C’est le miracle de ce roman qu’il soit à la fois si réservé et si ému, si simple et si complexe,si lumineux et si profond. (Jean Fabre)
Malgré la profusion de travaux publiés à ce jour sur La Princesse de Clèves, la fascination de la critique pour le chef d’œuvre de Mme de Lafayette demeure intacte au vingt-et-unième siècle. Enigmatique et ambigüe, l’œuvre maîtresse de la romancière a fait l’objet de nombreux débats et interprétations idéologiques et philosophiques depuis sa parution en 1678. Comme l’a démontré John Campbell, 1 une telle versatilité a tendance à interdire toute conclusion formelle. A partir de ce constat, pouvons-nous espérer proposer une interprétation convaincante à La Princesse de Clèves ? La présente étude propose de relever ce défi en retraçant la source originelle d’une des pistes de lecture philosophique et spirituelle du roman dans un texte oublié de la critique.
Si nous lirons La Princesse de Clèves à la lumière des Pensées de Pascal, afin de démontrer que Mme de Lafayette a effectué un travail d’insertion romanesque du concept du « divertissement », notre texte pascalien de référence ne sera pas une de ses éditions modernes. Il ne s’agira donc pas de consulter les éditions Brunschvicg, Lafuma ou Sellier, mais de puiser à la source de l’édition de Port-Royal, celle-là même dont Mme de Lafayette a pu disposer dès 1670.
Nous savons que Mme de Lafayette vouait une grande admiration aux Pensées de Pascal. 2 Que l’œuvre posthume du philosophe soit un intertexte du roman, c’est bien ce que certains critiques ont suggéré. Roger Francillon, Jean Mesnard et Philippe Sellier, entre autres érudits, ont souligné l’ascendance pascalienne de La Princesse de Clèves.3 Néanmoins, cette piste de lecture est loin d’avoir révélé tous ses secrets. Malgré la pertinence des remarques de la critique à ce sujet, celles-ci restent assez générales. En outre, elles ne renvoient jamais à l’édition de Port-Royal. Une analyse systématique de La Princesse de Clèves comme réécriture romanesque du divertissement, tel qu’on le trouvait dans le texte pascalien auquel les lecteurs du dix-septième siècle avaient accès, fait donc défaut.
Cette démarche intertextuelle exigera de cibler des notions et un champ lexical pascaliens déterminés, dont la présence dans le roman de Mme de Lafayette ne saurait être due au seul hasard. Nous serons alors en mesure d’offrir une nouvelle compréhension des protagonistes. Une analyse détaillée de la société de cour ainsi que de son joyau, le duc de Nemours, par le biais du divertissement, mettra en relief l’asservissement de ce personnage à la passion amoureuse. Au de-là de la condamnation des dangers de cette passion, nous verrons que le rôle joué par l’obstacle dans la psychologie amoureuse de ce personnage peut être analysé comme un symptôme du divertissement. La lumière que jette la philosophie pascalienne sur M. de Nemours appelle alors à réévaluer les événements qui ont troublé la critique depuis la parution du roman : le refus final de la princesse de Clèves, ainsi que sa retraite de la cour et du monde. Nous essayerons ainsi de donner un sens éthique et spirituel aux décisions controversées de Mme de Clèves, qui désorientent souvent lecteurs et critiques et continuent d’alimenter la polémique autour de cette œuvre.
Le défi des Pensées :
Prendre le divertissement pascalien comme constitutif du personnage de Nemours promet de jeter une nouvelle lumière sur La Princesse de Clèves. Néanmoins, la démarche doit se plier à une condition primordiale. Dans la mesure où un gouffre béant sépare l’édition originale des Pensées de ses éditions modernes, en matière d’architecture comme de contenu, le texte pascalien qui servira de référence doit être choisi en conséquence. Alors que les critiques qui affirment que Les Pensées ont exercé une influence conséquente sur le roman de Mme de Lafayette font référence aux versions modernes du texte de Pascal, 4 une analyse détaillée ne saurait quant à elle s’appuyer sur ces éditions. Il convient au contraire de retourner à la source du premier texte imprimé des Pensées : l’édition de Port-Royal parue en 1670, huit ans avant la parution de La Princesse de Clèves.
La version des Pensées que les lecteurs du dix-septième siècle avaient sous les yeux diffère de manière radicale des éditions modernes du texte. Rappelons que si le projet de Pascal devait constituer au final un grand ouvrage sur la religion, celui-ci est resté inachevé. Après son décès, les proches de l’écrivain se sont donc retrouvés face à une ébauche de livre, dispersée en multiples liasses et fragments, qui présentaient divers degrés de complétude. Les agencer au sein d’un ensemble cohérent relevait du défi. Il fallut donc organiser et ordonner ce matériel de manière à établir un texte publiable. Dans l’introduction de leur reproduction de l’édition de Port-Royal, Georges Couton et Jean Jehasse expliquent que les éditeurs avaient alors donné aux Pensées une forme capable d’en faciliter la lecture, et d’en assurer le succès (10). Certains passages furent purement et simplement écartés, alors que la grande majorité des autres fut remaniée. Les éditeurs ne souhaitant pas proposer un texte « en morceaux », décision fut prise de lier les fragments sélectionnés par l’adjonction d’entités textuelles qui n’étaient pas de la main de Pascal. De plus, il fut décidé de terminer certains textes inachevés et d’en développer d’autres, restés au stade embryonnaire, de manière à les rendre présentables. Pour finir, les morceaux du manuscrit pascalien ainsi sélectionnés, tissés, complétés, voire même réécrits, et regroupés selon le jugement de ce premier groupe d’éditeurs furent ensuite soumis à l’approbation d’évêques et de prélats. Or ces derniers censurèrent certains passages et exigèrent de nombreuses modifications et remaniements (Couton-Jehasse 10).
