Ainsi qu’en ont usé sagement nos aïeux. (vv. 65–73)

S’inscrivant en faux contre l’apparence extérieure des « damoiseaux », il témoigne d’une (im)posture en portant des habits démodés.  De surcroît, se heurtant par principe au changement et à l’évolution sociale, le barbon quadragénaire s’insère psychologiquement dans la vieillesse, c’est-à-dire, dans les anciennes mentalités.  Enfermé dans le passé, il s’insurge contre les mœurs contemporaines.  Aussi se montre-t-il désadapté au sein de l’univers de l’honnêteté mondaine : il apparaît comme une figure margi­nale et donc ridicule par rapport aux valeurs socio-culturelles de la Cour.  Non-conformiste, Sganarelle répugne à intérioriser les normes du groupe social dont il est membre.  Féru des modes périmées, il s’oppose aux tra­vers humains de son époque.  Bref, il fonde son individualité sur son vœu de se désolidariser d’autrui.  Son non-conformisme aboutit, en fait, à une prise de position idéologique : « Sagesse autoritaire sur fond de mé­fiance … » ; il s’agit, plus précisément, de « l’ancien fond de la sagesse gauloise. »[8]  A en croire Bénichou, le tyran domestique est une des représenta­tions du bourgeois ridicule au XVIIème siècle.[9]

Conformément à d’autres « imaginaires » moliéresques qui ne parvien­nent pas à s’accommoder à la réalité (Alceste, Orgon, M. Jourdain), Sgana­relle défend, lui seul, les normes socio-culturelles propres à « l’ancienne honnêteté » (v. 270).  Prisonnier de ses convictions rétro­grades, il répugne à la vie urbaine et s’en tient à un idéal de rusticité suran­née (vv. 259–262).  Ce nostalgique bizarre raille non seulement les modes vestimentaires d’Ariste, qu’il tient pour artificielles, mais il présente sa morale réactionnaire comme supérieure à celle, nettement moderne, de son frère.  Dans la mesure où il sombre dans un « tort idéologique » qui s’oppose aux valeurs plus libertaires,[10]on peut estimer que le débat sur l’éducation et le mariage dans lequel il s’engage avec Ariste (I, 1, 2) se ramène à une sorte de querelle farcesque entre anciens et modernes.  A cela s’ajoute, chez Sganarelle, son refus catégorique des agréments mon­dains, du bel esprit des salons, et de toute forme de civilité qui font partie intégrante du code galant des années 1660.  Son refus de dialoguer avec autrui témoigne, enfin, de sa solitude et, par là, du décalage entre sa per­sonne et les impératifs du code de la sociabilité honnête.[11]

Le sexe féminin relevant, pour Sganarelle, d’une nature parfaitement im­prévisible, il se trouve contraint de le maîtriser.[12]  S’il tyrannise Isa­belle, c’est qu’il l’envisage sous forme de bête et entend la maintenir dans son statut d’enfant afin de la transformer en esclave domestique et obéis­sante.[13]  Connaissant pleinement les idées rétrogrades et le caractère routinier de son tuteur, Isabelle profite de ses limites perceptives et com­prend sans peine que ses réactions, étant parfaitement prévisibles, elle se trouve en mesure de les exploiter.  Ironiquement, c’est elle qui inspire en lui une obéissance ponctuelle.  Aussi se drape-t-elle dans un manteau d’honneur pour empêcher qu’il lise le billet doux qu’elle entend qu’il trans­mette lui-même à Valère :          

Lui voulez-vous donner à croire que c’est moi ?
Une fille d’honneur doit toujours se défendre
De lire les billets qu’un homme lui fait rendre (vv. 482–484)

Vivant sous la sévère tutelle de Sganarelle et enfermée au logis, Isabelle n’a aucun accès au monde extérieur  et ne peut que communiquer par procura­tion, à savoir, par le biais de son tuteur.  Sa stratégie discursive lui per­mettant de se concerter avec son amant Valère, elle se livre à une série d’improvisations destinées à tromper Sganarelle et à le faire agir contraire­ment à ses intérêts.  Que ce soit le dysfonctionnement verbal du tuteur face à Valère (I, 3), le billet d’Isabelle (II, 3) ou le projet de l’enlèvement (II, 7), le protagoniste excelle dans son rôle de messager en ce sens qu’il re­prend à merveille les propos des amants.  C’est lui qui prend l’initiative dans ces  trois démarches.

Mal mariée potentielle, Isabelle s’applique avant tout à échapper à « cet hymen fatal » (v. 804), en particulier grâce à une série de stratagèmes re­levant du registre discursif.  Exploiter la crédulité de Sganarelle, c’est la seule voie par laquelle cette individualité courageuse et résolue pourra échap­per à la tyrannie de son « futur mari ».  Aussi se proclame-t-elle justifiée, dans un aparté, de se révolter contre son autorité :

Je fais, pour une fille, un projet bien hardi ;
Mais l’injuste rigueur dont envers moi l’on use
Dans tout esprit bien fait me servira d’excuse. (vv. 366–368)

L’autoritarisme de son tuteur oblige Isabelle, de toute évidence, à recourir à diverses formes de communication voilée.  C’est elle qui, à partir de l’Acte II, déclenche avec habileté la série de messages destinés à lui per­mettre de sortir de son isolement.  A la différence d’Ariste et Léonor, qui s’entretiennent librement, Isabelle se trouve contrainte de garder le silence devant Sganarelle, mais son silence lui sert, de toute évidence, de piège.  En fait, le mutisme des amants rend compte du rôle comiquement discursif du protagoniste.  Plus précisément, le discours oblique d’Isabelle et Valère a pour but de transformer Sganarelle en moyen principal de la communica­tion dans L’Ecole des Maris.[14]  Douée d’une finesse exception­nelle, Isabelle excelle à feindre une diversité d’émotions (colère, tendresse, etc.) afin de manipuler son tuteur à son gré.

Lors d’une scène où les amants se communiquent grâce à un discours codé, elle s’applique à faire accroire à son tuteur de sa pudeur naturelle et de son désir de l’épouser en se réfugiant dans une attitude de fausse mod­estie (II, 9, vv. 757–759).   Elle feint aussi d’être offensée par les démarches de Valère, qui serait en train d’organiser un enlèvement (vv. 666–667).  De surcroît, il faut tenir compte ici du rôle de l’intonation et des gestes dans le réseau communicatif de la pièce.  Porteur des messages d’Isabelle et des réponses de Valère, Sganarelle se trouve toujours dans un va-et-vient continu, et ses divers déplacements prennent, sans qu’il le sa­che, une dimension communicative au cours des Actes II et III.  Quant à Isabelle, elle s’adonne à un travail constant de comédienne puisqu’il lui est im­possible de dire la vérité à son tuteur.[15]  Mû par une confiance inébran­lable de la validité de sa méthode pédagogique et par un optimisme béat, Sganarelle se croit  aimé – on songe au cas d’Alceste[16] – et il loue la vertu féminine de celle qu’il entend être sa femme (v. 494).  Dans cette perspec­tive, il pousse son illusion au niveau de l’invraisemblable quand il prend en pitié son rival Valère, qu’il considère comme un « pauvre malheureux » (v. 590).

