Appel à communication
Identités dissimulées. Le voyage anonyme dans les sociétés anciennes et modernes
Colloque international du Centre de recherches interdisciplinaire en histoire, histoire de l’art et musicologie (CRIHAM, Universités de Limoges et de Poitiers)
FLSH, Université de Limoges, les 24-25 NOVEMBRE 2016
Présentation
Le voyage anonyme constitue un topos bien répandu dans la littérature de voyage, dénotant une pratique qui a probablement existé à toutes les époques. Toujours est-il que cette dernière, de même que son « reflet » littéraire, n’ont guère fait l’objet d’une analyse systématique. Leur étude en vaudrait pourtant la peine. En dépassant le caractère anecdotique attaché trop facilement à cette thématique, il s’agirait d’interroger celle-ci sur tout ce qu’elle enseigne – dans les situations historiques les plus diverses – sur les pratiques itinérantes. On peut en effet penser que le voyage anonyme, dans son « extravagance » même, dans son caractère liminal, constitue un vecteur significatif des conditions du voyage et des façons de percevoir et d’apprivoiser celui-ci. Le changement de nom n’est pas la seule technique à prendre en considération à ce propos. Sous le terme de « voyage anonyme », nous entendons regrouper l’ensemble des cas de figure caractérisés par des voyageurs amenés à dissimuler, temporairement, et ne serait-ce que partiellement, leur identité. Si certaines de ces constellations semblent se reproduire « à l’identique » à travers les siècles, telle la voyageuse déguisée en homme, tel le prince dissimulant son statut, le travail consistera à les situer dans leur contexte historique précis. Lors du premier âge moderne, marqué par l’émergence de plusieurs confessions chrétiennes à l’intérieur de l’Europe, les voyageurs sont sans doute nombreux à dissimuler leur appartenance religieuse lorsqu’ils quittent les limites territoriales de la leur. À d’autres occasions, à d’autres époques, les origines sociales, professionnelles, ethniques ou nationales du voyageur peuvent faire l’objet de soucis analogues. Inutile de souligner, à l’heure de l’afflux massif de réfugiés immigrants, à quel point ces pratiques sont encore à l’ordre du jour.
Le colloque se fait dans le cadre d’une interrogation plus large, menée par le CRIHAM, qui a pour objet les modalités du contact établi par les voyageurs avec le pays qu’ils parcourent, ce qui conduit à s’interroger autant sur les conditions d’accueil que sur la capacité des voyageurs à s’adapter à « l’air du pays ». Plus concrètement, le colloque prend la suite d’une première rencontre scientifique organisée en décembre 2014 et consacrée aux « Médiateurs et instances de médiation dans l’histoire du voyage ». Dans ce colloque, il s’agissait d’étudier comment et à l’aide de quelles instances, les voyageurs parviennent à réduire, par avance ou en cours de route, les degrés de l’inconnu. Prendre pour objet d’analyse le voyage anonyme, c’est en quelque sorte inverser la perspective. Il s’agit de voir comment, par quels motifs et dans quelles circonstances le voyageur cherche à empêcher une pleine connaissance de son identité dans le pays qu’il parcourt. Naturellement, de telles analyses ne peuvent guère se faire sans une interrogation plus générale sur l’image que le voyageur tente de donner de lui-même – sur les stratégies du « self-fashioning », pour reprendre l’expression chère à Steven Greenblatt. Le colloque pourra donc prendre en considération non seulement la dissimulation d’identité au sens strict, certes au centre de l’interrogation, mais aussi d’autres formes d’une représentation sélective volontaire stimulée par le voyage. Phénomènes à analyser dans le contexte qui les produit, en étudiant autant les techniques employées (du travestissement jusqu’aux faux papiers) que les objectifs en jeu (de la protection de soi jusqu’à la fraude).
Le colloque cherchera à aborder ces terrains d’analyse dans la perspective d’une anthropologie historique du voyage, en rendant compte de la diversité des situations et des lieux, depuis l’Antiquité jusqu’au XXe siècle, à travers les sources les plus variées, saisies en série ou permettant l’analyse de cas particuliers. De même, l’interrogation est ouverte à d’autres disciplines, des Lettres jusqu’à l’ethnologie.
Les langues du colloque sont le français et l’anglais.
Comité scientifique :
Rainer Babel (Deutsches Historisches Institut, Paris)
Gilles Bertrand (Université de Grenoble 2)
Jean Boutier (EHESS, Marseille)
Alicia Ruiz Gutierrez (Universidad de Cantabria)
Rita Mazzei (Università di Firenze)
Dominique Valérian (Université de Lyon 2)
Sylvain Venayre (Université de Grenoble 2)
Organismes / Centres de recherche participant à l’organisation du colloque : Espaces Humains et Interactions Culturelles (E.A. 1087 EHIC), Université de Limoges ; Laboratoire Universitaire Histoire Cultures Europe Italie (LUHCIE, Université de Grenoble) ; Institut Universitaire de France (Gilles Bertrand)
Comité d’organisation :
François Brizay
Albrecht Burkardt (responsable)
Vincent Cousseau
Odile Richard-Pauchet
Merci d’adresser les propositions (d’environ 3000 signes, en anglais ou en français,accompagnées d’une fiche de présentation de l’auteur) jusqu’au 15 juin 2016 à l’ensemble des membres du comité d’organisation :
francois.brizay@univ-poitiers.fr