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Faisant suite aux collectifs Corneille après Corneille[1], Corneille des Romantiques[2], Pratiques de Corneille[3], et Héros ou personnages ? Le personnel du théâtre de Pierre Corneille[4], ce nouvel ouvrage examine plus largement la place de Corneille dans la culture, les multiples façons dont les époques successives se sont emparées de son œuvre, ont construit sa figure d’auteur, son nom, et les ont incorporés non seulement à la vie même des lettres, mais aussi de la langue, de la cité, de la nation, de l’imaginaire collectif. Le terme d’« appropriation » voudrait rendre compte de cette activité protéiforme et transformatrice par laquelle un auteur et son œuvre deviennent « nôtres ».
Les vingt-deux contributions du volume lancent ainsi des coups de sonde dans un immense corpus rayonnant en tous sens autour de Corneille, qui comprend les interventions sur le texte cornélien (coupes, censures, extraits, réécritures), les imitations, suites, pastiches, parodies et travestissements, les adaptations, hybridations, narrativisations, les traductions, les apparats critiques et démarches didactiques, mais aussi la masse immense des pièces de circonstance, dramatiques ou lyriques, qui ont célébré Corneille et son œuvre, les commémorations et les « fêtes à Corneille », les maisons-musées, la publicité, etc. : autant de façons de lire, d’interpréter, mais aussi d’entretenir avec l’auteur, sa figure et son œuvre une relation constituante de valeurs et d’identité(s), un lien affectif et un dialogue créateur.
Menacée par la révérence autant que par la déshérence, la réception des classiques appelle des transactions multiples entre le texte-source et ses recréations, conçues comme autant de relances de la relation esthétique, au sens premier, en même temps qu’un dialogue avec l’ensemble de l’héritage interprétatif. À la fois amoureuse et analytique, l’appropriation ainsi dialectisée fait écho à l’éthique de la poétique cornélienne, où l’admiration (la surprise donc, le choc quasi physique) se trouve contrebalancée par le retour réflexif attendu du spectateur.
S’approprier une œuvre exige enfin – et c’est l’essentiel peut-être – que, nous heurtant avec courage à l’énigme qu’elle nous oppose, nous lui permettions aussi de s’emparer de nous et de nous modifier.
Myriam Dufour-Maître
CEREdI, Université Rouen-Normandie
Table des matières
Myriam Dufour-Maître, Remerciements
Le Festival Corneille de Barentin (1956-1975) et le Mouvement Corneille
Myriam Dufour-Maître, Introduction
RÉCEPTIONS CRÉATRICES
Mises en scènes et actualisation
Sylvain Ledda, Polyeucte, ou comment mettre en scène la violence ?
Hélène Merlin-Kajman, Comment déterminer ce qui est « religion » en littérature ? Réflexions à partir du cas de Polyeucte de Corneille
Liliane Picciola, De la « seconde Médée » à la « mamma souveraine […] suscitant l’horreur et le rire » : Rodogune au Petit Montparnasse en 1997
Jacques Téphany, Corneille, l’autre fondateur du TNP
Réécritures, adaptations ou « inadaptations »
Roxane Martin, Horace à l’épreuve des révolutions : les remaniements du texte et l’édification d’un Corneille patriote (1789-1799 vs 1848)
Claire Carlin, L’Illusion comique sur la scène du monde anglophone, entre traduction et « adaptation libre »
Cécilia Laurin, L’Illusion comique, « entre Platon et Hollywood » ? Du théâtre du monde au cinéma du monde : autour du film Illusion de M. A. Goorjian
Julia Gros de Gasquet, Filmer L’Illusion comique, réécrire Corneille ? À propos du film de Mathieu Amalric à la Comédie-Française (2010)
Noëmie Charrié, Le rêve d’une réappropriation : Othon sur les écrans
Jean-François Lattarico, De l’Horace (1641) à l’Orazio (1688). Prémisses de la réforme dans le premier dramma cornélien per musica
Sarah Nancy, Le Cid de Massenet, Gallet, d’Ennery et Blau : une appropriation amoureuse
Entre la lettre et l’esprit
Judith le Blanc, « Foire ! l’unique objet de mon ressentiment ! » : appropriations parodiques de Corneille aux xviie et xviiie siècles
Françoise Court-Perez, Gautier et la langue de Corneille : Le Capitaine Fracasse, un « ricochet qui fait bouquet »
LES DISCOURS D’APPROPRIATION
La critique et l’histoire littéraire
Mariane Bury, Le Corneille des historiens de la littérature au xixe siècle
Michal Bajer, Les contextes de la traduction. L’établissement de la tradition cornélienne en Pologne au tournant romantique : discours critique, pratiques éditoriales, péritextes
Lise Forment, Roland Barthes, Sans Corneille : les « résons » politiques d’un silence critique
Bénédicte Louvat , « L’invention » du dilemme cornélien
Jean-Yves Vialleton , Les exemples rhétoriques empruntés à Corneille et la construction de la mémoire collective
L’enseignement
Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, Un Corneille à l’usage de la jeunesse au tournant des xviiie et xixe siècles : quelques jalons
Beate Langenbruch, Corneille, auteur de concours
Hélène Bilis, Corneille aux États-Unis, ou quel « auteur classique » pour les campus américains ?
Appropriations de l’auteur
Marie-Clémence Régnier Appropriations littérales et littéraires de Pierre Corneille en sa maison de Petit-Couronne : l’exemple du livre d’or du musée
[1] Corneille après Corneille, 1684-1791, Myriam Dufour-Maître [dir.], xviie siècle n° 225, octobre 2004.
[2] Corneille des romantiques, Florence Naugrette et Myriam Dufour-Maître [dir.], Rouen, PURH, 2006.
[3] Pratiques de Corneille, Myriam Dufour-Maître [dir.], Rouen, PURH, 2012.
[4] Héros ou personnages ? Le personnel du théâtre de Pierre Corneille, Myriam Dufour-Maître [dir.], Rouen, PURH, 2013.