De leur côté, les éditeurs modernes des Pensées se sont efforcés de rétablir le texte pascalien originel. Dans le but de fournir un texte aussi proche que possible de ce que Pascal avait laissé, les éditions modernes ont fait l’objet de minutieux travaux de reconstitution. Cette entreprise a nécessité, entre autres choses, un travail de restauration dont l’objectif consistait à éliminer toutes les interventions, les retouches et les ajouts postérieurs au décès de Pascal. Ainsi, les savantes recherches de Léon Brunschvicg, de Louis Lafuma ou de Philippe Sellier ont abouti à la composition d’un texte respectant l’architecture que Pascal semblait avoir prévue : « Les éditeurs modernes ont donné un texte qui s’est approché du texte pascalien jusqu’à la certitude » (Couton-Jehasse 9). Les éditions modernes présentent donc l’avantage d’avoir restitué un texte des plus authentiques, rassemblant la totalité des fragments qui nous sont parvenus, ordonnés de manière à respecter scrupuleusement le projet de l’auteur. Retrouver l’édition de Port-Royal dans ces éditions relève donc du défi. 5
Malgré l’évidente supériorité des éditions modernes, l’étude des Pensées comme intertexte de La Princesse de Clèves requiert d’avoir entre les mains le texte même auquel avaient accès les lecteurs du dix-septième siècle, dont Mme de Lafayette. 6 Si l’édition des Pensées de 1670 n’intéresse guère la critique habituellement, elle s’avère en revanche plus pertinente à ce sujet que les éditions modernes. Ainsi, les impressions formées au contact du texte moderne sont confirmées et même renforcées par l’étude de l’édition de Port-Royal. 7 Comme nous le constaterons, certains passages qui ont disparu des éditions modernes sont tout à fait éclairants. La référence au texte de 1670 ayant donc écarté l’obstacle de la disparité des éditions, passons maintenant à La Princesse de Clèves, dont le prologue peut être interprété comme une mise en forme romanesque du concept pascalien de divertissement.
Le divertissement et le monde de la cour :
Le microcosme de la cour tel qu’il est dépeint dans La Princesse de Clèves invite à une lecture en filigrane de la profondeur éthique et spirituelle que lui confère le lexique de Pascal. Comme le suggèrent Jean Mesnard, Philippe Sellier et Eric Van Der Schuren, 8 Mme de Lafayette place immédiatement son roman sous le signe du divertissement pascalien. Les premiers paragraphes de La Princesse de Clèves peuvent être lus comme une ouverture codée, dans laquelle la romancière met en œuvre d’astucieux procédés métanarratifs, grâce auxquels le texte parle de lui-même. Tout comme la cour est désignée comme le lieu privilégié du divertissement dans l’édition de Port-Royal (Misère de l’homme 314), 9 Mme de Lafayette associe cet univers au divertissement dès la première page du roman : « C’était tous les jours des parties de chasse et de paume, des ballets, des courses de bagues, ou de semblables divertissements » (c’est moi qui souligne 69). Ce n’est pas un hasard si Mme de Lafayette choisit la chasse pour ouvrir le bal des activités du divertissement. Dans les Pensées,la chasse est en effet l’allégorie par excellence de cette conception de la condition humaine : « de là vient que tant de personnes se plaisent au jeu, à la chasse, et aux autres divertissements qui occupent leur âme » (Misère de l’homme 319). En outre, chez Pascal, les jeux de balles, comme le jeu de paume, et par extension les autres activités ludiques mentionnées par la narratrice de La Princesse de Clèves, renferment, comme la chasse, la connotation du divertissement : « Quel pensez vous que soit l’objet de ces gens qui jouent à la paûme, avec tant d’application d’esprit, et d’agitation de corps ? » (c’est moi qui souligne, Misère de l’homme 326). Si ce passage a été écarté des éditions modernes des Pensées, notons en revanche que ces dernières ont restitué le passage suivant, dont Mme de Lafayette ne disposait pas, dans lequel chasse et jeux de balle sont les modes de représentation figurée du divertissement : « Les hommes s’occupent à suivre une balle et un lièvre. C’est le plaisir même des rois » (c’est moi qui souligne 73) 10 .
