Appel Colloque SATOR, Nantes, 8-9 avril 2015
Universités de Nantes et d’Angers
Natura in fabula. Topiques romanesques de l’environnement
À l’heure du Nature writing et du développement de l’écocritique, il est tentant de relier la production des romans faisant référence aux rapports complexes de l’homme et de la nature aux profondes évolutions environnementales que connaît notre œkoumène depuis l’ère de l’industrialisation : l’accroissement du nombre des écofictions, qui ne sauraient être limitées au domaine anglophone, serait ainsi lié à la crise environnementale que nous traversons.
Pour autant cette situation de crise, favorable à la production d’un certain type de romans -dont les formes sont en fait relativement variées-, ne saurait rendre compte de toutes les productions romanesques qui, dans le cours des siècles, témoignent d’un rapport au monde clairement identifiable. D’ailleurs la crise environnementale que connaît le monde contemporain n’est pas unique dans l’Histoire : d’autres crises (catastrophes naturelles ou pas, événements climatiques, comme le petit âge glaciaire avec ses pics et ses conséquences sur la vie quotidienne) intervenant dans des domaines extralittéraires ont pu recevoir dans le passé des traductions dans le domaine littéraire de la fiction. La notion de « sentiment de la nature », souvent utilisée pour évoquer, particulièrement au XVIIIe siècle, un accroissement de la conscience de la nature à travers les œuvres littéraires qui s’épanouit à l’ère romantique, montre d’ailleurs qu’il n’est pas forcément besoin de crise pour justifier l’entrée dans les fictions littéraires de cette préoccupation environnementale : la fréquence du locus amoenus, récurrent dans la littérature médiévale et largement repris par la suite, induit des situations qui témoignent d’une approche souvent euphorique de la nature ; de façon plus neutre, ce sont parfois les phénomènes naturels dont la connaissance scientifique s’accroît au fil des siècles, qui, d’une manière ou d’une autre, font leur entrée dans la fiction.
C’est sur cette question de la nature que se penchera le XXIXe colloque de la SATOR.S’arrêter sur la question de la nature dans le roman devrait permettre, conformément à l’angle de l’analyse topique qui fait le propre des travaux conduits depuis plusieurs années par la SATOR, d’envisager quelles situations narratives enclenche la prise en compte de la nature dans l’élaboration romanesque. Il conviendra pour cela d’évaluer ce degré de prise en compte : la nature peut n’être parfois qu’un simple cadre, mais même à un degré aussi limité, n’est-elle pas à l’origine d’une scénographie qui lui serait propre ? À un degré plus élevé, quelle conscience de la nature se fait jour à travers les romans ? Dans la recherche des topoï narratifs que l’on peut construire autour du thème de la nature, on pourra orienter les recherches dans des directions variées : au delà de l’identification de ce qui se passe dans la nature, on cherchera à repérer des textes dans lesquels l’homme agit sur la nature ou lui accorde un rôle prépondérant sans oublier les cas où la nature devient elle-même actrice. L’animation de la nature est une des formes vers lesquelles peut déboucher le concept de natura naturans qu’on oppose ordinairement à celui de natura naturata. À travers les différentes périodes envisagées, on cherchera à cerner les récurrences, les variations et l’évolution d’une topique environnementale tant dans la littérature française que, dans une perspectivecomparatiste.
Sans exclusive, les communications pourront privilégier les entrées suivantes :
1. les lieux topiques de la nature, qu’il s’agisse de lieux de la nature proprement dite ou de lieux aménagés : forêt, montagne, campagne, jardin, parc, mais aussi des espaces plus urbains et organisés dans la mesure où, avec ou sans figement, ils indiquent des usages de la nature et une certaine façon d’habiter le monde.
2. les personnages qui portent une conscience spécifique de la nature : amoureux en quête de secret et de solitude, exilés regrettant une forme de rapport au monde et s’efforçant d’en reconstruire un autre plus ou moins ressemblant, ermites fuyant le tumulte des cours et des villes, voyageurs découvrant des espaces différents de leurs lieux d’origine. On s’arrêtera particulièrement sur les personnages déplacés, au sens d’abord spatial du terme, en s’intéressant au décentrement que peut induire leur regard ou leur comportement à l’égard de la conception du rapport homme/nature.
3. les formes de l’œuvre romanesque. Par exemple, l’usage du récit-cadre semble propice à une intégration, au moins au premier niveau des œuvres, de l’espace naturel : est-ce une simple commodité de cadre ou un véritable discours peut-il se lire à travers les œuvres et les époques utilisant cette forme ? Dans le même esprit, qu’en est-il du recours à l’espace dans l’allégorie ? Quels sont, sur le plan de l’usage et de l’approche de la nature, les apports du voisinage que le roman peut entretenir avec des formes narratives non fictionnelles comme le voyage ?
4. les discours sociaux, philosophiques ou politiques qui sous-tendent certains romans. On pense aux voyages imaginaires dont font partie les allégories ou les romans utopiques : ces derniers prônent souvent un retour à de valeurs plus proches de la nature et proposent, pour y parvenir, un réagencement de l’espace et des pratiques qui amène à combiner nature et raison. Mais il existe aussi, au sein des romans, bien des situations de conversation abordant, dans une optique de comparaison, les mérites de la ville et ceux de la campagne. L’alternative est en effet un moyen, à travers les œuvres, de poser la question environnementale : ville/campagne, sauvage/civilisé, locus amoenus/locus terribilis, retraite/vie dans le monde…
Les propositions de communication (1000 à 1500 signes) sont à envoyer avant le 15 octobre 2014 conjointement à :
Philippe Postel, Université de Nantes philippe.roger.pierre.postel@gmail.com
Isabelle Trivisani-Moreau, Université d’Angers Isabelle.Trivisani@univ-angers.fr