Journées d'études
Universität Paderborn
21-22 mars 2019
Dans le cadre de la naissance du théâtre moderne en France au début du XVIIe siècle, Georges de Scudéry est aujourd’hui le plus souvent réduit à sa participation plutôt mal comprise à la Querelle du Cid. Cependant, on lui doit sans aucun doute le mérite qu’il a fourni à cette époque quelque chose de prépondérant qui va loin au delà de cette position tant dans le domaine de la pratique que de la critique théâtrales. Ses pièces, que ce soient la tragédie, la tragicomédie ou la comédie, sont non seulement promues dans une mesure significative par Richelieu dans les années 1630 et débuts des années 1640, mais ont aussi un grand succès auprès du public et de la critique contemporaine. Faisons dans ce cadre seulement référence au Discours de la tragédie de Jean-François Sarasin qui apparaît comme préface dans la publication de la tragicomédie de Scudéry ayant le plus grand succès, L’Amour tyrannique (1640). Ce succès contemporain de Scudéry n’est pas seulement en contradiction avec sa réception à partir du milieu du XVIIe siècle qui voit en lui un critique vain et démesuré, concurrent envieux de Corneille qui, en raison de son manque de qualités, a été battu par celui-ci à tous égards dans le domaine du théâtre.
Néanmoins, le succès de Scudéry dans les années 1630 et débuts des années 1640 exige justement de poser la question de savoir quelle conception du théâtre il fournit à la discussion dans ses pièces de théâtre, mais aussi dans ses écrits théoriques; et lié à cela, comment la situation de concurrence entre Scudéry et Corneille, mais aussi entre les autres auteurs à succès contemporains tels que Rotrou, Mairet etc. peut être comprise. À travers cela, il est possible d’avoir non seulement une description plus précise de la position de Scudéry dans le paysage théâtral de son époque, mais aussi une meilleure compréhension de la naissance de la tragédie française entre 1630 et 1650. Si l’on considère comment la nouvelle recherche dans les dernières deux décennies a fait ressortir que la tragédie française du XVIIe siècle est conçue par La Mesnardière, Corneille et Scudéry de manière dominante comme tragédie de l’amour voire comme tragédie d’amour (Georges Forestier), il se posera la question fondamentale de savoir quel modèle de la tragédie de l’amour est présenté par les auteurs respectifs. Premièrement, cette question tout à fait simple trouve ensuite sa signification particulière si l’on considère qu’à cette époque, la galanterie et l’esthétique galante se constituent à tel point de sorte qu’on se demandera de quelle forme d’amour il est question dans les pièces: l’amour entre partenaires ou l’amour familiale tel qu’il est le cas dans L’Amour tyrannique ou dans Didon (1637)? Il se pose alors la question quels modelages des pièces de Scudéry sont disponibles et comment ceux-ci se relient avec les modelages des autres poètes de l’époque, de sorte qu’un regard plus précis sur l’enfance du théâtre moderne en France en 1640 devient possible (Louvat-Molozay).
Pourtant, le choix dominant du genre de la tragicomédie est à discuter en particulier vu que de son côté, Scudéry se réfère à la conception de ce genre par Robert Garnier, qui marque le début de la tragédie de l’amour française à la fin du XVIe siècle. Néanmoins, il faudra se demander en poursuivant, comment la tragédie, la tragicomédie et la comédie se situent les unes aux autres dans la pratique théâtrale, mais aussi comment leur relation est justifiée dans les écrits théâtraux. C’est bien connu que Sarasin conçoit la tragicomédie L’Amour tyrannique de Scudéry comme une tragédie. Deuxièmement, on pourrait se demander comment l’amour sacré et l’amour profane se lient dans la tragédie de l’amour, ce qui est de la plus haute importance dans le contexte historique du théâtre saint, non seulement dans l’histoire du théâtre, mais aussi dans l’histoire culturelle de celui-ci. Troisièmement, il faudra enfin aborder la question de savoir quels concepts principaux doivent être discutés et mis en avant en ce qui concerne la conception de la tragédie de l’amour scudérienne, que ce soit par lui-même dans ses écrits théâtraux critiques, ou alors dans les discussions à propos de ses oeuvres ou les oeuvres des autres. Cependant, il faut poursuivre en se demandant comment il saisit le lien entre la matière – historique où mythologique – et le genre – tragédie, tragicomédie et comédie – et par ce biais quel statut les sources respectives prennent pour les modelages fournis dans les pièces de théâtre. En l’occurrence, il faudra de surcroît considérer l’alternance des modèles épiques ou bien romanesques et les réalisations ou transformations dramatiques. Cette alternance engendre à son tour les modelages de Scudéry comme le démontre Didon.
Dans ce contexte sont souhaitées des contributions qui, d’une part, font ressortir à l’aide ou à travers des analyses exemplaires les drames de Scudéry qui sont à la base de la compréhension générale du drame de celui-ci, mais justement aussi, quelle conception théâtrale Scudéry poursuit avec ses oeuvres dans le cadre de la naissance du théâtre moderne en France. Une attention particulière sera portée sur la question de savoir comment ses pièces sont intégrées dans la galanterie contemporaine naissante voire dans l’esthétique galante. D’autre part, des contributions sont souhaitées qui se focalisent sur Scudéry en tant que critique du théâtre – soit sur Les Observations sur le Cid, soit sur L’Apologie du théâtre ou sur d’autres critiques – et qui examinent aussi bien le rapport entre la pratique et la critique théâtrales scudériennes que la compréhension du théâtre et la conception du genre telles qu’elles se manifestent dans ces écrits.
Enfin, l’intérêt des journées d’études est de répondre à la question comment comprendre la relation de l’écriture romanesque et théâtrale qui, dans le sens historique, peut être perçue comme modelage polygraphique des histoires ou qui, dans le sens moderne, considère la question d’une écriture transgénérique. En outre, on pourra continuer en abordant la question de savoir quelles conséquences résultent de cette relation pour la compréhension des concepts tels que la ‚vraisemblance‘ ou la ‚bienséance‘ ou alors comment ces concepts façonnent le choix d’une matière. Évidemment, ces questions-clés reflètent une première orientation et peuvent être complétées par d’autres questions ou analyses.
Veuillez adresser les propositions de communication, comportant un titre et un résumé d’une demi-page environ, aux organisateurs (joern.steigerwald@uni-paderborn.de et hendrik.schlieper@uni-paderborn.de) jusqu’au 15 juillet 2018.
Une publication des actes des Journées d’études est prévue pour l’hiver 2019 dans les PFSCL.
Organisation: Jörn Steigerwald Hendrik Schlieper Universität Paderborn
Source: Fabula