COMITE D’ORGANISATION : Jean-Pascal Gay (professeur, Université catholique de Louvain), Silvia Mostaccio (professeure, Université catholique de Louvain), Josselin Tricou (doctorant, Université Paris VIII, LEGS).
APPEL A COMMUNICATIONS : La date de réception des propositions est fixée au 15 décembre 2017. Les propositions d’environ 500 mots, accompagnées d’une note biographique doivent être envoyées à josselintricou@gmail.com, silvia.mostaccio@uclouvain.be et jpgay@uclouvain.be. Une réponse d’acceptation ou de refus sera retournée début janvier 2018. Le comité d’organisation sera attentif à valoriser les propositions émanant de jeunes chercheur-e-s.
ARGUMENTAIRE : La recherche récente (conduite notamment dans le monde anglophone, en Belgique et aux Pays-Bas, et dans une moindre mesure en France où les études de ce type demeurent peu et mal reçues et sont essentiellement portées par de jeunes chercheur-e-s) a permis de très significatifs progrès dans l’exploration des rapports entre masculinité et religion, et dans l’étude de leur historicisation. Ces travaux ont permis de mettre en avant le rôle des religions dans la fabrique des rapports et des identités de genre et dans l’inculcation des normes genrées. Ils ont aussi, cependant, mis en avant le caractère potentiellement éversif, voire subversif de performances religieuses qui, en fonction du jeu social permis par les formes spécifiques d’organisation des communautés religieuses, interrogent et travaillent les normes de genre. Ceci vaut à la fois pour des situations de performances religieuses de « haute intensité » (mystique, engagements caritatifs radicaux, construction de communautés de « performers ») mais encore dans des contextes de performance religieuse plus routinières. Dans le cas du catholicisme, en particulier pour l’époque contemporaine, l’étude des masculinités sacerdotales apparaît comme un lieu privilégié pour comprendre la contribution paradoxale du religieux à l’histoire des masculinités. Les travaux dont on dispose ont notamment souligné la spécificité des masculinités sacerdotales, et leur potentiel de distance, de tension et de conflits avec les normes dominantes de la masculinité. La participation du clergé catholique à la construction des régimes contemporains de la masculinité apparaît marquée par une contradiction interne entre contribution à la construction et l’inculcation d’une masculinité catholique elle-même dans un rapport paradoxal à la « masculinité hégémonique », et l’ambiguïté de la position cléricale en termes d’appartenance au monde masculin et de performance des codes de la masculinité. Historiquement, les modèles de la « masculinité sacerdotale » apparaissent en tension durable avec les modèles de masculinité des laïcs catholiques et plus largement des modèles de masculinité qui travaillent les sociétés contemporaines (masculinité féodale, masculinité nobiliaire, masculinité bourgeoise). Certains travaux cependant, en lien avec la permanence d’une tradition de recherche sur l’histoire du sacerdoce, ont aussi parfois contribué à neutraliser la question de la masculinité sacerdotale. La qualification d’une masculinité sacerdotale comme « masculinité alternative », réduite à une altérité essentielle liée au caractère sacré de la position du prêtre, a pu ainsi servir à naturaliser à la fois la tension entre masculinité cléricale et modèles dominants de masculinité mais aussi la manière dont cette distance travaille et structure le monde sacerdotal (affectant le recrutement, mais aussi les formes et les conditions du ministère, les sociabilités cléricales). Si donc le constat posé par Anne-Marie Sohn en 2006, selon lequel « le rôle des hommes, et particulièrement des ecclésiastiques, est resté au point aveugle de l’historiographie [du catholicisme] », n’apparaît plus guère d’actualité, le champ de l’histoire des masculinités sacerdotales se présente comme un chantier encore largement à ouvrir et susceptible de contribuer tant à l’histoire du catholicisme qu’à l’histoire des masculinités. L’exploration des masculinités sacerdotales du point de vue de l’histoire engage ensemble une histoire religieuse du genre qui analyse une performance de genre en fonction d’une performance religieuse, et une histoire du religieux par le genre, qui analyse une performance religieuse en fonction d’une performance de genre. Ce colloque entend donc d’abord inventorier les problématiques et les méthodes de cette histoire « en partie double » qu’est alors nécessairement une histoire des masculinités sacerdotales. Il se propose ainsi d’interroger, sur le temps long de l’histoire du christianisme (et plus précisément pour la période Xe-XXIe siècles) : – les lieux de construction et de performance de la masculinité des membres du clergé et la manière dont la masculinité structure le monde clérical marqué par l’homosocialité (socialisation, sociabilités, hiérarchies internes). – la manière dont les modèles de masculinité sacerdotale s’articulent à la masculinité catholique et aux différents régimes de la masculinité hégémonique. – la variabilité des formes, des perceptions et des représentations de l’appartenance des clercs au monde masculin. – le lien entre le caractère « sacré » du clerc et sa performance, notamment liturgique, et la masculinité sacerdotale. – les lieux (mouvements, formes de militantisme, confréries) d’un travail réciproque entre masculinités laïques et masculinités cléricales – le rapport entre spiritualité et fonction spirituelles (notamment dans le contexte de la direction) et la masculinité – l’articulation d’un « pouvoir pastoral » avec la performance d’une masculinité potentiellement à distance de la masculinité hégémonique. – le lien entre le partage sexuel et genré du public de l’action cléricale et la masculinité sacerdotale. – la variabilité des modèles de masculinités sacerdotales en fonction de contexte ecclésiaux et pastoraux (organisations, droits canons locaux, missions) – le rôle des clercs comme éducateurs de la masculinité et la reconfiguration de ce rôle en fonction de la perception catholique des évolutions des rapports de genre et de leur importance religieuse, politique et sociale – la manière dont l’étude des masculinités sacerdotales permet d’interroger les thèses de la « féminisation » et de la « remasculinisation » du catholicisme. Au-delà de ces questions particulières et de celles que les communications pourront faire émerger, l’enjeu d’une rencontre de chercheurs venu de l’un ou l’autre des champs engagés par l’étude des masculinités sacerdotales est aussi théorique. Il s’agira tout d’abord de pointer la manière de penser ensemble des performances (la croyance et le genre) souvent analysées de manière disjointe et ce que leur analyse conjointe permet de comprendre sur différents régimes de performativité. Il s’agira aussi en réfléchissant sur le temps long, d’interroger l’essentialisme de nos catégories, leur capacité à construire une projection du présent sur l’histoire, et d’essayer de comprendre si l’historicisation conjointe du « sacerdotal » et du « masculin » conduit à réviser les catégories et les paradigmes de l’analyse du religieux et de la masculinité.
Les organisateur-e-s assument pleinement la perspective historique choisie, tout en restant particulièrement attentifs aux suggestions de la sociologie religieuse et de la sociologie tout court : une discipline qui travaille la notion et les manifestations genrées en société et qui aidera les historien-ne-s dans la définition des frontières épistémologiques pertinentes pour cette enquête collective.