Avant d’en venir au cas particulier de M. de Nemours, citons encore un passage crucial du roman qui, selon Jean Mesnard, fait allusion au divertissement pascalien « d’une manière quasi nécessaire » (Introduction 37). Il s’agit de la célèbre description de la cour suivante, qui semble peindre ce microcosme tumultueux comme un lieu où règne en maître le divertissement : « Personne n’était tranquille, ni indifférent ; on songeait à s’élever, à plaire, à servir, ou à nuire ; on ne connaissait ni l’ennui ni l’oisiveté, et on était toujours occupé des plaisirs ou des intrigues » (c’est moi qui souligne 81). Ce passage capital contient notamment le terme « ennui », mot-clé du lexique pascalien du divertissement. Il traduit la nécessité à laquelle est réduit l’être humain de remplir son existence de quelque occupation, afin d’éviter d’avoir à penser à lui-même et à la condition humaine. Comparons avec le texte pascalien de 1670 :
Ce luy est une peine insupportable d’estre obligée de vivre avec soy, et de penser à soy. Ainsi tout son soin est de s’oublier soy-mesme, et de laisser couler ce temps si court et si précieux sans reflexion, en s’occupant de choses qui l’empéchent d’y penser. C’est l’origine de toutes les occupations tumultuaires des hommes, et de tout ce qu’on appelle divertissement. (Misère de l’homme 312)
Si l’on suit le raisonnement de Pascal, l’ennui est insupportable dans la mesure où rien n’empêche plus alors l’individu de se retrouver face à lui-même, à son inhérente misère, bref à la condition humaine, dont la mort est l’élément le plus insoutenable : « Sans cela nous serions dans l’ennuy, et cet ennuy nous porteroit à chercher quelque moyen plus solide d’en sortir. Mais le divertissement nous trompe, nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort » (c’est moi qui souligne Misère de l’homme 328). Il n’est donc pas innocent que Mme de Lafayette décrive les courtisans comme des individus constamment occupés, de manière à ne jamais souffrir de cette maladie de l’âme que Pascal nomme l’ennui.
Le Duc de Nemours ou le divertissement incarné :
Le divertissement marquant l’ensemble de la cour au fer rouge, il est donc logique que ce concept trouve son illustration la plus éloquente dans le personnage qui est l’incarnation de cet univers : M. de Nemours, que Jean Mesnard présente comme « l’abrégé » de la cour (introduction 51). Ce prince a si parfaitement maîtrisé honnêteté, civilité et galanterie, qu’il est le plus beau produit de la civilisation des mœurs. En outre, l’art de connaître les hommes, que M. de Nemours cultive tout en soustrayant sa propre âme à l’inquisition d’autrui, fait de lui un éminent virtuose du « paraître », ce qui permet à Nathalie Grande de remarquer que « le personnage semble ainsi se réduire à sa pure apparence » (91). M. de Nemours se distingue en effet dans le port du masque virtuel, censé neutraliser les signes du corps qui trahissent l’« être » et permettent à autrui d’accéder à l’âme, où résident les passions. La maîtrise de soi et le raffinement des mœurs aristocratiques servent donc, entre autres, à camoufler les dérèglements des passions.
C’est que derrière cette façade mondaine, M. de Nemours incarne l’âme dévorée par la passion, état affectif assez puissant pour nuire au jugement et empêcher la raison d’exercer son influence salutaire. Or Pascal signale à plusieurs reprises que les passions constituent le plus emblématique divertissement de soi-même : « Il est vray qu’occupant l’esprit, [les divertissements] le détournent du sentiment de ses maux, ce qui est réel. Mais ils ne l’occupent que parce que l’esprit s’y forme un objet imaginaire de passion auquel il s’attache » (c’est moi qui souligne, Misère de l’homme 325-26). Dans un autre passage, Pascal indique au sujet de l’homme que le plus efficace divertissement consiste à se former « un objet de passion, qui excite son desir, sa colere, sa crainte, son esperance » (c’est moi qui souligne, Misère de l’homme 327). Pascal précise également qu’ « un amusement languissant et sans passion l’ennuira » (c’est moi qui souligne, Misère de l’homme 327). La passion amoureuse qui s’empare de M. de Nemours, ainsi que les artifices du paraître qui la dissimule, apparaissent donc comme des symptômes du divertissement.
Le paraître de M. de Nemours camoufle si bien son être, que son corps, et en particulier son visage, ne laissent rien filtrer de son âme. De même, soit ses discours ne révèlent que sa mauvaise foi, soit ils n’expriment que la rhétorique lyrique de la passion en émoi. Ses harangues sont en effet saturées de superlatifs, d’hyperboles et de tournures négatives qui ne manifestent que les subjectives hypertrophies d’un « moi » tuméfié d’amour. Il faut donc chercher ailleurs l’expression intime de son être. C’est le comportement de M. de Nemours qu’il faut analyser, parce que les actes parlent et constituent l’ultime expression de l’être qui paraît. En prenant le divertissement pascalien comme motif des actions de ce personnage, on peut alors mieux démanteler son « paraître », pour reconstituer son « être ». Une telle démarche est rendue possible par les multiples indices dont Mme de Lafayette a constellé le récit de La Princesse de Clèves.
L’allégorie pascalienne de la chasse :
Le plus allégorique de ces indices fournit un point de départ idéal à notre analyse. Il s’agit de la chasse, symbole par excellence de la poursuite amoureuse, à laquelle le duc de Nemours est associé à deux reprises dans le roman. Dans les Pensées, Pascal confère une nouvelle résonance à ce lieu commun culturel. Comme nous avons eu l’occasion de le voir précédemment, la chasse est en effet une des allégories en titre du divertissement. Or, en plus du symbolisme traditionnel qui a cours dans La Princesse de Clèves, le divertissement est présent à chaque fois que Nemours chasse. Ainsi, peu de temps après avoir succombé à sa passion pour Mme de Clèves, le duc disparaît de la cour sous le prétexte qu’il feint « une grande passion pour la chasse » (129), alors qu’il est justement question des « divertissements où était toute la Cour » (c’est moi qui souligne 129). Notre chasseur en profite même pour glisser à l’oreille de sa proie qu’il va à la chasse pour rêver à elle, lorsque la princesse ne se trouve pas à la cour (129). De même, quand M. de Nemours feint de se perdre dans la forêt, afin de se rendre en toute discrétion chez Mme de Clèves à Coulommiers, il est en train de chasser : « Comme ils étaient à la chasse à courir le cerf, M. de Nemours s’égara dans la forêt » (169). Juste avant que n’intervienne cette partie de chasse, la narratrice précise justement que Mme de Mercœur reçoit le duc, accompagné du vidame de Chartres, « avec beaucoup de joie et ne pensa qu’à les divertir » (c’est moi qui souligne 169). La répétition d’une telle association de termes ne saurait être attribuée au hasard, et semble indiquer que l’allusion est délibérée.