Tout se passe comme si le protagoniste souffrait d’une déficience cogni­tive : il répète les mots qu’on lui souffle sans s’apercevoir de la por­tée de son message.  En proie à une redondance bouffonne, il reprend les propos d’Isabelle et les transmet séance tenante à Valère.  Sa lourdeur congé­nitale tient sans doute à une tournure d’esprit littérale, c’est-à-dire, à ses limites perceptives.  Bref, chez lui, la faculté de la dénotation l’emporte nettement sur celle de la connotation.  Sganarelle prend ironique­ment l’initiative de l’échange dans la pièce, mais on a affaire, en définitive, à une fausse communication.  Le monologue incessant auquel se livre ce barbon ainsi que son incapacité à tenir sa langue le prédisposent à l’échec.  Aussi finit-il par communiquer à Isabelle les compliments de Valère (II, 7).  Son aliénation du monde peut s’expliquer, enfin, par cet état de décalage linguistique dans lequel il s’enferme.  Sganarelle s’avère donc constamment être à côté de la plaque.  Outre le spectacle comique du « metteur en scène mis en scène, » l’enlèvement illustre une mise en abyme de la fourberie : Isabelle fait semblant d’être Léonor qui, à son tour, feint d’être Isabelle dans un quiproquo poussé à l’extrême (III, 3).

On a souvent dit, et à juste titre, que L’Ecole des Maris met en évi­dence l’affrontement de deux caractères antinomiques qui laisse transparaître l’opposition systématique entre la philosophie conjugale d’Ariste, fondée sur la liberté de Léonor, et la vision patriarcale et rétro­grade de Sganarelle, fondée sur la contrainte.  Le jeu moliéresque entre la lucidité et l’aveuglement s’inscrit, en plus, dans cette dialectique. Il im­porte, à cet égard, de tenir compte de la perspective critique de M. Koppisch, qui envisage Sganarelle et Ariste comme des « frères ennemis » marqués par une concurrence réelle.[17]  Ainsi, contrairement à son frère, Ariste incarne un idéal bourgeois libéral et bien plus sensé.  Jouissant d’un rapport affectueux avec Léonor, il s’adresse à son cœur (v. 174).  Par ail­leurs, il dispose d’une dot de « quatre mille écus de rente bien venants » (v. 201) (= au moins 12,000 livres), une somme conséquente à l’époque.  Son libéralisme tend à une dépense en vêtements féminins et en divertisse­ments mondains.  Préconisant l’idéal d’une éducation dans le monde, Léo­nor s’accorde avec sa prise de position en faveur des idées nouvelles.  A la fa­culté, chez Ariste, de s’accommoder de toute situation et à son goût de la mé­sothèse (vv. 43–46) s’ajoute sa croyance profonde à l’influence fonda­trice de la vie sociale et à la notion primordiale que tout être humain doit pouvoir échapper à la maîtrise d’autrui.[18]  Si Sganarelle prend plaisir à ridiculi­ser les préceptes de son frère aîné et à faire preuve d’une malveil­lance cynique à son égard, c’est qu’il se croit plus habile que lui.  Sa raillerie témoigne de sa volonté de justifier sa vision « éducative, » c’est-à-dire, se faire valoir par rapport à Ariste.  Mû par un sentiment de rivalité fraternelle, il s’applique à triompher sur lui en lui faisant la leçon.  C’est ainsi qu’il s’évertue, avant même le mariage, à trouver Léonor en flagrant délit d’adultère afin de faire éclater aux yeux d’Ariste son déshonneur (III, 2, 5).

La mise en évidence farcesque de la pièce réside dans le fait que Sgana­relle finit par être la victime d’une ruse qu’il a lui-même entretenue.  Là où il s’imagine « le vrai maître du jeu, » il ignore totalement qu’il se fait l’objet d’une machination continue.[19]  L’exemplarité de cette dupe perpétuelle provient, enfin, de sa crédulité démesurée.  Il convient alors, en fin de compte, de s’interroger sur le dénouement de L’Ecole des Maris.  En effet, ce héros de la farce reste entièrement dépourvu de conscience jusqu’à la dernière scène (III, 9), qui va mettre en valeur la déconfiture finale de Sganarelle : la collectivité des personnages assiste à son échec définitif.  Prenant conscience d’avoir été floué, il éclate d’une rage hai­neuse et renonce à « ce sexe trompeur » en connivence avec le Diable (v. 1109).  Il va de soi qu’il préfère accuser le monde au lieu de se remettre en cause.  Sa retraite finale fait ressortir sa solitude réelle ainsi que la faillite de sa vision étriquée du monde.  Prisonnier de son destin comique, il s’avère prédestiné à subir des malheurs conjugaux.  Au lieu de mener à bien son projet éducatif, le protagoniste finit par être l’objet de la leçon didactique de cette comédie.  Abusif, il ne mérite pas la pitié d’autrui (vv. 1093–1094).  S’adressant au parterre, Lisette justifie ce châtiment exem­plaire en signalant que l’école du monde prend pour tâche de civiliser les « maris loups-garous » (v. 1114).  L’expulsion finale du protagoniste s’explique, en dernier ressort, par l’impossibilité radicale de le socialiser : sa bêtise s’avère irrémédiablement incorrigible.[20]

University of Memphis


 

 

Ouvrages cités

Baschera, M. Théâtralité dans l’œuvre  de Molière. Tübingen : Gunter Narr, 1998. 

Bénichou, P. Morales du Grand Siècle.  Paris : Gallimard, 1948.  

Domat, J. Les Lois civiles dans leur ordre naturel, 3 vols.  Paris : Michel, 1696–1697.

Forestier, G.  Molière en son  temps. Paris : Bordas, 1990.

Gaines, James.  Social Structures in Molière’s Theater. Columbus, OH: Ohio State University Press, 1984.

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[1]Voir sur ce point, G. Forestier, Molière en son  temps, (Paris : Bordas, 1990), 75.

[2]R. Sörman, Savoir et économie dans l’œuvre  de Molière, (Uppsala : Acta Universitatis Upsaliensis, 2001), 53.

[3]Sganarelle s’apparente à l’ensemble des « mauvais pères » dans le théâtre de Molière, comme  Gorgibus, Orgon, Harpagon et en quelque sorte, Arnolphe.  Voir L. Thirouin, « Cocus et philosophes (aux Ecoles de Molière), » in Mariage des corps, mariage des esprits, Université Lumière Lyon 2, GRAC (UMR 5037), septembre 2009.

[4]Voir, à cet égard, M. Baschera, Théâtralité dans l’œuvre  de Molière, (Tübingen, Gunter Narr, 1998), 88. Voir également M. Gutwirth, Molière ou l’invention comique, (Paris : Minard, 1966), 93.

[5]Voir à ce propos K. Waterson , Molière et l’autorité, (Lexington, KY, French Forum, 1976), 49.

[6] Se reporter, à ce propos, à  R. McBride,  Seventeenth-Century French Drama and Thought, (Totowa, N.J.: Rowman & Littlefield, 1979), 76. Voir aussi M. Hawcroft, Molière : Reasoning with Fools, (Oxford, Oxford University Press, 2007), chapitre 2.

[7]J. Gaines insiste sur la démarche frauduleuse de la tutelle qu’exerce Sganarelle sur Isabelle en s’en remettant à la définition juridique de Jean Domat, juriconsulte éminent de « l’engagement involontaire » : « Celui qui est appelé à une tutelle est obligé, indépendamment de volonté, à tenir lieu de père à l’orphelin qu’on met sous sa charge » (Les Lois civiles dans leur ordre naturel, 2, vi, 147-61 [1690-1697], cité dans Social Structures in Molière’s Theater, [Columbus, Ohio State University Press, 1984], 76, note #31).  Voir aussi, sur ce point, M. Gutwirth, Molière et l’invention comique et « Arnolphe et Horace, » L’Esprit Créateur, VI (1966), 188-196.

