Inventer la littérature médiévale (XVIe-XVIIe siècle)

Université de Lausanne, 6-7 octobre 2016

«Littérature du Moyen Âge» est une catégorie relativement récente dans la longue histoire de l'étude des textes médiévaux. L'expression semble ne pas remonter en-deçà de la première moitié du XIXe siècle. En France, par exemple, Abel-François Villemain la retient comme titre de vingt-quatre leçons de son Cours de littérature française donné en Sorbonne (1829–1830) et Émile Lefranc comme sous-titre d'un tome de son Histoire élémentaire et critique de la littérature (1840). En 1852, Paulin Paris la revendique pour l'intitulé d'une chaire qu'il souhaiterait voir fonder au Collège de France et qu'il occupe dès 1853. Par «littérature», ces intellectuels comprennent des œuvres dotées d’une valeur «esthétique», expressions du «génie» ou de l'«esprit» national. Dans cette acception, la notion est plus restreinte que celle de litterae, objet, depuis le XVIe siècle, de l’historia literaria et notamment d'entreprises d'érudition telles que l'Histoire littéraire de la France des Mauristes (1733–), la Storia della letteratura italiana de Girolamo Tiraboschi (1772–1782) ou A Literary History of the Middle Ages de Joseph Berington (1814).

Les auteurs et les œuvres qui composent le canon littéraire médiéval au XIXe siècle n'en ont pas moins intéressé la République des Lettres auparavant. Depuis les années 1940, plusieurs travaux ont d'ailleurs étudié l'intérêt des antiquaires modernes pour cette matière. Plusieurs d’entre eux se sont cependant contentés de transposer la catégorie «littérature médiévale» sur des siècles qui ne distinguent ni une littérature du reste de la production écrite, ni – avant le XVIIe siècle, du moins – un Moyen Âge d'une Antiquité et d'une Renaissance. En outre, l'étude de ce premier intérêt pour la «littérature médiévale» a souvent adopté une perspective disciplinaire, relevant ce qui, dans l'érudition de l'Époque moderne, était déjà ou n’était pas encore conforme aux règles de la philologie et à l'histoire littéraire ou en pointant le défaut de connaissances des antiquaires.

Afin de sortir de ces conceptions téléologiques, ce colloque se propose d'étudier les catégories et les périodisations retenues par les antiquaires des XVIe et XVIIe siècles pour classer les textes aujourd'hui rassemblés sous la dénomination «littérature médiévale». On se demandera en particulier quels modèles ont été mobilisés pour ces classifications (l'opposition aristotélicienne entre «histoire» et «poésie», par exemple). Il s'agira également de comprendre les motivations de l'intérêt antiquaire pour des textes difficiles à déchiffrer et à comprendre, vecteurs de valeurs morales et religieuses perçues comme «étrangères», dont la lecture est parfois considérée comme inutile, voire néfaste, mais qui sont également reconnus comme des sources fiables sur les mœurs d’autrefois. Enfin, une attention particulière sera accordée aux discours de continuité (origine d'une langue moderne) ou de rupture («barbarie» ou «papisme» médiévaux) à l'appui desquels ces textes sont invoqués. Parmi les sources susceptibles d'apporter des éléments de réponse à ces questionnements, on peut mentionner les répertoires bibliographiques, les catalogues de collections privées de manuscrits et d'imprimés, le paratexte des éditions (épître dédicatoire, préface, apparat critique), les notes de lecture (commonplace books, recueils d’adversaria) ou encore la correspondance érudite.

Les propositions de contribution (titre et résumé de 2000 caractères maximum) sont à envoyer à Yann Dahhaoui (Yann.Dahhaoui@unil.ch) et à Barbara Wahlen (Barbara.Wahlen@unil.ch) d’ici au 30 janvier 2016.