Lire l’allégorie de la chasse à la lumière du divertissement pascalien permet de jeter une nouvelle lumière sur la passion amoureuse de M. de Nemours. A cet égard, les enseignements que nous procure l’édition de Port-Royal sont édifiants : « Ce n’est pas qu’il y ait en effet du bonheur […], ny qu’on s’imagine que la vraye beatitude soit dans […] le lievre qu’on court. On n’en voudroit pas s’il estoit offert » (Misère de l’homme 319–20). Ayant restitué la phrase suivante, les éditions modernes des Pensées nous permettent de saisir le raisonnement de Pascal dans son intégralité : « Raison pourquoi on aime mieux la chasse que la prise » (c’est moi qui souligne 168). La connotation pascalienne de la chasse suggère que ce n’est pas la possession de Mme de Clèves que recherche en fait M. de Nemours, mais plutôt la traque que motive la passion amoureuse. Selon Pascal, si la « chasse » divertit les êtres humains de leur misère, la « prise », quant à elle, ne les garantit pas de « cette misere interieure et naturelle, qui consiste à ne pouvoir souffrir la veue de soy-mesme. Ce liévre qu’ils auroient achetté ne les garantiroit pas de cette veue ; mais la chasse les en garantit » (Misère de l’homme 321).
Une lecture pascalienne de La Princesse de Clèves suggère donc que les sensations fortes et les obstacles générés par la passion constituent les échappatoires que cultive inconsciemment M. de Nemours afin d’éviter d’être en face à face avec lui-même, confronté à la condition humaine. Comme l’édition des Pensées de 1670 nous l’enseigne, la passion amoureuse du duc est un puissant divertissement : « [les hommes] ne cherchent en cela qu’une occupation violente, et impetueuse qui les détourne de la veue d’eux-mesmes, et […] c’est pour cela qu’ils se proposent un objet attirant qui les charme et qui les occupe tous entiers » (Misère de l’homme 321).
L’ivresse de l’obstacle :
Si la prise ne compte pas, la lecture de Pascal suggère que les obstacles qui diffèrent indéfiniment celle-ci, en perpétuant la chasse, constituent le moteur de la passion amoureuse :
Ainsi s’écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles ; et si on les a surmontez, le repos devient insupportable. Car, ou l’on pense aux miseres qu’on a, ou à celles dont est menacé. Et quand on se verroit mesme assez à l’abry de toutes parts, l’ennuy de son autorité privée ne laisseroit pas de sortir du fonds du cœur, où il a ses racines naturelles, et de remplir l’esprit de son venin » (c’est moi qui souligne, Misère de l’homme 323).
Ingrédient fondamental de cette conception de la condition humaine, les obstacles sont à l’âme ce qu’un stupéfiant est au corps. Ils génèrent donc un état d’euphorie qui mène l’être diverti à l’apogée de l’ivresse du divertissement, tout en entraînant un phénomène de dépendance. L’affaiblissement des obstacles marque en revanche la montée en puissance de l’ennui et des misères qui lui sont inhérentes.
Le paradigme pascalien de l’obstacle est illustré dans plusieurs personnages de La Princesse de Clèves, dont le vidame de Chartres et le prince de Clèves, mais c’est chez M. de Nemours qu’il trouve sa représentation la plus éloquente. La narratrice (ainsi que plusieurs personnages) nous informent que Nemours compte la galanterie parmi ses meilleurs talents, qu’il ne laisse aucune femme indifférente (72), et que ses conquêtes ne se comptent plus. En passant constamment d’un projet de séduction à un autre, le duc erre en fait d’obstacles en obstacles. Cette forme continue de divertissement constitue ainsi un remède galant contre l’ennui.
La narration de sa conquête potentielle de la reine d’Angleterre est la première illustration dans le roman de sa dépendance à l’obstacle, probant symptôme du divertissement. Le dernier des passages qui marquent l’intérêt de Nemours pour cette intrigue secondaire ne laisse aucune ambiguïté : « Son esprit s’était insensiblement accoutumé à la grandeur de cette fortune et, au lieu qu’il l’avait rejetée d’abord comme une chose où il ne pouvait parvenir, les difficultés s’étaient effacées de son imagination, et il ne voyait plus d’obstacles » (c’est moi qui souligne 90). Ainsi se termine pour le moins subitement le projet de séduire et d’épouser Elizabeth I. Or c’est au moment précis où s’estompent les obstacles que M. de Nemours abandonne ce glorieux dessein. La référence aux Pensées permet donc de donner de la perspective à un rebondissement qui stupéfie alors toute la cour11 . Le duc se met alors en quête d’autres difficultés apparemment insurmontables, et c’est précisément là que toute son attention se tourne vers Mme de Clèves, parce qu’elle représente la promesse de nouveaux obstacles infranchissables.
