Université de Rennes – Opéra de Rennes
26-28 janvier 2017
Désormais largement réévalué, le divertissement de cour français de la fin du XVIIe siècle n’en reste pas moins un objet complexe à aborder. En prenant comme point de départ Les Amants magnifiques de Molière et Lully (1670), qui sera redonné pour la première fois dans son intégralité depuis 1954 par la Cie des Malins Plaisirs (dir. Vincent Tavernier), l’Éventail (dir. Marie-Geneviève Massé) et le Concert Spirituel (dir. Hervé Niquet), l’université de Rennes 2, en partenariat avec l’Opéra de Rennes et le Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, souhaite proposer une rencontre scientifique pluridisciplinaire.
Le « Divertissement royal », représenté à Saint-Germain-en-Laye en 1670, est le seul spectacle de Molière conçu pour la cour et jamais repris ensuite, de son vivant, à la ville. Son faste coûteux tout autant que le caractère spécifique de ses thèmes peuvent avoir découragé la troupe de le déplacer sur la scène parisienne. Il semble en effet au premier abord dérouler un programme habituel : les divertissements chantés et chorégraphiés ornent la petite comédie galante qui conte les amours d’une princesse et d’un simple général, contrariées par des aristocrates arrogants heureusement dominés par la valeur du héros.
Mais cette œuvre délicate recèle bien des mystères : tant au plan du sujet que de la représentation scénique, Molière multiplie les jeux de profondeur, mettant en scène un amant secret, un astrologue menteur, une fausse déesse rendant un vrai oracle, faisant le choix d’une complexité herméneutique en contraste avec la transparence du divertissement. Les Amants magnifiques se révèle donc un spectacle particulièrement ambitieux, en ce qu’il joue avec les structures et les ressources du ballet de cour en en renouvelant les figures ainsi que le langage musical et chorégraphique, le portant par exemple aux limites de la démonstration athlétique. Face à son ampleur matérielle, à sa richesse sémantique et formelle, comment lui redonner vie, sans perdre de vue le public actuel, certes fasciné par la splendeur de Louis XIV, mais également bien éloigné de la magnificence et de la galanterie qui y éclatent à tout moment ? Avec les artisans de la nouvelle création, nous tenterons de réfléchir à la dimension matérielle et aux mutations des formes de la représentation visuelle entre la fin du XVIIe siècle et aujourd’hui.
Un premier questionnement concerne le cadre imaginaire et symbolique mis en place par le spectacle : le thème galant, le jardin au centre duquel trône une grotte ornée d’un automate, le système des « régals » ou divertissements offerts par les prince, le motif de la chasse et le sujet du dernier intermède qui complète la représentation d’une antiquité romanesque, autant de témoignages d’une véritable culture de cour.
Il s’agit également du dernier ballet conçu pour être dansé par Louis XIV, qui finalement n’y tint pas les rôles qui lui étaient proposés, celui surtout d’Apollon, le dieu du Soleil, censé honorer les « Jeux pythiens » qui clôturent la représentation et qui ont longtemps donné son titre à la partition composée par Lully. Traditionnellement au service du pouvoir royal, le ballet désormais associé à la comédie, accueille des personnages plus nuancés et des situations dramatiques plus complexes qu’il conviendra d’interroger, afin d’évaluer la signification politique du divertissement commandé à Molière.
On se demandera aussi quelle peut être la place de ce spectacle dans la carrière du dramaturge, entendue en tant que parcours cohérent mais aussi stratégique – quel type de représentation du rapport à la puissance du roi, monarque et protecteur du théâtre, se donne-t-il à lire ici ? Quel propos Molière tient-il et peut-il tenir ici, en rapport avec les préoccupations dont témoigne l’ensemble de son œuvre ?
Nous souhaitons également réfléchir à la dimension concrète du spectacle, dans tous ses aspects : que voyaient les spectateurs du XVIIe siècle (costumes, décors), comment pouvons-nous les comprendre actuellement, peut-on reconstituer le rapport spatial, proxémique, entre les spectateurs contemporains et le spectacle ancien ? Quelles ressources chorégraphiques sont-elles pertinentes pour comprendre les « pantomimes » et les jeux des athlètes ? comment dialoguent-ils avec la « belle danse » ? quel sens physique ces différentes formes ont-elles pour les danseurs, sont-elles intelligibles pour nous ?
Enfin, à partir d’une réflexion sur l’intégrité d’un spectacle polysémique et pluridisciplinaire, on se demandera comment éditer le livret et la partition : quel sens, quels usages ?
Merci d’envoyer un résumé (maximum 500 mots) et une notice biographique (maximum 200 mots) avant le 15 juin 2016 à
Laura Naudeix : laura.naudeix@univ-rennes2.fr
Et
Anne-Madeleine Goulet : amgoulet3@gmail.com
Comité scientifique
Claude Bourqui (Université de Fribourg)
Delphine Denis (Université de Paris-Sorbonne)
Guillaume Glorieux (Université Rennes 2)
Anne-Madeleine Goulet (CNRS-CESR)
Bruce Gustafson (Franklin & Marshall College)
Rebecca Harris-Warrick (Cornell University)
Hervé Lacombe (Université Rennes 2)
Laura Naudeix (Université Rennes 2)
Timothée Picard (Université Rennes 2)
Source: Dramatica