[8]M. Gutwirth, « Arnolphe et Horace, » 189.

[9]Morales du Grand Siècle, (Paris, Gallimard, 1948),  176 .

[10]H. Stenzel , « Ecriture comique et remise en ordre politique : Molière en 1661, » in Ordre et contestation au temps des classiques, éds. R. Duchêne et al., (Paris : Biblio 17, 1992), 89 .

[11]Selon J. Morel, Sganarelle “s’impose à lui-même une solitude à peu près totale » (« Molière et les honnêtes gens, » Agréables Mensonges, [Paris, Klincksieck,1991], 284).  Dans cette perspective, la posture moraliste d’Arsinoé et son « faux voile de prude » (Le Misanthrope, v. 861) finissent par la détacher du code de l’honnêteté cher à Ariste et lui fait souffrir, d’après Célimène, une « affreuse solitude » (v. 862).

[12] Voir L. Riggs, Molière and Modernity (Charlottesville, VA.: Rookwood Press, 2005), 16.  

[13]Raillant contre l’inutilité des précautions prises par des maris autoritaires  contre la menace du cocuage, Lisette, la servante de Léonor et le porte-parole d’une sagesse populaire, soutient que l’intelligence des femmes libres leur permet de réduire de tels maris au rang des bêtes :

Pensez-vous, après tout, que ces précautions       
Servent de quelque obstacle à nos intentions ?    
Et, quand nous nous mettons quelque chose à la tête,       
Que l’homme le plus fin ne soit pas une bête ? (vv. 159–162)

[14]Voir J. Scherer, « La Communication dans L’Ecole des Maris, » L’Art du théâtre. Mélanges en hommage à Robert Garapon, (Paris, PUF, 1992),  213.

[15]Cette aptitude de dire la vérité sous forme de mensonge se manifeste avec vigueur dans Tartuffe, lorsque le faux dévot se livre devant Orgon à un auto-portrait fouillé :

Non, non, vous vous laissez tromper à l’apparence,          
Et je ne suis rien moins, hélas ! que ce qu’on pense.        
Tout le monde me prend pour un homme de bien ;          
Mais la vérité pure est que je ne vaux rien. (vv. 1097-1100)

[16] A l’affirmation d’Alceste, fondée sur l’illusion (« Je ne l’aimerais pas si je ne  croyais l’être » [Le Misanthrope, v. 237], correspond la mise en garde célèbre d’Elmire dans Tartuffe  : « … on est aisément dupé par ce qu’on aime » (v. 1357).

[17] Rivalry and the Disruption of Order in Molière’s Theatre, (Teaneck, N.J.: Fairleigh Dickinson University Press, 2004).

[18]Afin d’illustrer l’antagonisme entre Sganarelle et Ariste, J. Steigerwald s’applique à mettre en évidence non seulement la dimension relationnelle des deux frères et des deux sœurs orphelines (Isabelle et Léonor), mais aussi, dans l’intrigue, « la relation maison-parenté-sexualité » (« De la comédie érudite à la comédie de salon : Les appropriations de l’Arioste par Molière [L’Ecole des maris, L’Ecole des femmes, La Critique de l’Ecole des femmes] »), Papers on French Seventeenth-Century Literature, XL, 79 [2013], 344.)  Dans cette optique, là où Ariste s’avère partisan d’une notion progressive de la « maison ouverte, » Sganarelle apparaît comme le représentant désuet de la « maison fermée. »

[19]Voir à ce sujet B. Rey-Flaud, Molière et la farce, (Genève, Droz, 1996), 91.

[20]Je tiens à remercier Denis Grélé de ses excellentes observations au cours de l’élaboration de cet essai.

Site Sections (SE17): 

La ruse du nom, machination rhétorique dans Amphitryon de Molière

Article Citation: 
XVI, 1 (2015): 18–34
Author: 
Nathalie Freidel
Article Text: 

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Introduction

Amphitryon est une pièce que l’on n’a pas prise au sérieux, ce qui dans un sens est la moindre des choses pour une comédie, mais ne rend pas jus­tice à une machine aux rouages subtilement huilés qui, sans égaler le degré de sophistication du Tartuffe poursuit à bien des égards dans sa lancée. Antony McKenna s’insurge contre une tradition qui l’a considérée comme « un simple divertissement pour le repos des guerriers de Louis XIV » (McKenna 136). René Pommier dénonce les commentateurs qui sont allés jusqu’à en faire « une pièce-flagornerie », une manœuvre de courtisan flat­tant les bas instincts du souverain[1]. Il démontre aussi qu’en se focalisant sur la question de la clef (l’aventure de Jupiter et d’Alcmène serait, selon la thèse de Georges Couton adoptée par de nombreux cri­tiques, une allu­sion à la liaison de Louis XIV et de Mme de Montespan[2]), la critique s’est enfermée dans un débat peu éclairant sur le plan littéraire qui a eu pour effet d’affadir et de désamorcer le dispositif d’Amphitryon. Pour tenter de le restituer, il faut revenir aux circonstances dans lesquelles la pièce fut écrite : en choisissant comme personnage éponyme la victime d’une vile, quoique divine, imposture, Molière, loin de baisser les armes après la se­conde interdiction de Tartuffe, poursuit le combat sous le voile du sujet mythologique et traduit en langage scénique l’argumentation développée dans la Lettre sur l’Imposteur[3]. La source antique et sa reprise heureuse par Rotrou en 1636[4], l’adoption de la fable par la culture ga­lante[5], servent alors de garants à la reprise d’un thème controversé. Le cadre mythologique d’Amphitryon, pièce à grand spectacle où le luxe et la pompe des machines enveloppent élégamment le scabreux du sujet et le scandale nocturne de l’adultère divin, offre en effet peu de prises à la cen­sure religieuse.

La question de l’imposture surgit pourtant dès la scène d’exposition à trav­ers la confrontation de Sosie, le valet poltron d’Amphitryon, qui vou­drait se faire passer aux yeux d’Alcmène pour un brave guerrier, et de Mer­cure, qui usurpe l’identité de Sosie en sa présence. Dans le face à face où chacun accuse l’autre de mensonge et d’imposture se dessine en fil­igrane la théâtralisation de la querelle qui oppose au même moment Mo­lière à ses détracteurs à propos du Tartuffe[6]. Mais le débat Mercure / Sosie fait éclater la différence essentielle entre les adversaires de la querelle. Comme l’indique l’occurrence exemplaire de théâtre dans le théâtre, lorsque Sosie joue par anticipation la scène, qui n’aura pas lieu, de son ambas­sade auprès d’Alcmène figurée par une lanterne (I, 1), la simulation du fanfaron est d’ordre histrionesque, somme toute inoffensive, alors que la manipulation de Mercure est une manœuvre de pouvoir. Le même déséquili­bre s’applique entre Molière, accusé d’hypocrisie, et le groupe organisé des dévots, visé dans Tartuffe, en qui le public a reconnu la puis­sante Compagnie du Saint Sacrement.