L’héroïne incarne en effet l’obstacle par excellence. L’éducation que lui a conférée sa mère l’a dotée d’une vertu inégalée, qui donne l’impression que la jeune femme se trouve hors de portée : « Madame de Chartres joignait à la sagesse de sa fille une conduite si exacte pour toutes les bienséances qu’elle achevait de la faire paraître une personne où l’on ne pouvait atteindre » (89).
L’intrigue de la reine d’Angleterre procure une démonstration du rôle joué par l’obstacle chez l’être diverti, on l’a vu. En outre, elle peut être interprétée comme une annonce de ce qui arriverait à Mme de Clèves si les obstacles qui se dressent en travers de sa conquête venaient à être levés. Si cet avertissement est uniquement destiné au lecteur, les récits intérieurs, et surtout la lettre de Mme de Thémines, illustrent tous d’une manière ou d’une autre la dépendance à l’obstacle, et fonctionnent comme autant d’avertissements destinés à l’héroïne. Mme de Clèves apprend de ces exemples, les médite et identifie le phénomène du divertissement chez son amant. Les symptômes de cette affection de l’âme lui fournissent alors les arguments nécessaires au refus qu’elle lui oppose.
Le « non » à Nemours, ou le refus du divertissement
Ainsi, lors de l’entretien final au cours duquel les deux protagonistes peuvent enfin s’avouer leur passion mutuelle, la princesse soutient que les hommes ne conservent pas de passion dans le mariage, parce que cet ultime attachement marque la fin des obstacles. L’héroïne affirme que ce sont les obstacles qui ont garanti la constance du duc : « je crois même que les obstacles ont fait votre constance. Vous en avez assez trouvé pour vous animer à vaincre ; et mes actions involontaires […] vous ont donné assez d’espérance pour ne pas vous rebuter » (231). La perspicacité de cette analyse est confirmée par une confidence que la narratrice omnisciente avait auparavant faite au lecteur : « peut-être que des regards et des paroles obligeantes n’eussent pas tant augmenté l’amour de M. de Nemours que faisait [la] conduite austère [de Mme de Clèves] » (178). Les péripéties amoureuses vécues par M. de Nemours formeraient donc le philtre d’amour idéal, en ce que sa passion est portée à son paroxysme par une succession d’obstacles qui empêchent la prise, sans pour autant briser l’espoir de conquête. Le vital équilibre entre l’obstacle et l’espoir mis en relief par Mme de Clèves trouve un écho dans une maxime de La Rochefoucauld : « L’amour aussi bien que le feu ne peut subsister sans mouvement continuel, et il cesse de vivre dès qu’il cesse d’espérer ou de craindre » (c’est moi qui souligne 75). La passion amoureuse du duc de Nemours expirerait donc si une victoire totale, comme le mariage, abattait tous les obstacles, ou si l’héroïne disparaissait complètement, comme ce sera le cas à la suite de sa retraite.
Mme de Clèves ne cesse de réitérer cette crainte, que ce soit pour réfuter les arguments de Nemours, ou pour subjuguer sa propre passion, qui ne cessera de l’assaillir jusqu’au plus profond de sa retraite. Cet argument perspicace laisse pourtant le duc impassible : « je n’ai rien à répondre, Madame, reprit-il, quand vous me faites voir que vous craignez des malheurs » (230). Cette édifiante réponse ne peut que confirmer Mme de Clèves dans ses soupçons. Le silence du duc sur la question s’avère des plus éloquents, et peut être interprété comme une reconnaissance implicite des arguments de la princesse. Si, comme le remarque John Lyons, on ne peut guère savoir comment agirait M. de Nemours dans le contexte d’une relation amoureuse avec la princesse (399), sa psychologie amoureuse suggère en revanche que le divertissement gouverne sa vie. Or Pascal décrit ce phénomène comme une spirale infernale, dont ne peuvent ni se libérer, ni prendre conscience ceux qui en sont la proie :
On croit chercher sincerement le repos ; et l’on ne cherche en effet que l’agitation. Les hommes ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l’occupation au dehors, qui vient du ressentiment de leur misere continuelle. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de notre premiere nature, qui leur fait connoistre, que le bonheur n’est en effet que dans le repos. Et de ces deux instincts contraires, il se forme en eux un projet confus, qui se cache à leur veue dans le fonds de leur ame, qui les porte à tendre au repos par l’agitation, et à se figurer toûjours, que la satisfaction qu’ils n’ont point leur arrivera, si, en surmontant quelques difficultez qu’ils envisagent, ils peuvent s’ouvrir par là la porte du repos (Misère de l’homme 322).
