Projet de collectif (revue XVIIe siècle),
Judith Sribnai (Université du Québec à Montréal)
et Marie-Florence Sguaitamatti (Université de Zurich)
Il existe, au XVIIe siècle, différentes manières de raconter l’accès au savoir ou à la vérité : le récit hagiographique qui rapporte l’illumination du saint ; la biographie savante qui détermine les conditions de la découverte ; le roman épistémologique qui explore les fictions scientifiques. Dans un contexte de profondes transformations épistémologiques, les philosophes (Descartes, Gassendi, Malebranche, Spinoza, Mersenne) réfléchissent aux nouvelles modalités d’élaboration du savoir mais mettent également en scène leur propre cheminement intellectuel. De même, des savants comme Galilée, Campanella ou encore Bacon se décrivent comme des voyageurs ou des explorateurs. Chez les romanciers (Charles Sorel, Cyrano de Bergerac) ou dans les satires (celle du Père Gabriel Daniel par exemple), le passage de l’ignorance à la connaissance est représenté sous forme d’un itinéraire ou d’un voyage initiatique.
Ces textes mobilisent des topiques narratives, telles le récit de conversion ou le décillement du héros. Ils s’articulent autour de métaphores et d’antithèses plus ou moins usées : l’ombre contre la lumière ; l’aveuglement et la révélation ; le chemin, la route aride. Pour passer de l’innocence à la sagesse, les épreuves et les peines à surmonter sont nombreuses, l’esprit connaît le trouble et le corps des blessures. Bien après l’allégorie de la caverne de La République, l’accès à la connaissance ou au savoir continue de se dire par le biais de récits. Ces derniers illustrent autant qu’ils déterminent la relation du sujet à sa connaissance, aux modes d’acquisition d’un savoir ou d’un savoir-faire. Ce collectif propose d’explorer la variété et la spécificité de ces récits pour une période qui remanie les fables léguées par les Anciens. Que signifie, par exemple, la reprise de la métaphore du passage de l’ombre à la lumière à une période où le concept et l’appareillage de la vision se transforment durablement ? Comment les astronomes, comme Gassendi ou Galilée, se réapproprient-ils l’itinéraire platonicien quand, pour eux, c’est la nuit et l’obscurité qui parlent ? Que doit la biographie savante aux récits hagiographiques ? Comment dialoguent les motifs du récit de conversion (la révélation) et ceux de la nouvelle science (l’expérience). Questionner les relations entre l’épistémologie et ses fables devrait permettre d’éclairer ce que le XVIIe siècle entend par « savoir(s) » et « vérité(s) »[1]. Il s’agit, par conséquent, d’une réflexion sur l’imaginaire du siècle lié au savoir et, plus particulièrement, à la figure complexe et multiforme de celui qui le cherche ou le désire.
Ces perspectives se situent notamment dans la lignée des travaux de Dinah Ribard sur la biographie de philosophes[2]. Elles poursuivent également les recherches de ces dernières années sur les relations entre sciences et fiction, d’une part, (Fernand Hallyn, Frédérique Aït-Touati, Jean-Pierre Cavaillé, Jean-Charles Darmon), sciences et religion, d’autre part (Pierre Magnard, Michel Blay). L’étude des jonctions, disjonctions ou reprises d’un discours à l’autre est analysée ici sous l’angle des narrations adoptées (constructions diégétiques, tropes, poétique).
La longueur des articles se situera entre 30 et 33 mille signes, espaces et notes compris.
Les propositions devront parvenir avant le 17 octobre 2016 à Judith Sribnai (judith.sribnai@gmail.com) et à Marie-Florence Sguaitamatti (marieflorence74@gmail.com). Elles seront assorties d’un résumé d’environ 300 mots, ainsi que d’une notice biographique précisant votre appartenance instutuionnelle et vos domaines de recherche. La sélection des propositions sera opérée pour le premier novembre 2016.
Les articles seront envoyés dans leur version définitive par voie électronique pour le premier mars 2017 au plus tard. Ils seront évalués par le comité de rédaction. Le dossier sera publié dans le numéro 2/2018 de la revue XVIIe siècle.
1 L’alchimie ou l’astrologie judiciaire sont-ils toujours considérées comme des «savoirs», et par qui ?
2 Raconter, vivre, penser : histoire(s) de philosophes (1650-1776), Vrin, 2003.