Amphitryon paraît donc la réponse apportée par la comédie à la grave question de la ruse et de l’imposture. Mais au lieu que l’intérêt se porte sur un personnage central, comme c’est souvent le cas chez Molière, toute l’attention se concentre sur le discours et ses pièges, le raisonnement et ses chimères. Le débat liminaire entre Mercure et Sosie est sur ce point exem­plaire d’une dramaturgie du paradoxe, dont James F. Gaines a exposé les ressorts et les enjeux dans une étude lumineuse[7]. Jean de Guardia nous livre quant à lui une clef rhétorique décisive de la pièce lorsqu’il remarque que Molière, tout en suivant de très près ses prédécesseurs, isole un élé­ment et un seul, « un concept spectaculaire » aux ressources comiques in­finies : le débat étonnant, absurde, absolument impossible (Guardia 63). Ainsi, le ridicule, dans Amphitryon, procède non pas de la peinture des mœurs ou des caractères mais d’une situation rhétorique artificielle et ar­bitraire.

La lecture que nous proposons s’inscrit dans une perspective rhétorique qui permettra, dans un premier temps d’observer, dans la confronta­tion en miroir du valet et du dieu, l’un ayant pris la forme de l’autre, la mise en place d’une dramaturgie du double particulièrement élaborée. La ruse de Mercure constitue en effet un coup de force qui nous situe d’emblée au cœur de la problématique théâtrale et des questions de représentation. Nous verrons ensuite comment, à travers la performance oratoire du philosophe amateur et du sophiste, le débat se focalise autour d’une aporie rhétorique que sous-tendent des enjeux philosophiques. En dernière analyse, le principe du débat contradictoire peut être compris comme la ruse adoptée par Molière pour démonter les ressorts et les pièges de l’imposture, pour déjouer les ressources manœuvrières du men­songe.

I. La logique du double : dédoublement, duplicité et duplication

Une ruse en trompe-l’œil

Un réflexe fréquent, chez les spectateurs d’Amphitryon, consiste à dé­plorer le sort pitoyable du « malheureux Sosie », trompé, violenté, annihilé dès le lever de rideau par l’odieuse mystification du dieu malin. Le face à face inégal, classique de la farce, appelle d’emblée l’injure et les coups de bâtons. Mais, et c’est ce qui permet d’en rire, Sosie ne mérite-t-il pas ce qui lui arrive ? Le dialogue ne nous révèle-t-il pas que nous avons affaire, non pas à la victime innocente d’une justice arbitraire, mais à un drôle dont la conscience est chargée et que l’interrogatoire musclé du dieu fait passer aux aveux. Sosie, qui s’apprêtait, au moyen d’un grand récit hé­roïque, à faire son Rodrigue auprès d’Alcmène :

Ils n’ont pu résister, Madame, à notre effort :
Nous les avons taillés en pièces,
Mis Ptérélas leur chef à mort
Pris Télèbe d’assaut, et déjà dans le port,
Tout retentit de nos prouesses. (Amphitryon 228–232)

… se reconnaît menteur, voleur et déserteur. L’imposture du Fierabras est en effet déjouée par Mercure qui, en maniant habilement l’intimidation et la surprise, obtient des aveux complets et signe une déposition en bonne et due forme : 

D’un jambon […] Que j’allais déterrer
Je coupai bravement deux tranches succulentes,
Dont je sus fort bien me bourrer ;
En joignant à cela d’un vin que l’on ménage,
Et dont, avant le goût, les yeux se contentaient,
Je pris un peu de courage
Pour nos gens qui se battaient » (Amphitryon 498–504).

Punir un coquin de sa poltronnerie et de sa gloutonnerie n’est assurément pas indigne d’un dieu mais, et c’est là que tout dérape, Mercure, qui pour­rait se contenter d’employer la force, décide, sous un prétexte plutôt mince – « et je vais avec lui m’égayer comme il faut » (280) – d’y ajouter la ruse. Ici surgit une question épineuse : si « les ruses de l’intelligence », selon Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant, sont bien conformes à « la mètis des Grecs », l’idée, dans la société du XVIIe siècle, d’une divinité « full of tricks » s’abaissant à jouer des tours à une humanité désemparée, semble difficilement acceptable. Lorsque Descartes en fait la proposition, au seuil des Méditations métaphysiques, c’est évidemment à titre d’hypothèse de travail, d’outil épistémologique[8]. Et imputer la chose à la malignité bien connue de Mercure dont la tradition a fait « le dieu des larrons, impos­teurs, et de toutes les fraudes »[9], c’est oublier que l’idée de la ruse du nom est moins le produit de la malignité de Mercure que de la lubricité de Jupi­ter. Tout spectateur, bien informé de l’histoire, est parfaitement conscient qu’au moment où Mercure « s’egaye » avec Sosie au moyen de sa drôle d’idée, Jupiter la met en application, « dans la possession des plaisirs les plus doux » (Prologue 65), avec Alcmène. Admettons donc que la ruse du dieu subalterne soit en trompe-l’œil afin de camoufler la conduite scanda­leuse du souverain des dieux. Il y a, suggère le dramaturge, des nuances de l’imposture dont le degré de gravité est inversement proportionnel au rang de ceux qui la commettent : la fanfaronnerie de Sosie paraîtra bénigne à côté de l’embuscade malveillante de Mercure, lui-même écolier du crime face à Jupiter, champion hors-catégorie de la métamorphose crapuleuse.

Dédoublements

Revenons au stratagème de Mercure : « et je vais m’égayer avec lui comme il faut, / En lui volant son nom, avec sa ressemblance ». L’imposture est double : d’une part, Mercure prend la place du valet d’Amphitryon, d’autre part, en empruntant à Jupiter son « bel artifice », il joue le personnage du dieu régnant, se fait l’imitateur de ses « tours ingé­nieux ». La manœuvre est certes motivée par la personnalité de celui qui s’est plaint dès le prologue d’être traité « comme un messager de village ». Mais il faut surtout y voir le moyen de faire coïncider dans la pièce l’invention des sosies avec le mécanisme des doubles[10] : Mercure, sosie de So­sie, est aussi le double de Jupiter ; Amphitryon, qui a pour sosie Jupiter, est aussi le double de Sosie. Le parallélisme des maîtres et des serviteurs forme un chiasme avec la duplication des sosies. Dans ce double dédouble­ment réside tout le sel et l’ingéniosité de la scène liminaire où le méchant tour que Mercure joue à Sosie est la version euphémisée de l’embuscade traîtresse de Jupiter. Nous sommes d’emblée dans un schéma qui est moins celui de la répétition et de la duplication, selon l’analyse de Guardia, que de la mise en abîme : on nous donne à voir une autre scène dans la scène – scène primitive, invisible, sidérante. Un rapport d’analogie s’installe entre les deux ruses divines qui ont pour particularité d’être des ruses paradoxales. Jupiter séduit Alcmène en se faisant passer pour son mari, ce qui, observe Mercure dans le prologue, serait avec toute autre épouse une garantie d’échec. Quant à Mercure, il se fait passer pour Sosie en présence du principal intéressé ce qui, en toute autre circonstance, se­rait une entreprise vaine. Amphitryon généralise une dramaturgie du dou­ble déjà à l’œuvre dans ce que Max Vernet désigne comme le « cycle de la jal­ousie » (Vernet 97) : dans Le Médecin volant, où Sganarelle se fait passer pour un médecin puis pour le frère « gémeau » de ce dernier, dans L’École des Femmes, où Arnolphe / M. de La Souche voit se retourner con­tre lui sa ruse du nom, dans Tartuffe dont le double jeu consiste à prendre progressivement la place d’Orgon.

