À l’occasion du lancement de la base de données Épistolières17, un colloque se tiendra à l’Université de Montréal pour faire le point sur l’état de la recherche sur la production épistolaire des femmes sous l’Ancien régime. Nous invitons des contributions portant sur des travaux récents ou en cours, à l’intersection des études féminines et de l’épistolaire. Un atelier sera proposé en demi-journée le deuxième jour afin de présenter les fonctionnalités de la base de données Épistolières17 et former les futur.e.s collaborateur.rices à son utilisation.
En dépit de l’apport récent de grandes entreprises éditoriales, comme celle consacrée à la correspondance de Françoise de Maintenon, la contribution des femmes demeure difficile à évaluer dans le domaine de l’épistolaire, où elles ont pourtant été remarquablement prolifiques. L’accès limité aux sources explique en partie la polarisation de la critique sur quelques grandes figures d’épistolières, au détriment de la contribution des travailleuses de l’ombre. C’est à ce déficit de visibilité que compte remédier la base de données Épistolières17, dont l’objectif principal est de fournir un répertoire de la production épistolaire des femmes au XVIIe siècle et de permettre la visualisation des réseaux.
Nous espérons que cette entreprise de réévaluation de l’apport des épistolières encouragera une réflexion théorique à la croisée des études sur le genre et des travaux sur l’épistolaire. Alors que chacun de ces champs suscite, depuis plus de vingt ans, des travaux et des avancées importantes, rares sont les ouvrages collectifs à s’être intéressés à leur articulation. À la suite d’un colloque inaugural tenu à Montréal, Les Femmes de lettres. Écriture féminine ou spécificité générique? (Melançon et Popovic, 1994), L’Épistolaire, un genre féminin? (Planté, 1998) entreprenait de déconstruire le mythe de la supériorité féminine dans le genre épistolaire, tandis que L’épistolaire au féminin. Correspondances de femmes. XVIIIe- XXe siècle (Diaz et Siess, 2006) proposait de s’intéresser aux épistolières elles-mêmes et à leurs pratiques, dans une perspective axée davantage sur la modernité que sur le legs des pionnières. Nous nous proposons de rouvrir ce dossier depuis ses origines – des temps où la lettre constituait une des rares formes admissibles pour les candidates à l’écriture. Quels furent l’influence véritable et le rayonnement des épistolières, minimisés par la suite par les éditeurs de leurs œuvres? Comment les scriptrices parvenaient-elles à acquérir les compétences requises par l’exercice épistolaire? Selon quelles stratégies ont-elles investi un domaine longtemps monopolisé par les doctes? En quoi leur usage de la lettre différait-il de la pratique masculine? Quel a été le rôle des réseaux dans l’inclusion et le recrutement de partenaires féminins? Autant de questions qui permettent d’aborder les correspondances des femmes en se fondant sur la réalité des pratiques et la variété des registres convoqués, sans les renvoyer à un hypothétique critère féminin ou encore à un discours topique (amoureux ou sentimental).
Plutôt que de relancer des débats anciens sur la littérarité des lettres, nous souhaitons nous interroger sur les usages stratégiques de la lettre par les femmes, aussi bien pour se faire une place dans un champ littéraire qui les exclut que pour servir des carrières diverses. En quoi l’activité épistolaire a-t-elle pu constituer un lieu privilégié d’affirmation des agentivités féminines, dans des domaines aussi variés que l’économie, le politique ou le religieux? Il s’agira de montrer que la lettre fournit à celles qui en font usage, et parfois un usage intensif, un lieu stratégique d’ « inscription légitimante » (Dufour-Maître, 2008, 300), en autorisant une publicité qui ne heurte pas les convenances. Des correspondances ne présentant pas, à première vue, d’intérêt littéraire, peuvent ainsi apporter un éclairage décisif sur la zone frontière entre écritures du quotidien, projets d’écriture et carrières d’écrivaines. Pour cette raison, les propositions venues non seulement des études littéraires, mais également des sciences sociales, historiques, ou d’autres horizons disciplinaires seront les bienvenues.