M. de Nemours entretiendrait donc inconsciemment la conviction qu’une union avec Mme de Clèves mettrait fin à son agitation, parce qu’un « instinct secret » lui intime de trouver le repos, et qu’il croit pouvoir l’atteindre après avoir surmonté les obstacles qui se dressent en travers de la princesse. Néanmoins, le divertissement n’étant pas la voie du repos, le mariage (ou bien une liaison) avec l’héroïne aplanirait les obstacles, et ramènerait le duc au point de départ de ce cercle vicieux. Ainsi, après « la prise », l’inévitable misère de l’homme se saisirait de M. de Nemours pour l’accabler de son malheur :
Qu’on choisisse telle condition qu’on voudra, et qu’on y assemble tous les biens, et toutes les satisfactions qui semblent pouvoir contenter un homme. Si celuy qu’on aura mis en cet estat est sans occupation, et sans divertissement, et qu’on le laisse faire reflexion sur ce qu’il est, cette felicité languissante ne le soûtiendra pas. Il tombera par necessité dans des vues affligeantes de l’avenir : et si on ne l’occupe hors de luy, le voila necessairement malheureux » (Misère de l’homme 317).
Le duc se sentirait alors contraint de raviver sa quête du repos par le franchissement d’autres obstacles, qu’une nouvelle passion lui prodiguerait. C’est précisément ce que pressent Mme de Clèves. Dès lors, l’héroïne se résout à prendre les mesures de prévention qui s’imposent en disant « non » à M. de Nemours.
D’après la philosophie amoureuse à laquelle adhère manifestement Mme de Lafayette, l’amour tend à dépérir quand les obstacles tombent. Par conséquent, un mariage motivé par la passion serait irrévocablement voué à l’échec. Conformément aux idéaux d’Ancien Régime en matière d’hyménée, le mariage d’amour est une aberration pour la romancière. Le cas du malheureux prince de Clèves le confirme. S’il présente l’exception d’un mari qui conserve une passion intacte dans le mariage, la princesse a raison de l’attribuer à la froideur, génératrice d’obstacles, qu’il rencontrait chez elle : « peut-être aussi que sa passion n’avait subsisté que parce qu’il n’en aurait pas trouvé en moi » (231). La lucidité de cette analyse est d’ailleurs confirmée par une confidence que la narratrice omnisciente avait faite au lecteur au début de l’intrigue : « pour être son mari, il ne laissa pas d’être son amant, parce qu’il avait toujours quelque chose à souhaiter au-delà de sa possession » (c’est moi qui souligne 89). L’article « amour » de Furetière confirme que le prince de Clèves s’était marié pour des raisons condamnables : « Il s’est marié par amour, c’est-à-dire, desavantageusement, et par l’emportement d’une aveugle passion ». Qui plus est, l’héroïne fait valoir l’argument que, contrairement à M. de Clèves, M. de Nemours serait quant à lui assuré de la passion de Mme de Clèves. L’obstacle qui avait garanti l’amour de M. de Clèves dans le mariage ne s’appliquerait donc pas au duc : « Mais je n’aurais pas le même moyen de conserver [votre passion] » (231).
A la lumière de ses arguments, le mariage d’amour qui unirait Mme de Clèves et le duc de Nemours semble inconcevable. Il convient donc de prendre le contre-pied de Valincour, qui au moment de la parution de l’œuvre avait qualifié le refus de l’héroïne d’invraisemblable. Au contraire, c’est un mariage qui serait invraisemblable, parce que socialement et éthiquement condamnable. D’une part, on ne se marie pas par amour dans la société aristocratique d’Ancien Régime. D’autre part, une telle union marquerait la victoire de la passion en tant qu’entité divertissant l’individu de lui-même, et le détournant de Dieu. A travers le refus infligé à Nemours, Mme de Clèves dit symboliquement « non » au divertissement.
La Princesse de Clèves ou le repos incarné :
Roger Francillon souligne à juste titre que la dualité pascalienne de la nature humaine se retrouve dans l’œuvre de Mme de Lafayette, qui est construite sur l’antithèse entre le monde qui se divertit et l’individu qui aspire au repos, entre la fascination pour la passion et le désir de paix intérieur (201). Alors que le duc de Nemours incarne le divertissement, Mme de Clèves incarne quant à elle la quête du repos. Tout comme nombre d’indices révèlent que M. de Nemours est pris dans l’engrenage du divertissement, le récit contient de subtiles indications qui nous apprennent que l’héroïne suit un parcours inverse. Il est par exemple significatif que M. de Nemours sache à propos de Mme de Clèves « qu’il ne la trouverait dans aucune des assemblée et dans aucun des divertissements où était toute la Cour » (c’est moi qui souligne 129).
Bien que le divertissement fasse connaître tout son attrait à l’héroïne, c’est vers son antithèse, le repos, que ne cessent de s’orienter ses décisions. Plusieurs passages dans lesquels figure le champ lexical du divertissement en témoignent implicitement : « le tumulte de la Cour est si grand et il y a toujours un si grand monde chez vous qu’il est impossible que le corps et l’esprit ne se lassent, et que l’on ne cherche du repos », la princesse déclare-t-elle à son mari (c’est moi qui souligne 170). De même, les multiples projets de fuites et de retraites de l’héroïne traduisent un irrépressible attrait pour le repos, comme le prouve le refus final : « Les raisons qu’elle avait de ne point épouser Monsieur de Nemours lui paraissaient fortes du côté de son devoir et insurmontables du côté de son repos » (c’est moi qui souligne 236).
