les 21 et 22 mai 2020 à l’Université du Québec à Montréal
Qu’est-ce que la tentation? Ou plutôt qu’est-ce qu’une tentation ? Une tentation n’est-elle pas la dramatisation du rapport du sujet à l’objet de son désir — quand le désir est vécu comme une épreuve? Épreuve de la béance et du vertige face à ce qu’on est tout près de voir s’ouvrir, qui est presque déjà à portée de main, si ce n’était l’anticipation de l’abîme qui nous en sépare? En cela, une tentation est aussi une séduction — dans le sens de seducere : « tirer de côté, enlever, écarter du chemin initial ». Puissance d’arrachement et de détournement, il semble qu’une tentation s’éprouve chaque fois comme le drame d’un désir que l’on devine promis à un avenir incertain, et qui se poursuit en imagination avec des implications inattendues. « Entrer en tentation », autrement dit hésiter, tergiverser face à son propre désir, suppose bien qu’il y ait un prix à payer, et sans doute à craindre. C’est pourquoi les registres de l’interdit, de la transgression et de la faute se dessinent traditionnellement à l’horizon de toute tentation. En effet, à travers ce paradigme moral du désir se donne toujours à lire la question de la responsabilité humaine dans le choix, ou le risque, qui consiste à franchir le pas pour y succomber, ou non. De là, bien sûr, on peut envisager tous les scénarios. Il y a ceux où triomphe la loi, capable de contenir la tentation ; et il y a ceux où l’on s’abîme dans une jouissance au-delà de la tentation : jouissance coupable et parfois sublimement transgressive.
On le sait, le drame de la tentation a longtemps fait surgir le masque du démon. Combien à cet égard apparaît déterminant le passage des Évangiles synoptiques où l’ange précipité dans l’abîme apostrophe par trois fois Jésus tenaillé par la faim. Comme si, à l’heure de penser l’alternative entre satisfaction et renoncement, désir et volonté, l’autre diabolique s’avérait un mal nécessaire. Ce dont toute l’histoire occidentale vient témoigner, depuis les ermites et les saints tourmentés au désert jusqu’au pacte faustien et aux obsessions plus pernicieuses du démon intérieur. Or la littérature n’est pas étrangère aux multiples prolongements narratifs et figuratifs de l’épisode biblique. Sans doute faut-il y voir le lien particulier qu’entretient celui-ci avec le champ de la parole et de l’écriture. Car c’est par sa parole que le Malin vient séduire le futur Messie, alors que c’est en s’appuyant sur sa connaissance des textes et sa stricte observation de la Loi écrite que ce dernier lui répond et le chasse.
Ce colloque voudrait donc saisir comment la littérature et la psychanalyse donnent à penser le drame du désir et l’invention des sorties possibles vis-à-vis des impasses de la tentation. Sorties qui ne sont pas seulement des victoires sur un désir enfin apaisé, mais qui bien souvent se donnent pour des victoires paradoxales, sonnant comme autant de chutes et d’égarements. Lorsque la tentation vient désigner la part obscure que recèle le désir ; une part tour à tour fascinante et affolante, au point d’en rechercher la cause dans un autre tentateur, qu’on l’imagine au dehors ou en soi-même. De sorte que la tentation parle toujours d’un désir divisé, dichotomique ; d’un écart entre le désir et son assouvissement, entre le sujet et son propre désir ; si ce n’est un écart qui scinde le désir lui-même : écart qui n’est peut-être en définitive que le signe de la division subjective à laquelle chacun ne cesse de se mesurer. Quelles formes empruntent la tentation pour dire l’abîme du désir? Qu’est-ce que cela implique de penser la tentation entre jouissance et angoisse, transgression et culpabilité? Dans quelle mesure le drame de la tentation ouvre à une poétique de la séduction? Quels rapports se dessinent entre la parole et le diabolique, l’écriture et la conscience? Telles sont en partie les questions auxquelles ce colloque voudrait inviter à réfléchir.
Les propositions de communication (entre 300 et 500 mots), accompagnées d’un titre et d’un court curriculum vitae, doivent parvenir avant le 1er novembre 2019 à l’adresse suivante : colloque.tentation@gmail.com Les frais de séjour et de déplacement ne pourront pas être pris en charge, mais les repas en journée seront offerts aux intervenants.
Organisateurs : Martin Hervé (UQAM) et Alexis Lussier (UQAM)