Pour suivre la conférence à distance :
https://umontreal.zoom.us/j/82195209160?pwd=M1RIQU4yeHBvdWxNWmJHdE4vWUZLZz09
Code de la réunion : 821 9520 9160, Code secret : 665090
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Programme
Jeudi 9 juin 2022
Salle B-025 du Pavillon 3200 Jean Brillant
8:30 - 9:00 Accueil
9:00 - 10:00 Présentation de la base Épistolières17
Nathalie Freidel, Emma Gauthier-Mamaril, Olivier Lapointe
10:00 - 10:30 Pause
10:30 - 12:00 Agentivité féminine et religion
Présidence: Nathalie Freidel
Marie-Christine Pioffet, «Marie de l’Incarnation ou la liberté entravée»
Bastian Felter Vaucanson, «La conversation éternelle: Jeanne Guyon dans ses lettres à Fénelon (1688-1690)»
Nora Baker, «La correspondance comme lieu de résistance spirituelle: le cas de la huguenote Blanche Gamond»
12:00 - 14:00 Dîner
14:00 - 16:00 Réseaux aristocratiques et politiques
Présidence: Kim Gladu
Fanny Boutinet, «Des lettres aux oeuvres? Les échanges épistolaires de Françoise de Motteville et Anne-Marie-Louise d’Orléans»
Julie Özcan, «L’exploitation d’une lettre unique: Une lettre inédite de Madame de Montespan à la Grande Mademoiselle»
Juliette Eyméoud, «Sortir de l'ombre: l'inscription de femmes célibataires dans les réseaux épistolaires de la seconde moitié du XVIIe siècle»
Colin Jones, «Au carrefour des genres: la correspondance de la duchesse d’Elbeuf, 1788-1794»
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Vendredi 10 juin 2022
Salle B-025 du Pavillon 3200 Jean Brillant
10:00 - 12:00 Dynamique des genres
Présidence: Marie-Christine Pioffet
Julie Garel, «Le rabutinage, une traduction rhétorique du duel»
Martina Ognibene, «Le factum: l’usage de l’acculturation judiciaire au service d’un nouvel idéal féminin (XVIIe- XVIIIe siècle)»
Karine Rance, «Dire l'intime au féminin. Agentivité et réseaux dans la correspondance de la marquise de Rouvray»
Nicole Pellegrin, «Intercéder à la Cour de France. Une étude de cas: la correspondance d’une maîtresse de ministre en 1743-1744»
12:00 - 13:30 Dîner
13:30 - 15:00 Rayonnement intellectuel
Présidence: Judith Sribnai
Louise Gérard, «L'apprentissage du monde dans la Correspondance de Mme de Sévigné: écriture normative, écriture moraliste»
Lucille Raynal, «La correspondance comme espace intellectuel: le cas d'Émilie Du Châtelet»
Kim Gladu, «"Payer son contingent à la société": la question de la traduction dans la correspondance de la présidente Durey de Meinières et d’Elizabeth Montagu»
15:00 - 15:30 Pause
15:30 - 17:00 Atelier de formation à l’utilisation de la base Épistolières17
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Comité organisateur
Nathalie Freidel (Professeur agrégée, Université Wilfrid Laurier, Ontario)
Emma Gauthier-Mamaril (Doctorante, Université de Montréal, Québec)
Judith Sribnai (Professeure associée, Université de Montréal, Québec)
Comité scientifique
Laure Depretto
Geneviève Haroche-Bouzinac
Benoît Melançon
Karin Schwerdtner
Deborah Steinberger
Luc Vaillancourt
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Bibliographie sélective
CARRIBON, Carole et collab. (dir.), Réseaux de femmes, femmes en réseaux (XVIe-XXIe siècles), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, « Histoire hors collection », 2018, 377 p.
DIAZ, Béatrice et SIESS, Jürgen (dir.), L’épistolaire au féminin : correspondances de femmes XVIIIe-XXe siècle, Caen, Presses universitaires de Caen, 2006, 260 p.
DUFOUR-MAÎTRE, Myriam, Les Précieuses : naissance des femmes de lettres en France au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, coll. « Champion classiques – Essais », 2008, 816 p.
GOLDSMITH, Elizabeth C. et WINN, Colette H. (dir.), Lettres de femmes. Textes inédits et oubliés du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Honoré Champion, coll. « Textes de la Renaissance », 2005, 496 p.
MELANÇON, Benoît et POPOVIC, Pierre (dir.), Les Femmes de lettres. Écriture féminine ou spécificité générique ? Actes du colloque tenu à l’Université de Montréal le 15 avril 1994, Montréal, Université de Montréal, Faculté des arts et des sciences, Département d’études françaises, Centre universitaire de lecture sociopoétique de l’épistolaire et des correspondances (CULSEC), 1994, 162 p.
PLANTÉ, Christine (dir.), L’épistolaire, un genre féminin ?, Paris, Honoré Champion, coll. « Champion Varia », 1998, 308 p.
SIESS, Jürgen, Vers un nouveau mode de relations entre les sexes. Six correspondances de femmes des Lumières,Paris, Garnier, 2017, 176 p.