Tristan imitateur de Hardy, qu’il surpasse même dans l’inspiration humaniste de son théâtre en accordant à la parole lyrique une place particulièrement grande au regard de celle qu’occupe, dans le théâtre classique, l’action dramatique ; Tristan nostalgique de la comédie à l’italienne, alors que les premières pièces de Corneille en appelaient à une rénovation en profondeur du genre ; Tristan soucieux de raviver les topoï, eux-mêmes issus de la littérature ancienne, de la pastorale dramatique, celle que pratiquait, au siècle précédent, Chrestien des Croix ou Montreux : nombreux sont les commentaires qui font de l’auteur de La Mariane, de Panthée, du Parasite ou d’Amarillis un dramaturge archaïsant, le regard tourné vers les modèles, hérités de l’Antiquité, du théâtre humaniste plutôt que vers la modernité du théâtre nouveau que les partisans de la régularité ont, dès les années 1630, contribué à faire naître. Il convient, avec une plus grande objectivité, de revisiter ces lieux communs de la critique tristanienne en s’interrogeant sur la réalité des rapports de Tristan au théâtre, français ou européen, du seizième siècle : quels sont les procédés que le poète lui emprunte, dans quelles proportions, selon quelles modalités et, surtout, avec quels effets, littéraires ou spectaculaires ? Car, ne l’oublions pas, les pièces de Tristan, comme toutes celles des seizième et dix-septième siècles, sont destinées à la représentation scénique autant qu’à la lecture, solitaire ou collective. Le vif succès de La Mariane serait-il, comme le suggère Corneille dans l’un de ses Discours, un hapax, une heureuse exception en dépit de la singularité de sa construction, évocatrice d’une époque antérieure, ou n’y aurait-il pas de la part de son créateur une volonté manifeste de satisfaire les attentes du public (la mise en lumière de l’acteur chargé de porter la pièce) au moyen d’un procédé qui appartient en effet à une période révolue ? La marche de l’histoire ne coïncide en outre pas toujours exactement avec le dessin esquissé plus haut : la comédie à l’italienne connaît, après Le Parasite et peut-être sous son influence, un regain d’intérêt, tandis que la pastorale se développe de nouveau par la suite, dans le théâtre à machines et/ou en musique plutôt que dans les formes traditionnelles de la dramaturgie. Les voies d’analyse qui s’ouvrent à nous sont en fait multiples : qu’en est-il, chez Tristan et ses prédécesseurs – et lesquels ?– du traitement du personnage, de l’intrigue ou de la poésie dramatique elle-même ? L’étude du théâtre tristanien permettra plus largement de poser la question de la possible perméabilité entre les esthétiques humaniste et classique.
Les articles seront à remettre au plus tard en mars 2020 et publiés dans le numéro XLII des Cahiers Tristan L’Hermite, à paraître à l’automne de la même année
Sandrine Berrégard,
Université de Strasbourg
Source : Dramatica