Pour son onzième numéro, la revue d’études littéraires Chameaux souhaite ouvrir un espace de réflexion sur la magie et la sorcellerie, quelles qu’en soient les manifestations, dans les œuvres littéraires de l’Antiquité à nos jours. En effet, les êtres féériques, les sorcières, les mages et autres créatures fabuleuses ont été l’objet de nombreux récits fantastiques, chroniques de sorcellerie, débats religieux, contes et légendes. Ainsi, la magie et la sorcellerie tiennent une place privilégiée dans la production littéraire, donnant naissance à un ensemble de motifs, poétiques, postures, imaginaires, etc., que ce numéro propose d’explorer.
Dès l’Antiquité, la magie imprègne la réalisation d’œuvres littéraires, que ce soit par l’insertion de personnages dotés de pouvoirs (pensons à la magicienne Circée dans l’Odyssée) ou par l’invention de créatures mythiques qui interviennent dans le monde de l’homme. D’un point de vue culturel, la magie et la sorcellerie influencent pendant longtemps la manière de percevoir le monde : dans la Grèce et la Rome antiques, elles se manifestent surtout dans les récits mythologiques et recouvrent tant les actions prodigieuses des dieux et héros que les créatures comme les faunes et les sirènes, les centaures et les amazones.
Au Moyen Âge, la magie est plutôt le propre des croyances païennes dans lesquelles les mages et les druides manipulent différents pouvoirs et potions magiques, envoûtant l’imaginaire collectif. Ce dernier deviendra un terreau fertile, menant à la production d’un nombre incalculable de récits oraux et écrits qui inspirent l’invention d’êtres enchanteurs, comme Merlin, mais également féériques, Mélusine et Morgane, par exemple.
Cependant, loin d’être toujours blanche, nombreux sont les auteurs qui font de la magie un objet obscur et dangereux. Certains s’en servent comme prétexte à une condamnation, puisqu’elle devient, à la fin du Moyen Âge, mais surtout à la Renaissance, l’occasion d’une grande chasse aux « sorcières » entraînant de nombreux hommes et femmes au bûcher. Dans l’Ancien Régime, les procédés d’alchimie fascinent plus d’un écrivain et la pierre philosophale devient un motif très intrigant, comme l’avait été avant elle le Graal. Un retour à l’imaginaire médiéval permet aux Romantiques d’écrire de nombreuses œuvres gothiques où domine une atmosphère lugubre imprégnée d’éléments surnaturels. Cet imaginaire fait naître un environnement inquiétant qui inspire les grands classiques comme Frankenstein ou Dracula. Ainsi, ces manifestations qui ne semblent pas s’expliquer rationnellement en viennent à relever d’un univers énigmatique, voire magique.
Puis progressivement, magie et sorcellerie inspirent des romans de fantasy comme la trilogie The Lord of the Rings, du célèbre J. R. R. Tolkien, qui a connu un tel succès qu’elle a été reproduite au grand écran, ou plus tard, le cycle A Song of Ice and Fire, de George R. R. Martin, adapté depuis 2011 en la célèbre série télévisée Game of Thrones. Avec la saga Harry Potter de J. K. Rowling, la magie et la sorcellerie deviennent les sujets d’une réalité littéraire plus moderne, détachée de l’univers médiéval et situé dans une époque contemporaine: le Londres d’aujourd’hui.
Du côté de la littérature universelle contemporaine, notons l’influence notable du « réel merveilleux », mieux connu sous l’appellation de réalisme magique, sur la littérature hispano-américaine (G. Garcia Marquez, J. Rulfo, A. Carpentier) et caribéenne (S. Alexis, R. Depestre, J. Metellus). L’irruption sans préavis d’éléments fantastiques dans un environnement réaliste permet la coexistence du magique et du réel, qui fusionnent en une réalité plurielle. Ce courant a aussi ses assises en Orient, notamment au Japon (Yoshimoto Banana, Haruki Murakami), où le rêve est l’un des éléments magiques privilégiés. Mentionnons aussi l’importance fondamentale du surnaturel dans les contes et légendes folkloriques, d’un océan à l’autre, que ce soit dans la littérature orale ou écrite.
Toujours en gardant à l’esprit que la magie et la sorcellerie sont des éléments pluriels, qui regroupent un ensemble de motifs, de personnages ou de poétiques variés, il s’agira de montrer, pour ce onzième numéro de la revue Chameaux, de quelle(s) façon(s) elles peuvent se constituer en un enjeu littéraire à part entière. * Notez que les contributions peuvent prendre la forme d’articles critiques ou d’essais. Les propositions de contribution (300 mots maximum) sont attendues pour le 12 mars 2018. Veuillez nous les faire parvenir à l'adresse suivante : chameaux@lit.ulaval.ca. N’hésitez pas à nous écrire à cette adresse si vous souhaitez obtenir plus d’informations.
Dates importantes :
Date limite de l’envoi des propositions: 12 mars 2018
Avis d’acceptation: 6 avril 2018
Soumission des articles: 30 juin 2018
Parution du numéro 11: octobre ou novembre 2018
Membres du comité organisateur : Kim Labelle Ariane Lefebvre
Source: Fabula