Longtemps considérée sous un angle strictement militaire et masculin, la guerre est désormais l’objet d’une importante production historiographique en études de genre. Entendu comme un « système de bicatégorisation hiérarchisé entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin) »1, le genre se révèle profondément heuristique pour étudier les périodes de guerre. Il remet ainsi en question des dichotomies longtemps considérées comme allant de soi, telles que les diptyques front et arrière, militaire et civil, ou encore soldat et victime de guerre, qui viennent par ailleurs se surimposer aux dichotomies plus « classiques » de l’histoire des femmes et du genre telles que nature/culture ou public/privé, permettant ainsi de mettre en évidence la diversité des expériences féminines et masculines de la guerre.
En dépassant le masculin neutre pour révéler la multiplicité des figures et des postures, le genre permet de réinterroger la définition, les modalités et les lieux de l’engagement, quel que soit le champ d’action pris en considération (civil ou militaire, religieux ou laïque, politique, syndical, économique, social, associatif, artistique ou intellectuel, etc.)2. Dans un contexte particulier de « crise » liée à l’état de guerre, le genre de l’engagement se voit en effet souvent naturalisé – il est des rôles d’hommes et des rôles de femmes –, ou à l’inverse remis en question – la guerre créant des espaces de liberté pour les unes ou les autres. « Catégorie utile d’analyse historique » 3, le genre permet également de questionner les rapports de pouvoir qui se jouent dans les formes, les qualifications et la reconnaissance des engagements en temps de guerre.
À la confluence des recherches actuelles sur les lois genrées de la guerre4 et le genre des mobilisations collectives5, ce colloque entend ainsi interroger le genre de l’engagement en temps de guerre dans une visée trans-périodique, pluridisciplinaire et à partir de cas concrets. Il s’agira notamment d’envisager différents types de conflits européens et extra-européens dans une perspective comparatiste, la guerre étant entendue dans son acception la plus large (il sera donc possible d’étudier, entre autres, les mouvements révolutionnaires, nationalistes, les guérillas, ou le terrorisme).
Les propositions de communication pourront s’articuler autour des différents axes thématiques suivants :
1. S’engager en temps de guerre : une transgression des normes de genre ? Définition, modalités et limites
– Qu’est-ce que l’engagement ? Existe-t-il des degrés d’engagement, des conceptions ou perceptions de l’engagement qui diffèrent selon des critères genrés ? Les motivations et/ou justifications de l’engagement sont-elles genrées ? L’engagement constitue-t-il une transgression des assignations identitaires genrées ou au contraire une performance du genre ? – Dans un contexte de guerre, quelles formes et modalités d’engagement peut-on voir apparaître ? Les répertoires, modalités et lieux d’actions diffèrent-ils selon le sexe et/ou le genre ? – Dans quelle mesure les attentes, les acceptations ou les représentations sociosexuées pèsent-elles sur les formes de l’engagement en temps de guerre ? Sur la perception de l’engagement comme légitime ou, au contraire, illégitime ? La société donne-t-elle la même valeur aux engagements des hommes et des femmes ?
2. Aux racines de l’engagement en temps de guerre : un apprentissage genré ?
– Le genre influence-t-il l’entrée en militantisme ? Les lieux de socialisation et de politisation qui précèdent l’engagement sont-ils genrés ? – Quelle est la part du contexte familial et des aspirations personnelles dans l’engagement des hommes et des femmes ? – Dans quelle mesure un contexte de guerre peut-il modifier, voire bouleverser, les modes de socialisation et de politisation ?
3. L’après-guerre au prisme du genre et de l’engagement
– Les ruptures ou transgressions opérées en temps de guerre sont-elles éphémères, à effet retard ou pérennes ? Les engagements en temps de guerre peuvent-ils modifier durablement les rapports sociaux de sexe ? – Dans quelle mesure le genre a-t-il une influence sur les conséquences biographiques de l’engagement6 ? – Observe-t-on un prolongement des engagements en dehors des contextes de guerre ou, au contraire, les sorties de guerre entraînent-elles un désengagement militant7 ? Ces processus sont-ils genrés ?
Modalités de soumission des propositions de communication :
Les communications proposées devront s’inscrire dans l’une des trois thématiques exposées ci-dessus. Chaque proposition fera l’objet d’une lecture en double aveugle par le comité scientifique. Les actes du colloque pourront faire l’objet d’une publication.
