Frédéric Cousinié, Paysage du paysage. Nicolas Poussin, Claude Gellée Le Lorrain, Sébastien Bourdon, Dijon, Presses du réel – Œuvres en société, 2022, 446 pages, 51 ill., 32 euros (isbn : 978-2-37896-232-6).
À travers plusieurs paysages emblématiques de Poussin, du Lorrain, de Bourdon et de quelques-uns de leurs contemporains du XVIIe siècle, ce livre se propose de faire apparaître ce que nous désignons comme le paysage du paysage. À savoir le paysage mental, culturel, idéologique, entrelacé au paysage réel ou représenté, et co-constitué par lui dans une simultanée émergence.
Les représentations discursives naguère dominantes, formées par la littérature artistique, la théorie de l'art et l'esthétique, tendaient à absolutiser et à réifier le paysage dans une illusoire et apaisante clôture. Sans doute, comme nous y incitent nombre de recherches, faut-il désormais le considérer davantage comme un espace relationnel, pluriel, voire conflictuel – une Oïkologie, ouvrant sur une écologie culturelle – où s'articulent non seulement de multiples êtres ou objets mais également d'autres champs référentiels décisifs pour l'historien.
La philosophie naturelle permet ainsi d'envisager la question des météores et des divers accidents atmosphériques chez Nicolas Poussin ; la littérature spirituelle réformée est rapprochée de la peinture de Sébastien Bourdon ; un certain nombre de discours mais aussi de pratiques – agraires, sociales, économiques, politiques et diplomatiques – constituent le cadre de référence dans lequel certains des tableaux du Lorrain ont été produits.
Le paradoxe de ce paysage construit, dénaturalisé, culturalisé, rendu à sa puissance dialectique, est l'existence qu'il semble reprendre. Il s'impose avec la force à nouveau de l'évidence sinon de la violence, et renverse la relation de l'objet (paysage) à son sujet premier : un spectateur devenu paysage.