Depuis les pertinentes recherches de Jean Fabre, qui observe que « L’analyse se voit confier toute la charge du roman », et se focalise sur « la connaissance raisonnable des passions » (26), La Princesse de Clèves est souvent décrit comme le premier roman d’analyse. Les épisodes introspectifs, qui voient l’héroïne s’interroger sur elle-même, et l’avant-gardisme de leur substance psychologique, contribuent dans une large mesure à conférer une grande profondeur à l’œuvre. Ainsi, au fur et à mesure des exemples qu’elle contemple, de ses expériences, de ses erreurs et de ses analyses, Mme de Clèves atteint une vraie compréhension d’elle-même, et se trouve en mesure de faire des choix autonomes quant à son futur.
L’héroïne accomplit donc tout le contraire de ce que présente Pascal lorsqu’il explique que l’individu s’investit dans les activités du divertissement, au nombre desquelles il faut compter la passion amoureuse, afin de « s’oublier soy-mesme, et de laisser couler ce temps si court et si précieux sans reflexion, en s’occupant de choses qui l’empéchent d’y penser » (Misère de l’homme 312). Au contraire, l’héroïne parvient à vivre avec elle-même, à penser à elle-même. Etant données son attachement pour le repos et son aversion pour le divertissement, Mme de Clèves n’incarnerait-t-elle pas l’idée que se fait Pascal de la sagesse dans le contexte de la condition humaine ? Le comportement, les réflexions et les choix de la princesse signalent en effet qu’elle suit un parcours psychologique qui la conduit vers elle-même, et donc vers Dieu, si l’on s’en tient au raisonnement de Pascal. A l’inverse du chemin emprunté par Nemours, Mme de Clèves penche du côté de cet « instinct secret qui reste de la grandeur de notre première nature », qui lui fait connaître « que le bonheur n’est en effet que dans le repos » (Misère de l’homme 322). La princesse a saisi que ce n’est ni par la passion, ni par le franchissement des obstacles qu’elle peut « s’ouvrir par là la porte du repos » (Misère de l’homme 322).
Après s’être retirée de la cour, Mme de Clèves souffrira d’une grave maladie « qui ne laissait guère d’espérance de sa vie » (237). L’héroïne y survivra, mais cette ultime épreuve ne fera que conforter sa vision de la condition humaine, et l’éloignera davantage des instruments du divertissement, au premier rang desquels figure la passion amoureuse : « Les passions et les engagements du monde lui parurent tels qu’ils paraissent aux personnes qui ont des vues plus grandes et plus éloignées » (c’est moi qui souligne 237–38).
Une retraite toute pascalienne :
Ayant dit « non » à Nemours, à la passion, et par extension au divertissement, Mme de Clèves n’a d’autre alternative que de quitter définitivement le monde de la cour, univers par excellence du divertissement, afin de cultiver le repos dans la retraite12 . Ainsi, lorsque M. de Nemours se présente à la porte du couvent où l’héroïne s’est retirée, elle lui fait savoir que « son devoir et son repos s’opposaient au penchant qu’elle avait d’être avec lui » (238). La critique a démontré que le devoir ne joue qu’un rôle secondaire dans les prises de décisions de la princesse. En fait, il sert de prétexte idéal pour masquer à la cour la véritable raison de son départ. C’est donc le repos, qu’elle invoque à plusieurs reprises, qui est la principale motivation des choix de l’héroïne.
Bien que Mme de Clèves meure jeune, nous savons qu’elle vit encore plusieurs années après sa maladie, et qu’ « Elle passait une partie de l’année dans cette maison religieuse et l’autre chez elle » (239). Il faut donc atteindre l’épilogue du roman pour qu’intervienne la religion, dont la présence même, ainsi que le rôle, font toujours l’objet d’une polémique animée13. La phrase de clôture du roman ne semble pourtant laisser aucun doute sur l’importance que la piété a prise dans l’existence de l’héroïne, qui vit « dans une retraite et des occupations plus saintes que celles des couvents les plus austères » (239).
L’orientation religieuse que prend la vie de Mme de Clèves est l’aboutissement de sa réconciliation avec elle-même et de sa quête pour le repos. Ainsi, la fin du roman est en complète harmonie avec un passage de l’édition de Port-Royal banni des éditions modernes du texte pascalien :
Car il est vray que c’est une des merveilles de la Religion chrétienne, de réconcilier l’homme avec soy-mesme, en le réconciliant avec Dieu ; de luy rendre la vue de soy-mesme supportable ; et de faire que la solitude et le repos soient plus agréable à plusieurs, que l’agitation et le commerce des hommes » (Misère de l’homme 315–16).
La retraite de l’héroïne dans une maison religieuse, loin du libertinage de la cour, n’aurait sans doute pas déplu à Pascal. La pieuse atmosphère des dernières années de Mme de Clèves nous permet de spéculer que la princesse approfondit la voie qu’elle a choisie, selon les enseignements que nous procure l’édition de Port-Royal : « Ce n’est qu’en le portant jusqu’à Dieu, et en le soûtenant dans le sentiment de ses miseres, par l’esperance d’une autre vie, qui l’en doit entierement délivrer » (Misère de l’homme 316).
Conclusion :
Retracer la présence du divertissement pascalien dans La Princesse de Clèves de Mme de Lafayette permet de proposer une nouvelle lecture de M. de Nemours. Les actions de ce personnage constituent un véritable discours, et signalent qu’il peut être lu comme une illustration de la condition humaine selon le divertissement de Pascal. Mme de Lafayette semble donc mettre en pratique et exemplifier le concept du divertissement dans son roman. Une telle interprétation vient confirmer l’héroïne dans ses choix, en dévoilant leur dimension éthique et spirituelle. En outre, elle permet de démontrer qu’ils sont la conclusion rationnelle, voire même inévitable, de sa quête du repos et de son rejet d’un monde perverti par le divertissement.