Les propositions de communication doivent être envoyées avant le 15 mai 2016 à l’adresse suivante :genre.engagement@gmail.com. Elles comprendront un résumé d’une page maximum (comportant un titre provisoire) ainsi qu’une courte biographie incluant vos coordonnées et rattachements institutionnels.
Pour toutes questions, n’hésitez pas à écrire au comité d’organisation du colloque (genre.engagement@gmail.com).
Comité scientifique : Peggy Bette (ingénieure de recherche à l’université Rennes 2, chercheuse associée au Centre de recherches historiques de l’Ouest), Isabelle Clair (chargée de recherche en sociologie au CNRS, Laboratoire Genre, Travail, Mobilités), Laurent Douzou (professeur d’histoire à l’IEP de Lyon, Laboratoire de recherche historique RhôneAlpes), Julie Le Gac (post-doctorante, coordinatrice de l’axe genre du Labex Écrire une histoire nouvelle de l’Europe), Frédérique Matonti (professeure de science politique à l’Université Paris 1, Centre de recherches politiques de la Sorbonne), Silvia Mostaccio (professeure d’histoire à l’Université Catholique de Louvain, directrice du Laboratoire de recherches historiques), Marianne Thivend (maîtresse de conférences en histoire à l’Université Lyon 2, Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes), Marion Trevisi (maîtresse de conférences en histoire à l’Université de Picardie Jules Verne, Centre d’histoire des sociétés, des sciences et des conflits), Anne Verjus (directrice de recherche en science politique au CNRS, laboratoire Triangle), Clémentine Vidal-Naquet (post-doctorante, secrétaire générale du Labex Écrire une histoire nouvelle de l’Europe), Fabrice Virgili (directeur de recherche en histoire au CNRS, laboratoire Sorbonne – Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe), Mercedes Yusta Rodrigo (professeure à l’Université Paris 8, membre de l’Institut universitaire de France), Michelle ZancariniFournel (professeure d’histoire émérite à l’Université Lyon 1, Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes).
Comité d’organisation : Anne Charmasson-Creus (Bibliothèque municipale de Lyon), Marie Derrien (Université Lyon 2, LARHRA), Fanny Giraudier (Université Lyon 2, LARHRA, Bibliothèque municipale de Lyon), Charlotte Gobin (Université Lyon 2, LARHRA), Anne-Cécile Hyvernat-Duchêne (Bibliothèque municipale de Lyon), Guillaume Morand (Bibliothèque municipale de Lyon), Sylvie Tomolillo (Bibliothèque municipale de Lyon).
Lieu : Bibliothèque municipale de Lyon – 24 et 25 novembre 2016
1 Laure Bereni, Sébastien Chauvin, Alexandre Jaunait, Introduction aux gender studies : manuel des études sur le genre, Bruxelles, Belgique, De Boeck, 2008, p. 7.
2 L’engagement sera donc entendu au sens large, c’est-à-dire « comme un concept descriptif pour souligner une forme d’action caractéristique de groupes ou de personnes spécifiques », permettant « d’analyser une large variété de phénomènes : le pouvoir, la religion, le recrutement, la bureaucratie, la politique, etc. ». Howard S. Becker, « Sur le concept d’engagement », SociologieS, [En ligne], Découvertes / Redécouvertes, mis en ligne le 22 octobre 2006, consulté le 03 mars 2016. URL : http://sociologies.revues.org/642.
3 Joan Scott, « Genre : Une catégorie utile d’analyse historique », Les Cahiers du GRIF, traduit par Éléni Varikas, 1988, vol. 37, no 1, p. 125‑153.
4 Fabrice Virgili (dir.), « Les lois genrées de la guerre », Clio. Femmes, Genre, Histoire, n° 39, 2014/1.
5 Voir, entre autres, la synthèse des recherches actuelles par Lucie Bargel, Xavier Dunezat, « Genre et militantisme », in Olivier Fillieule et al., Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références », 2009, p. 248-255.
6 Olivier Fillieule, « Conséquences biographiques de l’engagement », in Olivier Fillieule et al. (dir.), Dictionnaire des mouvements sociaux, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) « Références », 2009, p. 131-138. 7 Olivier Fillieule (dir.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005.
Source: SIEFAR.org