Appel à communication pour un colloque prévu des 5 au 7 février 2018 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
Propositions: le 30 août 2017
La production du savoir sur l’Afrique ne fut pas laissée à la seule initiative des marchands, des missionnaires, des militaires ou des compilateurs de récits de voyage. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’Afrique et les Africains furent au cœur des préoccupations savantes aux 17e et 18e siècles. Les savants des grandes Académies européennes construisaient également leur Afrique. Certes, cette Afrique ne rompait pas avec les préjugés communs de l’époque sur les Africains, mais elle a su se doter d’une existence propre, soutenue par les exigences épistémologiques de leurs disciplines. Ainsi, de la Dissertation physique à l’occasion du nègre blanc (1744) de Maupertuis aux théories de Buffon sur la couleur des Noirs (A. Curran), l’Afrique et les Africains inspirèrent toutes sortes d’échafaudages intellectuels animés par une certaine « volonté de vérité. » (Foucault)
Néanmoins, si l’attention était essentiellement retenue par cette couleur de peau dont on cherchait à expliquer scientifiquement la nature, les préoccupations ne tardèrent pas à se déplacer. Ce qui n’était naguère qu’une Afrique imaginée et théorisée allait peu à peu laisser place à une Afrique de l’exploration et de l’investigation scientifique sur place, en contact direct avec le milieu africain. Aux premières données rapportées par les « chirurgiens » – les mieux qualifiés, parmi le personnel navigant des Compagnies de commerce, pour un travail d’une telle érudition – s’ajouteront des mémoires circonstanciés de voyageurs savants formés aux méthodes d’observation scientifique.
Dans son acception la plus simple, l’Afrique des savants renvoie à une tradition d’écriture qui prétend rompre avec une Afrique imaginaire pour proposer une Afrique « concrète ». S’insérant dans le cadre européen d’une « reconversion de l’esprit scientifique » (Gusdorf, Foucault), elle tend à se construire sur l’expérience africaine de voyageurs savants et à accorder une place de plus en plus importante au quotidien des sociétés africaines. Rien de ce qui touchait la faune, la flore mais aussi les peuples, leurs langues, leurs coutumes, leurs croyances et rites religieux ne fut négligé par ces « défricheurs d’inconnu » (A. Bailly).
C’est cette Afrique à la croisée de la théorie et de la pratique scientifique occidentale que nous proposons comme objet d’étude. Dépendante d’une périodisation structurée à la fois par des mutations scientifiques et l’évolution des contextes historiques, l’Afrique des savants européens n’est pas une mais multiple. De Michel Adanson (1727-1806), considéré dans le milieu français comme le premier scientifique de formation à avoir effectué un voyage en Afrique et à s’être intéressé à tous les domaines du savoir, à Théodore Monod (1902-2000), le dernier des naturalistes voyageurs, les contextes politiques et idéologiques influent sur les motivations et les résultats de la recherche scientifique.
Bien qu’étant à l’initiative du GRREA 17/18, groupe de recherche attaché à l’étude des représentations européennes de l’Afrique aux 17e et 18e siècles, cette réflexion sous le signe de l’interdisciplinarité sera ouverte aux chercheurs en sciences et en sciences humaines spécialistes des deux siècles suivants (19e et 20e siècles). Les aires géographiques étudiées couvriront spécialement les champs francophones, anglophones et lusophones.
Les propositions de communication pourront s’insérer dans l’un des quatre axes d’étude suivants :
I- La formation des savants européens
- Quelles sont les catégories de savants qui se sont partagées le champ de la construction du savoir sur l’Afrique ?
- Quelles étaient leurs principales motivations ?
II- Les canaux d’information des savants
- L’information de première main : les lettres et notes de terrain du voyageur savant.
- L’information de seconde main : les récits de voyage imprimés ou informels (comptes rendus, cours, communications manuscrites)
- L’information de troisième main : les collections de récits de voyage.
III- Les canaux de diffusion du savoir savant
- Les Académies des Sciences en Europe.
- Les journaux savants.
- Les musées (Les muséums d’histoire naturelle et les cabinets de curiosités).
- Les freins à la diffusion du savoir.
- Science et colonisation.
IV- Quelles connaissances sur l’Afrique peut-on aujourd’hui tirer de cette littérature savante ancienne ?
- En matière d’histoire naturelle (faune, flore…)
- … d’histoire culturelle (langues, mœurs…)
- … d’histoire des religions (pratiques religieuses et cultuelles, polythéistes et monothéistes)
- … d’histoire politique et économique (l’évolution et la dissolution des grands Empires, les guerres de succession, les guerres et coopérations économiques)
Les propositions de communication (en français ou en anglais), d’une longueur de 500 mots au plus, suivies d’un court Curriculum Vitae, seront à adresser au plus tard le 30 août 2017 à David Diop diop.david@wanadoo.fr et à Ousmane Seydi ousmane.seydi@unibas.ch
Comité scientifique du colloque L’Afrique des savants européens (17e-20 e siècles) :
Sylviane Albertan-Coppola (Université d’Amiens, France), Mamadou Ba (Université Cheikh Anta Diop, Sénégal), Alia Baccar (Académie Beït El Hekma, Tunisie), Isabelle Charlatte Fels (Université de Bâle, Suisse), Andrew Curran (Wesleyan University, Etats-Unis), Hélène Cussac (Université de Toulouse, France), Catherine Gallouët (Hobart and Willliam Smith Colleges, États-Unis), Patrick Graille (Wesleyan University, Paris, France) Françoise Le Borgne (Université de Clermont-Auvergne, France), Nicolas Malais (Libraire de livres anciens, Paris), Jean Moomou (Université des Antilles, France), Claudia Opitz-Belakhal (Université de Bâle, Suisse), Ibrahima Thioub (Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Sénégal) Izabella Zatorska (Université de Varsovie, Pologne), Roberto Zaugg (Université de Lausanne, Suisse).
Une journée de travail préparatoire au colloque de Dakar, rassemblant les membres du comité scientifique, est prévue le 7 novembre 2017 à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour.