Guillaume Peureux – De main en main. Poètes, poèmes et lecteurs au XVIIe siècle
Paris, Hermann, Hors collection, avril 2021
EAN 9791037005557
Entre la fin du XVIe siècle et la fin du XVIIe siècle, les poèmes appartiennent à ceux qui les lisent : manuscrits ou imprimés, passant de main en main, ils sont objets d’appropriations de formes et d’ampleurs variées, autoritaires, qui entraînent une variabilité insoupçonnée. Celui que l’on désigne comme l’auteur recouvre une réalité plus complexe qu’un nom écrit sur une page de titre.
Cet ouvrage pose de nouveaux cadres d’analyse de la poésie classique, qui renouvellent en profondeur la compréhension de ses enjeux esthétiques et des pratiques sociales auxquelles elle donne lieu. Il met en évidence un phénomène massif, mais jusque-là peu pris en compte : les innombrables commentaires et réécritures auxquels sont soumis les poèmes à l’époque, de la part de multiples sources et acteurs – correspondants des auteurs, experts sollicités ou non, copistes ou lecteurs. Ces gestes constituent autant d’appropriations par lesquelles on s’empare des poèmes en vue de nouvelles utilisations : on en prend possession, pour affirmer son savoir, tisser des liens, les rendre conformes à sa propre définition de l’usage linguistique, ou tout simplement pour s’exprimer. Ainsi ce livre bouleverse-t-il les notions de poème, entendu comme un objet stable et fini, mais aussi d’auteur, compris comme responsable unique des œuvres, et propose une vision nouvelle de l’idée de poésie classique : enjeu de rapports de force et de conflits de normes, elle s’élabore dans la durée et collectivement, et ne connaît aucune stabilité.
TABLE
Sommaire
De main en main : l’instabilité du poème au xviie siècle
introduction. Ecrire sur les vers
Instabilité des textes
Le poème, objet social
L’ancien régime des modes de diffusion
Chapitre I A la merci des lecteurs
1. Lire, marquer, copier
a. Lire pour extraire, extraire pour lire ou écrire
b. Gestes anthologiques et pratiques personnelles du recueil
c. Lecteurs correcteurs
2. Malherbe et la culture de la publication manuscrite
3. Un poème n’est jamais fini
a. Le sentiment de la caducité des textes et le leur imperfection
b. Editer des textes jugés caducs
La restauration éclectique : Villon par Marot
Réécrire à la nouvelle mode : le Ronsard de Gournay
4. Parler en vers
a. Une culture du réemploi
b. Poésie lyrique et oralité
Conclusion
chapitre ii Genèses partagées
1. Une genèse sous influences : le « manuscrit de Maastricht » (cir. 1635)
a. Une archive rare
b. Description du manuscrit
c. Une seule main, plusieurs impulsions créatrices
d. Genève d’une œuvre sans auteur ?
2. Une genèse par correspondance : les Œuvres (1646) de François Maynard
a. Portrait de Maynard en auteur en persécuté
b. Un poète soumis en apparence
c. Un poète sûr de son fait
3. La Pucelle de Chapelain, "ouvrage de Mr de Longueville"?
a. Le poète et le duc
b. Un autre récit de la genèse de La Pucelle : une écriture à plusieurs mains
Conclusion
Chapitre iii le commentaire autoritaire
1. Commenter la poésie en français au tournant des xvie et xviie siècles
a. Monumentalisation des œuvres : Du Bartas et Ronsard commentés
b. Avant Malherbe : l’exemple d’Henri Estienne
c. Enfin Malherbe commenta ?
2. Naturaliser la poésie : Costar commentateur
a. Deux poèmes mis en miettes
b. Rendre les vers intelligibles
c. Tendance interventionniste
3. Un malherbien nîmois dans la seconde moitié du xviie siècle ?
a. Dans les archives de François Graverol
b. Critiquer/corriger
c. Graverol plume à la main : entre usage commun et idiosyncrasie
Conclusion
chapitre iv Economie de la variabilite éditoriale : les Premières œuvres de Desportes
1. Un dossier éditorial riche et complexe
a. Prolifération et dispersion
b. Un échantillon (1573-1600)
c. Le poids du commerce
2. Les éditions sous privilège
a. Des réécritures plus développées
b. Des réécritures peu durables
3. Les éditions sans privilège
a. Des cas d’influences non autorisées
b. Des variantes erronées
Conclusion
Chapitre V Un Ronsard à sa main : Jean de Piochet éditeur
1. Le(s) Ronsard de Piochet
a. Une riche bibliothèque
b. Personnalisation du paratexte
c. Variantes et corrections
d. Sources et clarifications
e. Lectures partisanes et collection de textes non ronsardiens
2. « Un pettit recueil pour ne laisser rien perdre »
a. La maquette d’un imprimé
b. Sauver un « tresor »
c. Des dispositifs expérimentés dans les marges des imprimés
Conclusion
Chapitre VI La réécriture du psautier protestant : Conrart poète
1. Le psautier protestant et la tyrannie de l’usage
a. Face au temps
b. Une archive fondatrice : le mémoire de Drelincourt
c. Un contrat de réécriture
2. Un dossier génétique complexe
3. Une série de campagnes de réécriture cohérentes
a. Un travail d’atelier
b. Une modernisation collective
c. Les rimes, objet de soins tout particuliers
d. Une esthétique de la langue
e. 1588-1679 : d’une mise en vers à un poème lyrique
Conclusion
Chapitre vii Sevigné poètesse
1. Une culture du vers
a. Faire communauté : importance des vers cités
b. Faire communauté : le tropisme du contemporain
c. Des vers pour divertir
2. Approprier les vers : une démarche auctoriale
a. Sévigné lectrice
b. « Tant y a, c’est le sens », une poétique de l’appropriation
c. Citer, réécrire, écrire
Conclusion
Conclusion Genèse et vie sociales des textes
Annexes
1. Le « manuscrit de Maastricht »
2. Desportes 1573-1600
3. Conrart, Psaume 34
Bibliographie
Index des noms