L’ère du soupçon

Si Amphitryon constitue, selon l’expression de Max Vernet, « le pas­sage à la limite de tout le cycle de la jalousie » (Vernet 97), c’est parce que la pièce pousse à l’extrême la logique du double. Deux personnages, un valet et son maître, sont doublés provisoirement par deux dieux mal intentionnés dont l’imposture va avoir pour effet de semer la zizanie entre les hommes. De ce schéma vont découler deux types d’échanges : des scènes de quiproquos proprement dit, dans lesquelles des copies trompent des originaux (Jupiter se fait passer pour Amphitryon auprès d’Alcmène ; Mercure se fait passer pour Sosie auprès d’Amphitryon) et des scènes d’affrontement entre les originaux dont la confiance a été sabotée par l’intervention des contrefaçons. L’imposture a donc pour effet de brouiller définitivement les échanges, de faire entrer l’humanité dans l’ère du soup­çon. Amphitryon soupçonne Sosie de lui raconter des sornettes pour se justifier de n’avoir pas accompli sa mission, mais surtout, il soupçonne son épouse de lui mentir pour dissimuler son crime. La perversion est achevée lorsque, fidélité et infidélité s’avérant indistinguables, l’innocence et l’intégrité même sont convaincues d’imposture :

La nature parfois produit des ressemblances
Dont quelques imposteurs ont pris droit d’abuser ;
Mais il est hors de sens que sous ces apparences
Un homme pour époux se puisse supposer,
Et dans tous ces rapports sont mille différences
Dont se peut une femme aisément aviser » (Amphitryon 1470–1475).

Contrairement au mensonge, qui est ponctuel, l’imposture introduit un trouble durable, un doute irréparable, que ne révoque pas le rétablissement de la vérité. L’impossibilité de distinguer le vrai du faux Sosie ainsi que le vrai du faux Amphitryon n’est pas sans évoquer la question, étudiée par Julia Prest, du « vrai » et du « faux dévot » dans la controverse de Tar­tuffe[11]. Toutefois, alors que dans Tartuffe, la fascination engendrée par les simulacres est combattue par les raisonnements sincères et lucides d’un Cléante[12], elle prend dès l’ouverture d’Amphitryon la forme d’une aporie dramatique et rhétorique dans le débat qui oppose Sosie à Mercure.

 

II. La forme du débat

Sosie raisonneur

Sosie, veule au combat, s’avère étonnamment combatif dans le débat, face à un adversaire dont Furetière rappelle qu’il est dieu de l’éloquence[13]. Contre toute attente, il oppose à l’agression caractérisée de l’imposteur une résistance qui prend la forme de l’argumentation, arme des faibles. Dans la catégorie des raisonneurs moliéresques, étudiée par Michael Haw­croft, Sosie n’égale pas le ridicule de Sganarelle dont la « grotesque impuis­sance rhétorique » (Declercq, Art d’argumenter 205) culmine dans sa « démonstration » absurde de l’existence de Dieu et de la nécessité de la damnation.

Toute la première partie de la controverse (I, 2) permet de situer Mer­cure, qui manie l’injure et l’accusation mensongère avec une mauvaise foi criante, du côté de la composante passionnelle du débat – « O le mensonge hor­rible ! et l’impudence extrême ! / Tu m’oses soutenir que Sosie est ton nom ? » (357–358) –, tandis que Sosie, dont la rhétorique est celle du sens commun, de l’opinable et du vraisemblable, maintient une position ration­nelle. Le valet d’Amphitryon raisonne avec adresse, maniant alternative­ment les trois types de preuves selon la rhétorique aristotélicienne. La preuve éthique est fournie par l’aveu de sa faiblesse : « C’est pure fanfa­ronnerie / De vouloir profiter de la poltronnerie / De ceux qu’attaque notre bras » (373–375). La preuve pathétique ressort du tableau émouvant de sa persécution : « Tes coups n’ont point en moi fait de métamorphose ; / Et tout le changement que je trouve à la chose, / C’est d’être Sosie battu » (380–382). La preuve logique enfin réside dans l’affirmation : « je le soutiens par la grande raison […] qu’il n’est pas en moi de pouvoir dire non, / Et d’être un autre que moi-même » (359–362). À force d’accumuler des prémisses vraisemblables, de se faire la voix de la doxa, Sosie con­traint son adversaire à dévoiler son jeu. La réplique de Mercure, « C’est moi qui suis Sosie », donne l’occasion à Sosie de caractériser avec justesse à la fois son adversaire et la sorte de malversation dont il est la victime : « Et par un imposteur me voir voler mon nom » (401).Loin de le déstabi­liser, le constat de l’agression caractérisée incite le raisonneur à relancer le dé­bat.

L’aporie rhétorique

Sa tactique repose sur l’accumulation d’arguments logiques. Il pose d’abord la question, pertinente entre toutes, du mobile : « que te reviendra-t-il de m’enlever mon nom ? » (413). Ce faisant, il met à jour la contradic­tion inhérente aux prémisses du discours adverse : « Et peux-tu faire enfin, quand tu serais démon, / Que je ne sois pas moi ? que je ne sois Sosie ? » (414–415). Il résout le dilemme (« puis-je cesser d’être moi ? ») par l’apport de « preuves » et d’« indices », et reconstruit une réalité tangible et factuelle par l’accumulation d’arguments empiriques :

Mon maître Amphitryon ne m’a-t-il pas commis
À venir en ces lieux vers Alcmène, sa femme ?
Ne lui dois-je pas faire, en lui vantant sa flamme,
Un récit de ses faits contre nos ennemis ?
Ne suis-je pas du port arrivé tout à l’heure ?
Ne tiens-je pas une lanterne en ma main ? (434–439)

À cette rhétorique du sens commun, appuyée par le recours à la preuve sensible[14], au témoignage du corps et à la certitude de l’évidence intellec­tuelle, Mercure réplique par un syllogisme qui s’avère un sophisme : tu es tout ce que tu dis être à toi ; or tout ce que tu dis être à toi est à moi (« Tout ce que tu viens de dire est à moi ») ; donc je suis toi (« C’est moi qui suis Sosie enfin »). On reconnaît sans mal dans l’entreprise sophistique de Mercure les causes de la fascination dont sont déjà victimes, selon Gilles Declercq, les personnages de Tartuffe :

Le déni de réalité consistant à qualifier celle-ci d’apparence trompeuse (…), par un effet de vertige sophis­tique, c’est la dé­nonciation de l’imposture qui se voit quali­fiée d’imposture (« Équivoques de la séduction » 119–120).

En outre, à la mauvaise foi, Mercure joint le cynisme, qui consiste, selon la définition de Vladimir Jankélévitch, « à faire de l’objection une raison de plus » (Jankélévitch 45) et porte la paradoxologie à son comble en y ajoutant la dérision :

C’est moi qui suis Sosie enfin, de certitude […]
Qui dans Thèbes ai reçu mille coups d’étrivière,
Sans en avoir jamais dit rien,
Et jadis fus marqué par derrière
Pour être trop homme de bien » (459–467)

L’aporie rhétorique, qui définit « une situation oratoire paradigmatique du raisonneur moliéresque » (« Équivoques de la séduction » 114), se solde donc par la victoire de la copie sur le modèle. L’ambition dialectique de Sosie est mise en échec : il s’est révélé incapable de distinguer dans le dis­cours les signes du vrai et du faux.

