Colloque international à l’occasion des 25 ans de la SIEFAR
16 et 17 mai 2025, Reid Hall (Paris)
La SIEFAR a 25 ans !
Cet anniversaire est l’occasion de rendre femmage aux fondatrices de la Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime, et d’effectuer un bilan scientifique, qui mette en lumière la façon dont le travail collectif a rendu visibles les femmes d’Ancien Régime, et transformé le regard sur elles. Des centaines de femmes sont apparues, dont beaucoup étaient inconnues, oubliées, dont l’œuvre était ignorée, méprisée, minorée. Nous avons montré, de multiples façons, comment elles ont vécu, créé, régné, pensé, parlé, etc. Quand il était jusqu’à présent surtout « parlé d’elles », on a mieux vu à quel point les femmes ont parlé d’elles-mêmes, individuellement et collectivement. C’est sur ce dernier point que le colloque voudrait inviter à réfléchir, en concentrant le propos sur le regard de contemporaine à contemporaine(s).
Regards de femmes sur leurs contemporaines
Face à la « maltraitance historiographique »[1] dont les femmes d’Ancien Régime ont été victimes, nous voulons ainsi donner plus de visibilité à ce que les femmes ont pensé et dit elles-mêmes de celles qui vivaient à la même époque qu’elles, à leurs côtés, ou au contraire loin d’elles socialement et/ou géographiquement, qu’elles les appréhendent individuellement ou par groupes, qu’elles les connaissent directement, de visu, ou indirectement à travers des récits, des relations, voire des on-dit.
En 2019, une journée d’études organisée à l’université de Nantes par Anne Boiron, Caroline Biron et Nathalie Grande était consacrée aux « regards de femmes au XVIIe et au XVIIIe siècle »[2]. L’argumentaire privilégiait le regard des femmes sur les hommes, afin de « faire changer l’altérité de camp ». Il ne suffit cependant pas d’inverser le regard pour déjouer les représentations stéréotypées et les biais de genre[3]. Le point de vue créateur féminin n’est pas de facto libéré du poids des normes et des discriminations genrées, d’autant que la difficile reconnaissance de leur rôle de créatrices et d’intellectuelles fait obstacle à l’expression des idées et des sensibilités[4].
Tout en tenant compte de ce cadre restrictif, nous pouvons nous demander si le fait de porter leur regard sur d’autres femmes autorise les créatrices de l’Ancien Régime à minimiser la dépendance à l’homme, à repenser les rapports hommes/femmes, à valoriser un champ d’expérience féminin, à changer la vision des femmes en les observant dans tous leurs états, ou encore à faire la démonstration de leur rôle social, à l'instar de Christine de Pizan dans la Cité des Dames.
Corpus et méthodologie
Tous les genres peuvent être abordés, et pas seulement ceux de l’intime : biographies, traités et discours savants, harangues, portraits picturaux et littéraires, correspondances, mémoires, chroniques, œuvres fictionnelles à clef, épîtres dédicatoires, dialogues, relations de voyages, chansons, scènes de genre, etc.
On exclura les personnages fictionnels ainsi que les œuvres anonymes quand on ne peut savoir si c’est un homme ou une femme qui tient la plume ou le pinceau (pas de ventriloquie !), pour ne retenir que les seuls textes ou œuvres de femmes, sans doute possible, portant sur les femmes de leur temps.
On accueillera, en revanche, toutes les méthodes critiques, tous les champs disciplinaires qui permettront d’interroger la variété des thèmes que les femmes abordent entre elles : famille et éducation, mais aussi médecine, corps, politique, actualité, économie, civilité, arts, spiritualité, philosophie, société, science, langage, etc.
On ne négligera pas la dimension interculturelle : comment les Françaises perçoivent-elles leurs voisines européennes ou américaines ? On pourra s’intéresser notamment au regard porté par des femmes sur d’autres femmes racisées, colonisées ou altérisées.
