Colloque de l'Université de Genève
Département de français moderne :
5 et 6 mars 2020
Organisé par Pauline Mettan, Christelle Reggiani, Martin Rueff
Peut-on habiter un lieu sans le nommer ? comment baptise-t-on une ville, une forêt, un lac ? Les noms propres de lieux sont partout, présence familière et rassurante qu’on oublie parce que l’on se contente de s’en servir. Des littéraires, inspirés par l’obsession qui habite certains écrivains (Proust, Gracq, Modiano) se tournent vers eux et convient des spécialistes d’autres disciplines pour les interroger. Le constat, en effet, d’un décalage considérable entre l’importance que revêt le toponyme dans tous les domaines des sciences humaines et le peu de recherches qui sont ou ont été menées à son sujet est à l’origine de ce colloque. Le toponyme est un objet (trop) évident, qui pourtant définit et oriente notre compréhension et nos représentations du monde : signe efficace, mémoriel et symbolique, individualisant mais socialement et collectivement institué, il découpe, ordonne et hiérarchise le réel et l’imaginaire ; il relie l’espace et le langage, le représenté et la représentation.
Comme tout nom propre, et du fait de sa « double nature », le toponyme est, en effet, un indicateur majeur du dispositif historique, géographique et politique d’une époque donnée comme de ses manifestations esthétiques et culturelles ; il se place ainsi résolument au croisement épistémologique de nombreuses disciplines : géographie, anthropologie, théologie, histoire, littérature, linguistique... En privilégiant, dès lors, une approche interdisciplinaire, ce colloque se donne pour objectif de rassembler des réflexions de chercheurs qui se sont confrontés à cet objet dans leurs travaux. Il croisera ainsi approches théoriques et études de cas, afin que soient mis en lumière les enjeux multiples et variés du toponyme, tels qu’esquissés ci-dessous :
Toponymie et représentation : quel est le rôle de la nomination et de la re- nomination dans la construction spatiale et historique, politique et économique ? Comment s’articulent le texte et l’image cartographique ?
Toponymie et identité/identification : de quelle manière le nom propre de lieu participe-t-il aux constructions identitaires ? Par quels moyens les groupes sociaux s’ancrent-ils dans des espaces, définissent-ils des frontières ; comment,a contrario, comprendre les phénomènes de flânerie, d’errance, de migrations ? Quel est le rôle des noms, instruments de la «longue durée», dans la conservation ou la construction d’une mémoire, collective ou individuelle ?
Toponyme et signification/référentialité : quel lien entretient la toponymie réelle avec la toponymie imaginaire ? Que peuvent nous apprendre les noms propres sur le rapport entre réalité et fiction ?
Toponymie et narration : comment interviennent les noms propres de lieu dans l’économie d’une œuvre ? Peuvent-ils en infléchir le genre ? conditionner un horizon d’attente ? comment cohabitent temporalité narrative et spatialisation ?
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Agenda et contact :
Les propositions de communication d’une longueur maximum de 3'000 signes (espaces compris) sont à envoyer avant le 30 septembre 2019 à pauline.mettan@unige.ch et à christelle.reggiani@gmail.com.
Nous vous remercions d’y préciser un titre ainsi que votre discipline. Les approches interdisciplinaires et les communications à deux voix sont vivement encouragées.
Comité d’organisation :
Pauline Mettan, Christelle Reggiani, Martin Rueff
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Bibliographie indicative
ARRIVE, Michel, « Toponymie et littérature », Approches interdisciplinaires de la lecture, 2013, p. 47-61.
BAUDELLE, Yves, « Chapitre III. Noms de pays ou pays des noms ? Toponymie et référence dans les récits de fiction », Topographies romanesques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.
BERTHOMIEU, Gérard, « Sur une figure critique du roman. La liste des lieux-dits dansLa Route des Flandres de Claude Simon », dans Sophie Milcent-Lawson, Michelle Lecolle et Raymond Michel (éd.), Liste et effet liste en littérature, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 73-95.
BOURILLON, Florence (dir.), Changer les noms de rues de Paris. La Commission Merruau - 1862, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, Mémoire commune & Paris, Comité d’Histoire de la Ville de Paris, 2012.
BOUVIER, Jean-Claude, GUILLON Jean-Marie (éd.), La toponymie urbaine. Significations et enjeux, Paris, L'Harmattan, 2001.
CERTEAU (de), Michel, « Pratiques d’espaces » (chapitre : « Noms et symboles »),L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris, UGE (10/18), 1980, p. 171-227.
CHEESMAN, Clive, Personal Names in the Roman World, Londres, Duckworth, 2010.
CICCHINI, Marco, « Les incertitudes du commencement. La numérotation des maisons et sa réception à Genève à la fin du XVIIIe siècle. Histoire urbaine, 2018, vol. 3, n° 53, p. 107-125.
CISLARU, Georgeta, « Le nom de pays comme outil de représentation sociale », Mots. Les langages du politique, n° 86, 2008.
DAUZAT, Albert, Les noms de lieux. Origine et évolution, Paris, Delagrave, 1926. DELFOSSE, Claire, « Noms de pays et produits de terroir : enjeu des dénominations géographiques », L’espace géographique, n° 3, 1997, p. 222-230.
FALCOZ, Catherine, « Toponymes : des noms propres en commun », Publics. La lettre des professionnels de la communication territoriale, 2001, p. 5-8.
GARY-PRIEUR, Marie-Noëlle, L’individu pluriel. Les noms propres et le nombre, Paris : CNRS, 2001.
GUILLOREL, Hervé, « Onomastique, marqueurs identitaires et plurilinguisme. Les enjeux politiques de la toponymie et de l’anthroponymie », Droit et cultures, n° 64, 2012, p. 11-50.
GIRAUT, Frédéric, HOUSSAY-HOLZSCHULZ, Myriam, « The dispositif of place naming : Toward a theoretical framework », Geopolitics, 2016, http://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14650045.2015.1134493
GRIBAUDI, Maurizio, Paris, ville ouvrière. Une histoire occultée, 1789-1848, Paris, La Découverte, 2014.
HERBIN, Jean-Charles, TAMINE, Michel, Espace représenté, espace dénommé. Géographie, cartographie, toponymie, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, 2007.
JOURDE, Pierre, Géographies imaginaires. De quelques inventeurs de mondes au XXe siècle : Gracq, Borges, Michaux, Tolkien, Paris, José Corti, 1991. Le Monde alpin et rhodanien, numéro spécial : « Nommer l’espace », 1997/4.
LAURENT, Nicolas, La part réelle du langage. Essai sur le système du nom propre et sur l’antonomase du nom commun, Paris, Honoré Champion, 2016.
PAVEAU, Marie-Anne, « Le toponyme, désignateur souple et organisateur mémoriel. L’exemple du nom de bataille », Mots. Les langages du politique, n° 86, 2008.
PIATTI, Barbara (dir.), Ein literarischer Atlas Europa (site web) : http://www.literaturatlas.eu
PIOFFET, Marie-Christine (dir.), Dictionnaire analytique des toponymes imaginaires dans la littérature narrative de langue française (1605-1711), Paris, Hermann, coll. « République des Lettres », 2013.
WESTPHAL, Bertrand, Le Monde plausible. Espace, lieu, carte, Paris, Minuit, coll. « Paradoxe », 2011.