Cependant, accumulant à son tour, en réponse à l’interrogatoire de So­sie, des chefs d’accusation qui, comme ses coups, ne sont « que trop vérita­bles », Mercure parvient à convaincre sa victime de la nécessité d’un fait impossible. La victoire du raisonnement sophistique « qui abuse l’auditoire en présentant comme probable ce qui par nature, est paradoxal ou invraisemblable, en donnant au faux – notamment aux fautes logiques, un air de vraisemblance » (Art d’argumenter 29), s’avère complète à l’acte sui­vant lorsque Sosie, face à Amphitryon, entreprend de démontrer, dans une scène d’auto-persuasion caractéristique de la fascination engendrée par les simulacres de l’imposteur, l’existence des deux Sosie :  

Je ne l’ai pas cru, sans une peine extrême : 
Je me suis d’être deux senti l’esprit blessé,
Et longtemps d’imposteur j’ai traité ce moi-même.
Mais à me reconnaître enfin il m’a forcé :
J’ai vu que c’était moi, sans aucun stratagème […] »  (778–782).

La scène philosophique

Si l’enjeu de la controverse est absurde, les arguments employés constitu­ent des philosophèmes bien ancrés dans la culture du XVIIe siècle. Lorsque Sosie oppose le témoignage des sens à l’intuition intellectuelle, il parodie le débat philosophique entre Descartes et Gassendi, entre « l’esprit » et « le corps » : « La véracité divine étant disqualifiée, l’évidence de l’intuition intellectuelle est bafouée ; il ne reste que le témoign­age du corps […] » (Mc Kenna 130). Quant à l’objection qui con­siste en l’impossibilité de s’anéantir – « Puis-je cesser d’être moi ? » – elle calque l’argument cartésien qui vient réfuter l’hypothèse du malin génie : « […] qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose » (Méditation première). James F. Gaines interprète la confrontation de Mercure et Sosie (ainsi que l’ensemble de la pièce) dans le sens d’un scepticisme qui révèle un « moi dévalué », une identité qui n’est qu’affaire d’apparence et d’opinion (Gaines 111). Mais au-delà des références nombreuses au débat philosophique, cette « tirade vertigineuse » de Sosie constitue l’acmé d’une « dramaturgie de la semblance et de l’imposture aliénatrice » (« Équivoques de la séduction » 121), qui théâtralise l’effet contaminateur du simulacre et l’impossibilité de percevoir la vérité par des signes stables et fiables[15]. De même que Dorine menaçait Mariane d’être « tartuffiée », l’incrédulité d’Amphitryon lui vaudra d’être sosifié en devenant à son tour la victime de Mercure dans une scène-miroir (III, 2) où il reprend le rôle d’Orgon : « Juste retour des choses d’ici-bas. / Vous ne vouliez point croire, et l’on ne vous croit pas » (Tartuffe 1695–6). Le théâtre des dou­bles nous réserve cependant des surprises : contre toute attente, le Sosie qui avait succombé à l’emprise sophistique de Mercure dans la scène d’ouverture, va opposer, au moment du dénouement, une résistance fa­rouche et victorieuse à la rhétorique fallacieuse de Jupiter.

III. Jupiter ou l’imposteur

La revanche de Sosie

Le pari dramaturgique de la pièce repose sur le choix audacieux de l’aporie dialectique comme élément déclencheur. Le spectacle de Sosie, piètre soldat mais hardi raisonneur, jeté dans la perplexité de l’aporia, ré­duit ad absurdum, est, il faut l’avouer, moins réjouissant que celui du dé­lire des extravagants. La fureur d’Harpagon dépouillé de sa cassette déclenche une hilarité plus franche que le désarroi de Sosie, dépossédé de son être. Or, selon René Pommier ce malaise initial se confirme, s’aggrave en fait, dans le dénouement d’Amphitryon. Son analyse de la dernière scène et des modifications qu’y apporte Molière par rapport à ses modèles, met en évidence l’ironie profonde de la situation : toute l’éloquence dé­ployée par Jupiter ne parvient pas à désarmer Amphitryon qui garde jusqu’au bout un silence obstiné – au lieu, comme chez Rotrou, de se dé­clarer satisfait et honoré et d’inviter tout le monde à bénir son rival divin[16]. Or c’est Sosie, prenant sa revanche sur l’humiliation de la scène 2, qui com­mente avec audace l’échec oratoire du dieu – « Le seigneur Jupiter sait dorer la pilule » (III, 10, 1913) – et se fait le porte-parole d’Amphitryon lorsqu’à la flagornerie de Mercure – « Et les coups de bâton d’un dieu / Font honneur à qui les endure » –, il réplique par l’équivoque : « Ma foi ! Monsieur le dieu, je suis votre valet : / Je me serais passé de votre cour­toisie » (III, 9, 1880–1881). C’est lui enfin qui, s’interposant entre son maître et les discours complimenteurs des capitaines, prononce une conclusion qui évacue à mots couverts la révélation de la disgrâce de son maître :

Tout cela va le mieux du monde :
Mais enfin coupons court aux discours,
 Et que chacun chez soi doucement se retire.
Sur de telles affaires, toujours
Le meilleur est de ne rien dire (III, 10, 1940–1943).

Le discours voilé par lequel Sosie a le dernier mot montre qu’après avoir été la victime de l’imposture, il en a apparemment tiré les leçons puisqu’il adopte à son tour une posture qui est celle du rire dissimulé[17].

Double langage

Le cocu Joconde, dans le conte de La Fontaine, arrivait à la même conclu­sion, optant sagement pour le silence plutôt que pour une vengeance qui ferait éclater le scandale[18]. Sosie souligne la maladresse de Jupiter dans son compliment public à Amphitryon et le fiasco rhétorique du sou­verain des dieux invite à relire la victoire apparente de Mercure dans la scène du vol du nom. Selon cette perspective en effet, la capitulation ini­tiale de Sosie apparaît comme le faire-valoir de la résistance finale d’Amphitryon. L’argumentation rhétorique est le vecteur par lequel, dans la pièce, on passe des problèmes logiques aux questions éthiques et poli­tiques. Ainsi, l’enthymème prononcé par Mercure dans le prologue est du point de vue de l’éthique autant une contradiction que le vol du nom l’est du point de vue de la logique :

Lorsque dans un haut rang on a l’heur de paraître,
Tout ce qu’on fait est toujours bel et bon ;
Et suivant ce qu’on peut être,
Les choses changent de nom » (128–131).

Loin de considérer qu’il s’agit là de « la leçon principale de la comédie » (Guardia 218), visant à décourager la critique et à suspendre son jugement au sujet de l’adultère royal, nous tenons l’enthymème pour exemplaire d’une utilisation biaisée du raisonnement à des fins malhonnêtes. Au seuil de la pièce, il éveille les soupçons, jette le discrédit sur cet autre du poli­tique qu’est la sophistique :

C’est parce qu’on est imposant, parce qu’on en impose, qu’on peut être un imposteur, et on n’en impose jamais qu’au peuple, et toujours à propos de, autour, ou avec le lan­gage (Cassin 16).

Chef-d’œuvre de comique à demi-mot, Amphitryon tient de bout en bout un double langage. L’ironie est présente d’emblée dans la controverse bur­lesque qui oppose Mercure et la Nuit : l’un se plaint de la pénurie de moyen de transport qui rend ses fonctions harassantes, l’autre ironise sur les « pratiques » douteuses du souverain des dieux. La conclusion sous forme de prétérition – « N’apprêtons point à rire aux hommes / en nous disant nos vérités » (146–147) – prévient le spectateur qu’on va le régaler du spectacle burlesque de dieux charlatans dont la littérature satirique a déjà su tirer parti[19]. Mais chez Molière, Jupiter lui-même n’est pas mieux loti, son apparition en majesté ne parvenant pas à compenser le comique de la scène de séduction lorsque, empêtré dans un distinguo paradoxal, il tente vainement de persuader Alcmène de la supériorité de l’amant sur le mari (I, 3)[20]. Il reprend alors, par le recours à une rhétorique parfaitement hypocrite et un discours d’incitation à la luxure, le rôle de galant malhon­nête tenu précédemment par Tartuffe à ceci près que, le crime étant déjà consommé, le discours de persuasion arrive un peu tard[21].