Notons également qu’à l’époque où Mme de Lafayette écrit, elle se trouve dans une situation de seconde classe au niveau culturel et littéraire. D’abord en tant que femme, parce que la participation de la gente féminine à la République des Lettres est fortement contestée. Ensuite parce que Mme de Lafayette pratique le genre du roman, ce « roturier des lettres », pour reprendre l’heureuse expression de Maurice Lever (23). Malgré de tels obstacles, la romancière s’efforce de doter La Princesse de Clèves d’une aura de spiritualité, en joignant au plaisir esthétique et à l’éloquence lyrique des passions une méditation d’ordre éthique sur la condition humaine. A travers le dilemme moral de son héroïne et la référence implicite à la pensée spirituelle de Pascal, Mme de Lafayette affirme la capacité des femmes à exercer la raison et faire des choix moraux. Notre lecture rejoindrait donc ici les interprétations du roman orientées vers l’étude des femmes de Katharine Jensen et Faith Beasley14.
Southwestern University
NOTES
Ouvrages cités
Beasley, Faith. Revising Memory: Women’s Fiction and Memoirs in Seventeenth-Century France. New Brunswick and London : Rutgers UP, 1990. Biet, Christian. « Droit et fiction : la représentation du mariage dans La Princesse de Clèves ». Littératures classiques supplément (1990) : 33–54. Campbell, John. « Round up the Usual Suspects : the Search for an Ideology in La Princesse de Clèves ». French Studies LX (2006) : 437–52. Couton, Georges et Jean Jehasse, eds. « Introduction. » Pensées de M. Pascal sur la religion, et sur quelques autres sujets. Edition de Port-Royal (1670). Par Blaise Pascal. Saint- Etienne : Editions de l’Université de Saint-Étienne, 1971. Didier, Béatrice. L’Ecriture-Femme. Paris : PUF, 1981. Doubrovsky, Serge. « La Princesse de Clèves : une interprétation existentielle ». La Table ronde 138 (1959) : 36–51. Duchêne, Roger. Madame de Lafayette. Paris : Fayard, 1988. Fabre, Jean. Idées sur le roman. Paris : Klincksieck, 1979. Francillon, Roger. L’Oeuvre romanesque de Madame de Lafayette. Paris : José Corti, 1973. Furetière, Antoine. Dictionnaire universel. Genève : Slatkine Reprints, 1970. 3 vols. Grande, Nathalie. Stratégies de romancières : De Clélie à La Princesse de Clèves. Paris : Champion, 1999. Jensen, Katharine Ann. « Making Sense of the Ending: Passion, Virtue, and Female Subjectivity ». Approaches to Teaching Lafayette’s The Princess of Clèves. Ed. Faith Beasley and Katharine Jensen. New York : MLA, 1998. 68–75. Lafayette, Marie-Madeleine Pioche de. La Princesse de Clèves. Ed. Jean Mesnard. Paris : Flammarion, 1996. La Rochefoucauld, François de. Maximes et réflexions diverses. Paris: Gallimard, 1976. Laudy, Bernard. « La vision tragique de Madame de Lafayette, ou un jansénisme athée ». Sociologie de la littérature. Bruxelles : Editions de l’Université de Bruxelles, 1973. Lever, Maurice. Romanciers du grand siècle. Paris : Fayard, 1996. Lyons, John. « Narrative, Interpretation and Paradox : La Princesse de Clèves ». Romanic Review 72 (1981) : 383–400. MacKenzie, Louis. « Jansenist Resonances in La Princesse de Clèves ». Approaches to Teaching Lafayette’s The Princess of Clèves. Ed. Faith Beaslet and Katharine Jensen. New York : MLA, 1998. 38–46. Mesnard, Jean, ed. Introduction. La Princesse de Clèves. By Marie-Madeleine Pioche de Lafayette. Paris : Flammarion, 1996. ———. Morale et métaphysique dans La Princesse de Clèves. La Culture du XVIIe siècle. Paris: PUF, 1992. Niderst, Alain. La Princesse de Clèves. Le Roman paradoxal. Paris : Larousse, 1973. ———. « Les défauts de La Princesse de Clèves ». Littératures classiques supplément (1990) : 55–64. Pascal, Blaise. Pensées de M. Pascal sur la religion, et sur quelques autres sujets. Edition de Port-Royal (1670). Eds. Georges Couton et Jean Jehasse. Saint-Etienne : Editions de l’Université de Saint-Étienne, 1971. ———. Pensées. Ed. Philippe Sellier. Paris: Garnier, 1999. Picard, Raymond. Divers aspects de La Princesse de Clèves. De Racine au Parthénon : Essais sur la littérature et l’art à l’âge classique. Paris : Gallimard, 1977. Pingaud, Bernard. Madame de La Fayette. Paris : Seuil, 1997. Sellier, Philippe, ed. Introduction. La Princesse de Clèves. By Marie-Madeleine Pioche de Lafayette. Paris : Livre de poche, 1999. ———. Port-Royal et la littérature II. Paris : Champion, 2000. Van Der Schuren, Eric. « Le Portrait dans La Princesse de Clèves. Lectures pascaliennes ». Littérature 40 (1999) : 95–134.