Pourra être pris en considération ce qui vient modeler ces regards de femmes : statut social, appartenances (familiales, claniques, sociales, nationales, etc.), âges de la vie, cadres de la pensée (caractérologie fixiste par ex.), stéréotypes de genre, préjugés misogynes ou rhétorique de la supériorité des femmes, etc. Dans quelle mesure cet ensemble de déterminations construit-il (ou non) un regard spécifique de femmes sur d’autres femmes ?
Il sera aussi possible d’examiner les scènes et les modalités d’énonciation, les espaces et les formes de la publication (manuscrite ou imprimée, à destination privée ou publique), les genres littéraires ou picturaux dans lesquels ces représentations se formulent et l’influence sur elles des règles et de la hiérarchie de ces genres.
Limiter le corpus aux regards sur les contemporaines permettra enfin de considérer les effets pragmatiques immédiats de ces discours de femmes sur d’autres femmes ou à d’autres femmes, en termes de savoirs, de pouvoir, de construction des réputations, mais aussi de dialogue, de solidarité ou d’exclusion.
« C’est une femme qui parle » (Marie de Gournay). De la parole à l’écoute
Les enjeux actuels du sujet ne sauraient en effet échapper. Si les femmes ont toujours dit, on ne les a pas écoutées, pas entendues. Mais elles-mêmes se sont-elles davantage entendues et comprises ? Quelle valeur donc est accordée (ou non) à l’époque à ces regards, à ces paroles de femmes sur les femmes ? De quelle autorité usent celles qui s’expriment sur ce sujet ? Envisagent-elles leur parole comme légitime ?
En privilégiant le regard des femmes sur les femmes, sans « tiers masculin », fait-on apparaître une autre histoire des femmes, des créatrices ? Ces regards font-ils mieux voir, ou sous un angle inédit, l’expérience des femmes ?
Dans quelle mesure enfin le partage de cette expérience fait-il naître ou renforce-t-il le sentiment d’une communauté de condition ? Favorise-t-il une prise de conscience collective, voire une pensée de l’égalité (désirable ou non) des femmes avec les hommes, mais aussi des femmes entre elles ? Quel rôle ces regards jouent-ils dans l’émergence du ou de féminisme(s) « avant la lettre » ?
Les propositions de communication (un titre et une page environ) sont à envoyer avant le 31 octobre 2024, à l’adresse suivante : colloquesiefar2025@gmail.com
L’acceptation sera notifiée fin 2024, après examen par le comité scientifique.
La SIEFAR, dans l’état actuel du financement du colloque, ne prend en charge que les repas de midi. En cas de non prise en charge des autres frais (déplacement, séjour) par les centres de recherche, prendre contact avec le comité organisateur.
Les actes du colloque feront l’objet d’une publication.
Comité scientifique : Catherine Bourdieu, Michèle Clément, Stéphanie Genand, Nathalie Grande, Anne Piejus.
Comité d’organisation :
Marianne Closson, Yohann Deguin, Myriam Dufour-Maître, Nathalie Freidel, Dominique Picco.
[1] Nathalie Grande, « La maltraitance historiographique : l’exemple des autrices du XVIIe siècle (Lafayette, Scudery, Sévigné, Villedieu) ». Voix de femmes dans le monde, édité par Frédérique Le Nan et al., Presses universitaires de Rennes, 2018, https://doi.org/10.4000/books.pur.87425.
[2] Nathalie Grande, Anne Boiron et Caroline Biron, Regards de femmes aux XVIIe et XVIIIe siècles, http://siefar.org/en/regards-de-femmes-aux-xviie-et-xviiie-siecles/. Voir aussi Nathalie Grande et Mathilde Labbé (dir.), Regards de femmes sur l’histoire littéraire, RHLF, n°4, 2023
[3] Iris Brey, Le regard féminin. Une révolution à l’écran, Paris, Éditions de l’Olivier, 2020.
[4] Martine Reid (dir.), Les femmes dans la critique et l’histoire littéraire, Paris, Honoré Champion, 2011.