Un art de l’esquive

Face à l’imposture, l’attaque frontale est à proscrire : « la dispute est par trop inégale entre nous » (I, 2, 387). Ce constat de Sosie résume peut-être l’expérience de Molière face aux adversaires de Tartuffe mais suggère aussi un art de l’esquive dont La Fontaine a fait un principe poétique. Amphit­ryon transpose au théâtre la ruse, fréquente chez le fabuliste, qui consiste à se faire le chantre d’un point de vue qu’on dénonce. La pseudo-morale énoncée au début de la pièce – les grands font toujours bien et sont exceptés de la morale commune – est ensuite démentie, révélée comme imposture[22]. La comédie propose une variation brillante de l’apologue équivoque de la fable – « La raison du plus fort est toujours la meilleure » – en dévoilant les mécanismes du faux à l’œuvre dans le détournement de la raison logique. La scène de reconnaissance finale, apparemment résolu­tive, porte en réalité à son comble la perturbation des conventions et des certitudes. Car l’efficacité redoutable du ridicule se communique, par le biais de la rhétorique, d’un discours à l’autre, du paradigme galant à celui de la religion. Le spectateur déniaisé saura aisément déceler dans le dis­cours conclusif de Jupiter, qui se révèle imposteur devant le peuple des fidèles – « Regarde, Amphitryon, quel est ton imposteur » (III, 10, 1890) –, et parodie la révélation avec l’annonce de la naissance d’Hercule, la thèse de l’imposture politique des religions. En dévoilant la rhétorique illusion­niste par laquelle le pouvoir assoie son autorité sur un peuple crédule, Amphit­ryon s’inscrit dans la droite ligne de la culture libertine qui, selon l’expression de Jean-Charles Darmon, « a fait de l’imposture la grande affaire de toute pensée » (Darmon 72).

La dernière scène d’Amphitryon est au bout du compte exemplaire de la façon dont le théâtre de Molière réfléchit la situation équivoque qui est la sienne, dans le débat avec ses adversaires. En instruisant lui-même le procès du pouvoir trompeur de la représentation, en radicalisant la confu­sion dont le signe théâtral est accusé d’être l’opérateur, Molière adopte la stratégie équivoque d’Elmire contre Tartuffe, qui consiste à affronter l’adversaire sur son propre terrain et avec ses propres armes :

La dialectique clairvoyante ne peut venir à bout de l’imposture. Celle-ci impose le recours à une rhétorique du vraisemblable et à une dramaturgie du simulacre usant des armes même de la sophistique qu’elle entend combattre (« Équivoques de la séduction » 118).

 

Dans la galerie d’imposteurs composée par Molière, Jupiter prend la re­lève du galant Panulphe, lui-même l’avatar du dévot Tartuffe. Sous des déguisements et avec des attributs divers, c’est un même personnage qui revient sur le théâtre et un même combat qui se poursuit contre les puis­sances des ténèbres (Jupiter a la nuit pour alliée). Mais ici, l’objet de fascina­tion se déplace de la figure de l’hypocrite aux figures du discours et toute l’attention est portée par le dramaturge aux fondations rhétoriques de la ruse. La matrice du débat impossible permet de démonter les méca­nismes sur lesquels repose l’exercice d’un pouvoir abusif : raisonnement fallacieux, dérive sophistique, perversion de la logique aboutissant à la paralysie de l’adversaire médusé, résigné à l’absurde. La multiplication des figures du dédoublement (sosies, doubles, personnages-acteurs, person­nages à clef) expose le spectateur au trouble durable, à l’aporie face au divorce de l’être et du paraître, qui caractérise les victimes de l’imposture. Or c’est au ridicule, au pleutre Sosie qu’est confié le soin de déjouer cette sombre machination, à l’individu asservi qu’est confié le dis­cours de liberté. Quelle meilleure occasion de réaffirmer les pouvoirs de la co­médie, à laquelle la censure vient d’infliger un revers avec l’interdiction de Tartuffe ? En caricaturant le discours de l’adversaire, en se faisant le champion de la logique du double, en agissant donc per contrarium, ce vulgaire bouffon, pâle reflet de l’héroïsme de son maître, parvient à faire endosser son ridicule au dieu trompeur. C’est alors que tombe le masque du dramaturge et que le rire vient démentir la morale prétendue de la Fable.

Wilfrid Laurier University


 

Ouvrages cités

Adam, Antoine. Histoire de la littérature française au XVIIe siècle. Paris: Domat, 1952, tome III.

Cassin, Barbara. « Philosophe, sophiste, orateur: qui imite qui? », Figures de l’imposture. Entre philosophie, littérature et science, J. -Ch. Darmon (dir.), 15–27. Paris: Desjonquères, 2013.

Cavaillé, Jean-Pierre. « Hypocrisie et Imposture dans la querelle du Tar­tuffe (1664–1669): La Lettre sur la comédie de l’imposteur (1667) », Les Dossiers du Grihl [En ligne], Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Lib­ertinage, athéisme, irréligion. Essais et bibliographie, mis en ligne le 09 juin 2007, consulté le 19 octobre 2013. URL : http://dossiersgrihl.revues.org/292 ; DOI : 10.4000/dossiersgrihl.292

Couton, Georges. Molière, Œuvres complètes, « Bibliothèque de La Pléi­ade » T II. Paris,: Gallimard, 1971.

Darmon, Jean-Charles. « Libertinage et imposture : remarques sur quel­ques exercices de « souplesse » de Cyrano à Fontenelle. » Figures de l’imposture […], 71–110. Paris: Desjonquères, 2013.

Declercq, Gilles. L’Art d’argumenter. Structures rhétoriques et littéraires, Paris, Éditions Universitaires, 1993.

———. « Équivoques de la séduction : Elmire entre honnêteté et libertinage », Biblio 17, n°181 (2009): 71–127.

De Guardia, Jean. Poétique de Molière. Comédie et répétition, Genève: Droz, 2007.

Detienne, Marcel et Jean-Pierre Vernant. Les ruses de l’intelligence. La mètisdes grecs, Paris, Flammarion, 1974.

Gaines, James F. Molière and Paradox. Skepticism and Theater in the Early Modern Age, Tübingen, Narr Verlag, Biblio 17, 2010.

Hawcroft, Michael. Molière : Reasoning with fools. Oxford, Oxford UP, 2007.

Jankélévitch, Vladimir.  L’ironie. Paris: Flammarion, 1964.

Jasinski, René. Molière. Paris: Hatier, 1959.

McKenna, Anthony. Molière dramaturge libertin. Paris: Champion, 2005.

Pommier, René. « Sur une clef d’Amphitryon. » RHLF 96, 2 (1996):  212–228.

Prest, Julia. « Where Are the vrais dévots and Are They véritables gens de bien ? Eloquent Slippage in the Tartuffe controversy. » Neophilologus, 97, 2 (2013): 283–297.

Roederer, Pierre-Louis. Mémoire pour servir à l’étude de la société polie en France, ch. XXII, cité dans Molière, Œuvres completes. « Grands Écrivains de la France » T. VI. Paris: Hachette, 1873–1893.

Truchet, Jacques. « À propos de l’Amphitryon de Molière : Alcmène et La Vallière. » Mélanges d’histoire littéraire offerts à Raymond Lebègue. Paris: Nizet, 1969, 241–248.

Ubersfeld, Anne. « Le double dans l’Amphitryon de Molière. » Dramatur­gies, langages dramatiques, mélanges pour J. Scherer. Paris: Nizet, 1986,  234–244.

Vernet, Max.  Molière. Côté jardin, côté cour. Paris: Nizet, 1991.



[1] René Pommier cite Daniel Mornet, « qui n’a pas craint d’écrire qu’Amphitryon était une “pièce-flagornerie, ou, si l’on songe à toutes les flagorneries du temps, une pièce de courtisan” (Molière, [Paris: Boivin, 1943], 145–146) ». La thèse de la pièce de courtisan a d’abord été avancée par Roederer, suivi par des critiques comme Jacques Truchet, René Jasinski, Antoine Adam, Georges Couton.

[2] « Le dossier rassemblé par George Couton prouve bien que Molière devait savoir que Louis XIV s’intéressait à Mme de Montespan et que, connaissant la cour, il devait savoir aussi qu’il pouvait faire allusion à cette intrigue sans créer de scandale. Mail il ne suffit pas de prouver qu’il pouvait le faire pour prouver qu’il l’a effectivement fait » (Pommier 214).

[3] La Lettre sur la comédie de l’imposteur paraît, sans nom d’auteur, sans lieu et sans nom d’imprimeur, quelques jours après l’interdiction, par les autorités civiles et religieuses, de la Comédie de l’imposteur, représentée le 4 août 1667. Ce texte, longtemps considéré comme une riposte de Molière, a été attribué par Robert Mc Bride à La Mothe Le Vayer (La Mothe Le Vayer, Lettre sur la comédie de l’imposteur, éd. Robert Mc Bride, Université de Durham, Durham Modern Language Series, 1994). Jean-Pierre Cavaillé émet quant à lui l’hypothèse d’une œuvre collective, issue des milieux libertins fréquentés par Molière et auquel le dramaturge aurait lui-même donné la main (« Hypocrisie et imposture dans la querelle du Tartuffe […] » Les Dossiers Grihl, 20.  http://dossiersgrihl.revues.org/292).

[4] Le projet « Molière 21 » donne une idée claire de l’utilisation des sources par Molière : d’une part de la traduction de l’Amphitruo de Plaute par Marolles, d’autre part de la comédie Les Sosies, de Rotrou (http://www.moliere.paris-sorbonne.fr/).

[5] En 1653, la Comédie muette d’Amphitryon devenait la sixième Entrée de la quatrième Veille du Grand Ballet Royal de la Nuit dansé par le jeune Louis XIV dans la salle du Petit-Bourbon (libretto imprimé par Ballard).

[6] « Les adversaires déchaînés contre la pièce proclament bien sûr l’authenticité de leur dévotion et de leur moralité. Or comme précisément les accusations sont d’emblée récusées, elles ne peuvent être que des accusations réciproques de simulation et de dissimulation, de falsification et d’occultation : Molière est accusé par ses ennemis de diffuser dans sa pièce une doctrine libertine dissimulée, et réciproquement, Molière accuse ses détracteurs, dès le Premier Placet, d’être des tartuffes » (J.-P. Cavaillé, « Hypocrisie et imposture dans la querelle du Tartuffe […] », op. cit., 5)

[7] James F. Gaines, Molière and Paradox. Skepticism and Theater in the Early Modern Age (Tübingen: Biblio 17, 2010).

[8] « Mais il y a un je-ne-sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose » (Descartes, Méditations métaphysiques, Méditation Seconde).

[9] Jean Baudoin, ed. Mythologie ou explication des Fables, (Paris: Pierre Chevalier, 1627).

[10] Ce mécanisme a été analysé par Anne Ubersfeld comme ressort de la théâtralité dans « Le double dans l’Amphitryon de Molière, » Dramaturgies, langages dramatiques, mélanges pour J. Scherer (Paris: Nizet, 1986), 234-244.

[11] Julia Prest, « Where Are the vrais dévots and Are They véritables gens de bien ? Eloquent Slippage in the Tartuffe controversy, » Neophilologus 97, 2 (2013):  283-297.

[12] Voir Michael Hawcroft, Molière: Reasonning with fools, (Oxford, Oxford UP, 2007), 83-85.

[13] Voir la définition du Dictionnaire universel et l’illustration de cette facette du personnage dans Le voyage de Mercure, particulièrement dans les livres 1, 3 et 5, éd. J. Leclerc, (Paris: Hermann, 2014).

[14] Alcmène aura à son tour recours au même type de preuve dans sa brillante réplique à Amphitryon à propos des « cinq diamants » qu’elle ne peut tenir que de lui (II, 2, 953).

[15] Gilles Declercq interprète cette crise du signe à la lumière de la thèse foucaldienne, dans Les mots et les choses, de la fin de « l’âge du semblable » marquant le début d’une ère où « la similitude n’est plus la forme du savoir mais plutôt l’occasion de l’erreur » (« Équivoques de la séduction […] » 119).

[16] René Pommier ajoute que l’absence d’Alcmène dans la scène de dénouement où tous les personnages sont censés figurer est un autre signe de ce malaise (« Sur une clef […] », op., cit., note 21).

[17] En 1651, La Mothe Le Vayer, dans sa Rhétorique du Prince, rédigée à l’intention du jeune Louis XIV, reprend la définition de Quintilien de l’ironie comme feinte : « l’Ironie est une raillerie contenue dans un sens fort différent de ce que les paroles semblent signifier. C’est pourquoi les Latins l’ont nommée Dissimulation, & Illusion » (Œuvres, nouvelle édition précédée de L’Abrégé de la vie de La Mothe le Vayer [Michel Groell Dresde, 1756] [Genève: Slatkine reprints, 1970] t. I, 171).

[18] « Le moins de bruit que l’on peut faire / En telle affaire / Est le plus sûr de la moitié » (La Fontaine, Contes et Nouvelles, I, 1, v. 95-103).

[19] Scarron, dans son Virgile travesti, avait déjà fait de Mercure un personnage peu recommandable : « [Jupiter] fit venir pour lui plaire / Son fils, son courrier ordinaire : / C’est son fils, ce fils de putain, / Qui sait parler grec et latin, / Qui coupe si bien une bourse, / Qui de l’éloquence est la source, / Sait bien jouer des gobelets, / Faire comédie et ballets, / Inventeur des dés et des cartes, / Des tourtes, poupelins et tartes, / Et, pour achever son tableau, / Sur le tout un peu maquereau » (Scarron, Le Virgile travesti, éd. Jean Serroy [Paris, Classiques Garnier, 1988], 96, v. 963-974).

[20] « Si la galanterie est ridicule, c’est parce qu’elle consiste en une duplicité foncière entre le discours et ce à quoi il est employé : il consiste en effet en des propos qui euphémisent mensongèrement la passion amoureuse, des propos qui dissimulent le désir sexuel dont ils visent pourtant à assurer la satisfaction » (Jean-Pierre Cavaillé, 50).

[21] À la différence aussi que Tartuffe trouve en Elmire un adversaire autrement redoutable, comme l’a montré Gilles Declercq dans son étude de la fonction de séduction équivoque de ce personnage (« Équivoques de la séduction […] »).

[22] Elle sera réfutée par l’enthymème que Dom Luis oppose à Dom Juan : « La naissance n’est rien où la vertu n’est pas » (IV, 4).

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